Martha. Les forces cachées (Steven Laperrière)

Steven Laperrière. – Martha. Les forces cachées. – Saint-Lambert : Éditions La Roupille, 2018. 199 pages.
Récit biographique
Résumé : Je ne l’ai pas oublié. Il est juste derrière moi. Mon Rwanda, ma terre natale.
Pourtant, après que le génocide m’a volé une enfant et peu après le décès de mon mari, une subite envie de fuir s’est imposée à moi. Ce besoin absolu de m’échapper, d’abandonner mon pays pour offrir une vie plus sécuritaire à mes trois enfants s’est fait sentir au plus profond de mon être, jusque dans mes tripes.­ Malgré mon fauteuil roulant, mes limitations et ma situation de femme monoparentale, je devais le faire­: m’expatrier. Pour moi, pour eux.
Jamais je n’aurais pu imaginer ce qui m’attendait et ce que serait ma vie de réfugiée, dans ce pays de froid­ : le Québec.
Commentaires : Nous nous faisons une tête concernant l’arrivée parfois massive de réfugiés ainsi que des immigrants dits légaux ou illégaux et des problèmes potentiels qui en découlent à partir des médias et des déclarations des politiciens. Sécurité nationale, criminalité, coûts économiques et sociaux… sont généralement mis de l’avant pour manipuler l’opinion publique.
Mais qu’en est-il du point de vue de la personne qui a dû quitter son pays, sa famille, ses amis et abandonner derrière elle ses biens pour assurer sa propre sécurité et celle de ses enfants? Dans une société d’accueil où les références culturelles sont parfois aux antipodes? Quand on a la peau noire, qu’on doit se véhiculer dans un fauteuil roulant, qu’on est monoparentale avec trois jeunes enfants? Avec toute la volonté de s’intégrer à son nouveau milieu de vie; de survivre à la paperasserie gouvernementale; de trouver logement et emploi; d’apprendre à utiliser les transports en commun, les services de santé…; de faire son épicerie; de se créer un réseau d’amis; ou même d’apprivoiser les services policiers? Et j’en passe.
C’est ce dont témoigne avec un humour bon enfant cette courageuse Africaine dans ce récit biographique qui nous la fait suivre depuis sa terre natale, Rubengera, Rwanda, jusqu’à sa terre d’adoption, Lachine, Québec. Elle qui craint un moment qu’on l’extradait en Chine J.
Steven Laperrière, un militant montréalais pour l’accessibilité universelle des personnes handicapées et défenseur des victimes de discrimination fondée sur le handicap, a recueilli les propos de Martha Twibanire et les a mis en forme de récit. C’est Martha la déterminée, la résiliente, qui nous relate de grands pans de son histoire : son enfance dans son village, son travail à Kigali, son espoir de remarcher (elle qui a été victime toute jeune de poliomyélite), le grand amour de sa vie, le génocide, la grande traversée vers les États-Unis pour prendre ensuite la direction de Montréal,  sa nouvelle vie au Québec à partir de 1999, ses angoisses, son adaptation, le rôle qu’ont joué les Grands Frères et Grandes Sœurs, l’intégration de ses enfants à l’école, son premier Noël et les difficultés rencontrées sur le marché du travail.
N’ayez crainte, vous ne verserez pas de larmes en écoutant Martha. Vous sourirez plus souvent qu’autrement en constatant le caractère parfois ridicule de certaines situations : la cuisson de la première dinde, la question de la minorité invisible, le devoir sur le thème de la sexualité de sa fille de huit ans, le diable qui n’en est pas un, les expressions québécoises (chum, vente de garage…), les déplacements en triporteur... Mais vous serez aussi sensibilisé par les difficultés vécues au quotidien : le transport adapté, l’inaccessibilité des locaux de l’école, les relations avec la clientèle, pour ne nommer que celles-là.
Ce sont là quelques-unes des forces cachées de Martha et combien d’autres qui sont mises en lumière par cet ouvrage que je vous invite à découvrir.
Ce que j’ai aimé : Le ton du récit. L’humour de la narratrice. La leçon de courage.
Ce que j’ai moins aimé : -
Cote :

Il était une fois l’inspecteur Chen (Qiu Xiaolong)

Qiu Xiaolong. – Il était une fois l’inspecteur Chen. – Paris : Éditions Liana Levi/Points, 2016. 227 pages.


Nouvelles policières


Résumé : De son enfance en pleine Révolution culturelle, Chen Cao garde en mémoire les dénonciations, les cris, les quolibets dont son père a été l'une des victimes humiliées. Quelques années plus tard, Chen est affecté d'office dans un commissariat où, jeune policier, il se charge d'une enquête aux relents d'un passé de corruption : l'assassinat d'un commerçant spolié puis réhabilité. Cette première enquête le ramène aux heures sombres de la Chine de Mao et réveille un douloureux passé.Poète de cœur et policier de métier, il dénoue cette affaire d'une main de maître et devient l'incorruptible inspecteur Chen.

Commentaires : Dans ce recueil de « nouvelles » policières, Qiu Xiaolong raconte l’enfance et la « naissance » de son personnage fétiche, l’inspecteur Chen, au cœur des transformations politiques et sociales que connaît progressivement la Chine moderne. Fiction et autobiographie s’entremêlent pour nous dresser un portrait saisissant et révélateur d’une période plutôt sombre de la vie de l’écrivain. L’œuvre se présente en trois temps : « Jeunesse » raconte l'enfance de Chen; « Première enquête » décrit son entrée dans la police et sa première enquête; « Sur le terrain » regroupe de petites histoires concernant Chen, complétées par la suite de la vie de l’auteur amorcée dans le préambule jusqu’à ce qu’il devienne écrivain.

Ne cherchez pas dans cet ouvrage des enquêtes à suspense sur des crimes odieux. Vous y retrouverez davantage une dénonciation des affres de la Révolution culturelle de Mao au travers l’histoire douloureuse d’un personnage qui en a souffert les affres, forcé bien malgré lui de devenir inspecteur de police.    

Il était une fois l’inspecteur Chen, c’est aussi l’éloge de la poésie, de la gastronomie, de la sagesse confrontée à la peur, aux dépossessions, à la corruption de l’administration, aux dénonciations, à l’autocritique publique, à l’humiliation dans une Chine brutale à l’idéologie en dérive. Il introduit un personnage récurrent dans l’œuvre de Qiu Xiaolong : son ami d’enfance Lu, le « Chinois d’outre-mer ».

Ce que j’ai aimé : L’imbrication du récit, de l’histoire du personnage (de l’auteur) et de sa famille dans celle de la Chine de Mao.

Ce que j’ai moins aimé : -


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1ère avenue (Émilie Rivard)

Émilie Rivard. – 1ère avenue. – Lévis : Espoir en canne, 2016. 181 pages.


Roman jeunesse


Résumé : Certains jours, un écureuil écrasé dans un stationnement et une bonne chanson suffisent à tout remettre en question. C'est ainsi que Laura décide de mettre son quotidien et ses plans de côté pour prendre une pause. Elle fait alors escale dans le quartier Limoilou, où elle bouscule ses convictions et livre du bonheur, un pouding à la fois. Entre ses nouveaux colocs inquiétants et ses clients, parmi lesquels une femme enceinte à l'imagination fertile, un accro au gluten et des joueurs de poker qui portent un lourd secret, la pause sur la 1re avenue est bénéfique, mais pas toujours apaisante.

Commentaires : Émilie Rivard a publié plus de 50 romans et albums depuis 2005 et créé des textes pour le théâtre, pour des magazines et pour la télévision. 1ère avenue lui a valu le Prix des libraires du Québec Jeunesse 12-17 ans 2018 et à juste titre.

Dans cette fiction visant une clientèle à la fin de l’adolescence et qui se déroule dans le quartier de mon adolescence, l’auteur met en scène une constellation de personnages qui gravitent autour de Laura, une jeune femme à peine diplômée du cégep, à la recherche d’un sens à sa vie. Au gré des courts chapitres, le lecteur découvre la personnalité de celle qui est confrontée à des choix : quitter son amoureux, s’installer dans le quartier ouvrier de Limoilou et se trouver du travail. Une nouvelle vie de colocataire s’offre à elle avec un emploi hors du commun : livreuse de pouding à domicile. Un boulot qui l’amènera à côtoyer la faune de son nouveau milieu de vie.

Les habitués du quartier s’y retrouveront grâce aux nombreux points de référence où évolue cet attachant personnage en quête d’amitié, d’amour.

Traité avec humour, ce récit est écrit dans une langue qui lui octroie toute la crédibilité de la description des lieux où se déroule cette histoire qui n’est pas sans rebondissements.

Ce que j’ai aimé : Le réalisme de l’histoire bien campée dans ce quartier de la ville  de Québec. Au gré du récit, j’avais l’impression d’accompagner l’héroïne dans les rues de Limoilou. Le ton optimiste de l’auteure.

Ce que j’ai moins aimé : -


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Le dossier Météore (Benjamin Faucon)

Benjamin Faucon. – Le dossier Météore. – Varennes : Éditions AdA, 2018. 272 pages.
 


Thriller

 
 
 
 

Résumé : Matt Roy regarda une dernière fois la revue d’astronomie qui traînait sur le comptoir de son magasin. Ses yeux fixèrent la photographie de la nova observée le 19 mars et un large sourire apparut sur son visage. Cette étoile serait le sujet parfait pour son canular ! Au même moment à New York, Robert Owens, directeur des Affaires particulières de la CIA, rangeait un dossier dans le tiroir de son bureau sans se douter qu’un plaisantin se préparait à en dévoiler le contenu.

Du bureau présidentiel aux observatoires universitaires, en passant par une banale petite animalerie, les destins de plusieurs individus se trouvent irrémédiablement bouleversés par la découverte d’une vérité que l’être humain s’efforçait de cacher depuis plus de cinquante ans.

Commentaires : Le moins qu’on puisse dire, Le dossier Météore est un récit rythmé du début à la fin. Benjamin Faucon, diplômé en histoire de l’art de l’Université Bordeaux Montaigne et résident de la Montérégie dans la région de Montréal, n’en est pas à ses premières armes. Ce thriller est son quinzième opus entre Romans à suspense et Romans fantastiques. La trentaine de chapitres qui composent le récit sont autant de séquences cinématographiques toutes aussi enlevées les unes que les autres. Et que dire de tous ces meurtres en lien avec un dossier qui importune le NYPD, la CIA jusqu’au président des États-Unis.

Le dossier Météore est une réédition d’une version publiée initialement en autoédition en 2012 et intitulée Nova 19-3. En 2018, l’auteur nous offre le choix de deux finales : celle qu’il avait d’abord imaginée six ans plus tôt et celle qu’il a réécrite. C’est cette dernière que je préfère. Plus réaliste, moins « science-fiction ». À vous de juger.

Benjamin Faucon nous offre un thriller divertissant et efficace. Avec une écriture fluide qui rend l’ouvrage abordable à tout type de clientèle intéressée par ce genre de littérature. Les amateurs de complots, de scènes de poursuite et d’affrontements armés à la sauce hollywoodienne seront bien servis.  

Cote :

Au paradis des manuscrits refusés (Irving Finkel)

Irving Finkel. – Au paradis des manuscrits refusés. – Paris : J.C. Lattès – 10/18, 2016. 283 pages.



Roman


Résumé : La Bibliothèque des Refusés est un établissement des plus singuliers : elle recueille plus encore, elle sauvegarde tout texte ayant essuyé refus sur refus de la part des éditeurs. Littérature, poésie, mémoires, récits épistolaires... tous les écrits trouvent leur place sur les étagères de la Bibliothèque des Refusés.

L'arrivée impromptue d'une insupportable bibliothécaire américaine, l'imposture d'une actrice se faisant passer pour une étudiante dans l'idée de voler des idées pour son prochain film, la menace de cambrioleurs convaincus de trouver là le gros lot, sans compter l'irruption de nombreux aspirants écrivains... autant de mésaventures qui viennent perturber l'ordre tranquille de la Bibliothèque.

Entre personnages hauts en couleur et situations cocasses, le tout dans un irrésistible humour british, Au paradis des manuscrits refusés est également une merveilleuse déclaration d'amour aux livres et aux manuscrits en tout genre.

Commentaires : Irving Finkel, conservateur au département du Moyen-Orient du British Museum de Londres responsable de la plus grande collection de tablettes d’argile cunéiformes au monde a imaginé un lieu hors du commun. Une institution privée qui s’est dotée comme mission « de venir au secours des personnes démunies », de défendre « ces auteurs au cœur sincère contre les ‘‘anti-écrivains’’, ces impitoyables au cœur de pierre. Ceux qui dans leurs luxueux bureaux lisent et rejettent. Ces anonymes qui feuillettent et méprisent, qui survolent et renvoient. Les ‘‘lecteurs’’ des maisons d’édition, le doigt posé sur le pouls du commerce, qui chaussent leurs œillères pour décréter ce qui se vendra. » Un centre d’archivage des manuscrits refusés et non publiés et de la kyrielle des lettres de refus afférentes.

Au paradis des manuscrits refusés est une fiction loufoque, à l’humour british. Une série de tableaux tout aussi sarcastiques et burlesques sur la valeur ou non de  milliers d’œuvres non publiées (romans, poésie, journaux intimes, autobiographies, livres jeunesse, partitions musicales…), leur conservation, leur classement, leur inventaire, leur accessibilité. Un hommage à tous celles et ceux qui écrivent par plaisir (Irving Finkel en est un parfait ambassadeur) et qui souhaitent un jour être lus. Même s’ils ne sont pas de la trempe d’un Houellebecq, d’une Nothomb ou d’un Connelly.

Les 27 saynètes qui composent ce roman décrivent aussi assez bien le milieu de la bibliothéconomie, voire de l’archivistique, avec ses sympathiques protagonistes conservateurs (dans tous les sens du qualificatif) soucieux de préserver les résultats d’une certaine créativité humaine. Et dans ce cas, ceux des oubliés de la « littérature », dont certains décident de tenter de vivre leur heure de gloire grâce à l’autoédition et la diffusion hors circuit conventionnelles. Parmi lesquels certains manuscrits ont peut-être malencontreusement été ignorés pour des fausses fallacieuses [entre autres, j’ai personnellement en mémoire le refus, en 2014, du manuscrit d’un polar par une maison d’édition qui alléguait cesser de publier ce genre littéraire alors qu’elle a récidivé au cours des quatre années qui suivirent]. C’est à se demander si une telle institution ne devrait pas avoir pignon sur rue !

Au paradis des manuscrits refusés est un roman léger, qui fait sourire, écrit par un auteur qui compatis avec les non élus, les non lus. Un ouvrage grinçant qui, heureusement, a été publié et n’est pas resté « œuvres mortes » dans la pile des rejetés, pilonné ou retourné à son auteur, abandonné au fond d’un tiroir ou d’une cave humide.

Ce que j’ai aimé : La thématique universelle; la typologie des personnages, figures à peine caricaturés, tant ceux qui œuvrent à l’intérieur des murs de cette organisation fictive que ceux qui les franchissent; la « photo » de famille et l’organigramme de la Bibliothèque en page liminaire; l’invitation à l’autodérision.

Ce que j’ai moins aimé : -

Cote :

Hugo Deo Roi de l’énigme / Hugo Deo, Vidanlo et leurs histoires (Michelle Fleury)

Michelle Fleury. – Hugo Deo Roi de l’énigme / Hugo Deo, Vidanlo et leurs histoires. – Québec : Éditions GID, 2012 / 2016. – 116 / 123 pages.

 
Recueils de nouvelles

 
 
Résumés :

Hugo Deo Roi de l’énigme – Ce recueil est constitué de vingt-deux contes-nouvelles-énigmes, originales, souvent surprenantes. Elles mettent en scène Hugo Deo, un personnage très coloré. Il se décrit lui-même comme créateur-inventeur d'énigmes de profession. Son royaume s'étend à tous les médias. On retrouve ses créations au cinéma, au théâtre, à l'opéra, dans le roman, la nouvelle, la comédie musicale et ailleurs. Il a même inspiré des griots lors de séjours en Afrique. En Asie, il a fasciné des bonzes. Ses histoires sont connues sur les cinq continents. Il garde en stock un univers de quelques centaines d'énigmes. Deux grands amis l'aident très souvent à les poser et à les résoudre : Vidanlo, un clochard-philosophe aux mille vies antérieures, et Boutdelaine, son chien. Ce texte s'accompagne d'une vingtaine de photos en noir et blanc, introduction aux énigmes ou leur prolongement. Elles sont l'œuvre de Sylvie Lacroix.

Hugo Deo, Vidanlo et leurs histoires – Hugo (l’écrivain), Vidanlo (le clochard-philosophe) et Boutdelaine (son chien) sont toujours copains-copains. Hugo et Vidanlo, selon leur habitude, fréquentent les cafés du Vieux-Québec. Ils ont décidé de laisser tomber les énigmes et de partager leurs élucubrations, leurs souvenirs et leurs fantasmes pour leur plus grand plaisir et pour la satisfaction assurée de leurs lecteurs éventuels. Ceux-ci pourront ainsi profiter d’une vingtaine d’histoires inédites.

Commentaires : Près d’une cinquantaine de courtes nouvelles composent ces deux ouvrages que j’ai lus en rafale. Avec des thématiques variées où l’humour et les préoccupations humaines et sociales se côtoient. Deux personnages résidents du Vieux-Québec philosophent sur des tranches de vie qui pourraient trouver leur raison d’être n’importe où sur la planète. Avec au passage un bref autoportrait sarcastique de l’auteure qui m’a fait sourire. Rédigés avec un style à la fois dépouillé et parfois incisif, ces textes dégagent un humanisme fondé sur des valeurs partagées.

Cote :

Triste Justice (Michelle Fleury)

Michelle Fleury. – Triste justice. – Québec : Éditions GID, 2015. - 197 pages.

 

Roman

 



Résumé : De jeunes justiciers, inventifs mais maladroits, tentent de combler les lacunes des tribunaux. En plus de relever de nombreuses et évidentes bavures judiciaires, ils ont eux-mêmes vécu des épisodes douloureux avec la justice. Nao, Philippe, Lukas et Pierre ont déjà accumulé information et indignation sur les inepties du système. La sœur de deux d’entre d’eux, Maële, se fait violer. C’est là le déclencheur de plusieurs opérations punitives nouveau genre. Les conspirateurs prennent donc les choses en main. On voit se construire un système de pensée engagée et se développer des méthodes d’action fort créatives qui donneront lieu à des opérations pour le moins surprenantes, qui connaîtront toutefois plus ou moins de succès. Au fil des chapitres, les personnalités sont mises à jour et l’intrigue se développe. David, le patron de Pierre, se greffe au groupe initial. Personnage égoïste, arrogant et cynique, il se révélera pourtant d’un grand secours pour les apprentis justiciers. L’intrigue nous fait parcourir certains quartiers peu fréquentables de Boston, révèle des côtés très intimes des personnages et laisse le lecteur entre émotion et raison.

Commentaires : Michelle Fleury a été professeur-chercheure à l’Université Laval de Québec pendant plus de trente ans. Après une centaine de publications scientifiques, elle publie depuis 2012 fictions et recueils de poésie. Triste justice entrerait dans la catégorie de roman noir avec son intrigue mettant en scène de jeunes personnages qui décident de s’improviser justes vengeurs. Un récit cynique dont l’intérêt réside plus particulièrement dans le dévoilement des personnalités de chacun des protagonistes. Ce en quoi excelle l’auteure. Avec une finale qui m’a laissé dubitatif. Une lecture agréable. Une histoire découpée en 35 courts chapitres. Un style rythmé et une écriture dramatique efficace.

Cote :

Mystères à l'école (Collectif sous la direction de Richard Migneault)

Collectif sous la direction de Richard Migneault. – Mystères à l’école. – Montréal : Druide, 2018. 264 pages.

 

Nouvelles

 

 
 
Résumé : Chaque semaine, vous poussez les mêmes portes pour vous mêler à une marée humaine d’élèves et d’enseignants. Un univers routinier dans lequel vous devez naviguer pour parvenir sans trop d’embûches à la fin de la dernière période et, si possible, en évitant le bureau de la direction. Vous croyez connaître ce monde par cœur, mais il vous réserve encore des surprises… Quinze écrivains aux horizons multiples convient le lecteur à un voyage scolaire bien particulier et l’invitent à pénétrer leur imagination le temps d’une nouvelle.

Mes commentaires : Depuis quelques années, Richard Migneault s’est donné comme mission de publier des recueils de nouvelles, genre littéraire que peu d’éditeurs incluent dans leurs productions. Amateur de polars, il a su intéresser un large éventail d’auteurs québécois ou d’outre atlantique friands d’enquêtes policières et d’histoires noires. Il en fut ainsi dans Crimes à la librairie, Crimes à la bibliothèque et Crimes au musée, tous publiés au Québec chez Druide. Pas surprenant que cet ex-directeur d’établissement scolaire récidive avec Mystères à l’école, visant cette fois plus particulièrement un public d’adolescents, futurs lecteurs de romans de tout acabit.

Le Multi Dictionnaire de la langue française définit ainsi un mystère : « Ce qui est caché, difficile à expliquer ». Et que « faire des mystères » consiste à « prendre des précautions pour cacher quelque chose ». Ce qui est l’essence même des 15 nouvelles imaginées par Chantal Beauregard, Geneviève Blouin, Simon Boulerice, Laurent Chabin, Evelyne Gauthier, Karine Lambert, Martine Latulippe, André Marois, Suzanne Myre, Julie Rivard, Sonia Sarfati, Robert Soulières, Chloé Varin, Pierre-Yves Villeneuve et, pour la première fois dans la série de publication qu’il dirige, Richard Migneault.

En avant-propos, les jeunes lecteurs sont initiés à ce type de récits plus courts que les romans : l’amorce d’une nouvelle « nous met en contexte très rapidement, puis un événement se produit et le mystère s’installe. Au fil du récit, les personnages et vous, amis lecteurs, essaierez de résoudre l’énigme. C’est ce qu’on appelle le développement ou les péripéties. Puis l’auteur vous surprendra avec une finale que vous n’aurez probablement pas prévue. Voilà la chute ! Le moment où vous vous direz : ’’Il ou elle m’a bien eu !’’ » Ce qui caractérise la plupart des récits colligés; dans quelques cas, un lecteur adulte averti soupçonnera le dénouement (Dans les entrailles du dragon de brique ou Le justicier).

Certains récits m’ont laissé en plan : Le carnage canin et, jusqu’à un certain point, La déposition 34-B7. Plusieurs font référence à l’intimidation dont On sort Carignan ! ou Comme la reine ou la constellation ? D’autres se démarquent par leur originalité : En vers et contre tous et Rats. Le plus efficace selon moi : Le placard. Le moins crédible : M’infiltrer dans ta vie (Try to fit in your life). Une belle histoire d’amitié : Ça suffit. Celle qui fait travailler les méninges : Jour J pour Jesse-James. Et le clin d’œil du directeur d’école à la retraite lui-même, Keviiiiiiiin, au bureau du directeur, une fiction qui s’inspire peut-être d’un cas vécu ? Seul son auteur le sait, pour paraphraser un fameux adage.

Une variété de genres, de styles et d’écritures susceptibles de motiver à la lecture un large lectorat d’adolescents et, bien sûr, d’adultes parents ou non. Le tout complété dans les dernières pages par 15 énigmes décrivant chacun des auteurs ayant collaboré à ce projet original. Heureusement la solution de l’enquête est fournie : j’ai obtenu un maigre score de 4/15.

Cet ouvrage rafraîchissant est une réussite, incluant la couverture de première qui annonce bien les couleurs du contenu du livre. Il propose une incursion réussie dans l’univers scolaire québécois en cette fin de la première dizaine du XXIième siècle. Personnellement, j’ai bien hâte de comparer ma perception avec celles de mes deux petites filles (l’une au début et l’autre à la fin du niveau secondaire). J’ajouterai ultérieurement leurs commentaires à cet avis de lecture.

Offrez Mystères à l’école à votre ou à vos ados. Et qui sait, même si une fois n’est pas coutume, peut-être que d’autres nouvelles feront l’objet d’un prochain recueil.

Ce que j’ai aimé : La variété des récits, les niveaux de langages, l’originalité de certaines histoires, l’imaginaire des différents auteurs, les remerciements de Richard Migneault aux personnes et aux auteurs qui ont formé le lecteur qu’il est devenu.

Ce que j’ai moins aimé : -

Cote :

Crash magnétique 2011. La vérité enfin révélée. (Serge VanOevelen)

Hesveo. – Crash magnétique 2011. La vérité enfin révélée. – Namur : Le livre en papier, 2018. - 218 pages.

 

Roman de science-fiction



 

Résumé : Ce rapport « scientifictif », sorti des tiroirs, ce document classé secret défense, fait des révélations qui poseront question.
Sommes-nous les seuls humains sur terre ?
Un roman fantastique de science-fiction, enfin qui sait, de néo-réalisme ?
Un moment de réflexion sur notre avenir, vers la sagesse d’une coalition des races !
Vous vous deviez de savoir et de comprendre. Il est important que nos enfants sachent.
Nous ne les connaissions pas, eux, nous étudiaient depuis toujours !
L’arme ultime de leurs nombreuses espionnes, le sexe et l’addiction à leurs femmes fatales.
Un ouvrage, teinté de nuances de grivoiseries pour lecteurs avertis.
Le sexe a délié plus de langues et fait tomber plus de têtes que la torture et le bourreau.©

Commentaires : Hesveo, de son vrai nom Serge VanOevelen, qui a une formation en chimie, se décrit comme un auteur de romans d'aventures particulières. Installé dans un coin vert du Hainaut belge, là où près du lac qui lui donne la quiétude de son inspiration, il écrit. Cadre dans une autre vie, il a retenu la créativité et la rigueur. Un auteur que j’ai connu sur les réseaux sociaux.

Crash magnétique 2011est un roman de science-fiction. Avec en pages liminaires les mentions suivantes : Extrait d’un dossier hautement confidentiel de l’Agence scientifique de protection planétaire (ASPP)Un carnet enfoui depuis longtemps. S’il voit le jour maintenant, c’est qu’il est temps de le révéler. Vous vous devez de savoir ! Roman de type AA Pour adultes avertis. Ouvrage teinté de 50 nuances de grivoiseriesCONFIDENTIAL Please do not copy, distribute or discuss the contents of this script with ANYONE. SVO, the Scientific Verified Organisation.

Au départ, même si la paralittérature n’est pas ma tasse de thé, l’objet de cette histoire m’a intrigué : une explosion magnétique sur le continent africain, la menace ou la lumière au bout du tunnel pour l’humanité un peu plus de 25 ans plus tard. Pour découvrir, vers les trois quarts de l’ouvrage, le leitmotiv de l’auteur. La planète pourrait-elle compter sur des ressources présentes depuis des temps immémoriaux dans ses entrailles et issues des portes des ténèbres pour apporter sagesse, savoir et plus d’humanité ? Le passé de spéléologue de l’auteur lui a servi avantageusement pour camper ce récit fort original. La littérature de science-fiction a, à ce jour, anticipé sur l’invasion potentielle par ces civilisations extra-terrestres. Serge VanOevelen a imaginé une tout autre hypothèse : des ennemis communs qui nous ressemblent et qui nous rassemblent autour de valeurs plus humaines…

Je n’en dis pas plus et vous laisse découvrir l’univers insolite de cet auteur belge qui en est déjà à son troisième roman.

Ce que j’ai aimé : L’originalité du récit et l’imagination parfois débridée de l’auteur.

Ce que j’ai moins aimé : Quelques coquilles ici et là dans le texte.

Cote :

Chambre 1002 (Chrystine Brouillet)

Chrystine Brouillet. – Chambre 1002. – Montréal : Druide, 2018. - 340 pages.

 

Roman

 

 
 
 
Résumé : Hélène, chef montréalaise mondialement connue, se rend à New York afin d’y recevoir un prestigieux prix culinaire. Sur le chemin du retour, la tragédie frappe : elle est retrouvée inconsciente à la suite d’un brutal accident de voiture. Simple malchance ou acte prémédité ? Les enquêteurs travaillent à éclaircir le mystère, mais les pistes demeurent floues autour de cette femme apparemment sans ennemis. Hélène, plongée dans un profond coma, est veillée par ses amies les plus proches qui, après plusieurs semaines passées sans observer de progrès, mettront en place une ingénieuse stratégie aromatique pour tenter de ramener à la vie celle qui était le pilier de leur groupe.

Commentaires : Chambre 1002 est un roman à déguster. Un univers féminin. Une ode à l’amitié et aux plaisirs de la table. Voilà, en quelques mots, je qualifierais ce nouvel opus de cette écrivaine de Québec, récemment récipiendaire de l’Ordre national du Québec pour l’ensemble de son œuvre littéraire. Un récit dans lequel personnage principal et personnages secondaires se dévoilent dans leur complémentarité, sans tout nous dévoiler. Un lien les unit : l’amour de la vie, du parfum, du vin, de la bouffe omniprésente qui rallie même le personnel du centre hospitalier où somnole l’héroïne. Les cinq sens conjugués pour la ramener à la vie pendant qu’en parallèle, on enquête sur l’auteur rapidement identifié de l’accident qui l’a précipitée dans un coma végétatif.

Contrairement à ce que nous a habitués Chrystine Brouillet, Chambre 1002 n’a rien d’un polar classique, quoi que l’auteur entretient un certain suspense quant à l’issue du récit. Et on parle beaucoup dans ce roman : les dialogues occupent une place prépondérante et caractérisent chacun des personnages, sur les liens d’amitié qui se sont tissés entre eux. Et évidemment, la récurrence quasi orgiaque des plats cuisinés, dont la recette de certains est intégrée au gré des chapitres, ne peut que faire saliver le lecteur.

Un roman original, sucré salé, pour apprécier le grand talent d’une auteure sympathique.

Ce que j’ai aimé : L’originalité de l’œuvre, la plume de l’auteur, l’univers culinaire et œnologique.

Ce que j’ai moins aimé : -

Cote :

L'Esquive (Sylvie-Catherine De Vailly)

Sylvie-Catherine De Vailly. – L’Esquive. Une enquête de l’inspecteur Jeanne Laberge – Montréal : Recto Verso, 2018. 226 pages.

 
Polar






Résumé : Il y a maintenant quatre ans que Marion a disparu. Depuis cette nuit fatale du 5 mai 1976, la vie de Jeanne Laberge, première femme inspecteur de police au Québec, n'est plus la même. Laberge sait pertinemment que, avec le temps, les chances de retrouver un enfant kidnappé s'amenuisent. Mais sa conviction est inébranlable: un jour, elle tiendra de nouveau sa fille dans ses bras.

Garder espoir n'est toutefois pas chose facile, surtout quand les recherches sont au point mort. Pour tenir le coup, l'inspecteur occulte sa propre vie et s'abrutit de travail. Au cours d'une enquête, le retour d'une vieille connaissance la fera émerger de sa torpeur. À qui appartiennent ces ossements d'enfant, découverts aux abords du cimetière Côte-des-Neiges? Les événements se précipitent et obligeront Jeanne à prendre de dangereuses décisions.

Commentaires : Je me suis immiscé dans l’œuvre de Sylvie-Catherine De Vailly, anthropologue de formation et romancière, par la porte du cinquième tome de la série « Jeanne Laberge ». Et ce n’est peut-être pas une bonne idée, n’ayant pas été imprégné des aventures précédentes auxquelles ce polar fait référence. Une auteure que je découvre sur le tard. Il y a tant à lire !

L’Esquive nous entraîne dans un récit dont l’issue est imprévisible. Celui d’une femme déterminée, à l’aube de la quarantaine, qui traverse une période difficile et qui trouve dans l’opium une certaine forme de soulagement. Dépressive, elle doit enquêter sur le meurtre d’un homme poignardé par sa femme pendant son sommeil. Un homme dégoûtant et méprisant, batteur de femme, qu’elle aimait éperdument. Un prétexte pour l’auteure de livrer ses réflexions personnelles sur la condition féminine.  
 
Un roman résolument féministe dont j’ai grandement apprécié le style et la plume de l’écrivaine. Une brochette de personnages bien caractérisés et déterminés dans l’action, un récit crédible aux images fortes malgré certaines répétitions. Un roman policier bien enrobé qui donne le goût de remonter aux origines du personnage de Jeanne Laberge.

Un polar que je vous recommande.

Ce que j’ai aimé : La qualité du récit, sa crédibilité, les réflexions de l’auteure. La finale imprévisible qui ouvre sur une suite qui s’annonce ardue pour le personnage principal.

Ce que j’ai moins aimé : Quelques récurrences dans le récit.

 

Cote :

L'inconnu de Sandy Cove (Sylvie Ouellette)

Sylvie Ouellette. – L’inconnu de Sandy Cove. – Paris : Éditions de Borée, 2018. 363 pages.


Roman historique






Résumé : Après avoir épousé Randolph Nesbitt, un attaché d’ambassade, et passé plus de vingt ans en Europe, Élise Robichaud rentre en terre natale de Nouvelle-Écosse, portant en elle un lourd secret. En visite chez une amie, elle revoit Jérôme, un inconnu muet, amputé des deux jambes et à l’esprit demeuré, qu’on avait jadis recueilli sur une plage par un matin froid et brumeux. Surprise de constater qu’elle l’avait oublié après tout ce temps, Élise est surtout consternée par le manque d’ardeur de ses congénères à vouloir éclaircir le mystère qui entoure toujours le pauvre homme. Cherchant à redonner un sens à sa propre vie, Élise décide de se lancer dans une enquête visant à rendre à Jérôme son véritable nom, son histoire et sa dignité. Mais cette aventure ne sera pas de tout repos puisqu’elle se heurte rapidement au scepticisme et au fatalisme des gens de sa communauté. Saura-t-elle mener à bien cette mission qu’elle s’est fixée et ainsi se retrouver elle-même ?

Commentaires : Sylvie Ouellette, une auteure québécoise, a démarré en 1995 sa carrière d’écrivaine à Londres en publiant des romans érotiques qui ont tous été traduits en français et publiés au Québec. L’inconnu de Sandy Cove est son 9e roman, historique celui-là avec une touche d’érotisme. L’action se déroule sur 17 ans, entre 1895 et 1912 et le scénario s’inspire d’un fait réel : une histoire non résolue sur l’origine de cet homme abandonné sur la côte de la baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse.

La longue enquête – parce qu’il s’agit essentiellement du récit d’une enquête menée hors cadres policiers – est bien campée dans le temps et dans la diversité des lieux où elle se déroule, comme si on y était. Particulièrement dans les communautés néo-écossaises et néo-brunswickoises francophones et anglophones que décrit l’auteur avec moult détails, comme si on y était; en utilisant des niveaux de langages appropriés selon l’origine sociale de chaque intervenant où l’accent francophone acadien y est bien présent.

Le rythme est lent. Les informations permettant de dénouer l’intrigue sont livrées au compte-gouttes. La solution est partiellement imprévisible, le hasard des rencontres y jouant un rôle plus important que la recherche dans les archives.

Disons enfin que L’inconnu de Sandy Cove est aussi influencé par le genre littéraire qui a marqué les débuts de Sylvie Ouellette et fait graviter autour de sa protagoniste, Élise Robichaud, des personnages clichés : un riche mari qui l’abandonne au profit d’une maîtresse (pour des raisons que je vous laisse découvrir); un opulent entrepreneur marié en quête d’aventures sans lendemain; un jeune homme au regard ardent, débordant de désirs et de passion pour une femme qui pourrait être sa mère; et un bel italien, qui, vous vous en doutez, donnera un nouveau sens au reste de sa vie.

Comme quoi, dans cette histoire, tout est bien qui finit bien.

Ce que j’ai aimé : Une histoire originale et énigmatique bien intégrée dans son époque. La qualité des dialogues.

Ce que j’ai moins aimé : Certaines longueurs. La référence inutile au Titanic. Comme si…

Cote : ¶¶

La danse de l'ours (Patrice Lessard)

Patrice Lessard. – La danse de l’ours. – Montréal : Héliotrope, 2018. 173 pages.


Roman noir






Résumé : Louiseville, Mauricie.

Quand Dave et Blanche retontissent avec leur plan débile – braquer le Flamingo durant le Festival de la Galette –, il y a deux ans que Patrick ne leur a pas adressé la parole. Oublier leur vieille querelle, d’accord, mais embarquer dans ce coup foireux pour un butin aussi dérisoire, c’est non. Sauf que Blanche sait se faire convaincante : elle l’aime toujours, elle a besoin de lui. Bon, OK, c’est oui. Mais à mesure que les préparatifs avancent, Patrick suspecte ses amis de lui jouer dans le dos. Pas surprenant, ils n’ont jamais été nets, ces deux-là. C’est bien dommage, mais ils ne lui laissent pas le choix : il devra tirer les ficelles.

Commentaires : C’est le troisième roman de Patrice Lessard que je lis. Cinéma royal, que j’avais bien aimé, m’avait fait découvrir un auteur à l’humour incisif. Ce qui m’avait bien plu. Excellence poulet qui m’avait fait rigoler à souhait. J’avais bien hâte de me taper le dernier né. Une « 
étonnante histoire de cow-boys et d’Indiens [qui] explore les berges marécageuses du lac Saint-Pierre et de la paranoïa » comme l’annonce la couverture de quatrième.

Ce court roman de 173 pages m’a malheureusement laissé un peu sur ma faim. Je dois même avouer que j’ai failli décrocher à mi-chemin : la lenteur de l’action en était l’une des causes. J’ai tenu le coup pour aboutir à une finale presque prévisible et une chute surprenante qui nous laisse pantois. Il fallait boucler la boucle et je ne l’ai pas regretté.  

Cette fiction en est une d’ambiance : à la fois glauque et délirante avec, entre autres, les références aux relations malsaines entre autochtones et « blancs » de la région, au milieu de la drogue et de ses petits revendeurs exploités par leurs fournisseurs, à la mafia locale et montréalaise, aux motards et aux bars louches. Avec un narrateur pogné, comme on dit en bon québécois, entre son passé criminel, ses amours déchus et un avenir douteux. Dans une petite ville de la Mauricie, Louiseville, au centre du Québec, à une quarantaine de kilomètres de Trois-Rivières, que Patrice Lessard ne ménage pas, avec son Festival de la Galette de sarrasin, vestige d’une époque révolue et folklorique. « qui n’attire pas que le pauvre monde de Louiseville, on y vient de partout, comme à Saint-Tite, pour célébrer le conformisme et le passé fabulé ». Et vlan !

Le style d’écriture de Patrice Lessard lui est propre. À la fois original et déroutant, particulièrement avec l’incrustation des dialogues dans le discours narratif. Un artifice littéraire qui me plaît bien. Toutefois, cette fois-ci, j’ai eu beaucoup de difficultés avec les niveaux de langage des personnages et du narrateur qui oscillent entre le joual du Québec profond intégré à une certaine langue châtiée. Comme dans cet exemple :

« Nous bûmes nos bières en silence puis, au bout de quelques minutes, As-tu parlé à Blanche ces temps-icitte ? m’enquis-je. Oui, pourquoi ? Pour rien, éludai-je, et lui : Tu as-tu de quoi à me conter ? Sa question me surprit. Je pensai que Blanche avait pu lui parler de notre liaison. Je sors avec, confessai-je. »

De page en page, pour être plus à l’aise avec la narration et les dialogues, je me suis amusé à relire mentalement chaque réplique à la manière québécoise, comme ici à partir de l’extrait précédent :

« On a bu nos bières en silence pis, quelques minutes plus tard, As-tu parlé à Blanche ces temps-icitte ? que j’y ai demandé. Oui, pourquoi ? Pour rien, que j’y ai fait accroire, et lui : T’as-tu d’quoi à m’conter ? Sa question m’a fourré. J’ai pensé que Blanche avait pu y parler de notre liaison. Je sors avec, que j’y ai avoué. »

La danse de l’ours est le 10e roman publié dans la collection Héliotrope Noir créée « pour tracer, livre après livre, une carte inédite du territoire québécois dans lequel le crime se fait arpenteur-géomètre ». Cette 7e création littéraire a tout pour vous surprendre et vous plonger dans un univers imaginaire très riche ancré dans une certaine réalité sociale et culturelle où évolue une brochette de personnages tout aussi paumés les uns que les autres.

Ce que j’ai aimé : Les personnages décadents. L’univers noir et réaliste dans lequel se côtoient troubles du jugement et perception de la réalité.   

Ce que j’ai moins aimé : Les antinomies langagières.


Cote : ¶¶¶

La disparition de Stephanie Mailer (Joël Dicker)


Joël Dicker. – La disparition de Stephanie Mailer. – Paris : Éditions de Fallois, 2018. 635 pages.



Polar






Résumé : 30 juillet 1994. Orphea, petite station balnéaire tranquille des Hamptons dans l’État de New York, est bouleversée par un effroyable fait divers : le maire de la ville et sa famille sont assassinés chez eux, ainsi qu’une passante, témoin des meurtres.

L’enquête, confiée à la police d’État, est menée par un duo de jeunes policiers, Jesse Rosenberg et Derek Scott. Ambitieux et tenaces, ils parviendront à confondre le meurtrier, solides preuves à l’appui, ce qui leur vaudra les louanges de leur hiérarchie et même une décoration.

Mais vingt ans plus tard, au début de l’été 2014, une journaliste du nom de Stephanie Mailer affirme à Jesse qu’il s’est trompé de coupable à l’époque.

Avant de disparaître à son tour dans des conditions mystérieuses.

Qu’est-il arrivé à Stephanie Mailer?
Qu’a-t-elle découvert?
Et surtout : que s’est-il vraiment passé le soir du 30 juillet 1994 à Orphea?


Commentaires : Joël Dicker est un écrivain suisse qui ne fait pas l’unanimité. Encensé par certains, décrié par d’autres. Personnellement, je me range dans le premier groupe. J’avais adoré La vérité sur l’affaire Harry Quebert pour le scénario évidemment, mais aussi pour les réflexions de Joël Dicker sur l’écriture de fictions. J’avais bien aimé l’histoire touchante de Les derniers jours de nos pères. Mais été déçu – c’est connu, tout auteur connaît des hauts et des dans bas ses écrits – avec Le livre des Baltimore. Ce qui ne fut pas le cas avec La disparition de Stephanie Mailer.

Bien sûr, cette histoire qui se déroule dans la banlieue de New York fait intervenir un grand nombre de personnages. Mais on ne s’y perd jamais. Chacun d’entre eux apparaît avec des liens de plus en plus évidents au fur et à mesure de l'avancement du récit. Peu à peu, le lecteur est amené à recomposer un puzzle dans lequel chaque pièce a sa place. Jusqu’à la résolution finale de l’énigme.

J’ai trouvé intéressante cette idée d'inviter chaque personnage à raconter à sa manière les événements vécus ainsi que l’heureux mélange entre les dialogues et la narration. Au fur et à mesure que progresse l’enquête, policiers, protagonistes, témoins et victimes se dévoilent amenant le lecteur à de trompeuses conclusions.

Contrairement aux dires de plusieurs critiques, je considère que ce récit bien ficelé assure un intérêt continu jusqu’à la chute finale. J’ai lu La disparition de Stephanie Mailer d’un seul trait. Avec beaucoup de plaisir. J’y ai aussi noté au passage quelques réflexions sur l'écriture, dont celles-ci à propos des critiques et les genres de littérature qui m’ont fait sourire :

« Vous imaginez si les critiques littéraires se mettaient à écrire ou les écrivains à devenir des critiques littéraires ? […] Tout le monde crierait au scandale et à la partialité, et avec raison : on ne peut pas critiquer un art que l’on pratique » (p. 307)

« …dans l’ordre du respect accordé aux genres, il y a en tête de gondole le roman incompréhensible, puis le roman intellectuel, puis le roman historique, puis le roman tout-court, et seulement après, en bon avant-dernier, juste avant le roman à l’eau de rose, il y a le roman policier. » (p. 355)

J’ai bien aimé ce dernier opus de Joël Dicker. À vous de vous prononcer.

Ce que j’ai aimé : La structure interne du roman, l’imbrication des différents personnages.   

Ce que j’ai moins aimé : -

Cote :