La disparition de Stephanie Mailer (Joël Dicker)


Joël Dicker. – La disparition de Stephanie Mailer. – Paris : Éditions de Fallois, 2018. 635 pages.



Polar






Résumé : 30 juillet 1994. Orphea, petite station balnéaire tranquille des Hamptons dans l’État de New York, est bouleversée par un effroyable fait divers : le maire de la ville et sa famille sont assassinés chez eux, ainsi qu’une passante, témoin des meurtres.

L’enquête, confiée à la police d’État, est menée par un duo de jeunes policiers, Jesse Rosenberg et Derek Scott. Ambitieux et tenaces, ils parviendront à confondre le meurtrier, solides preuves à l’appui, ce qui leur vaudra les louanges de leur hiérarchie et même une décoration.

Mais vingt ans plus tard, au début de l’été 2014, une journaliste du nom de Stephanie Mailer affirme à Jesse qu’il s’est trompé de coupable à l’époque.

Avant de disparaître à son tour dans des conditions mystérieuses.

Qu’est-il arrivé à Stephanie Mailer?
Qu’a-t-elle découvert?
Et surtout : que s’est-il vraiment passé le soir du 30 juillet 1994 à Orphea?


Commentaires : Joël Dicker est un écrivain suisse qui ne fait pas l’unanimité. Encensé par certains, décrié par d’autres. Personnellement, je me range dans le premier groupe. J’avais adoré La vérité sur l’affaire Harry Quebert pour le scénario évidemment, mais aussi pour les réflexions de Joël Dicker sur l’écriture de fictions. J’avais bien aimé l’histoire touchante de Les derniers jours de nos pères. Mais été déçu – c’est connu, tout auteur connaît des hauts et des dans bas ses écrits – avec Le livre des Baltimore. Ce qui ne fut pas le cas avec La disparition de Stephanie Mailer.

Bien sûr, cette histoire qui se déroule dans la banlieue de New York fait intervenir un grand nombre de personnages. Mais on ne s’y perd jamais. Chacun d’entre eux apparaît avec des liens de plus en plus évidents au fur et à mesure de l'avancement du récit. Peu à peu, le lecteur est amené à recomposer un puzzle dans lequel chaque pièce a sa place. Jusqu’à la résolution finale de l’énigme.

J’ai trouvé intéressante cette idée d'inviter chaque personnage à raconter à sa manière les événements vécus ainsi que l’heureux mélange entre les dialogues et la narration. Au fur et à mesure que progresse l’enquête, policiers, protagonistes, témoins et victimes se dévoilent amenant le lecteur à de trompeuses conclusions.

Contrairement aux dires de plusieurs critiques, je considère que ce récit bien ficelé assure un intérêt continu jusqu’à la chute finale. J’ai lu La disparition de Stephanie Mailer d’un seul trait. Avec beaucoup de plaisir. J’y ai aussi noté au passage quelques réflexions sur l'écriture, dont celles-ci à propos des critiques et les genres de littérature qui m’ont fait sourire :

« Vous imaginez si les critiques littéraires se mettaient à écrire ou les écrivains à devenir des critiques littéraires ? […] Tout le monde crierait au scandale et à la partialité, et avec raison : on ne peut pas critiquer un art que l’on pratique » (p. 307)

« …dans l’ordre du respect accordé aux genres, il y a en tête de gondole le roman incompréhensible, puis le roman intellectuel, puis le roman historique, puis le roman tout-court, et seulement après, en bon avant-dernier, juste avant le roman à l’eau de rose, il y a le roman policier. » (p. 355)

J’ai bien aimé ce dernier opus de Joël Dicker. À vous de vous prononcer.

Ce que j’ai aimé : La structure interne du roman, l’imbrication des différents personnages.   

Ce que j’ai moins aimé : -

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Tempêtes dans ma tête (Denis April)


Denis April. – Tempêtes dans ma tête – Montréal : Liber, 2011. 154 pages.



Témoignage






Résumé : « Cet ouvrage raconte mon expérience de trente-cinq ans avec la maladie mentale. À une époque où les statistiques nous révèlent qu’une personne sur cinq, au cours de sa vie, connaîtra un épisode de ce genre de pathologie, écrire sur la folie, puisqu’il faut l’appeler par son nom, peut paraître banal.

Des scientifiques du milieu médical ou d’ailleurs le font. Des partisans de telle ou telle théorie psychologique ne s’en privent pas. Des journalistes et des administrateurs du budget de la santé non plus. Des romanciers et des poètes lui consacrent des textes.

En revanche, peu de personnes atteintes de maladie mentale s'essaient. Par défaitisme, par pudeur, par ignorance.

Pour ma part, j’ai décidé d’écrire et surtout de décrite ma maladie, poussé par le désir de l’exorciser, après des années passées à la ruminer, et dans une volonté ferme de la faire connaître et de contribuer ainsi à éviter à d’autres les écueils que la vie finit toujours par ajouter de surcroît aux déraisons. Avec le temps, je suis devenu solidaire de tous ceux qui n’ont malheureusement que leur folie pour s’exprimer ou qui cachent leur état derrière les préjugés qu’on leur a inculqués. »

Commentaires : Pour mieux comprendre l’univers d’un malade atteint de « trouble affectif bipolaire » de « psychose maniaco-dépressive ». Un ouvrage qui traite du diagnostic, des préjugés, du traitement, des crises, du besoin d’aide, de la dépression et de la prévention du suicide, des hospitalisations et des psychiatres ainsi que de la vie privée et sociale d’une personne atteinte. D’autant plus troublant lorsqu’il est écrit par un ex-collègue d’études classiques retrouvé par hasard une cinquantaine d’années plus tard.

Ce que j’ai aimé : La franchise et la générosité de l’auteur. 

Ce que j’ai moins aimé : -

Cote :

Les bottes suédoises (Henning Mankell)

Henning Mankell. – Les bottes suédoises. – Paris : Éditions du Seuil, 2016. 353 pages.



Roman






Résumé : Fredrik Welin, médecin à la retraite, vit reclus sur son île de la Baltique. Une nuit, une lumière aveuglante le tire du sommeil. Au matin, la maison héritée de ses grands-parents n’est plus qu’une ruine fumante.

Réfugié dans la vieille caravane de son jardin, il s’interroge : à soixante-dix ans, seul, dépossédé de tout, a-t-il encore une raison de vivre?

Mais c’est compter sans les révélations de sa fille Louise et, surtout, sans l’apparition d’une femme, Lisa Modin, journaliste de la presse locale.
Tandis que l’hiver prend possession de l’archipel, tout va basculer de façon insensible jusqu’à l’inimaginable dénouement.

Commentaires : « Les bottes suédoises brosse un portrait en clair-obscur d’un homme tenaillé par le doute, le regret, la peur face à l’ombre grandissante de la mort – mais aussi la soif d’amour et le désir –, d’un être amené par ces circonstances à revisiter son destin et à reprendre goût à la vie. Tel est l’ultime roman de Henning Mankell : une œuvre d’une sobriété élégiaque et poignante, traversée et portée par la beauté crépusculaire des paysages. »

Que dire de plus, sinon que cet ouvrage tendre et touchant reflète l’humanisme débordant qui a toujours caractérisé l’ensemble de l’œuvre de ce grand écrivain suédois. Mettant en scène un homme en fin de vie, sa fille dont il ignore la vie et une caravane délabrée comme simple logis, sur une île isolée dans un bras de mer nordique. Une réflexion lucide sur le vieillissement, le temps, la mort, la mémoire… au travers de l’existence de ce médecin retraité qui a perdu tous ses biens matériels et ses souvenirs tangibles à la suite de l’incendie de sa maison. Jugez-en par vous-mêmes par ces quelques extraits :

« Autrefois, j’étais un chirurgien respecté. Je ne l’étais plus. J’étais un vieil homme dont la maison avait brûlé. »

« Quelqu’un qui a tout perdu n’a pas beaucoup de temps. À moins que ce ne soit l’inverse. »

« J’étais un vieil homme qui avait peur de mourir. Passer la frontière invisible – voilà ce qu’il me restait encore à accomplir. Et je redoutais de franchir ce dernier pas. Je le redoutais bien plus que je n’avais été prêt à l’admettre jusque-là. »

« J’ai toujours perçu le temps comme un fardeau qui s’alourdissait avec les années, à croire que les minutes pouvaient se mesurer en grammes et les semaines en kilos. »

« Vieillir, c’était perdre un peu d’énergie chaque jour qui passait, jusqu’au moment où elle serait épuisée. »

« La proximité de la mort transforme le temps en un élastique tendu dont on craint sans cesse qu’il se rompe. »

« En tant que médecin, j’avais eu l’occasion de méditer tous les jours sur la brièveté de l’existence. À la différence d’un pasteur, qui la mesure à l’aune de la vie éternelle, un médecin est confronté à ce qu’elle signifie concrètement. Personne n’est prêt à mourir, pas même les individus âgés, parfois très malades, pour qui l’on peut raisonnablement attendre la fin d’un moment à l’autre. Ils affirment le contraire pour rassurer leurs proches. Mais ce n’est pas la vérité. Dès que la porte de la chambre se referme, le moribond cesse de sourire et d’agiter la main; et ce qui lui reste alors, c’est l’effroi et un désespoir sans fond. » 

Quelques citations qui devraient vous donner le goût de vous imprégner de ce merveilleux roman.

Ce que j’ai aimé : Tout.   

Ce que j’ai moins aimé : Rien.

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Signe de vie (José Rodrigues dos Santos)

José Rodrigues dos Santos. – Signe de vie. – Paris : Éditions Hervé Chopin, 2018. 698 pages.



Thriller






Résumé : Les immenses radiotélescopes de l’institut SETI en Californie viennent de capter un signal inhabituel venu de l’espace sur la fréquence 1,42 GHz.

Un signe de vie.

La Nasa, l’Agence spatiale européenne et la CNSA en Chine préparent une mission internationale pour découvrir qui émet ce signal.

En tant que cryptanalyste reconnu dans le monde entier, Tomás Noronha est recruté pour faire partie de l’équipe des astronautes qui seront à bord de la navette Atlantis.

Loin de s’imaginer ce qu’ont déjà découvert les scientifiques sur la vie extra-terrestre, il plonge alors au cœur du plus grand mystère de l’univers.

Le mystère de la vie.

Commentaires : José Rodrigues dos Santos compte parmi mes auteurs préférés depuis que je l’ai découvert en 2012. Un écrivain qui intègre, comme Dan Brown à qui on le compare volontiers, des informations scientifiques vraies dans chacun de ses romans. Avec Signe de vie, dos Santos clôt sa trilogie consacrée à l’approche scientifique des questions métaphysiques après la parution de La formule de Dieu et La clé de Salomon. En soulevant la question « Sommes-nous vraiment seuls dans l’univers ? », ce journaliste, reporter de guerre et présentateur à la télé portugaise, nous entraîne dans les dernières grandes découvertes de la science sur la vie en dehors de la terre.

C’est ce volet scientifique qui m’a plu. Comme ce fut le cas dans les romans précédents. Les nombreux échanges, parfois un peu longs entre les protagonistes, nous en apprennent sur la compréhension actuelle de l’univers : de son origine, de sa composition, de son évolution, de la vie potentiellement découverte sur Mars…

Par contre, quelle histoire « tirée par les cheveux » : Tomás Noronha, historien cryptologue dont le mariage doit être célébré par ni  plus ni moins que le Pape, qui devient en deux semaines astronaute, fera une sortie dans l’espace et pilotera un engin pour s’approcher d’un « vaisseau spatial » en direction de la Terre ! Avec une chute finale que j’ai malheureusement anticipée. Ce qui ne m’empêchera pas d’espérer le prochain dos Santos, un auteur qu’il me plaît toujours de lire. Et je vous le recommande, malgré l’extravagance du récit.

Ce que j’ai aimé : Les renseignements scientifiques.   

Ce que j’ai moins aimé : L’histoire abracadabrante de l’apprenti astronaute.

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Origine (Dan Brown)



Dan Brown. – Origine. – Paris : JC Lattès, 2017. 559 pages.



Thriller






Résumé : Robert Langdon, le célèbre professeur en symbologie, arrive au musée Guggenheim de Bilbao pour assister à la conférence d’un de ses anciens élèves, Edmond Kirsch, un éminent futurologue spécialiste des nouvelles technologies.

La cérémonie s’annonce historique, car Kirsch s’apprête à livrer les résultats de ses recherches qui apportent une réponse stupéfiante aux questions fondamentales sur l’origine et le futur de l’humanité.

Mais la soirée va brusquement virer au cauchemar. Les révélations de Kirsch risquent d’être perdues à jamais. Contraint de quitter précipitamment Bilbao, Langdon s’envole pour Barcelone en compagnie d’Ambra Vidal, la directrice du musée. Ensemble, ils vont se lancer en quête d’un étrange mot de passe qui permettra de dévoiler au monde la découverte de Kirsch.

Commentaires : Comme l’indique la quatrième de couverture, quatre ans après Inferno, « Mêlant avec bonheur codes, histoire, science, religion et art, Dan Brown nous offre avec Origine son roman le plus ambitieux et le plus étonnant. » Et je suis pas mal d’accord, car tous les romans de cet auteur sont, d’une certaine manière, pédagogiques. Et je me suis toujours plu à les savourer en consultant Internet en simultané pour valider ou découvrir des objets, des lieux, des œuvres, des organisations voire des personnages qui sont généralement authentiques. Ce qui apporte une forte crédibilité à la fiction.

J’avais hâte de plonger dans ce récit dont une bonne partie se déroule à Barcelone et à Madrid. Et je n’ai pas été déçu. Peut-être un peu par la révélation finale, la découverte du futurologue devant bouleverser l’humanité. Ce qui n’a nullement gâché mon plaisir de lecture. Comme dans les autres romans de Dan Brown, ce « page turner » se lit d’un trait, chaque chute de chapitre stimulant le lecteur à progresser jusqu’à la 559e page.

J’ai particulièrement apprécié la structure du récit, le style direct de l’auteur, les magnifiques descriptions de la Pedrera et de la Sagrada Familia de Barcelone, l’énigme de l’œuvre d’art « à la Miro » réalisée par le robot à l’intelligence surhumaine, les insertions visuelles, les réflexions métaphysiques : d’où venons-nous et où allons-nous ? Avec un bon rythme. J’ai découvert, entre autres, l’existence de l’Église palarmienne, de la chapelle Torre Girona qui héberge un super centre informatique au coeur de Barcelona et de La Valle de los Caídos, un gigantesque monument fasciste à la mémoire du dictateur Franco.

Ce roman a été publié en 2017. Avant les événements répressifs espagnols en Catalogne du mois d’octobre de cette année-là. Je serais curieux de savoir si Dan Brown aurait présenté autrement le contexte politique « démocratique » castillan s’il avait été publié en 2018. Car la fiction ne peut ignorer la réalité à laquelle elle s’accroche.

Il y a une recette derrière les romans de cet auteur américain. Tout le monde le reconnaît. Plusieurs la décrient. Les œuvres de Dan Brown s’inscrivent dans un divertissement littéraire documenté rigoureusement qui étonne parfois, concentré le plus souvent dans un espace-temps limité, mais qui permet au lecteur de s’évader l’espace de quelques heures. C’est ce qui me plaît dans la prose de cet écrivain dont j’attends toujours la prochaine récidive.

Ce que j’ai aimé : L’imaginaire de l’auteur et l’intégration de la fiction dans la réalité géographique, historique et scientifique. 

Ce que j’ai moins aimé : -

Cote :

Un outrage mortel (Louise Penny)


Louise Penny. – Un outrage mortel – Armand Gamache enquête. – Montréal : Flammarion Québec, 2017. 491 pages.



Polar






Résumé : Quittant sa retraite de Three Pines, Armand Gamache accepte de reprendre du service à titre de commandant de l’école de police de la Sûreté. À cette occasion, Olivier lui offre une curiosité : une carte centenaire qui était emmurée dans la salle à manger du bistro du village. Il n’en faut pas plus pour mettre l’ancien enquêteur sur la piste d’un passé qu’il préférerait sans doute oublier. C’est alors qu’entrent en scène quatre étudiants de l’école de police et un professeur… découvert assassiné. Dans la table de nuit de la victime, une copie de la carte de Gamache fait peser de lourds soupçons sur ce dernier. D’autant que son comportement avec une recrue au profil inquiétant désarçonne tout le monde, y compris le fidèle Beauvoir. Le commandant a ses secrets, mais les outrages du passé ne sont-ils pas plus dangereux lorsqu’on veut les occulter?

Commentaires : La couverture de quatrième annonce : Dérangeant… Puissant… Intelligent… Personnellement j’avoue avoir été plutôt déçu par ce 12e opus de Louise Penny. D’abord par une histoire totalement invraisemblable. Imaginez un meurtre à l’école de police dont le directeur subtilise, sur le lieu du crime, un document et ramène dans son village quatre étudiants qui sont liés d’une certaine manière au crime, sous prétexte de les protéger. D’autant plus que le directeur de l’établissement, en l’occurrence bien évidemment Armand Gamache qui fait un retour inattendu dans les rangs de la SQ (attendez, dans le prochain roman, il deviendra directeur général du corps policier (peut-être par la suite ministre de la Justice ou premier ministre, qui sait ?). Une histoire qui répète de nombreux clichés romanesques créés par l’auteure : le sempiternel village imaginaire et idyllique de Three Pines, la poétesse bougonne et son oiseau de basse-cour qui la suit docilement, la peintre toujours aux prises avec ses démons artistiques, les colorés proprios du bistrot… et j’en passe.

On parle et palabre à satiété dans ces 490 pages qui allongent un récit sans grand suspense autour d’une vieille carte qu’on dit énigmatique trouvée dans les murs du bistrot. Des discussions à n’en plus finir sur des sujets, somme toute sans intérêt. Et au menu, comme dans les autres romans de Louise Penny, les repas au bistrot ou chez les uns et chez les autres. Avec en plus, l’impossibilité d’identifier le genre animal de la nouvelle bête adoptée par les Gamache : un chien, un furet, un singe ! Sans oublier une touche politiquement correcte alors que Gamache reçoit chez lui « des hommes, des femmes, une asiatique, un gay, une gothique et un handicapé en fauteuil roulant ». Deux oubliés : une personne à la peau foncée et un autochtone. J’ironise.

Vous aurez compris que je n’ai pas aimé cette fiction que l’éditeur annonce être classé numéro 1 au palmarès du New York Times. Un polar que j’ai lu davantage par habitude, le petit dernier d’une série qui, à mon humble avis, commence à tourner en rond.  

Ce que j’ai aimé : La chute finale sur l’identité d’un personnage et un certain intérêt dans le dénouement de l’histoire qui traîne en longueur.   

Ce que j’ai moins aimé : Le scénario invraisemblable.

Cote :

Jeux de miroirs (Eugen Odidiu Chirovici)


Eugen Ovidiu Chirovici. – Jeux de miroirs. – Paris : Pocket, 2017. 345 pages.



Thriller






Résumé : Cette fois, il tient peut-être un best-seller. Pour Peter Katz, agent littéraire, le manuscrit qu’il reçoit a tout pour faire un succès : l’assassinat à Princeton du professeur Wieder, star de la psychologie cognitive, est un mystère vieux de trente ans… Le voilà raconté noir sur blanc, de l’intérieur : jeux de pouvoir, triangle amoureux, tout est là. Mais le texte s’arrête à la nuit du meurtre et son auteur vient de mourir… Qu’à cela ne tienne, Katz embauche un journaliste d’investigation pour écrire la suite du livre. De souvenirs en faux-semblants, celui-ci va se retrouver pris au piège d’un maelström de fausses pistes.

Et si la vérité n’était qu’une histoire parmi d’autres ?

Commentaires : Jeux de miroirs, un thriller époustouflant, est le premier roman de cet auteur roumain à être traduit en français et publié dans plus de 38 pays. Un scénario original mené avec brio dans lequel Chirovici s’amuse à brouiller les pistes. Accrocheur dès le début avec la reproduction du manuscrit reçu par un agent littéraire et inspiré d’un drame réel et non élucidé 30 ans plus tôt. Le texte d’un auteur qui a toujours souhaité devenir écrivain et qui met la table au déroulement de l’intrigue qui nous tient en haleine jusqu’à la dernière ligne.

Chirovici  nous plonge dans plusieurs versions d’un même récit. Celui de l’agent littéraire et les enquêtes menées par un journaliste et par un policier à la retraite. Ce dernier aura le fin mot de cette histoire où chaque personnage a sa propre version de l’affaire. Avec une écriture fluide et efficace, l’auteur présente chaque hypothèse de solution qui se détruit au fur et à mesure de l’avancement du récit. Celui-ci nous tient en haleine avec une panoplie de personnages interpellés, aux points de vue aussi complémentaires que contradictoires.

Jeux de miroirs est un véritable jeu de mémoire que seule la révélation finale saura dénouer le drame. Son auteur soulève des questions quasi existentielles. Dans la vie de tous les jours, qui ment ? Qui imagine ou fausse la réalité ? Qui croit se souvenir ? Qui réinvente le passé ? Car, comme l’affirme Chirovici : « La littérature se nourrit d’imagination et de souvenirs – vrais ou faux ? »  Une réflexion fascinante campée dans un récit sans suspense haletant, mais qui alimente chez le lecteur un désir de connaître la vérité présentée sous des apparences trompeuses et la manipulation des informations.

En somme, un excellent roman qui nous convie à réfléchir sur les attributs de la mémoire à court, moyen et long terme qui pourrait se résumer par l’ultime paragraphe de Jeux de miroirs : « Un grand écrivain français a dit un jour que le souvenir des choses passées n’est pas nécessairement le souvenir des choses telles qu’elles furent. Il avait sûrement raison. »

Anecdote racontée par l’auteur. – Ce roman avait été refusé par une dizaine d’agents littéraires sans donner d’explication. Une réalité que vivent de nombreux auteurs. Après l’avoir présenté à une petite maison d’édition qui n’avait malheureusement pas les moyens de verser une avance et de le distribuer de façon adéquate, Chirovici s’est laissé convaincre par cet éditeur de relancer son manuscrit auprès d’autres agents littéraires. Deux jours après l’envoi, entre autres chez Peters, Fraser & Dunlop pour qui le projet allait « faire un carton », le contrat était signé : « L’édition est une industrie hautement subjective, et beaucoup de grands romans ont d’abord été rejetés. Même si les refus sont toujours difficiles à accepter, il faut s’accrocher et continuer à essayer. »

Ce que j’ai aimé : L’originalité de l’histoire. La réflexion sur la mémoire, cette faculté qui oublie peut-être volontairement. L’intérêt soutenu du début à la fin. La psychologie des personnages. Le style fluide.

Ce que j’ai moins aimé : -

Cote :

Le Goya de Constantin (Del Pappas)


Del Pappas. – Le Goya de Constantin. – Clermont-Ferrand : Éditions De Borée, 2018. 251 pages.


Polar







Résumé : Dans quel pétrin s’est encore mis Constantin? Dérober un Goya, quelle idée! Il aurait dû se douter que le tableau allait attiser les convoitises d’individus pas très fréquentables de Marseille… Mais maintenant que la toile est en sa possession, plus question de reculer : il faut la revendre, d’autant que c’est pour une bonne cause. C’est à Hambourg qu’il doit retrouver Gerhard, un amateur d’art qui va lui présenter un expert et d’éventuels acquéreurs. Le plan semble imparable, mais la plus grande ville portuaire d’Allemagne, une sorte de Marseille à l’envers – propre, riche, disciplinée –, cache elle aussi des individus très dangereux!

Commentaires : Voici un auteur que j’ai découvert sur le tard grâce au service de presse des Éditions De Borée que je remercie. Tardivement parce que Del Pappas a publié depuis 20 ans une quarantaine de romans « nourris de ses voyages, de ses origines grecques et de son expérience dans le milieu du cinéma. »  Connu en France et plus spécifiquement à Marseille pour sa série Constantin qui met en valeur sa ville et sa gastronomie.

J’avoue avoir un faible pour les auteurs qui déploient leur imaginaire et bâtissent des scénarios littéraires dans un lieu géographique bien précis : une ville, un quartier, une rue…

C’est le cas avec Le Goya de Constantin : une histoire abracadabrante à propos d’une toile inconnue du peintre espagnol trouvée par hasard dans le fonds d’un petit musée marseillais.

Dès les premières pages, le lecteur est précipité dans une immersion linguistique, culturelle et culinaire. On est en plein Midi, dans une ambiance où les sons, les odeurs et les images enveloppent une brochette de personnages français et allemands hauts en couleur : Constantin lui-même, l’amateur d’art, l’expert de Goya, la policière allemande… Idem, quand l’action se transporte à Hambourg.

Les débuts lents nous préparent au développement d’une action de plus en plus rythmée avec une finale presque imprévisible. Ici et là, l’auteur nous titille les papilles avec des plats aux saveurs régionales. Il nous en livre les secrets dans une section intitulée Cuisine à la toute fin du bouquin.

Cette histoire d’imposture où le crime doit servir à soutenir une « cause humanitaire » est truffée de nombreux dialogues savoureux qui caractérisent les personnages et contribuent à l’avancement de l’action. Del Pappas excelle également dans les descriptions. Celles de la poursuite dans un restaurant de Hambourg ou de l’attaque du chalet de la policière allemande en sont d’excellents exemples. Autre exemple :

« En sort un troupeau de blouses blanches derrière le gugusse puant la confiance en soi, l’amour de sa petite personne, la mégalomanie, la suffisance. Immédiatement je le déteste. Il pérore pour sa cour, sans regarder dégun, avec des gestes de tribun. Habillé également d’une blouse blanche, il n’a même pas le stéthoscope autour du cou comme tous les étudiants et étudiantes qui l’accompagnent. Avec ses petites jambes, il marche vite vers son tennis, son golf, son repas d’affaires… » (pp. 69-70) J’ai eu l’impression de revoir un médecin que j’ai déjà connu !

Une belle découverte que ce Goya imaginaire de Constantin.

Notons enfin qu’en 2002, Del Pappas a reçu le Grand Prix de Provence pour l’ensemble de son œuvre et, en 2007, le Prix du polar de la ville d’Aubusson.

Ce que j’ai aimé : L’histoire originale. Le personnage de Constantin. Les descriptions et les dialogues.    

Ce que j’ai moins aimé : -

Cote :


De ton fils charmant et clarinettiste (Richard Ste-Marie)


Richard Ste-Marie. – De ton fils charmant et clarinettiste. – Lévis : Alire, 2018. 268 pages.


Polar







Résumé : Policier à la carrière peu exemplaire, Marcel Banville, un célibataire endurci qui ne s’est guère fait d’amis, a repoussé à l’extrême limite le moment de prendre sa retraite tant il appréhende l’ennui qui s’ensuivra. Or, c’est à quelques semaines de la date fatidique qu’il hérite de l’enquête sur les meurtres sordides de prêtres associés à des actes pédophiles, enquête qu’il sait ne pouvoir se résoudre avant de remettre son insigne.

C’est donc en toute illégalité que Marcel décide de reprendre son rôle quand, en feuilletant les albums photos de sa mère – dont le suicide en pleine force de l’âge constitue le douloureux mystère de sa jeunesse –, il réalise que de nombreux religieux gravitaient à cette époque autour de sa mère.

Avec un sentiment d’urgence qu’il n’avait pas ressenti depuis ses années folles de petit délinquant dans ce quartier Limoilou qu’il habite toujours, Banville s’associe avec des gens possédant un sens tout aussi personnel que lui de la justice, comme Charles McNicoll, un tueur à gages mélomane de son état.

Et les voilà sur la piste d’un véritable panier de crabes de religieux sans scrupules… et d’un lugubre prédateur qui, étrangement, semble poursuivre les mêmes objectifs qu’eux!

Commentaires : Un autre excellent polar de Richard Ste-Marie avec comme thématique un sujet de l’heure : la pédophilie religieuse et la problématique du célibat des prêtres catholiques. Des événements « dus à l’imagination de l’auteur » et pour lesquels « toute ressemblance entre certains personnages et des personnes vivantes [est] purement fortuite ».

Pour nous raconter cette histoire sordide de meurtres en série écrite sans pusillanimité, l’auteur a confié l’enquête à un nouveau protagoniste, le sergent Marcel Banville, policier plus ou moins intègre du Service de police de la ville de Québec (SPVQ), délaissant temporairement, on peut le souhaiter, son héros fétiche : Francis Pagliaro. Un enquêteur qui a toutes les raisons de vouloir démasquer l’imposture cléricale, de dénoncer la domination de ces curés (prêtres, révérends pères, frères membres de certains ordres religieux) dans la vie quotidienne, après des familles, dans les écoles et les sacristies.

Comme nous y a habitués Richard Ste-Marie, la structure romanesque est très efficace et les personnages sont des plus crédibles. L’ensemble est bien rythmé avec une montée de tension de chapitre en chapitre. Le lecteur est progressivement entraîné dans la découverte des mises en scènes des crimes et des indices menant à la résolution de l’enquête. Avec une finale tout à fait inattendue. L’action est campée en bonne partie dans le quartier Limoilou de Québec, le quartier de mon enfance et celui de l’auteur, et, entre autres, à Saint-Agapit, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de la capitale. Avec une touche « musicale » incontournable quand on connaît l’auteur.

Mentionnons que la citation de Théodore Agrippa d’Aubigné (1552-1630) extraite de Contre la présence réelle et placée en exergue de l’ouvrage ne pouvait être mieux choisie pour caractériser ce récit noir et troublant.

Vous avez compris que je suis un inconditionnel et que j’attends impatiemment le prochain roman de Richard Ste-Marie.

Ce que j’ai aimé : L’audace de l’auteur dans le choix du sujet susceptible de rouvrir des plaies inguérissables du passé. La crédibilité des personnages. La chute finale (ne lisez surtout pas le paragraphe de la dernière page : vous gâcheriez votre plaisir).    

Ce que j’ai moins aimé : -

Cote :