Cruel redoux (J H Roch)

J H Roch. – Cruel Redoux. – Franklin : Autoédition, 2016. 504 pages.


Polar






Résumé : Alex et Kevin, elle 17 ans et prostituée, lui 21 ans et proxénète, déménagent dans l’historique petite maison jaune au centre du paisible village agricole de Sainte-Uralie-Springfield, à 4 kilomètres de la frontière américaine dans la province de Québec (Canada).

Leur belle chienne Labrador bat la campagne - et Alex la semelle - pendant que Kevin tente de séduire une autre fille mineure. Comme un cancer favorisé par les saisons déréglées, leur présence entraînera dans le voisinage une commotion de plus en plus étendue. La violence, le meurtre, le chantage, l’adultère, les croyances, les mensonges et la vérité se mêlent comme l’eau boueuse des ruisseaux et des fossés. Une centaine d’antagonistes, qu’ils soient morts ou survivants, du monde animal ou humain, assisteront à la perdition du village et participeront à son sauvetage inattendu, avec l'aide – ou à cause de – Greg Lauzon, inspecteur de son métier.

Commentaires : Cruel Redoux est le premier roman de cette auteure québécoise qui habite la région du Haut Saint-Laurent, à quelques kilomètres de la frontière avec l’État de New York. Un récit qui fait intervenir un grand nombre de personnages, certains attachants, d’autres détestables, dans un contexte de prostitution, de drogue et de chantage, parmi lesquels les rôles féminins occupent l’avant-scène par leur force de caractère. Particulièrement l’héroïne, Alex, en quête de libération. Sans oublier un chien qui y joue un rôle important.

Avec un suspense qui met un peu de temps à se mettre en place, parfois freiné par des descriptions et des scènes qui auraient gagné à être ramenées à l’essentiel.

Par contre, il faut reconnaître de J H Roch a su créer une ambiance crédible qui correspond bien au cadre géographique où évoluent ses protagonistes. À souligner les niveaux de langage dans un village où anglophones et francophones se côtoient. Les conditions sociales, le fanatisme religieux, les comportements libertaires, les comportements entre les gens ordinaires et les plus riches… y sont habilement dépeints dans un milieu campagnard où tous les résidents se connaissent, de la quincaillerie au dépanneur en passant par le CLSC et l’église.

Un roman bien écrit, un rythme qui s’accélère dans la deuxième partie avec l’entrée en scène de l’enquêteur Greg Lauzon, des préoccupations sociales intégrées dans un récit habilement structuré.

Ce que j’ai aimé : La thématique du roman, la localisation géographique de l’histoire et le traitement du sujet sans pudeur de la part de l’auteure.

Ce que j’ai moins aimé : Quelques longueurs qui contribuent à ralentir le rythme.


Cote : ¶¶¶

Les secrets de l'île (Viveca Stein)

Viveca Sten. – Les secrets de l’île. – Paris : Albin Michel, 2016. 430 pages.


Polar / Thriller






Résumé : Une froide journée de septembre, l'étudiant Marcus Nielsen est retrouvé mort dans son appartement de Nacka. Tout semble indiquer un suicide. Mais sa mère, convaincue qu'il a été assassiné, supplie la police de ne pas classer l'affaire.

Quand l'inspecteur Thomas Andreasson commence à enquêter, les pistes semblent mener à la base militaire de Korsö, devant l'île de Sandhamn, où le corps d'un autre homme vient d'être retrouvé. Contactée par Thomas, Nora Linde, qui passe beaucoup de temps sur l'île, essaie d'en savoir plus sur cette base fortifiée où ont été formées les unités d'élite des chasseurs côtiers. Y a-t-il quelque chose qui ne doit à aucun prix surgir au grand jour?

Commentaires : Viveca Sten est une auteure suédoise que m’a fait découvrir le directeur de la Maison de la littérature de Québec. Une belle découverte dans l’univers des polars du nord. Les secrets de l’île est son quatrième roman traduit en français. Une histoire qui m’a intéressé dès les premiers chapitres et que j’ai lue en quelques jours. Une fiction dans laquelle l’auteur alterne entre l’enquête et la vie privée de ses personnages et qui s’arrime avec des faits vécus au cours des années 80 : la formation des membres de l’unité d’élite des chasseurs côtiers.

J’ai bien aimé l’enchaînement du récit avec le journal personnel d’une des victimes du sadisme d’un certain officier, le déroulement progressif de l’enquête, l’atmosphère bien rendue, la description des lieux et des personnages. Avec une finale plutôt endiablée digne d’une production hollywoodienne (peut-être un peu exagérée, après mûre réflexion).

Le style de l’auteur fait en sorte que la lecture est agréable dans l’ensemble. Le suspense est bien mené, quoique j’ai trouvé le coupable aux trois quarts du livre. Ce qui ne m’a pas empêché d’apprécier mon expérience de lecture.

Il paraît que la recette de Viveca Sten se renouvelle peu. Je ne peux me prononcer. Mais dans ce cas-ci, cette histoire sombre, et j’oserais même dire aussi froide que le climat dans lequel elle se déroule, réussit à nous amener sur de fausses pistes tout aussi vraisemblables les unes que les autres.

En somme, un roman que j’ai beaucoup apprécié.  

Ce que j’ai aimé : L’atmosphère nordique, l’enquête qui peine à donner des résultats au gré de l’accumulation des cadavres, le rythme de l’action.

Ce que j’ai moins aimé : -


Cote : ¶¶¶¶

La demeure de l'ombre (Florence Cloutier)

Florence Cloutier. – La demeure de l’ombre. – Saint-Lambert-de-Lauzon : Éditions La Roupille, 2017. 189 pages.


Polar jeunesse






Résumé : Nouvelle maison, nouvelle école, nouveaux amis, Max, 12 ans, fils unique de parents policiers, s'ennuie souvent de sa vie d'avant. Curieux de nature et pourvu d'un imaginaire riche et singulier, Max plongera tête première dans un piège sans fin. De là suivra une série d'incidents tous aussi invraisemblables et intrigants les uns que les autres. Max mettra-t-il sa vie en péril en prenant trop de risques pour résoudre cette fameuse énigme de la demeure de l'ombre ?

Commentaires : La demeure de l’ombre, un roman jeunesse en deux parties publiées tête-bêche et complétées par une section jeux est le première fiction d’une adolescente de 14 ans de Saint-Apollinaire, un village à une trentaine de kilomètres au sud de Québec. Une étudiante en  Langue et culture internationale aime la littérature policière et fantastiques et qui a, entre autres pour loisir, l’écriture. Un rêve que la jeune fille a réalisé et dont elle a financé la coédition à partir d’une souscription pour « montrer que même les projets les plus fous sont réalisables avec de la persévérance et de la volonté ».

Son héros pourvu d’un imaginaire « riche et singulier », Max, 12 ans, fils unique de parents policiers se retrouve dans des intrigues impliquant son entourage et les membres de sa famille. Avec comme résultat deux petites histoires bien construites avec une chacune une chute, une finale, qui surprendra les jeunes lectrices et lecteurs. Le tout rédigé dans un style sans artifices et un humour qui saura plaire à la clientèle visée (9 à 12 ans).

Les jeux qui séparent physiquement les deux récits permettent de se familiariser avec le vocabulaire des enquêteurs, de tester ses capacités de limier ou de d'apprenti écrivain, de dessiner Max en se basant sur sa description dans le roman…

Une autre belle réalisation des Éditions de la Roupille qui se spécialisent, entre autres, dans la production pour la jeunesse. À noter que la couverture de première reproduit une toile de l'artiste-peintre Cyril Tremblay.

Ce que j’ai aimé : L’imaginaire de l’auteure, les personnages bien campés, les finales inattendues.

Ce que je n’ai pas aimé : -


Cote : ¶¶¶

La Louve aux abois (Daniel Lessard)

Daniel Lessard. – La Louve aux abois. – Montréal : Éditions Pierre Tisseyre, 2017. 270 pages.

Polar







Résumé : Dans le petit village de Wakefield, en Outaouais, un cultivateur trouve le cadavre mutilé et à moitié nu d'une jeune femme assassinée. Chargée de l'enquête, la sergente-détective Sophie Comtois de la MRC des Collines établit rapidement que la victime a été agressée sexuellement avant de mourir et que son meurtre succède à un autre du même genre, un mois auparavant. Peu après, la découverte d'une troisième victime confirme que les crimes sont l'œuvre d'un tueur en série, jetant dans l'émoi toute la région. Quand, avec l'aide de la journaliste Marie-Lune Beaupré, en qui les fidèles de Lessard reconnaîtront une des héroïnes de Péril sur le fleuve, Sophie soupçonne qu'un puissant ministre est impliqué dans les crimes, elle devra se battre contre des supérieurs peu désireux de s'en prendre à un politicien et mettre sa propre vie en danger pour démasquer le tueur.

Commentaires : La Louve aux abois est le troisième roman policier par Daniel Lessard. L’auteur nous plonge maintenant dans un récit plein de rebondissements où les événements se succède rapidement, peut-être trop rapidement pour ne pas affecter la crédibilité de l’histoire. Pour ne citer qu’un exemple, le policier de la Sûreté du Québec qui vient d’être nommé pour appuyer l’enquête menée par la policière municipale et qui, dès leur première rencontre, invite cette dernière à souper. Et les voilà devenus amants enquêteurs.

Bien que le propos de cette enquête soit intéressant, on y retrouve quelques invraisemblances. Comme cette policière boulimique dotée d’un estomac aux capacités illimitées qui ingurgite d’un trait des quantités phénoménales de nourriture. Ou encore cette même policière qui observe depuis la rue un véhicule stationné à reculons dans un garage et qui « écrit le numéro de la plaque sur un bout de papier », quand on sait qu’au Québec, les plaques d’immatriculation sont apposées à l’arrière des voitures !

Disons enfin que l’intégration du personnage de la journaliste de Radio-Canada dans le déroulement de l’enquête, comme dans Péril sur le fleuve que j’ai nettement préféré, donne un certain dynamisme à l’ensemble du récit. L’auteur, ex-journaliste qui connaît bien le milieu, nous démontre bien les liens d’information qui peuvent exister entre les médias et les forces policières.

Une lecture agréable, en souhaitant que, comme moi, vous ne découvriez pas qui est le tueur aux trois quarts du roman.


Ce que j’ai aimé : La dynamique du récit, la psychologie des personnages, la qualité de l’écriture, les dialogues réalistes.

Ce que je n’ai pas aimé : Quelques invraisemblances.


Cote : ¶¶

Le sang des cailloux (Pierre Laflamme)

Pierre Laflamme. – Le sang des cailloux. – Granby : Pierre Laflamme Romans, 2015. 424 pages.

Thriller







Résumé : Fadilah, jeune femme d'une grande beauté, est férue de liberté, d'égalité, d'un « islam des lumières ». Étudiante en égyptologie, elle est secrètement amoureuse de Faysal, un garçon modelé pour devenir djihadiste. Fadilah ne craint pas le regard des hommes : « Si tu veux le miel, tu souffriras la piqûre des abeilles ».

Poussé par Salîm Al Misrî, un imam autoproclamé, un fou d'Allah, Faysal se joint à la brigade Salâh Ad-dîn, qui prône l'application de la charia et le retour du grand califat.

Entre-temps, Abou Hamza, père de Faysal, ministre du Pétrole de Moubarak, octroie à Preston Colby, le PDG de MARGI, une société d'ingénierie québécoise, d'importants contrats pour le développement des champs pétrolifères égyptiens... à une condition.

Les évènements se bousculent, un autocar de touristes explose à Barcelone. Le SCRS canadien et le Mossad israélien entrent en action, au moment où sur la place Tahrir au Caire, les Égyptiens sont en voie de répudier la dictature du Président Moubarak.

Entre Le Caire et Montréal, entre Barcelone et Tel-Aviv, des hommes et des femmes vivent des trajectoires aux collisions imminentes.

Commentaires : Le sang des cailloux est le deuxième roman de Pierre Laflamme, un auteur québécois passionné par le Moyen-Orient. De prime abord, le sujet de cette fiction, inspirée de faits vécus, ne m’emballait pas. Avec une couverture de première plutôt dérangeante. Mais dès la lecture des premiers chapitres, je n’ai pu décrocher de cette intrigue savamment construite.

L’auteur connaît très bien la société musulmane d’Égypte et nous la fait découvrir au gré des événements. Salafites radicaux, corruption économique, trafic d’armes, enrôlements djihadistes, attentats, avec comme fond de décor la révolution égyptienne. Le lecteur est rapidement entraîné dans un récit qui repose sur une recherche impressionnante de la part de l’auteur. Celle d’un jeune Égyptien qui se laisse entraîner, malgré les bons enseignements de ses parents, par un adepte d’une certaine interprétation du Coran, dans une voie menant à la violence, à l’élimination des infidèles.

J’ai particulièrement apprécié les chapitres qui relatent l’embrigadement dans le camp djihadiste, à la fois comparables et complémentaires à ceux que l’on retrouve dans le roman de J.R. dos Santos (Furie divine), confirmant les méthodes employées par les groupes terroristes.

Le sang des cailloux, à la fois un thriller dont la finale est imprévisible jusqu’à la dernière phrase et histoire d’amour salvatrice contribue à une meilleure connaissance et compréhension des milieux islamiques et de l’influence de la religion omniprésente sur la famille, sur les tractations politiques, sur les collectivités parfois aux prises avec certaines contradictions de pensées et d’action.

Avec un style non complaisant, une écriture rigoureuse, un souci du détail dans les descriptions et dans les dialogues, Pierre Laflamme illustre la complexité d’un problème qui s’étend à l’échelle planétaire : la confrontation de valeurs et de croyances. D’autant plus qu’avec les événements récents à Barcelone (attentat sur les Ramblas) et les liens qu’il établit avec un groupe de Canadiens magouilleurs, l’auteur inscrit sa fiction dans une réalité très contemporaine.

Une lecture que vous ne regrettez pas et qui alimentera très certainement votre réflexion sur un sujet aussi complexe.

Ce que j’ai aimé : Le réalisme du récit par le choix et la psychologie des personnages, la qualité des dialogues et les nombreuses descriptions qui campent le récit dans des temps et des lieux bien définis.

Ce que j’ai moins aimé : -


Cote : ¶¶¶¶

Les tricoteuses (Marie Saur)

Marie Saur. – Les tricoteuses. – Montréal : Héliotrope, 2017. – 285 p.


Polar







Résumé : Il n’est pas toujours avisé de se mêler des affaires des gens puissants.

Pour avoir galamment raccompagné Patricia Fortin Rousseau dans son manoir de Cap-Rouge après une beuverie, l’ex-prisonnier Daniel Hurteloup se voit offrir un boulot de gardien de nuit chez TV6, qu’elle dirige. Comme réhabilitation, il ne pouvait rêver mieux. Mais peu après ce coup de chance, le malheur frappe : Patricia est retrouvée pendue dans le studio B. Pour la police comme pour la famille de la victime, de riches industriels à la tête de Fortin Médiacom, Daniel fait un suspect tout désigné.

Déterminée à disculper son frère, Sophie Hurteloup mène l’enquête, qui semble vouloir se transformer en leçon d’histoire : le meurtre de Patricia serait-il le contrecoup d’un conflit de travail ayant secoué l’empire Fortin quarante ans auparavant ? « Prolétaires de tous les pays, qui tricote vos chaussettes ? » La question lancée autrefois par les grévistes de l’usine de bas Forty attend toujours sa réponse.

Commentaires : Avant d’écrire ce premier roman, Marie Saur a scénarisé, en collaboration avec le bédéiste français Nylso, cinq tomes de la série Jérôme d’Alphagraph, le parcours initiatique d’un jeune garçon qui veut écrire tout en devenant libraire, dans un pays fantaisiste. Avec Les tricoteuses, elle change de registre.

L’histoire se déroule à Québec (et non pas à Cap-Rouge en banlieue de la capitale) comme pourrait le laisser croire le synopsis). Une enquête tricotée serrée, réalisée par des apprentis détectives, dans le monde des communications, en étroite relation avec le parti au pouvoir à l’Assemblée nationale. Dans une famille où tout s’achète avec l’argent : le silence, la descendance, le mensonge… La recherche de la vérité sur un meurtre qui prend racine dans un conflit ouvrier au cours des années 70, dans une manufacture de Limoilou, pendant lequel des figures féministes militantes ont tenu tête à un patron intransigeant pour améliorer leur qualité de vie au travail et sauver leur emploi.

L’auteur met en scène une panoplie de personnages, tant principaux que secondaires, qui apportent progressivement les éléments de solution à cette enquête plutôt originale. Bâtie dans le respect parfois trop rigoureux des règles de base de l’écriture romanesque et du genre polar, l’intrigue qui s’étale sur 24 chapitres est bien ficelée. Quoique, je dois avouer, mes soupçons sur le meurtrier potentiel se sont avérés au trois quarts du texte, sans par contre en deviner la raison.

Un autre excellent roman dans cette collection noire que publient les Éditions Héliotrope qui campent chaque intrigue dans une région différente du Québec.

Ce que j’ai aimé : L’originalité du récit et de la thématique qui en fait un roman à la fois policier et à caractère social.

Ce que j’ai moins aimé : La structure romanesque un peu trop académique.


Cote : ¶¶¶¶

Cinéma Royal (Patrice Lessard)

Patrice Lessard. – Cinéma Royal. – Montréal : Héliotrope, 2017. 164 pages.


Thriller






Résumé : L'ancien Cinéma Royal de Louiseville abrite aujourd'hui un centre commercial décati, et le chic Hôtel Windsor a été réduit à une misérable taverne. Jeff habite au-dessus de l'un et travaille à servir les ivrognes dans l'autre. Prisonnier d'un quotidien sans relief, il attend un miracle... qui fait son entrée au Windsor par un beau soir d'hiver : une belle Espagnole prénommée Luz, femme de l'avocat de la pègre locale et amatrice de grands vins, s'installe au bar. Comme dans les films, Jeff en tombe instantanément amoureux. Comme dans les films, elle succombe à ses avances. D'aucuns diraient que tout cela est trop beau pour être vrai...

Avec ses clins d'œil à des icônes du grand écran, Cinéma Royal se lit comme on parcourt un palais des glaces, où les visages familiers se démultiplient ou s'évanouissent sitôt qu'on croit les saisir du regard. On imagine Hitchcock en coulisse, tirant les ficelles de cette intrigue fort habile dans laquelle on peine à distinguer le rêve de la réalité.

Commentaires : Patrice Lessard est un auteur (Le sermon aux poissons - 2011, Nina - 2012, L’enterrement de la sardine - 2014 et Excellence poulet - 2015) que je viens agréablement de découvrir. Cette histoire d’un barman à la taverne Windsor de Louiseville est hallucinante et délirante, parfois même à la fois triste et drôle. Sans compter que les résidents de cette petite ville de la Mauricie qui a perdu son lustre à la suite de la construction de l’autoroute 40 en prennent pour leur rhume !

Ce petit roman qui se lit en quelques heures à peine se caractérise par le style particulier de l’auteur, avec ses dialogues dans une langue bien québécoise habilement intégrés à la narration et la profusion de détails qui émaillent le récit. Une histoire truffée de quiproquos qui amène indubitablement le lecteur à se demander si cette mystérieuse Espagnole devenue le sujet de l’heure n’est qu’illusion pour cet homme qui souhaite de se sortir d’une réalité médiocre, changer de vie. Une réponse qui, comme dans tous les films du genre qui ont été la source d’inspiration de ce talentueux auteur, n’est apportée qu’à l’avant-dernier paragraphe.

Ce que j’ai aimé : L’audace de l’auteur dans la description du milieu de vie de son personnage principal. La liste des grands vins peut-être à découvrir.

Ce que j’ai moins aimé : La longue incartade dans le scénario du film Body Double de Bryan De Palme qui ralentit quelque peu le rythme.


Cote : ¶¶¶¶

La vie rêvée de Frank Bélair (Maxime Houde)

Maxime Houde. – La vie rêvée de Frank Bélair. – Lévis : Alire, 2017. 309 pages.


Polar






Résumé : Montréal, 1942… Marié avec Simone, son amour de jeunesse, Frank Bélair est depuis peu le papa d’un charmant petit garçon mais surtout, grâce à Alan Rourke, un malfrat qui l’a récompensé pour sa loyauté dans une vieille affaire, il est le propriétaire du Blue Dahlia, le cabaret à la mode à Montréal.

Chaque soir, entre deux floor shows, il boit du whisky, accueille les clients ou expulse ceux qui sont éméchés et, en bon maître des lieux, prend son pied à souhait avec Béatrice, sa préférée du moment. La vie rêvée, quoi ! Tant qu’il paie sa cut à monsieur Rourke…

Mais en ces années de guerre, le passé vous rattrape rapidement dans la métropole du vice et Frank comprend trop tard que les ficelles qui le lient à la famille Rourke tissent autour de lui une toile solide dont il doit à tout prix s’extirper…

Commentaires : Avec La vie rêvée de Frank Bélair, Maxime Houde nous plonge dans la vie nocturne du Montréal des années quarante avec son lot de gangsters qui évoluent autour des clubs, en plein cœur du Red Light. Avec comme approche originale : de nombreuses références aux films noirs des années 40-50. Le lecteur qui s’y connaît moins dans la richesse de cette filmographie trouvera dans les notes finales de l’auteur les associations qu’il a faites avec certains personnages du septième art ainsi que ses sources d’inspiration.

L’ensemble est bien réussi avec une structure narrative qui peut, à prime abord paraître complexe, mais qui est fort efficace pour nous faire voyager dans le temps et en apprendre sur la vie du personnage principal magouilleur qui souhaite tirer son épingle du jeu. Une histoire bien ficelée, crédible, avec une finale tout à fait inattendue.

J’ai beaucoup aimé de polar que j’ai lu presque d’une traite tellement l’action est omniprésente. 

Ce que j’ai aimé : L’ambiance de l’époque, la vie quotidienne dans les bars et le personnage principal.

Ce que j’ai moins aimé : -

Cote : ¶¶¶¶

Vaticanum (Jose Rodriguez dos Santos)

José Rodrigues dos Santos. – Vaticanum. – Paris : Éditions Hervé Chopin, 2017. 633 pages.

Thriller







Résumé : Et si ce pape était le dernier ? Trois grandes prophéties annoncent sa fin et avec elle celle de l’Église catholique. Saint Malachie l’a prédit au XIIe siècle, le pape Pie X en a eu la vision en 1909, et la Vierge de Fátima l’a annoncé aux trois jeunes bergers portugais en 1917.

Alors que Thomás Noronha travaille dans la nécropole du Vatican à la recherche des ossements de saint Pierre, le pape le fait appeler dans ses appartements privés qu’il n’occupe plus que pour ses rendez-vous en journée. Il a besoin de son aide pour enquêter sur un vol commis au sein même de la Cité du Vatican.

Vingt-cinq ans après l’opération « Mains propres » qui a ébranlé la curie et les fidèles, de nouveaux documents explosifs ont disparu qui pourraient remettre en cause l’intégrité de l’Église. Historien et cryptanalyste, Thomás ne comprend d’abord pas très bien pourquoi on fait appel à lui. Il commence cependant à faire des découvertes qui mettent en cause de grandes figures de l’Histoire du XXe siècle.

Commentaires : J’ai lu tous les romans de dos Santos qui ont été publiés à ce jour. Vaticanum, le sixième, n’est pas le meilleur de cet auteur, journaliste de profession, qui s’appuie sur des faits réels – une recherche documentaire toujours impressionnante – pour camper son intrigue. Et l’auteur insiste pour mentionner que « toutes les informations historiques présentées dans ce roman sont vraies » : il s’agit là de sa marque de commerce. Avec un héros historien et spécialiste du déchiffrement de messages chiffrés ou codés. Dans le cas présent, on se croirait dans un roman de Dan Brown : une course contre la montre sur 24 heures où l’ensemble du récit peine à s’intégrer, tant cette histoire foisonne d’information.

Comme dans ses thrillers précédents, dos Santos déploie les résultats de ses recherches : ici sur les scandales financiers du Vatican qui écorchent la réputation « angélique » de certains papes, dont Jean-Paul II. Une grande portion – un peu trop longue à mon goût - du récit porte sur le dévoilement, sur plusieurs chapitres, des règles de corruption qui ont prévalu et qui prévalent peut-être encore au Vatican. Une technique narrative qui ralentit le rythme de l’intrigue avec des redites inutiles. D’ailleurs, toute cette portion du roman amène le lecteur à s’interroger à savoir où veut nous amener l’auteur. On finit par conclure que l’objectif de l’écrivain-journaliste visait davantage à informer sur les dessous financiers du Vatican en lien avec les politiciens et la mafia plutôt qu’à divertir. À ce titre, j’ai beaucoup appris sur les pratiques financières douteuses de l’institution.

Thomás Noronha est égal à lui-même : les connaissances encyclopédiques de cet esprit universel font qu’il a réponse à tout argument. Parfois un peu trop, mais on est dans une fiction : on peut tout se permettre. Quoiqu’il faudrait ne pas trop abuser de répliques insipides dans les échanges entre les personnages principaux.

Malgré tout, la structure romanesque nous entraîne en bonne partir dans une lecture palpitante. De court chapitre en court chapitre, le lecteur brûle de tourner la page pour découvrir la suite de l’aventure : Vaticanum est un roman qui se lit en quelques jours. Et la finale, quasi prévisible, est quelque peu tirée par les cheveux.

En espérant que le prochain dos Santos sera à la hauteur des publications précédentes de cet auteur que j’aime bien.

Ce que j’ai aimé : L’information historique associée au récit et les descriptions des lieux où se déroule l’enquête.

Ce que j’ai moins aimé : Les redites qui auraient pu être éliminées et qui auraient allégé le texte et accéléré le rythme du récit.


Cote : ¶¶¶

Montréal noir (Collectif)

Collectif. – Montréal Noir. – Montréal : No de série, 2017. 199 pages.


Nouvelles noires







Résumé : Une unité de lieu : Montréal… mais noir. Patrick Senécal raconte une course contre la montre, empreinte de vengeance et de culpabilité, dans les rues du centre-ville à l'heure de pointe. Marie-Claire Blais dévoile la destinée sombre de Xuan, par une nuit chaude et étouffante sur la rue Sainte-Catherine. François Barcelo dépeint une métropole enneigée, à travers une recherche macabre du lieu idéal pour se débarrasser d'un cadavre. André Truand imagine les tourments d'une jeune âme parcourant la ville d'est en ouest, en revenant sur le drame qui a mené à sa mort. Chrystine Brouillet plonge au cœur d'une enquête impliquant un chauffeur de taxi montréalais, un bébé abandonné et un junkie mort dans d'étranges circonstances. Gilles Pellerin fait chanter les vieilles pierres dans l'appartement lugubre d'un archéologue raté qui se venge sur un stagiaire de Pointe-à-Callière. André Marois place trois personnages - un taxidermiste, un propriétaire de salon funéraire et un préposé à la morgue de Montréal - devant un grave dilemme impliquant un cadavre.

Inquiétants, angoissants, parfois drôles, les auteurs nous transportent dans les rues les plus sombres de la ville. Et Montréal noir ne fait pas de quartier ...

Commentaires : De prime abord, il fait savoir qu’on est ici en présence d’un ouvrage qui avait été publié initialement en 2003 par les éditions Les 400 coups. Ce qui nous permet de redécouvrir les sept nouvelles qui y sont colligées. Parmi celles-ci, j’ai particulièrement apprécié Heure de pointe (Patrick Senécal) pour le suspense créé dès les premiers paragraphes, et ce jusqu’à la finale. J’ai aussi aimé retrouver une histoire absurde de François Barcelo, à la fois noire et rigolote intitulée Blanc comme neige. Du Barcelo à son meilleur ! Et finalement, la courte nouvelle d’André Marois, Un cadavre à la fois, une histoire bien ficelée.

Ce que j’ai aimé : La thématique montréalaise du recueil de nouvelles.

Ce que j’ai moins aimé : Des textes de valeurs inégales.


Cote : ¶¶

Crimes au musée (Collectif sous la direction de Richard Migneault)

Collectif sous la direction de Richard Migneault. – Crimes au musée. – Montréal : Druide, 2017. 345 pages.


Nouvelles noires







Résumé : Peut-on imaginer des crimes dans des lieux de culture, d’histoire et de conservation que sont les musées ? Absolument ! En réunissant des auteures de part et d’autre de l’Atlantique, Richard Migneault offre un tour d’horizon du polar au féminin, à la fois délicieux et déstabilisant.

Les dix-huit écrivaines réunies relèvent le défi de s’approprier ces lieux où le calme règne et en font, chacune à sa façon, la scène d’un crime. Elles dénaturent ce monde de tous les imaginaires en transformant les œuvres qui s’y trouvent en témoins de la violence, de l’horrible et du machiavélique. Crimes d’honneurs, meurtres passionnels, vengeance, copie meurtrière d’une œuvre d’art… Qu’on soit simples visiteurs, touristes ou gangsters aux mains rougies par le sang, tous les coups sont permis.

Commentaires : Les maisons d’édition n’acceptent pas facilement la publication de recueils de nouvelles. Avec des auteurEs de qualité, Richard Migneault vient de réussir un triplé qui fait mentir cette assertion. Après Crimes à la librairie et Crimes à la bibliothèque, voici qu’il nous propose ces crimes au musée publiés simultanément ou presque (le Québec a dû patienter quelques semaines) des deux côtés de l’Atlantique. Dix-huit auteures et autant de courts récits, certains plus efficaces que d’autres.

De premier abord, ces nouvelles noires dans le milieu des arts s’inscrivent dans la foulée de celles associées au monde littéraire que j’avais lues avec beaucoup de plaisir.

Une nouvelle est, par définition, un récit plus court que le roman, de construction dramatique simple, mettant en scène peu de personnages. Ceux-ci se doivent être crédibles et l’auteur doit les faire évoluer dans des décors authentiques, parfois dans des scènes d’action enlevantes et, dans la littérature de genre qu’est le polar, avec une finale dramatique inattendue. En quelques pages, une trame fictionnelle efficace, intrigante, émouvante, voire drôle et imaginative, qui débouche sur la pleine satisfaction du lecteur amené, parfois, à ne découvrir le pot aux roses que sur les derniers mots du dernier paragraphe.

Crimes au musée regroupe près d’une vingtaine de courts textes qui répondent à ces critères, en tout ou en partie, à des niveaux variables. Parmi ceux-ci, mes coups de cœur :

Mobsters’ Memories, d’Andréa A. Michaud, un carnage drolatique au cœur d’un musée américain, remporte la palme. Le second linceul d’Ingrid Desjours, où l’essentiel de l’action se déroule derrière un rideau de velours rouge. La vieille, de Martine Latulippe : très court texte fort émouvant. Renaissance, de Nathalie Hug : quand le mensonge justifie le crime. La mort à ciel ouvert, de Florence Meney et sa finale inopinée. Le retraité, de Marie-Chantale Gariépy et son musée qu’il vaut mieux ne pas visiter.

Avec une mention spéciale pour La mystérieuse affaire du codex maya, de Stéphanie de Mecquenem, qui nous plonge efficacement, en 13 pages, dans l’univers romanesque d’Agatha Christie.

À vous maintenant de créer votre propre palmarès en fonction de vos attentes.

Mentionnons enfin que la formule imaginée par Richard Migneault est originale : le milieu culturel comme vecteur de crimes plus ou moins sordides. Elle contribue très certainement à mieux faire connaître la littérature « polardienne » et noire auprès d’un lectorat à conquérir. Et à découvrir de nouveaux auteurs. Pour rester dans la même veine, à quand des crimes dans les archives, au théâtre, dans le monde du spectacle… pour compléter le tableau ?

Ce que j’ai aimé : La grande variété des récits et la haute qualité littéraire de chaque texte. L’universalité des thèmes abordés.

Ce que j’ai moins aimé : -

Cote : ¶¶¶¶

À qui la faute ? – Une enquête de Maud Graham (Chrystine Brouillet)

Chrystine Brouillet. – À qui la faute ? – Une enquête de Maud Graham  – Montréal : Druide, 2017. 381 pages.


Polar







Résumé : Ils se connaissent depuis longtemps. Leurs enfants font du sport ensemble. Toutefois, si la vie de famille les réunit, des liens pernicieux se sont tissés entre certains… qui les désuniront au fil d’événements tragiques ayant pour point de départ un incident à l’aréna. Mais est-ce bien ce moment qui a tout fait basculer ? Plusieurs dangers ne les menaçaient-ils pas déjà, larvés dans leurs existences en apparence tranquilles ? C’est ce que Maud Graham et ses enquêteurs de Québec devront fouiller pour comprendre comment le drame a pu frapper avec autant de force ces familles qu’on aurait dites sans histoire…

Des secrets dévoilés, des trahisons, des innocents qui s’accablent de reproches, alors que des coupables nient leur responsabilité… Une intrigue inattendue et poignante, dénouée par la rigueur et la sensibilité de Graham et de son équipe.

Commentaires : Le personnage fétiche de Chrystine Brouillet, Maud Graham, est de retour. Dans un récit qui se déroule, en partie, dans le milieu des arénas et de la compétition sportive, le monde des jeunes adolescents poussés à la performance extrême par leurs parents. Une thématique originale pour y camper une enquête policière sur une série de morts suspectes.

Petit conseil avant d’en commencer la lecture : sachez que l’auteure nous plonge dans un univers aux multiples personnages. Dès la première page, dressez progressivement un tableau pour y départager les différents protagonistes qui s’ajoutent de chapitre en chapitre : il vous sera plus facile de suivre l’action en vous y référant, sachant qui est le conjoint ou la conjointe de qui, qui est l’enfant de qui, qui est le frère ou la sœur de qui, qui couche avec qui, qui est l’ami de qui, qui fréquente qui…? J’ai regretté de ne pas l’avoir fait : j’en ai arraché jusqu’à un peu plus de la moitié du roman où le scénario prend vraiment son élan.

Il y a deux enquêtes dans ce polar : la principale concernant le milieu familial et sportif qu’il m’a été difficile de localiser physiquement dans la ville de Québec; la parallèle, celle qui semble secondaire, portant sur une série de viols commis dans le quartier Limoilou. Et vous devinez qu’il y a un lien entre les deux à un point tel que c’est la solution de la deuxième enquête qui met un point final à la première, de manière plutôt abrupte, à mon point de vue. Dans les dernières pages, comme c’est généralement le cas dans tout bon polar qui se respecte. Jusqu’à un certain point, j’en suis resté sur ma faim dans le dénouement tragique de cette affaire qui a très certainement eu un impact sur les relations entre les différentes familles sur lesquelles s’était longuement attardée l’auteure.

Dans un autre ordre d’idée, je ne peux passer sous silence une invraisemblance « géographique » évidente pour qui connaît certains quartiers de la ville de Québec : cette traque, par une froide soirée d’hiver, de Mylène, pour découvrir où demeure Tom, qui la conduit à pied de la 10e rue à Limoilou jusqu’aux habitations du Quai Saint-André dans le Vieux-Port. Un périple à pied d’environ trois kilomètres qui m’a semblé extrême pour une adolescente de son âge !

En conclusion, À qui la faute ? est un roman que j’ai trouvé somme toute intéressant, avec une Maude Graham toujours aussi perspicace et pour qui on ouvre même un restaurant généralement fermé un lundi soir afin de satisfaire ses découvertes culinaires !

Ce que j’ai aimé : Les points de repère (rues, bars, parcs) dans le quartier Limoilou, quartier de mon enfance. Le rythme accéléré dans les derniers chapitres. Les hypothèses contradictoires des enquêteurs jusqu’à la découverte de la solution.

Ce que j’ai moins aimé : J’aurais condensé davantage la première partie qui présente les liens qui unissent ou désunissent les différentes familles et fourni davantage de réponses demeurées en suspens, dans la finale, sur les conséquences de l’arrestation du meurtrier sur ces interrelations.

Cote : ¶¶¶¶


Jusqu'à l'impensable (Michael Connelly)

Michaël Connelly. – Jusqu’à l’impensable. – Paris : Calmann-Lévy, 2017. 388 pages.


Polar







Résumé : Harry Bosch, retraité du LAPD malgré lui, tente de tuer le temps en remontant une vieille Harley lorsque Mickey Haller, son demi-frère avocat de la défense, lui demande de l’aide. Il ne voit en effet que Bosch pour l’aider à innocenter Da Quan Foster, un ex-membre de gang accusé d’avoir abattu à mort la directrice adjointe des services municipaux de West Hollywood. Même si la preuve est accablante, Haller en est sûr, son client est innocent. Dilemme pour Harry ! Passer du côté de la défense quand on a travaillé avec passion pour la police de Los Angeles toute sa vie ? Tout simplement impensable.

Commentaires : D’entrée de jeu : du bonbon ! J’ai lu tous les romans de Michael Connelly qui ont été publiés, en français, sur papier. Jusqu’à l’impensable est très certainement un de mes préférés. Il met en scène les deux demi-frères, l’un avocat et l’autre ex-policier, qui unissent leur perspicacité afin de résoudre une affaire, somme toute, assez complexe. Connelly maîtrise les tenants et aboutissants du système judiciaire américain, plus particulièrement de celui de l’état de la Californie, de l’univers des avocats et de leurs manigances pour remporter leurs causes et, évidemment, des enquêtes policières. Et ce roman n’échappe pas à cette caractéristique qui crédibilise chacune des enquêtes de Mickey Haller et de Harry Bosch.

Jusqu’à l’impensable est, ce qu’on appelle un polar captivant (en anglais, on dirait un « page turner », expression pour laquelle il n’existe pas d’équivalent en français). La cause est perdue à l’avance, Bosch ne veut pas franchir la ligne jaune et passer du côté de la défense, mais si l’accusé l’est injustement, il justifiera sa décision dans son désir de justice et d’identifier le véritable coupable.

Je l’ai mentionné précédemment, Harry Bosch est un policier à la démarche rigoureuse qui ne laisse de côté aucun élément qui puisse faire progresser son enquête. Pourtant ici, je me demande pourquoi, vers le milieu du récit, il n’a pas fait une vérification auprès du principal intéressé à propos d’un certain préservatif ? Une petite faiblesse pardonnable dans l’intrigue. Aussi, comment se fait-il que des communications soient si déficientes du côté de l’accusation qui ne semble pas au fait des derniers documents que lui a transmis la défense ? Mais bon, ces détails ne gâcheront nullement votre plaisir de tenter de dénouer cette affaire, les indices s’accumulant progressivement jusqu’à la conclusion finale. Un classique dans cette littérature de genre.

Un incontournable pour les amateurs de polars en souhaitant que Michael Connelly, en nomination pour le Prix international décerné par la Société du roman policier de Saint-Pacôme, en collaboration avec les libraires indépendants du Québec, en soit le récipiendaire.

Bien hâte de découvrir la nouvelle série qui mettra en vedette Renée Ballard, une jeune détective qui doit faire ses preuves au LAPD.

Ce que j’ai aimé : Tout, de la première à la dernière page.

Ce que j’ai moins aimé : -


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En ces bois profonds (François Lévesque)

François Lévesque. – En ces bois profonds. – Montréal : Tête [Première], 2017. 187 pages.


Thriller







Résumé : Une adolescente née dans d’étranges circonstances est entraînée par sa mère dans un hameau reculé au cœur de la forêt boréale. Rivière-aux-Hiboux : lieu honni qui fut le théâtre d’une secte dont la plupart des membres sont morts plusieurs années auparavant dans un suicide collectif. Après le décès de sa grand-mère, cette jeune femme devient l’une des deux dernières survivantes de cette secte, et l’héritière de la maison familiale où tout a commencé.

Une descente infernale dans les méandres de la folie. Ici, les croyances l’emportent sur la raison et les légendes autochtones s’entremêlent aux aspirations messianiques d’un certain Nicolas Jones, guérisseur patenté et gourou.

Commentaires : C’est le premier roman de François Lévesque que je lis. Critique de cinéma, cet auteur a à son actif quelques polars, romans noirs et d’épouvante. Ici, on est en présence d’un « thriller fantastique atmosphérique » ou d’un « thriller rural » comme le qualifient certains lecteurs.

Écrit à la première personne, ce suspense est fort bien ficelé. Le lecteur est amené à découvrir progressivement l’univers inquiétant et les affres de la vie quotidienne d’une jeune fille de 17 ans qu’elle enregistre dans un journal qu’elle tient à jour. Solitaire, tourmentée et introvertie, victime de « danses du diable », crises d’épilepsie passagères, à la recherche des circonstances non moins nébuleuses et du « pays » de sa conception.
Adolescente physiquement défavorisée, en conflit avec sa mère « ni vraiment danseuse, ni vraiment serveuse » dans un bar montréalais qui s’offre des extras en ramenant régulièrement des hommes à la maison.

Sur fond de légendes amérindiennes à propos d’un lac fictif, le lac Misiginebig habité dans un serpent mythique, mère et fille s’y retrouvent après la mort de la grand-mère qui, dans son testament, a planifié ce retour. Consanguinité, délires mystiques, secte messianique dirigée par un gourou tout droit sorti du Nouvel Âge... tous les méandres de la folie, au détour des sentiers sombres de la forêt qui mènent au rivage du lac maléfique.

En ces bois profonds est un court roman avec lequel il est impossible de faire de longues pauses de lecture : la fin d’un chapitre en appelle un autre. Impossible de décrocher d’un texte incrusté d’images fortes telles que la mise bas de cette couleuvre verte avec l’association des couleuvreaux naissants avec les caillots des menstruations de l’adolescente, pour ne mentionner que celle-là.  Un récit qui précipite le lecteur dans les méandres de la folie et qui vous fera frissonner dès les premières pages « Tapi sous la brume, tapi sous l’eau dormante…quelque chose… Quelque chose d’enfoui. » Le monstre du lac, le père, le serpent …et en finale, « ... l’horreur sans nom ».

Ce que j’ai aimé : La forme bien adaptée au récit : paragraphes composés le plus souvent d’une courte phrase, tout au plus de deux ou trois.

Ce que j’ai moins aimé : En fait, je me suis demandé pourquoi, dans sa narration, le personnage insiste pour définir certains termes soi-disant abscons qu’elle utilise. Il faudrait que l’auteur s’explique, considérant que la clientèle visée par ce roman est adulte.


Cote : ¶¶¶¶¶

Red Light T.2 Frères d’infortune (Marie-Ève Bourassa)

Marie-Ève Bourassa. – Red Light T.2 Frères d’infortune. – Montréal : VLB éditeur, 2016. 374 pages.


Roman noir







Résumé : Près de deux ans après les événements d’Adieu, Mignone, Eugène Duchamp dépoussière à nouveau son costume de détective privé. Cette fois, il part à la recherche d’une adolescente de bonne famille, disparue alors qu’elle était venue faire la noce dans les quartiers chauds de Montréal. Des tripots du Red Light aux clubs noirs de la Petite-Bourgogne, Duchamp suit la piste d’un dangereux proxénète, accompagné bien malgré lui dans son enquête par la sœur de la disparue, une séduisante pimbêche. Pour ne rien arranger, un ancien collègue policier qu’il avait contribué à faire mettre derrière les barreaux vient d’être libéré.

Commentaires : Comme l’indique la quatrième de couverture, le « deuxième tome de la trilogie Red Light ouvre grand les portes du Montréal interlope des années folles, où les marchands de vices, divisés en deux clans puissants, se livrent une guerre de territoire sans merci. » Il s’inscrit dans la suite logique de la première enquête d’Eugène Duchamp qui, même si elle fait intervenir deux ou trois nouveaux personnages, nous replonge dans une époque noire de l’histoire de Montréal. En poussant un peu plus loin les descriptions des lieux de perdition encore plus sinistres.

Les commentaires publiés antérieurement concernant la première partie de cette trilogie s’appliquent : intrigue bien ficelée avec un dénouement inattendu, crédibilité de l’ensemble du récit, bon rendu de l’atmosphère glauque des bars, des cabarets et des bordels, des rivalités de gangs (italiens, chinois, juifs), des complots crapuleux entre malfrats…

Hâte de lire le dernier volet qui s’intitulera Le sentier des bêtes.

Ce que j’ai aimé : Tout.

Ce que j’ai moins aimé : -


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Bandini (John Fante)

John Fante. – Bandini. – Paris : Christian Bourgeois éditeur, 1985. 267 pages.


Roman







Résumé : Arturo Bandini est un gamin criblé de taches de son et couronné d’une tignasse en colère. Un râleur, désolé d’être le fils d’une mère passivement amoureuse et bigote et d’un père maçon, violent, incertain et cavaleur. Amoureux d’une étoile filante et indifférente, sa petite camarade de classe à la santé fragile, haï par ses maîtres et pairs, Arturo passe son temps à détruire d’une main ce qu’il a construit de l’autre. Bon et méchant, généreux et voleur, il est à la fois la glace et le feu, la tendresse et la rancœur.

Commentaires : Je ne connaissais pas John Fante (1909-1983), ce fils d’immigrant italien romancier, essayiste et scénariste américain. C’est un ami Facebook de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, qui anime un blogue littéraire (Francksbooks), qui m’a fait découvrir son premier roman paru en 1938, en m’en recommandant la lecture. Et quelle découverte !

Récit « autobiographique romancé » d’un jeune italo-américain qui aspire à devenir un vrai américain, né au mauvais endroit, dans un Colorado aux hivers rigoureux, dans la mauvaise famille, et dont le triste sort semble scellé dans une existence miséreuse. Comment rester insensible aux descriptions du quotidien de ce jeune garçon ambivalent qui, pour donner un sens à sa vie, ment à son entourage et se ment à lui-même.

Dans Bandini, John Fante a eu le grand talent de décrire, avec un réalisme cru, un ensemble de personnages, certains plus attachants les uns que les autres, qui évoluent dans le misérabilisme quotidien d’une certaine couche de la société américaine issue de l’immigration qui ne semble avoir d’autre issue que sa pérennisation.

Et comme le qualifiait sur son blogue, Frank Chanloup, le 13 juillet 2017, ce roman a été « écrit avec le cœur et les tripes, tourbillon mené d’une main de maître par un auteur qui n’a jamais peur de l’émotion où l’énergie du désespoir et la rage de vivre sont présentes à chaque page, où les relations familiales sont disséquées avec une acuité exceptionnelle. »

En souhaitant que ces commentaires vous convainquent, vous aussi, de découvrir l’univers de John Fante.

Ce que j’ai aimé : La forme et l’ambiance générale du récit. Le style et la qualité de l’écriture de Fante. L’émotion qui se dégage des situations et des dialogues.

Ce que j’ai moins aimé : -


Cote : ¶¶¶¶