Fausse balle – Une enquête de Gaétan Taguay (Mikaël Archambault)


Mikaël Archambault. – Fausse balle – Une enquête de Gaétan Taguay. – Boucherville : De Mortagne, 2024. – 274 pages.

 

Thriller

 

 


Résumé :

 

Fanny Poulin, une lanceuse québécoise, s’apprête à devenir la toute première femme à jouer dans les ligues majeures de baseball. Mais à quelques jours de cet exploit historique, elle reçoit des menaces de mort anonymes qui lui enjoignent de quitter l’équipe avant le match d’ouverture.

 

Refusant d’abandonner son rêve, la jeune athlète veut percer l’identité de son mystérieux intimidateur. Elle fait donc appel aux célèbres journalistes sportifs Gaétan Tanguay et Tarah Dalembert, qui sont de passage à Boston pour couvrir ses débuts.

 

Les deux associés s’engagent alors dans une enquête effrénée où ils constateront que le danger peut emprunter de nombreux visages.

 

 

Commentaires :

 

Fausse balle marque le retour des « Sherlock Holmes et docteur Watson du sport » dans une quatrième enquête de Gaétan Tanguay et Tarah Dalembert, fort probablement « une dernière enquête… et on verra pour la suite » d’une série qui s’est déroulée dans les milieux du tennis, du hockey et du soccer.

 

Cette fois-ci, Mikaël Archambault a campé son « intrigue bien ficelée teintée d’un humour rafraîchissant et parfaitement dosé » principalement au stade Fenway Park de Boston, le domicile des Red Sox, qui saura combler les amateurs et amatrices de sport et de suspense.

 

 

Pour celles et ceux qui découvriront l’univers des deux enquêteurs imaginé par l’auteur, celui-ci glisse au passage quelques caractéristiques du profil psychologique de Gaétan Tanguay, spécialiste des statistiques sportives à la mémoire phénoménale comparable à celle de Paul Houde décédé récemment :


« Gaétan avait toujours eu une horloge interne extrêmement fiable. Il pouvait se réveiller au milieu de la nuit et deviner l'heure à la minute près. Avant l'arrivée de Tarah dans son quotidien, qui avait eu le même impact qu'une météorite dans celui des dinosaures, son horaire était tellement réglé comme du papier à musique qu'il savait précisément, sans même regarder sa montre de la journée, quand déjeuner (7 h 10), quand effectuer ses étirements biquotidiens (6 h 15 et 14 h 15) et quand boire cent millilitres d'eau (toutes les heures, de 6 h 10 à 21 h 10, en doublant la dose au réveil et aux repas). »

 

En totale opposition avec la personnalité de sa complice, Tarah Dalembert, plutôt fonceuse et aventurière inconsciente du danger qu’elle fait courir à son collègue dans la recherche de la vérité.

 

Soulignons au passage un clin d’œil à Jacques Demers, « l’ancien entraîneur-chef des Canadiens de Montréal » qui, comme un des personnages de Fausse balle « ne savait ni lire ni écrire et [que] personne ne l’avait jamais su avant qu’il en fasse lui-même l’annonce, bien après sa retraite. »

 

Moi qui ne suis pas un accroc du baseball, j’ai appris que les communications entre le lanceur et le receveur se font probablement depuis plusieurs années de façon électronique plutôt que par des simagrées :

 

Le receveur « appuya sur une touche de son bracelet électronique, qui remplaçait les signaux anciennement exécutés avec les doigts. Aussitôt, une voix robotique traduisit la consigne […] via un minuscule haut-parleur placé sous la casquette » du lanceur.

 

Le roman dont l’action se déroule sur 14 jours est découpé en 62 courts chapitres répartis en cinq parties aux titres évocateurs : Zone des prises,  Double jeu, Retrait au bâton, Souricière, Saufs au marbre.

 

De nombreuses chutes incitent à poursuivre la lecture comme dans ces trois exemples :

 

« Elle crut qu’elle repartait bredouille de sa première rencontre, mais elle découvrirait plus tard qu’elle en avait appris beaucoup plus qu’elle le pensait… »

 

« Ni l’un ni l’autre ne s’aperçurent qu’ils étaient suivis… »

 

« Une idée fascinante venait de jaillir dans son esprit… »

 

Tout au long du récit, l’auteur distille des indices qui mènent le lecteur sur de fausses pistes jusqu’à une finale assortie de plusieurs coups de théâtre.

 

Deux scènes loufoques m’ont fait rigoler :

 

Celle au cours de laquelle Tanguay réalise une entrevue dans la salle de musculation du stade avec un des suspects alors que ce dernier l’oblige à l’accompagner sur un vélo stationnaire : « Allez monte ! Je réponds à toutes les questions que tu veux, tant que tu es capable de suivre mon rythme ». On peut deviner la suite.

 

Et la séquestration et la « torture » d’un autre suspect dans un local d’entretien du stade par Tarah Dalembert et Gaétan Tanguay déguisés en mascottes : une cacahuète et un ourson en peluche.

 

Certaines descriptions ou mises en situation illustrent bien le style imagé et décontracté de l’auteur :

 

Il « se retourna lentement, le visage illuminé par son sempiternel sourire arrogant, qui donnait envie de lui arracher les dents à froid, puis de lui frotter les gencives avec du gros sel. Un collier de barbe chétif encadrait sa mâchoire jusqu'à ses tempes rasées de près, surmontées d'une coupe à la mode dans les boîtes de nuit. Un gros diamant brillait à chacune de ses oreilles. »

 

« Quand on était beau comme lui, on pouvait avoir l’air distingué avec un chapeau à hélices, des pantalons de neige et des palmes. »

 

« Tarah sifflait comme si ses poumons avaient été remplacés par deux poches de cornemuse. Chaque inspiration lui donnait l’impression d’avaler du piment de cayenne. »

 

En publiant Fausse balle, Mikaël Archambault aborde une thématique contemporaine qu’il dénonce dans un roman au style décontracté : il met en scène un personnage féministe qui évolue dans un milieu exclusivement masculin. Sa lanceuse, Fanny Poulin, est confrontée à certains individus qui ont des propensions à des comportements machistes, sexistes et pour qui violence verbale et harcèlement sexuel font partie de la normalité pouvant même conduire jusqu’au… Vous verrez.

 

La couverture de quatrième le suggère en complétant ainsi le synopsis :

 

« Quand on brise un plafond de verre, on ignore ce qui peut nous tomber dessus… »

 

Merci aux éditions De Mortagne pour le service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue : *****

Psychologie des personnages : *****

Intérêt/Émotion ressentie : *****

Appréciation générale : *****


Au nom du frère (Jacques Côté)


Jacques Côté. – Au nom du frère. – Montréal : Flammarion Québec, 2024. – 294 pages.

 


Polar

 

 


Résumé :

 

Le lieutenant Owen Hayden du SPCUM cherche sans répit quelle organisation criminelle a osé faire exploser sa maison et s'attaquer aux siens. Sa soif de vérité est teintée de colère quand on lui annonce qu'il fait l'objet d'une enquête externe. La SQ veut connaître les détails de la nuit durant laquelle Hayden a abattu le gangster en cavale, Jesse Morel, et n'entend pas clore le dossier avant d'avoir levé le voile sur chaque zone d'ombre. Un rendez-vous chez le notaire pour régler la succession de son père viendra de surcroît ébranler les valeurs et les certitudes d'Owen.

Saura-t-il naviguer entre sa vie professionnelle houleuse et sa vie familiale chamboulée par un rapprochement avec Tom, son frère ennemi, désormais chef par intérim des Hells Angels ?

 

Commentaires :

 

Au nom du frère étant la suite de Requiem américain, mes commentaires sur la première partie de ce récit publiés antérieurement sont aussi valables. Comme l’indique son éditeur, Jacques Côté continue d’explorer « avec habileté les mécanismes complexes de la vengeance ».

Cette histoire romancée de la guerre des motards montréalais et de leurs relations troubles avec la mafia italienne met en scène des personnages aux dénominations trafiquées qu’on peut décoder.

 

Le récit rappelle des événements tragiques – bombes, évasion, jeune victime collatérale, attentat contre un journaliste, assassinats, gardiens de prison qui « enlèvent leur uniforme avant de quitter leur lieu de travail pour ne pas être la cible de tireurs »… – fort bien documentés par l’auteur. Le tout campé à l’époque où allait éclater le scandale des commandites alors que « le gouvernement fédéral avait mis en place un système de ristournes pour faire de la propagande canadienne engageant des firmes de communication au Québec ». Ce dernier décrit le mécanisme mis en place à deux reprises (pages 46 et 244) dans le roman. Et aussi de l’objectif « déficit zéro » du gouvernement québécois avec ses conséquences sur la réduction des budgets d’intervention et de filature des forces de l’ordre.

 

J’ai noté au passage quelques belles descriptions imagées :

 

« … Smith ressemblait à la figurine en caoutchouc Gumby. Il avait le teint vert, un double menton et une bedaine de bière. »

 

« Des pigeons marchaient sur le tapis blanc laissant des traces comme un étrange alphabet. »

 

« Certaines séquences de vie sont des courtepointes d’anxiétés. »

 

« Son visage osseux aux angles obtus semblait sortir d’un manuel de géométrie cubiste. »

 



Le frère de l’auteur possédant un chien berger allemand, ce dernier était en mesure de glisser au passage que les spécimens de cette race « sont de grands anxieux qui n’aiment pas le changement. » 



(Source de la photo : Facebook de Jacques Côté


Il m’a aussi appris que l’archange Saint-Michel terrassant le dragon était le patron des policiers, « le Glock ayant remplacé la lance. »

 

J’ai cru déceler à quelques reprises une certaine forme d’acharnement de l’auteur à l’endroit du ministère de la Sécurité publique du Québec (MSPQ) de l’époque faisant dire, entre autres, à son enquêteur que « …c’est une méchante gang de bums ! C’est la pire mafia qui soit au Québec. »

 

À noter la description de l’ambiance du spectacle musical du groupe auquel appartient le fils du personnage principal dans un bar de l’avenue du Mont-Royal comme si on y était.

 

Lors d’une réédition, il faudrait probablement corriger une coquille qui s’est glissée au haut de la page 233 alors que Tom Hayden, le frère de Owen, associe ce dernier à la « SQ » (Sûreté du Québec) plutôt qu’au Service de police de la communauté urbaine de Montréal (SPCUM).

 

Rappelons que Jacques Côté enseigne la littérature au cégep de Sainte-Foy. Auteur de nombreux polars, dont les séries à succès Daniel Duval et Les cahiers noirs de l'aliéniste, il compose une œuvre qui lui a valu une reconnaissance au Québec comme à l'étranger ainsi que de nombreuses récompenses, notamment le prix Arthur-Ellis à trois reprises. En 2003, il signe la biographie Wilfrid Derome, expert en homicides, qui deviendra un documentaire sur les ondes de Canal D. Conférencier recherché, il est souvent invité par des institutions comme le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale de Montréal et l'École de criminologie de l'Université de Montréal. Il est aussi l'auteur de la série Le voyeur pyromane, adaptation de son essai Autopsie d'un crime imparfait.

 

Merci aux éditions Flammarion Québec pour le service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue : ****

Psychologie des personnages : *****

Intérêt/Émotion ressentie : ****

Appréciation générale : ****


La malédiction des Bernier (Yves Martel et Dante Ginevra)


Yves Martel et Dante Ginevra. – La malédiction des Bernier. – Montréal : Glénat Québec, 2024. – 120 pages.

  

Bande dessinée

 

 

 

Résumé :

 

Le 13 mai 1952, le bateau des frères Bernier, issus d'une lignée de marins gaspésiens réputés, quitte Sainte-Anne-des-Monts et met le cap sur Trois-Rivières. Récemment restauré, le B.F. transporte des tonnes de bois de pulpe. Bien que quelques vagues agitent le Saint-Laurent, la traversée s'annonce plutôt tranquille. Pourtant, le navire n'arrivera jamais à destination, plongeant les familles des dix hommes qui étaient à bord dans une insoutenable attente, puis dans un terrible désespoir...

 

 

Commentaires :

 

Le passé maritime du Québec, entre autres de la Côte-du-Sud jusqu’en Gaspésie, a été marqué par le rôle qu’y ont joué un certain nombre de familles de marins. Parmi celles-ci, les Bernier dont un nom nous vient généralement à l’esprit : celui de Joseph-Elzéar Bernier (1852-1934), capitaine de navire qui s’est distingué comme l’un des plus grands navigateurs de son époque. Surtout connu pour avoir exploré à 12 reprises et avoir déposé en 1909 une plaque sur l'île de Melville proclamant la souveraineté du Canada sur les îles de l'Arctique. Par contre, l’Histoire est amnésique au sujet de sa descendance quant au mauvais sort qui s’est acharné sur Charles Bernier et ses quatre fils (Charles-Noël, Jules, Enoch et Réal) dans un des drames les plus mystérieux dans l’histoire du cabotage au Québec.

 

C’est pour combler cette lacune que Yves Martel, scénariste et Dante Ginevra, dessinateur ont produit cette très belle bande dessinée, un genre littéraire idéal pour atteindre un vaste public. « Une œuvre de mémoire, touchante et prenante, présentant une famille des Méchins qui, de génération en génération, a tout donné au fleuve, jusqu'à tout y perdre », comme le souligne l’éditeur en quatrième de couverture.

 

En page liminaire, le président de Glénat Québec, Christian Chevrier, qui a passé tous les étés de son enfance à Cap-Chat et dont la mère avait perdu son grand frère lors du naufrage du Bernier et Frères (B.F.) en 1952, explique le déclencheur du projet : le repérage en 2006 du navire à coque d’acier par 70 mètres de fond, à faible distance des côtes. Le récit commence d’ailleurs par quelques planches relatant cette découverte qui, comme l'a imaginé le scénariste, bouleverse la sœur des frères qui ont péri en mer.

 

Yves Martel s’est documenté et a rencontré l’historien Louis Blanchette, auteur de Disparus en mer (Sainte-Félicité : Éditions Histo-Graff, 2014) et l’expert maritime Donald Tremblay qui a consacré sa vie à chercher l’épave du B.F. Il a aussi visionné le film Le Naufrage du Bernier & Frères de Jean Bourbonnais.

 

Voulant « raconter l’histoire des Bernier à hauteur d’homme », il « a porté un soin spécial à explorer la réalité quotidienne des familles, notamment celle des femmes et des enfants qui restaient si souvent sans nouvelles de leur mari ou de leur père, à toujours craindre le pire ». Ce qui transporte le lecteur dans la réalité de cette époque, comme s’il la vivait lui aussi », aux côtés de ces fiers Gaspésiens travaillant et combatifs.

 

Le scénariste a « inventé plusieurs scènes en utilisant des éléments et des personnages ayant réellement existé. Par exemple, celle où Dugas [qui avait pris congé pour se reposer après « avoir rushé tout l’hiver », décision qui l’avait sauvé du naufrage du B.F.] visite Rachel après la découverte de l’épave [et qui] devient le fil de la narration, bien que dans les faits cela n’ait jamais eu lieu, même si les deux se connaissaient et s’étaient vus à l’occasion. » Aussi, la « scène de la commémoration du premier naufrage, tout aussi fictive [permet] de présenter la famille Bernier tout en l’inscrivant dans son destin funeste. »

 

Condensée en une centaine de pages, La malédiction des Bernier nous fait revivre :

 

·        le naufrage de la Speedy qui a coulé au large de Matane en 1944 alors qu’elle se dirigeait vers Port Alfred ;

·        la construction et le baptême en 1945 de l’immense goélette La Gaspésienne, le grand rêve de Charles Bernier dont la période faste de sept ans prendra fin à Marsoui, en avril 1951, « lorsqu’une mauvaise manœuvre, doublée d’une violente tempête, jette le rutilant navire contre les rochers » ;

·        la transformation de la barge Le Roseleaf, un rafiot avec coque d’acier en très mauvais état après avoir bourlingué depuis 1915 et vendu aux frères Bernier entraînés « dans une course effrénée pour la quête d’un nouveau navire ». Ils le renommeront Le B.F. La vie du caboteur sera de courte durée : « après quatre voyages seulement, il sombre dans le Saint-Laurent au cours de la nuit du 13 au 14 mai 1952, entraînant la mort de 10 hommes à bord originaires des Méchins (les quatre frères Bernier) et des villages voisins. La couverture de première rend bien la dévastation morale et psychologique des femmes de marins endeuillées.

·        Sans oublier l’enquête bâclée qui s’ensuivit et le rapport biaisé qui s’est perdu dans les kilomètres de documents de Bibliothèque et Archives Canada.

 

L’éditeur a judicieusement complété le récit par l’inclusion d’une iconographie d’époque avec des photos de la famille Bernier, de La Speedy, de La Gaspésienne, du Roseleaf et du B.F.

 

On peut aussi y lire les témoignages de l’historien Louis Blanchette et de Donald Tremblay, fils de capitaine, mécanicien de marine, enseignant et directeur de l’Institut maritime du Québec qui a participé à la découverte de l’épave en 2006. Le scénariste Yves Martel et le dessinateur Dante Ginevra y présentent également leurs démarches littéraire et graphique. Une bibliographie (livres, films, journaux et archives) fournit des références complémentaires aux lecteurs qui souhaiteraient en apprendre davantage sur le monde maritime de l’époque.

 

Dante Ginevra qui réside à Buenos Aires) a été choisi comme dessinateur parce que son style se mariait avec l’époque à restituer et pour sa capacité à dessiner des bateaux. Nourri par Yves Martel d’images, de références, de vidéos… puisqu’il ne connaissait pas « les paysages et l’architecture du Québec », l’artiste qualifie sa technique de traditionnelle : « pinceaux et encre de Chine sur papier pour le dessin ; ensuite, numérisation et mise en couleur sur tablette graphique. »

 

Avec comme résultat des images très dynamiques, comme cette scène d’une partie de hockey…

 

 

…ou impressionnantes comme la construction de La Gaspésienne et de sa mise à l’eau…

 

 

…les activités maritimes des frères…

 

 

…et l’échouement de l’immense goélette.

 



* * * * * 

 


Né en 1976 à Alma, au Lac-Saint-Jean, Yves Martel est diplômé en cinéma de l'Université de Montréal. Il travaille depuis 1999 comme technicien d'effets spéciaux. Il a aussi réalisé deux documentaires sur l'art. L'épine mentale, en 2009, coréalisé avec Mathieu Bergeron, traite du cinéma d'animation. Quant au second, La Cafardeuse, en 2014, jette un regard sur la peinture. En bande dessinée, il a exploré le gag dans le magazine français Le Psikopat, et le reportage dans Planète F, Histoire Québec et Quatre-Temps. Son premier album, Vinland, avant le nouveau monde, en collaboration avec le dessinateur Patrick Boutin-Gagné, est sorti au printemps 2021.


Caricaturiste, illustrateur, Dante Ginevra a commencé sa carrière entre le design et les illustrations publicitaires, le graphisme et l'animation dans les médias audiovisuels et la bande dessinée, qu'il n'a cessé de publier depuis 2000 en Argentine, en Uruguay, en France, en Espagne, en Angleterre et aux États-Unis. Notamment : Tacuara (2023) ; Les Rufians (2021) ; La Malédiction de l'Immortel (2018) ; Le Dégoût (2013) ; Los Dueños de la Tierra (2010) ; El Muertero Zabaletta (2008) ; Entreactos (2004). Il a également publié des bandes dessinées dans le magazine italien Lanciostory, le magazine espagnol Cthulhu, le magazine argentin Fierro et l'agence de presse argentine Élam. Il publie continuellement des romans graphiques pour jeunes adultes pour Capstone Press. Il a enseigné à l'Université de Palerme et à l'école Da Vinci de Buenos Aires. Il a été directeur artistique du studio argentin Untref Media et a travaillé au studio d'animation Mundoloco dans le même pays.

 

Comme l’ont mentionné plusieurs commentateurs, La malédiction des Bernier devrait trouver sa place dans nos écoles et dans nos  bibliothèques afin de mieux faire connaître notre histoire nationale et régionale.

 

En complément à cet avis de lecture, je vous invite à écouter la chronique de Dany Arsenault qu’il a consacrée à la BD à l’émission au Cœur du monde (Radio-Canada) le 24 février 2024.

 

Merci aux éditions Glénat Québec pour le service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire et graphique : *****

Intérêt/Émotion ressentie : *****

Appréciation générale : *****

 


Vingt-trois jours de haine – Une enquête de Frédérique Santinelli et de Guillaume Volta (Steve Laflamme)


Steve Laflamme. – Vingt-trois jours de haine – Une enquête de Frédéric Santinelli et de Guillaume Volta. – Montréal : Libre Expression, 2024. – 411 pages..

 

Polar

 

 

 

Résumé :

 

Frédérique Santinelli, professeure de littérature habituée à collaborer avec la police, reçoit un livre dédicacé dont l'histoire est une espèce de manuel d'instructions pour faire souffrir sa femme.

D'abord dégoûtée par les horreurs que dépeint l'œuvre, elle croit y déceler un code caché qui révélera bientôt le nom de Caroline Généreux, victime de violence conjugale disparue depuis plus de deux ans. Santinelli fait appel au lieutenant-détective Guillaume Volta et le duo se lance dans une enquête guidée par les informations dissimulées dans cet effrayant manuscrit.

 

 

Commentaires :

 

Si vous avez aimé comme moi Les Agneaux de l'Aube, la première enquête de Frédérique Santinelli, professeure de littérature à l’Université Laval et Guillaume Volta, lieutenant-détective de la Sûreté du Québec parue en 2023, vous serez happé,e par ce tourne-page. Et n’ayez crainte, malgré son titre, la couverture de première et le synopsis, cette sombre histoire est « moins angoissante » qu’elle n’y paraît. L’auteur a su habilement « montrer les laideurs dont sont capables les hommes qui n’aiment pas les femmes » comme il me le mentionnait dans sa dédicace.

 

Suite logique du premier tome – de nombreuses références en faisant foi –, Vingt-trois jours de haine est un récit rempli de péripéties extraordinaires et extravagantes mettant en scène une panoplie de personnages aux fantasmes déviants, possédés du démon de la perversité, avec comme artefact central un livre effrayant, Le Calendrier de Tityos, un ouvrage signé par un mystérieux Oussef Lippman-Poliquin, aux références puisées dans la mythologie grecque. Vous y découvrirez, entre autres les mythes de Tityos, « l'homme dans l'amour gisant, lacéré par ses vautours, les angoisses dévorantes, ou celui que déchirent les affres d'autres passions ». Et celui de la Stryge, démon femelle ailé, mi-femme, mi-oiseau, qui pousse des cris perçants, dont la représentation la plus célèbre est celle de la sculpture qui orne la cathédrale Notre-Dame de Paris.

 

Tityos               Stryge

 

Des références à L’Étude d’après le portrait du pape Innocent X par Vélázquez de Francis Bacon et au Jardin des délices de Jérôme Bosh évoquent l’ambiance glauque de cette fiction.

 

L’action se déroule principalement à Québec, dans la région montréalaise et aussi au Saguenay – Lac-Saint-Jean, dans le secteur du Lac La tombelle qui, « dans un test de Rorschach, l’étendue gelée qui s’agrandissait du sud vers le nord aurait évoqué […] une longue botte à talon. » Au nord-ouest de Saint-Félicien, ville natale de Steve Laflamme.

 

Si vous aimez les énigmes à décrypter, la première partie du roman, peut-être la plus aride, livre son lot d’indices permettant d’identifier rapidement l’auteur du texte et les personnages de ce scénario sordide.

 

Un code QR offre au lecteur la possibilité de consulter la table des matières annotée par Frédérique Santinelli du Calendrier de Tityos qui s’emploie à déchiffrer le message que veut transmettre son auteur. Un deuxième code-barres à deux dimensions fournit les résultats de l’analyse permettant d’enclencher l’action qui s’alimente de chapitre en chapitre à un rythme trépidant.

 

Et l’auteur va jusqu’à inviter subtilement le lecteur de son propre roman à repérer un anthroponyme aux composantes dissimulées dans le texte que je vous laisse découvrir.

 

Vingt-trois jours de haine permet également d’en connaître davantage sur l’évolution des relations compliquées qu’entretiennent Guillaume Volta et Joëlle, son épouse, qui conserve depuis un an et demi les séquelles de l’attaque au chlore subie à la suite de l’enquête sur les Meurtres de l’Aube relatée dans le précédent roman.

 

Le roman nous éclaire également sur le passé familial trouble et douloureux de Frédérique Santinelli, victime de manipulation et d’espionnage électronique de la part de la GRC. Dans cette portion de la fiction qui traite de violences à l’égard des femmes, Steve Laflamme en profite pour rappeler les pratiques eugénistes, qui ont eu cours en Alberta, en Colombie-Britannique et au Québec :

 

« … de 1928 à 1972, l'Alberta Sexual Sterilization Act avait, en toute légalité et en toute impunité, pratiqué la stérilisation forcée pour préserver la pureté génétique canadienne. D'abord réservée aux femmes handicapées mentalement, cette pratique avait été élargie jusqu'à englober des gens qui étaient aux prises avec des problèmes d'alcoolisme, de toxicomanie, ou encore vivant en situation de pauvreté extrême, présentant un comportement criminel – prostitution, homosexualité ou déviances sexuelles, par exemple... Il ne restait qu'un pas à faire pour inclure dans ce bassin de malheureux les membres de la communauté autochtone. »

 

« La Colombie-Britannique disposait d’une loi similaire. La stérilisation forcée existait même ici, au Québec. » « Ces femmes-là [autochtones] avaient été expatriées et stérilisées au Québec. Elles avaient été charcutées de force à Sept-Îles, à Roberval, à La Tuque... Leurs bourreaux étaient protégés par le Collège des médecins... et par le peu d'intérêt de la population concernant ce qui pouvait arriver aux Autochtones, ce qui incitait les victimes à ne rien ébruiter et à endurer. »

 

« Il y a eu des stérilisations forcées jusqu’en 2019 au Québec… »

 

Je n’en dis pas plus sur le scénario qu’a imaginé, cette « course contre la montre pour percer les secrets d’un livre mystérieux ». À vous de vous y plonger.

 

Quelques mots maintenant sur la qualité d’écriture et le style très imagé qui caractérisent la production littéraire de Steve Laflamme.

 

Ce dernier excelle dans la description laconique des personnages qu’il met en scène. En voici quelques exemples :

 

« … sa carrure d’athlète donnait à croire qu’on l’avait fabriqué en laboratoire. »

 

« … un jeune homme aux cheveux savamment disposés en bataille comme s’il avait affronté seul le moulin à vent de Don Quichotte et avait perdu le combat. »

 

« Il raclait les R comme un félin, au point que, dans un zoo, on l’aurait mis en cage. »

 

Il portait « un pantalon brun et des pantoufles qui avaient peut-être été tricotés par Marguerite-Bourgeoys. »

 

Pour la description physique de ses deux protagonistes enquêteurs, leur créateur convie son lectorat à laisser libre court à son imagination.

 

J’ai aussi noté quelques descriptions de lieux et d’ambiance :

 

« … des conifères trop empesés par l’hiver pour revendiquer leur verdure parmi les feuillus aussi dépouillés que des squelettes. »

 

« Là où le feu aurait dû valser en chauffant le chalet, l’âtre se contentait de cendres de ce qui avait jadis été. »

 

« … la baie vitrée du salon peignait le tableau du grand éveil de la forêt, patiné des traits orangés de l’aube. »

 

« Les rais d’un soleil trompeur filtraient à travers un interstice dans les rideaux qui fermaient l’œil de leur chambre à coucher. »

 

« Les lampadaires faisaient de leur mieux, mais ils n’arrivaient pas à affecter l’empire obscur de la nuit. »

 

« Il faisait si froid qu’un ours polaire aurait exigé quelques références avant de s’établir ici. »

 

« … des sapins séculaires se hissaient assez haut pour être devenus les confidents du Tout-Puissant. »

 

J’ai souri à la lecture de ce passage sur l’autoédition :

 

« … la professeure de littérature avait constaté que le livre était publié en autoédition. Elle s'abandonnait tout à fait volontiers aux bassesses des préjugés à l'égard de ces auteurs qui s'entêtent à publier même si on a refusé leur manuscrit partout où ils l'ont envoyé. Certains de ces manuscrits seraient rejetés jusque sur Mars si l'auteur osait y envoyer le fruit de son labeur, croyait-elle. »

 

Professeur de littérature au Cégep de Sainte-Foy, Steve Laflamme intègre dans son récit de nombreuses références littéraires.

 

Par exemple, Oulipo, la compression du nom de l’auteur (OUssef LIppman-POliquin) du mystérieux livre qui avait été déposé à la porte de Santinelli :

 

Elle avait vu « dès la réception du livre, en prélevant de chaque mot du pseudonyme sa syllabe initiale, ce qui donnait Oulipo. Une référence à l'Ouvroir de littérature potentielle, un groupe de recherche fondé en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais, et dont l'objectif consistait à explorer des zones de l'écriture créées par l'imposition de contraintes. »

 

Et plusieurs mentions d’ouvrages et d’auteur,es tel que :

 

·        La Bible : le Code secret de Michel Drosnin qui, selon l’auteur, contient un code permettant de retrouver diverses prophéties sur l'avenir de l'Humanité ;

·        La main du bourreau finit toujours par pourrir, célèbre poème de Roland Giguère publié en pleine Grande Noirceur, « associé à la figure dominatrice conjointe de Maurice Duplessis et du clergé catholique, qui écrabouillaient toute tentative d'émancipation » ;

·        Carrie et Shining, l’enfant de lumière de Stephen King, un de ses romanciers préférés ;

·        Gardiens des cités perdues, série de romans jeunesse de Shannon Messenger ;

·        Alphonse de Lamartine ;

·       

 

Sans oublier un clin d’œil à son amie Julie Rivard, auteure entre autres de polars « empreints de sensualité » et son enquêteur Henrik.

L’auteur partage également quelques-uns de ses goûts musicaux : Floor Jansen, chanteuse néerlandaise (metal) ; The Cure, groupe rock britannique ; Arch Enemy, groupe metal ; George Thorogood, blues rock.

Et probablement un de ceux de sa fille Frédérique « la vrai Frédérique en chair et en os, en intelligence et en sensibilité, qui a inspiré par son prénom et certaines de ses propriétés idiosyncrasiques la Frédérique fictive » (Remerciements et mot de la fin) : Jimin Park, chanteur coréen.

Notons également que l’auteur s’est judicieusement documenté sur l’éventail de médicaments consommés par Frédérique Santinelli : Venlafaxine (contre l’anxiété), Naproxène (pour les maux de tête carabinés), corticostéroïdes (afin de mieux respirer), Ésoméprazole (pour les douleurs gastriques provoquées par le Naproxène et solution triesters de glycérol oxydés (pour contrôler la xérostomie, une sécheresse buccale excessive due à une forte dose de Venlafaxine).

 

Je ne saurais terminer cet avis de lecture sans citer deux extraits sur la virilité malsaine dénoncée dans cette deuxième enquête du duo Volta-Santinelli :

 

« À une autre époque, c'était la force qui marquait la virilité, qui assurait la survie, qui faisait de l'homme le pourvoyeur – le rendait utile. Plus rien de tout ça n'est encore d'actualité. Les femmes travaillent. L'homme n'a plus à chasser son gibier pour manger. Et pourtant, il n'a rien perdu de ce besoin de dépenser la testostérone qui court dans ses veines. »

 

« Tant que ‘’ mes semblables ‘’ ne comprendront pas que c’est par l’esprit et l’intelligence qu’ils doivent affirmer leur virilité, on sera dans le pétrin. »

 

J’espère vous avoir donné le goût de lire Vingt-trois jours de haine, un roman que j’ai dévoré en deux jours !


 

Steve Laflamme est né à Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean. Il enseigne la littérature (policière, entre autres) au Cégep de Sainte-Foy et il écrit, toujours dans les tons de noir sur noir.

 

 

 

Merci aux éditions Libre Expression pour le service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue : *****

Psychologie des personnages : *****

Intérêt/Émotion ressentie : *****

Appréciation générale : *****