Bienvenue en Amérique (Jake Halpern et Michael Sloan)


Jake Halpern et Michael Sloan. Bienvenue en Amérique – Chronique d’une immigration. – Montréal : XYZ, 2022. – 183 pages.

 


Roman graphique

 

 


Résumé :

 

Fuyant les horreurs de la guerre, les membres de la famille Aldabaan quittent la Syrie, obtiennent le statut de réfugiés et s'installent dans une petite ville américaine, loin de leurs proches et de leurs repères.

 

S'ils n'ont plus à craindre les bombardements et la torture, Ibrahim, Adibah et leurs cinq enfants doivent tout apprendre de ce nouveau monde.

 

Parlant à peine la langue du pays d'accueil, sans amis et encore moins d'argent, ils s'efforcent de reconstruire un quotidien où tout, jusqu'aux gestes les plus simples, représente un défi. Entre l'intolérance des uns et la bienveillance des autres, notamment celle des bénévoles dévoués qui croisent leur route, ils cherchent à s'adapter sans renier qui ils sont.

 

 

Commentaires :

 

Ce roman graphique est issu de trois ans de travail journalistique mêlant enquête, décryptage, recoupement des sources et entretiens. Il raconte la nouvelle vie des réfugiés qui arrivent en Amérique. Il parle de la guerre et de ses dommages collatéraux, mais aussi de la force de la solidarité et de l'espoir d'une vie meilleure.

 

En 2018, le jury du prix Pulitzer a attribué son prix du dessin de presse à la série de reportages dessinés publiés par le New York Times dont ce livre est une version augmentée.

 

En épilogue, l’auteur, Jake Halpern, raconte comment il a rencontré et suivi le parcours de la famille Aldabaan arrivée de Syrie à New York l2 8 novembre 2016, le jour de l’élection de Donald Trump. Et comment il a travaillé pour concevoir un script de l’ensemble de l’histoire qu’il souhaitait raconter jusqu’à la transposition en mages par Michael Sloan. Dans les dernières pages, des dessins de la mère, Adibah Aldabaan, et une photo de la famille sont reproduites.


Bienvenue en Amérique est une histoire vraie qui illustre qu’aux États-Unis, des citoyens ont le cœur sur la main pour accueillir des réfugiés et les aider à s’intégrer à leur communauté : apprendre la langue, trouver un logis et du travail, se sentir américain malgré les embûches.

 

Jake Halpern est journaliste indépendant. Ses articles sont notamment publiés dans le New York Times et le New Yorker. Il est l'auteur de plusieurs essais et romans.

 

Michael Sloan est illustrateur. Son travail est régulièrement publié dans le New York Times.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****

Gauloises (Serio & Igort)

Serio & Igort. – Gauloises. – Paris : Futuropolis, 2022. – 83 pages.

 


Polar – Bande dessinée

 

 



Résumé :

 

Un tueur à gages napolitain, résidant à Milan, fait son boulot (et parfois même des heures supplémentaires) sans aucun état d’âme. Impitoyable. Enveloppé dans la fumée d’une gauloise, il finira par rencontrer l’autre. L’autre est un boxeur raté, né en Sardaigne, d’origine milanaise. Coureur de jupons, visage abîmé et la gâchette facile, toujours au service du mal.

Quelqu’un a tué Pupa le ventriloque, le protégé du parrain local. Ce quelqu’un doit payer. On raconte que c’est le tueur aux gauloises…

 

 

Commentaires :

 

Une autre belle découverte que cet album à l’atmosphère envoûtante qui pose les bases d’un récit très cinématographique au cadrage dynamique laissant au lecteur le choix de laisser porter son imaginaire afin d’en déterminer l’issu. Quelles sont les circonstances de la mort de Véronica et de Pulpa? Où se déroulera l’ultime duel entre le Napolitain et le Sarde ? Lequel des deux survivra ?

 

Une structure originale découpée en cinq courts chapitres permettant de découvrir le parcours des deux protagonistes, Aldo et Ciro, entre boxe et jazz, jusqu’à leur affrontement final laissé en suspens. Que dire de ces cinq vignettes qui racontent sur une seule page comment le jeune Ciro a commis son premier meurtre, prémisse de sa carrière de tueur à gages, sinon une maîtrise parfaite de l’écriture bédéiste !

 

Une qualité graphique impeccable, un décor aux teintes pastel et vaporeuses rappelant le chaud climat méditerranéen, la sérénité des lieux en opposition avec la tension de l’histoire qui se trame entre quelques bouffées de gauloises brunes. Une esthétique qui donne un nouveau souffle aux littératures du crime. Une narration minimaliste. Aucune bulle. De nombreuses vignettes silencieuses, certaines magnifiques en doubles pages, nous entraînent à Naples et à Milan dans les années 1950, entre terre et mer, dans un univers romanesque aux dimensions oniriques.

 

Gauloises, un polar hors du commun, une BD à savourer à répétition pour reconstituer la continuité logique du récit et enrichir notre première lecture !

 

Igort (Igor Tuveri) est né en Sardaigne. Il a démarré sa carrière d'auteur de BD au début des années 80 et a connu une reconnaissance internationale grâce à sa collaboration avec différentes revues et la traduction de ses albums en sept langues. Ses thèmes de prédilection sont le polar, le jazz et l’actualité.

 

Andrea Serio est né en Toscane. Après des études artistiques, d’illustration et de design, il a démarré sa carrière en réalisant des illustrations de livres et des albums. À partir de 2007, il produit de nombreuses couvertures, affiches, campagnes publicitaires qui lui donnent une notoriété internationale grâce à de grands festivals. En 2012, il a publié son premier roman graphique.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****

Maple (David Goudreault)


David Goudreault. Maple. – Montréal : Stanké, 2022. – 237 pages.

 


Polar

 

 


Résumé :

 

« Quand même pas tous les jours qu'une péripatéticienne bien mûre arrive à résoudre un paquet de crimes, à doubler la police et à neutraliser un tueur en série du même élan. Ça vaut la peine d'être raconté.Attachez vos tuques avec de la broche à dents, ça va fesser fort. »

 

Commentaires :

 

Si vous avez aimé la trilogie La bête à sa mère / La bête et sa cage / Abattre la bête, publiés en 2015/2016/2017, vous retrouverez l’ambiance et l’écriture caustique de David Goudreault, chroniqueur, poète, parolier, romancier… et travailleur social dont l’expérience professionnelle nourrit son inspiration créatrice.

 

Avec Maple admirablement représentée sur la couverture de première, l’auteur nous entraîne dans une histoire déjantée mettant en scène une vieille travailleuse du sexe de 57 ans en liberté conditionnelle, entourée de personnages tous plus colorés les uns que les autres, qui se donne pour objectif d’enquêter sur les meurtres en série entre autres de ses collègues péripatéticiennes et de punir le ou la coupable. Préparez-vous à plonger dans un univers glauque comme l’annonce en page liminaire le « traumavertissement » :

 

« Cette oeuvre de fiction déborde de violence, de références explicites au racisme, au multiculturalisme, à l'homophobie, à la claustrophobie, aux drogues dures, à la misandrie, à la misogynie, à l'exploitation sexuelle, aux homicides, aux féminicides et au suicide. Lecteurs sensibles, abstenez-vous. À l'aventure ! »

 

Utilisant à l’excès une plume incisive dans ce roman politiquement incorrect et corrosif, Goudreault décoche des flèches sur la gestion du milieu carcéral, l’administration de la justice, la réhabilitation, la protection de la jeunesse, le travail social, la santé mentale, les milieux littéraires, les services de police et de nombreux travers. Le tout traité dans une narration et des dialogues crus, injectés d’une certaine dose d’humour exacerbée, de poésie et de descriptions savoureuses, comme dans ces quelques exemples :

 

« La danse du rouge et du bleu dans les beaux grands yeux bruns de Lamoureux relevait de la poésie. » (en référence aux gyrophares des voitures de police)

 

« Notre bulle de bonheur détonnait dans la grisaille ambiante de mars… »

 

« Il était chauve, mais portait une barbe dense. Comme la richesse dans le monde, il avait la pilosité très mal distribuée. »

 

« Dans ses grands yeux de morue morte à marée basse, j’ai vu un tressaillement de volonté, un spasme de contestation. »

 

« Fin d’après-midi, les pupilles dilatées au max, les paupières en guerre contre la gravité, elle était complètement défoncée. »

 

Et on pourrait en citer des centaines d’autres que vous pourrez découvrir de page en page.

 

Donc, si vous êtes à la recherche d’une lecture originale, d’œuvre littéraire bien québécoise qui sort des sentiers battus, je vous recommande de côtoyer pendant quelques heures Maple, pour qui « à tendre l’autre joue, on vient vite à manquer de face » et que « pour que le bien se puisse, il faut parfois que le mal se fasse ».

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****

Les ténèbres et la nuit (Michael Connelly)

Michael Connelly. Les ténèbres et la nuit. – Paris : Calmann-Levy, 2022. – 415 pages.

 



Polar

 

 


Résumé :

 

Alors que Los Angeles fête le passage à la nouvelle année, l’inspectrice Renée Ballard est appelée sur une banale scène de crime. Mais la victime, un garagiste endetté, n’a pas été tuée au hasard des festivités.

 

Ce meurtre est en effet lié à un autre, sur lequel a jadis travaillé l’illustre Harry Bosch, trop heureux de reprendre du service pour aider Ballard. D’autant plus que celle-ci a déjà fort à faire avec une enquête en parallèle qui la voit traquer un sinistre duo de criminels surnommés les « Hommes de minuit ».

 

Dans cette affaire, présent et passé se rejoignent et les monstres que Ballard et Bosch recherchent sont prêts à tout pour garder leurs secrets.

 

 

Commentaires :

 

Un 26e livre de la série Harry Bosch, le 4e de la série Renée Ballard, que j’ai beaucoup aimé. Difficile d’être déçu avec Michael Connelly, même si parfois certains ouvrages sont moins palpitants que d’autres. Le personnage légendaire de l’auteur, inspecteur à la retraite, est toujours présent mais il n’y joue qu’un rôle de soutien. À 71 ans, avec des cold case qu’il souhaiterait bien résoudre, Bosch forme avec Ballard un tandem intéressant, laissant toute la place à celle qui est en quelque sorte l’héritière de la fougue, de la ténacité et l’esprit d’insubordination de son mentor. Une excellente enquêtrice qui ne craint pas de prendre un grand nombre de libertés et de nombreux risques, malgré le désaccord de son collègue, et qui, on s’en doute, lui valent de sérieux ennuis avec ses collègues et ses supérieurs.

 

Un excellent suspense qui repose sur deux enquêtes parallèles avec une montée d’adrénaline dans les chapitres de la finale. Le bandeau qui orne la couverture de première annonce « Une nouvelle enquête de Bosch et Ballard », On devrait plutôt y lire « Une nouvelle enquête de Ballard et Bosch ».

 

Le genre polar se prêtant à la critique sociétale, Les ténèbres et la nuit, dont le titre est extrait d’un dialogue entre Bosch et Ballard à la page 311, n’y échappe pas avec les références à l’affaire George Floyd, à l’élection de Donald Trump, à la vaccination anti-COVID, à l’obligation de porter le masque de protection, à l’assaut du Capitole, aux failles du système judiciaire, au définancement de la police…

 

Comme dans tous ses romans, Michale Connelly nous fait voyager dans les différents quartiers de Los Angeles et sa banlieue, une cité où la criminalité est en hausse face à une désorganisation de plus en plus évidente du LAPD. Mais Renée Ballard monte la garde en s’inspirant des méthodes de Harry Bosch.

 

Le dernier chapitre ouvre la porte sur le prochain opus déjà disponible en anglais, probablement traduit en français au cours de l’année pour une sortie à l’automne 2023 : Desert Star. Le tandem travaillera ensemble pour chasser un tueur, la « baleine blanche » de Bosch, un homme responsable du meurtre de toute une famille. Je lui réserve déjà une place dans ma bibliothèque de polars.

 

Comme de nombreux ouvrages traduits, Les ténèbres et la nuit contient de nombreuses fautes typographiques. Plutôt étonnant pour une maison sérieuse comme Calmann-Levy !

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : ****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****

Petit traité du lecteur (Shaun Bythell)


Shaun Bythell. – Petit traité du lecteur. – Paris : Éditions Autrement, 2021. – 127 pages.

 



Recueil de portraits

 

 


Résumé :

 

Quand on flâne entre les rayons, on oublie souvent que le libraire est là qui nous observe. Et quand l'un d'eux épingle nos bizarreries et nos manies d'une plume malicieuse, il peut en faire un joyeux jeu des sept familles, caustique et cocasse.

 

 

Commentaires :

 

Amusante lecture de cette plaquette dans laquelle un libraire, en l’occurrence le propriétaire de la plus grande librairie d’occasion d’Écosse, catégorise ses clients dans une taxonomie de son cru : 8 genres et une trentaine d’espèces. Complétée en post-scriptum 4 types de clients parfaits. Tous avec une appellation latine, bien que l’auteur avoue sa connaissance déplorable de cette langue ancienne. Un recueil de portraits complété par de savoureuses anecdotes.

 

Si vous êtes « spécialiste, raseur, instructif, bibliophile, mécano amateur, parents exténués, enfant abandonné, parents ambitieux, enfants qui adorent les livres, adepte de la magie noire, conspirationniste, cartomancien, chasseur de fantômes, amatrice de travaux manuels, fureteur libidineux, désœuvré, conjoint qui s’ennuie, auteur autoédité, porteur de lycra, pantalon rouge, retraité dont la maison a rapetissé, radin, siffloteur, renifleur, fredonneur, péteur, râleur, généalogiste, étudiant, hipster, libraire d’occasion… » ou le client parfait : collectionneur de romans ou de livres sur les chemins de fer, client normal, fan de science-fiction ou de bandes dessinées », vous avez toutes les chances de vous reconnaître. Et peut-être imaginer ce que votre libraire « pense (peut-être) tout bas ». Ou souhaiter, comme l’a écrit Robert Burns dans son poème « À un pou » :

 

« Ah, si quelque puissance nous accordait le don

De nous voir tels que les autres nous voient ! »

J’ai aussi apprécié cette citation en introduction d’un extrait de la préface de l’essai de Roy Harley Lewis, « Les Livres anciens. Propos d’un homme du métier », se demandant « quelles raisons peuvent bien nous conduire à trouver le métier de libraire plus intéressant que celui de marchand de chaussettes » lorsqu’il « répond en enthousiaste incorrigible :

Bien peu de professions vous apportent de telles satisfactions et sont aussi exigeantes que le commerce des livres anciens, qui requiert du vendeur de jouer, selon les moments, les rôles de détective, d'érudit, d'agent, de psychologue et de diseur de bonne aventure - sans parler évidemment des rôles conventionnels d'acheteur et de vendeur. »

 

En 2001, Shaun Bythell rachète The Book Shop, la librairie de Wigtown (https://www.the-bookshop.com/), Wigtown - Scotland's National Book Town, une petite ville d’à peine 1000 habitants du sud-ouest de l'Écosse dont il est originaire. On y trouve une douzaine de librairies et de commerces liés aux livres. Bythell n'a alors aucune expérience dans le commerce des livres. Grâce à des efforts continus, The Book Shop est devenu la plus importante librairie de livres d'occasion du pays.

 

Shaun Bythell est également membre fondateur du Wigtown Book Festival (https://www.wigtownbookfestival.com/) qui attire des milliers de visiteurs

 

« Le libraire de Wigtown », son premier roman, fut publié en 2018.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****


Appréciation générale : ***** 

Les embrouillaminis (Pierre Raufast)


Pierre Raufast. – Les embrouillaminis. – Bussy-Saint-Martin : Aux forges de Vulcain, 2021, – 351 pages.

 



Roman

 

 


Résumé :

 

L'auteur de ce roman est né sous le signe de la Balance : il est incapable de choisir sa confiture au petit-déjeuner ni même le destin des héros de ses romans. Est-ce que Lorenzo part au Mexique rejoindre une équipe d'effaroucheurs, disciples des dieux aztèques ? Ou alors, est-ce que Lorenzo reste dans la vallée de Chantebrie et devient cambrioleur par amour ? José-Luis Borges parle d'une bibliothèque infinie dans laquelle se trouveraient toutes les histoires du monde. L'auteur de ce roman remercie l'écrivain argentin pour [sic] l'avoir invité dans ce lieu où l'indécision est heureuse.

 

 

Commentaires :

 

J’ai été déçu par ce roman qu’on avait vanté à « La grande librairie » de France 5. L’ouvrage était introuvable au Québec. Je l’avais fait acheter par un ami à Montpellier.

 

La formule du roman dont vous êtes l’auteur est intéressante, mais elle a certainement des limites. Je ne sais pas si j’ai fait un mauvais choix d’option à la fin d’un chapitre avec comme résultat que je suis tombé dans une boucle sans fin, sans que je puisse connaître le ou un des dénouements de l’histoire. Une histoire banale qui ne m’a malheureusement pas tenu en haleine. Désolé.

 

Pierre Raufast est né à Marseille en 1973. Depuis son premier roman, « La Fractale des raviolis » (prix de la Bastide et prix Talents Cultura 2014), il se plaît à jouer avec les structures narratives. « Les Embrouillaminis » est son sixième roman. Quand il n'écrit pas, il travaille dans la cybersécurité (et vice versa). [note de l’éditeur]

 

 

Originalité/Choix du sujet : **

Qualité littéraire : ****

Intrigue :  **

Psychologie des personnages :  **

Intérêt/Émotion ressentie :  *

Appréciation générale : **