Immortel (J.R. dos Santos)

J.R. dos Santos. – Immortel. – Bordeaux : Éditions Hervé Chopin, 2020. – 558 pages.

 




Thriller

 

 





Résumé :

Le premier être humain immortel est déjà né. Après avoir annoncé la naissance de deux bébés génétiquement modifiés, un scientifique chinois disparaît. La presse internationale commence à poser des questions, les services secrets tentent de trouver des réponses, un homme contacte Tomás Noronha à Lisbonne. Celui qui se présente comme un scientifique travaillant pour la DARPA, l'agence pour les projets de recherche avancée de la Défense américaine, est à la recherche du savant disparu.Tomás découvre alors les véritables enjeux du projet secret chinois.

 

Commentaires :

 

D’entrée de jeu, je dois avouer que la plus récente aventure de la saga Tomás Noronha n’est pas la meilleure de la série. Du moins en ce qui concerne l’intrique qui n’occupe qu’à peine centaine de pages sur l’ensemble du roman qui en compte plus de 550. Avec une finale digne des films catastrophes d’Hollywood qui m’a plutôt déçu.

 

Par contre, le contenu scientifique de cette fiction est bouleversant. Une belle occasion de faire le point sur les avancées de l’intelligence artificielle, les acteurs de son développement aux États-Unis et en Chine, ses impacts actuels et à venir sur la médecine, la robotique, les aides à la décision et les risques associés tel l’eugénisme, le contrôle des individus et de la planète. À un point tel que les qualités journalistiques et de recherche de dos Santos l’emportent sur l’écriture romanesque.

 

Toutes les informations scientifiques qui nous sont présentées dans ce roman sont vraies, comme l’affirme l’auteur depuis la naissance de son héros portugais. Toutes sauf une. Presque incroyable. Le tout appuyé par une bibliographie impressionnante concentrée sur 7 pleines pages.

 

J’aime beaucoup cet auteur qui par le biais de la « fiction » nous permet de parfaire ou d’actualiser nos connaissances sur des thèmes scientifiques souvent complexes, mais suffisamment vulgarisés par les échanges entres les son héros et les personnages qui l’entraînent dans des aventures plutôt abracadabrantes.

 

Si le sujet de l’intelligence artificielle, de la croissance exponentielle des capacités de l’informatique et de la technologie, de l’émulation du cerveau humain, de la conscience des machines, du transhumanisme, de l’immortalité et même du risque de l’unification des esprits… ce roman intelligent, pas plus que 1984 de George Orwell d’ailleurs, « n’est pas une prophétie, c’est un avertissement. »

 

Petit détail cocasse qui intéressera le lectorat québécois (p. 316) : alors qu’un événement majeur au cœur du récit se déroule en Chine, la nouvelle est diffusée partout sur la planète par les grands médias : « Le Washington Post, le Times, la BBC, le Journal de Québec, Le Point… »

 

Malgré mes réserves, je vous le recommande.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
****
Intrigue :
***
Psychologie des personnages :
***
Intérêt/Émotion ressentie :
****
Appréciation générale :
****

Kukum (Michel Jean)

Michel Jean. – Kukum. – Montréal : Libre Expression, 2019. – 223 pages.

 



Roman

 

 






Résumé :

 

Ce roman raconte l'histoire d'Almanda Siméon, une orpheline amoureuse qui va partager la vie des Innus de Pekuakami. Elle apprendra l'existence nomade et la langue, et brisera les barrières imposées aux femmes autochtones. Relaté sur un ton intimiste, le parcours de cette femme exprime l'attachement aux valeurs ancestrales des Innus et le besoin de liberté qu'éprouvent les peuples nomades, encore aujourd'hui.

 

 

Commentaires :

 

Très touchante cette histoire d’Almanda Siméon qui nous fait découvrir les transformations de la vie traditionnelle à la « vie moderne » des Innus riverains du lac Saint-Jean (Pekuakami).

 

L’auteur, descendant de cette blanche, Irlandaise d’origine, mariée à Thomas Siméon, autochtone résident de Pointe Bleue (Masteuiash) et du Péribonka fait partager au lecteur les péripéties de la vie rude en forêt de ce clan familial : déplacements en canot, portages, installation du campement pour l’hiver, trappe et pêche pour la subsistance, chasse pour les peaux qu’on revendra à Pointe-Bleue au printemps. Tout un bagage de connaissances sur les coutumes, l’artisanat (panier en écorce de bouleau, perlage...), le tannage de peau...), la langue, la place de la nature a une place et le lien de respect entre les hommes et les animaux.

 

Sans oublier les impacts de la sédentarisation imposée et de l’envahissement des territoires par la modernité économique et destructrice de l’exploitation forestière, de la construction du chemin de fer, du développement urbain et même du tourisme, à la fin du XIXe siècle. Et ceux des pensionnats qui kidnappaient les enfants pour les envoyer à plusieurs kilomètres de chez eux avec pour objectif de les « désindianiser ».

 

Écrit malgré tout plutôt sur un ton optimiste, ce roman illustre comment Almanda Siméon a réussi à s’adapter à toutes ces contraintes par son courage de revendicatrice et son désir de liberté.

 

L’ouvrage contient quelques photos ainsi qu’une carte qui nous aide à localiser géographiquement les lieux mentionnés.

 

Une écriture simple, intimiste (on a l’impression d’accompagner physiquement les personnages)  et efficace. Un « page turner » qui nous entraîne dans un récit documenté d’une société tissée serrée qui a perdu ses points de repère traditionnels.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

Le lièvre d’Amérique (Mireille Gagné)

Mireille Gagné. – Le lièvre d’Amérique – Saguenay : Éditions La Peuplade, 2020. – 146 pages.

 


Roman

 

 






Résumé :

 

L’organisme de Diane tente de s’adapter doucement. Elle dort moins, devient plus forte et développe une endurance impressionnante. L’employée modèle qu’elle était peut encore plus se surpasser au travail. Or des effets insoupçonnés de l’intervention qu’elle vient de subir l’affolent. L’espace dans sa tête se resserre, elle sent du métal à la place de ses os. Tout est plus vif – sa vision, son odorat, sa respiration. Comble de la panique, ses cheveux et ses poils deviennent complètement roux en l’espace d’une nuit. Et puis les mâles commencent à la suivre.

 

Quinze ans plus tôt, Diane connaît un été marquant de son adolescence à l’Isle-aux-Grues, ces jours de grosse mer où Eugène bravait les dangers, la fascination de son ami pour les espèces en voie d’extinction et – comment s’en remettre – le soir de l’incendie.

 

 

Commentaires :

 

Peu de choses à dire sur ce roman que j’ai beaucoup aimé tant par la forme originale qui associe le récit aux caractéristiques du lièvre d’Amérique, « les liens d’appartenance et les affres de l’exil, la douleur des âmes à qui on a arraché un être cher et les effets néfastes de la course à la performance, dictat du néolibéralisme. » J’ai particulièrement apprécié le découpage entre le présent, ce qu’est devenue Diane après l'intervention médicale dont on ne connaît pas la nature (mais qu’on devine devoir lui permettre d’accroître ses performances au travail), le passé lointain pendant son adolescence dans cette île (Isle-aux-Grues d’où provient l’auteure) au milieu du Saint-Laurent et le passé plus récent avant l'opération.

 

Une écriture poétique et imaginative avec en finale une référence à une légende algonquienne qui documente le récit. Une ode à la nature, à la liberté et au retour aux sources.

 

À noter le petit lexique des expressions insulaires incrustées dans le texte qui ajoutent à la crédibilité de cette « fable animalière ».

 

Je vous le recommande sans réserve.

 


Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

Furie (Myriam Vincent)

Myriam Vincent. – Furie  – Montréal, Les éditions Poètes de brousse, 2020. – 377 pages.

 



Roman

 

 





Résumé :

Étudiante de jour, tueuse à gages la nuit, Marilyn n’exécute que des personnes ayant commis des crimes sexuels, portée par son désir de vengeance de sa grande amie, décédée à la suite de la dénonciation d’une agression et incapable d’obtenir justice grâce au système traditionnel. Si Marilyn excelle dans son métier dans la plus grande discrétion, sa solitude imposée devient difficile à tenir en reprenant ses études... Réussira-t-elle à venger son amie? Ses vies de justicière et d’étudiante « normale » sont-elles compatibles? Devra-t-elle faire un choix?

Roman aux accents de comic book féministe et à l’humour subtil, Furie explore cette figure du justicier tant prisée par les amateur.e.s de films de super-héros, avec ses zones d’ombre, ses dilemmes et la nécessité de maintenir une façade « normale ». On ne s’éprend de Marilyn et de ses causes qu’on estime justes qu’au détriment d’un malaise qui nous renvoie à nos propres valeurs morales : jusqu’où irait-on pour venger une amie ou sa propre fille face à son agresseur?

 

 

Commentaires :

 

Première fiction de Myriam Vincent qui nous plonge d’entrée de jeu dans l’univers d’une jeune femme tueuse à gages. Une œuvre romanesque intrigante sur un thème rarissime dans la littérature du crime québécoise.

 

Intrigué par l’accroche de la quatrième de couverture, j’ai dévoré les 375 pages en quelques jours en appréciant tout particulièrement l’humour noir de l’auteure dans une critique acerbe d’un système judiciaire qui permet à plusieurs agresseurs de se sortir indemnes d’accusations d’agressions sexuelles.

 

Intéressante aussi la double vie de cette assassine (le soir) et étudiante au baccalauréat en études littéraires (le jour) tiraillée entre une vie « normale » et le désir de vengeance. De nombreux passages soulèvent en récurrence cette réalité vécue par la superhéroïne. Chaque assassinat est décrit avec minutie en un court paragraphe dans un style très cinématographique. À un rythme quasi mensuel, au point où le lecteur en vient à s’interroger sur les impacts réels de ce grand nettoyage sur la réalité policière de la région montréalaise. Heureusement, on est en pleine fiction.


J’ai apprécié le style fluide de l’écriture et les niveaux de langages des personnages (quoiqu’agacé par les nombreuses incrustations de mots et d’expressions anglaises) et la structure du récit de découpé en épisodes (deux volumes de six numéros chacun à la manière des bandes dessinées de superhéros). Ainsi que le parallèle entre la narration de l’agression, objet de vengeance de celle qui est convaincue d’avoir raison de faire ce qu’elle fait et la violence croissance associée aux contrats d’assassinats qu’elle accepte. Jusqu’à la chute finale imprévisible et insoluble, potentiellement ouverte sur une suite (ce que réfute l’auteur pour le moment).  

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****