La Louve aux abois (Daniel Lessard)

Daniel Lessard. – La Louve aux abois. – Montréal : Éditions Pierre Tisseyre, 2017. 270 pages.

Polar







Résumé : Dans le petit village de Wakefield, en Outaouais, un cultivateur trouve le cadavre mutilé et à moitié nu d'une jeune femme assassinée. Chargée de l'enquête, la sergente-détective Sophie Comtois de la MRC des Collines établit rapidement que la victime a été agressée sexuellement avant de mourir et que son meurtre succède à un autre du même genre, un mois auparavant. Peu après, la découverte d'une troisième victime confirme que les crimes sont l'œuvre d'un tueur en série, jetant dans l'émoi toute la région. Quand, avec l'aide de la journaliste Marie-Lune Beaupré, en qui les fidèles de Lessard reconnaîtront une des héroïnes de Péril sur le fleuve, Sophie soupçonne qu'un puissant ministre est impliqué dans les crimes, elle devra se battre contre des supérieurs peu désireux de s'en prendre à un politicien et mettre sa propre vie en danger pour démasquer le tueur.

Commentaires : La Louve aux abois est le troisième roman policier par Daniel Lessard. L’auteur nous plonge maintenant dans un récit plein de rebondissements où les événements se succède rapidement, peut-être trop rapidement pour ne pas affecter la crédibilité de l’histoire. Pour ne citer qu’un exemple, le policier de la Sûreté du Québec qui vient d’être nommé pour appuyer l’enquête menée par la policière municipale et qui, dès leur première rencontre, invite cette dernière à souper. Et les voilà devenus amants enquêteurs.

Bien que le propos de cette enquête soit intéressant, on y retrouve quelques invraisemblances. Comme cette policière boulimique dotée d’un estomac aux capacités illimitées qui ingurgite d’un trait des quantités phénoménales de nourriture. Ou encore cette même policière qui observe depuis la rue un véhicule stationné à reculons dans un garage et qui « écrit le numéro de la plaque sur un bout de papier », quand on sait qu’au Québec, les plaques d’immatriculation sont apposées à l’arrière des voitures !

Disons enfin que l’intégration du personnage de la journaliste de Radio-Canada dans le déroulement de l’enquête, comme dans Péril sur le fleuve que j’ai nettement préféré, donne un certain dynamisme à l’ensemble du récit. L’auteur, ex-journaliste qui connaît bien le milieu, nous démontre bien les liens d’information qui peuvent exister entre les médias et les forces policières.

Une lecture agréable, en souhaitant que, comme moi, vous ne découvriez pas qui est le tueur aux trois quarts du roman.


Ce que j’ai aimé : La dynamique du récit, la psychologie des personnages, la qualité de l’écriture, les dialogues réalistes.

Ce que je n’ai pas aimé : Quelques invraisemblances.


Cote : ¶¶

Le sang des cailloux (Pierre Laflamme)

Pierre Laflamme. – Le sang des cailloux. – Granby : Pierre Laflamme Romans, 2015. 424 pages.

Thriller







Résumé : Fadilah, jeune femme d'une grande beauté, est férue de liberté, d'égalité, d'un « islam des lumières ». Étudiante en égyptologie, elle est secrètement amoureuse de Faysal, un garçon modelé pour devenir djihadiste. Fadilah ne craint pas le regard des hommes : « Si tu veux le miel, tu souffriras la piqûre des abeilles ».

Poussé par Salîm Al Misrî, un imam autoproclamé, un fou d'Allah, Faysal se joint à la brigade Salâh Ad-dîn, qui prône l'application de la charia et le retour du grand califat.

Entre-temps, Abou Hamza, père de Faysal, ministre du Pétrole de Moubarak, octroie à Preston Colby, le PDG de MARGI, une société d'ingénierie québécoise, d'importants contrats pour le développement des champs pétrolifères égyptiens... à une condition.

Les évènements se bousculent, un autocar de touristes explose à Barcelone. Le SCRS canadien et le Mossad israélien entrent en action, au moment où sur la place Tahrir au Caire, les Égyptiens sont en voie de répudier la dictature du Président Moubarak.

Entre Le Caire et Montréal, entre Barcelone et Tel-Aviv, des hommes et des femmes vivent des trajectoires aux collisions imminentes.

Commentaires : Le sang des cailloux est le deuxième roman de Pierre Laflamme, un auteur québécois passionné par le Moyen-Orient. De prime abord, le sujet de cette fiction, inspirée de faits vécus, ne m’emballait pas. Avec une couverture de première plutôt dérangeante. Mais dès la lecture des premiers chapitres, je n’ai pu décrocher de cette intrigue savamment construite.

L’auteur connaît très bien la société musulmane d’Égypte et nous la fait découvrir au gré des événements. Salafites radicaux, corruption économique, trafic d’armes, enrôlements djihadistes, attentats, avec comme fond de décor la révolution égyptienne. Le lecteur est rapidement entraîné dans un récit qui repose sur une recherche impressionnante de la part de l’auteur. Celle d’un jeune Égyptien qui se laisse entraîner, malgré les bons enseignements de ses parents, par un adepte d’une certaine interprétation du Coran, dans une voie menant à la violence, à l’élimination des infidèles.

J’ai particulièrement apprécié les chapitres qui relatent l’embrigadement dans le camp djihadiste, à la fois comparables et complémentaires à ceux que l’on retrouve dans le roman de J.R. dos Santos (Furie divine), confirmant les méthodes employées par les groupes terroristes.

Le sang des cailloux, à la fois un thriller dont la finale est imprévisible jusqu’à la dernière phrase et histoire d’amour salvatrice contribue à une meilleure connaissance et compréhension des milieux islamiques et de l’influence de la religion omniprésente sur la famille, sur les tractations politiques, sur les collectivités parfois aux prises avec certaines contradictions de pensées et d’action.

Avec un style non complaisant, une écriture rigoureuse, un souci du détail dans les descriptions et dans les dialogues, Pierre Laflamme illustre la complexité d’un problème qui s’étend à l’échelle planétaire : la confrontation de valeurs et de croyances. D’autant plus qu’avec les événements récents à Barcelone (attentat sur les Ramblas) et les liens qu’il établit avec un groupe de Canadiens magouilleurs, l’auteur inscrit sa fiction dans une réalité très contemporaine.

Une lecture que vous ne regrettez pas et qui alimentera très certainement votre réflexion sur un sujet aussi complexe.

Ce que j’ai aimé : Le réalisme du récit par le choix et la psychologie des personnages, la qualité des dialogues et les nombreuses descriptions qui campent le récit dans des temps et des lieux bien définis.

Ce que j’ai moins aimé : -


Cote : ¶¶¶¶

Les tricoteuses (Marie Saur)

Marie Saur. – Les tricoteuses. – Montréal : Héliotrope, 2017. – 285 p.


Polar







Résumé : Il n’est pas toujours avisé de se mêler des affaires des gens puissants.

Pour avoir galamment raccompagné Patricia Fortin Rousseau dans son manoir de Cap-Rouge après une beuverie, l’ex-prisonnier Daniel Hurteloup se voit offrir un boulot de gardien de nuit chez TV6, qu’elle dirige. Comme réhabilitation, il ne pouvait rêver mieux. Mais peu après ce coup de chance, le malheur frappe : Patricia est retrouvée pendue dans le studio B. Pour la police comme pour la famille de la victime, de riches industriels à la tête de Fortin Médiacom, Daniel fait un suspect tout désigné.

Déterminée à disculper son frère, Sophie Hurteloup mène l’enquête, qui semble vouloir se transformer en leçon d’histoire : le meurtre de Patricia serait-il le contrecoup d’un conflit de travail ayant secoué l’empire Fortin quarante ans auparavant ? « Prolétaires de tous les pays, qui tricote vos chaussettes ? » La question lancée autrefois par les grévistes de l’usine de bas Forty attend toujours sa réponse.

Commentaires : Avant d’écrire ce premier roman, Marie Saur a scénarisé, en collaboration avec le bédéiste français Nylso, cinq tomes de la série Jérôme d’Alphagraph, le parcours initiatique d’un jeune garçon qui veut écrire tout en devenant libraire, dans un pays fantaisiste. Avec Les tricoteuses, elle change de registre.

L’histoire se déroule à Québec (et non pas à Cap-Rouge en banlieue de la capitale) comme pourrait le laisser croire le synopsis). Une enquête tricotée serrée, réalisée par des apprentis détectives, dans le monde des communications, en étroite relation avec le parti au pouvoir à l’Assemblée nationale. Dans une famille où tout s’achète avec l’argent : le silence, la descendance, le mensonge… La recherche de la vérité sur un meurtre qui prend racine dans un conflit ouvrier au cours des années 70, dans une manufacture de Limoilou, pendant lequel des figures féministes militantes ont tenu tête à un patron intransigeant pour améliorer leur qualité de vie au travail et sauver leur emploi.

L’auteur met en scène une panoplie de personnages, tant principaux que secondaires, qui apportent progressivement les éléments de solution à cette enquête plutôt originale. Bâtie dans le respect parfois trop rigoureux des règles de base de l’écriture romanesque et du genre polar, l’intrigue qui s’étale sur 24 chapitres est bien ficelée. Quoique, je dois avouer, mes soupçons sur le meurtrier potentiel se sont avérés au trois quarts du texte, sans par contre en deviner la raison.

Un autre excellent roman dans cette collection noire que publient les Éditions Héliotrope qui campent chaque intrigue dans une région différente du Québec.

Ce que j’ai aimé : L’originalité du récit et de la thématique qui en fait un roman à la fois policier et à caractère social.

Ce que j’ai moins aimé : La structure romanesque un peu trop académique.


Cote : ¶¶¶¶