Malakoff (Gregory Buchert)

Gregory Buchert. – Malakoff. – Paris : Gallimard/Verticales, 2020. – 316 pages.

 


Premier roman

 

 




Résumé :

 

En résidence de création à Malakoff, Gregory Buchert mène l’enquête sur les possibles origines russes de sa ville d’accueil tout en essayant de rencontrer Sam Szafran, figure locale et pastelliste virtuose dont il vénérait les œuvres étant plus jeune. Mais à mesure qu’il s’imprègne des lieux et rédige son journal de bord, l’auteur voit sa personnalité se scinder, l’obligeant à composer avec les errements de son double, tandis que réaffleurent certaines meurtrissures de l’enfance.

 

Commentaires :

 

Un autre premier roman que j’ai beaucoup aimé : une recherche sur soi par un narrateur à double personnalité sur les liens entre les origines historiques de l’appellation de la ville de Malakoff et un artiste qui l’a marquée : l’aquarelliste Sam Szafran. Une sorte de journal personnel qui tient davantage du genre « récit autobiographique » que du « roman » ou de la « fiction » pure. Un voyage insolite dans le temps et l’espace avec ses « flashs » historiques (guerre de Crimée, Gagarine…), littéraires et artistiques.

Intéressant qu’un écrivain s’intéresse à l’art (contemporain) et à sa diffusion avec une certaine forme d’autodérision et tisse des liens entre ses origines alsaciennes, son enfance, ses souvenirs familiaux, ses rêveries et ses questionnements en tant qu’artiste et écrivain, en quête des « pseudo » origines russes de cette cité en banlieue de Paris.

À noter la qualité de la langue écrite, le style franc. Rythme lent mais efficace jusqu’au dénouement rocambolesque de cette expérience de résidence temporaire d’un auteur dans un centre d’art avec comme privilège la liberté d’y déambuler la nuit.

Une démarche artistique littéraire intéressante et amusante qui nous captive en alternance entre la réalité et la fiction qui inspire une réflexion sur nos origines : « Tout à l'heure en observant la région par la fenêtre du train, m'est revenu ce vers de T.S. Eliot placé en exergue d'un livre que je n'ai jamais pris la peine d'approfondir, sa première page suffisant amplement à mon bonheur : Le chez-soi, c'est l'endroit d'où l'on part. »

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

Nul si découvert (Valérian Guillaume)

Valérian Guillaume. – Nul si découvert. – Paris : Éditions de l’Olivier, 2020. – 127 pages.

 


Premier roman

 

 




Résumé :

Il salive devant les produits alignés sur les rayons du supermarché. Il prie pour être le gagnant d’un jeu-concours organisé par une marque de nourriture mexicaine. Il adore lorsque les vigiles le palpent à l’entrée du magasin. Il se jette sur les distributeurs de friandises, les buffets en libre-service et les stands de dégustation.

Qui est-il, ce garçon qui sue à grosses gouttes et qui rit même quand on se moque cruellement de lui ? Pourquoi cherche-t-il la chaleur humaine dans les allées du centre commercial ?

Depuis qu’il va à la piscine, sa vie a trouvé un sens : Leslie est à l’accueil. C’est un ange, une fée. Elle occupe ses pensées, le rend fou d’amour. Mais pour la conquérir, il lui faudra lutter contre le démon qui s’empare de lui dans les pires moments.

 

Commentaires :

 

Je vous invite à découvrir un petit roman mystérieux à la fois étonnant, voire bouleversant avec sa finale tout à fait inattendue. Nul si découvert est le premier roman de Valérian Guillaume, acteur et metteur en scène de théâtre.

 

Une lecture rafraîchissante. Un texte d’une poésie folle et naïve dont le style d’écriture colle à la réalité divagante de ce personnage simple d’esprit et sympathique qu’on adopte dès les premières pages.

 

On rigole et on souffre avec lui « qui goutte à tout-va », pour qui les fuites, ça le connaît, dont le conduit magique et son démon intérieur goulu et affamé lui bouffe le cœur, la vie et la raison.

 

Une belle réflexion sur la surconsommation, les malheurs de l’existence humaine qui n’effraient pas : heureusement qu’il y a la poésie et les belles choses dans les magasins pour apaiser son mal être.

Même si l’écriture déroute à la lecture des premières pages, le lecteur est plongé dans le vague à l’âme et la boulimie du protagoniste, le narrateur, dont on ne sait finalement rien de lui. Au point à s’identifier à lui à bien des égards, à lutter avec lui contre son démon et à compatir en sa compagnie.

 

J’ai beaucoup aimé.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

La rage (Zygmunt Miloszewski)

Zygmunt Miloszewski. – La rage. – Paris : Fleuve noir, 2016. – 567 pages.

 



Polar

 

 




Résumé :

 

Un cadavre brûlé par des armes chimiques est retrouvé sur un chantier polonais. Les résultats de l’autopsie sont stupéfiants : certains membres prélevés sur place n’appartiennent pas au corps de la victime. Absorbé par cette étrange affaire, le procureur Teodore Szacki néglige une plainte pour violences conjugales. Il en prend conscience trop tard : la plaignante a été grièvement blessée. Son mari est découvert quelques jours après, vivant, mais la langue et les cordes vocales sectionnées... Mis en cause par sa hiérarchie, le magistrat voit sa carrière menacée, lorsque sa propre fille est enlevée à son tour. Il sent alors monter en lui la rage. Et une inextinguible soif de sang, capable d’emporter même le plus droit des justiciers...

 

 

Commentaires :

 

Après avoir campé à Varsovie la première enquête du procureur Teodore Szacki au cœur des rapports qu’entretien la gauche polonaise avec son passé communiste et la seconde à Sandomierz imprégnée du spectre contemporain de l'antisémitisme, Zygmunt Miloszewski nous entraîne à  Olsztyn pour dans sa recherche de la vérité teintée des questions de sexisme et de violences domestiques.

 

J’ai moins aimé le dernier volet de cette trilogie dans lequel l’intrigue est noyée par des détours qui ralentissent l’action et affectent l’intérêt. Certains passages plutôt longs ne m’ont pas semblé nécessaires à l'histoire. Fausses pistes, coupables suspects, microsuspense, il faut patienter jusqu'aux derniers chapitres pour que le récit prenne vraiment son élan.  Avec une chute inattendue, voire surprenante. Ce qui est souvent le cas dans de nombreux polars et thrillers. En fait, on est davantage en présence d’une fiction d’ambiance que d’un roman d’action.

 

Bien sûr, la société polonaise est égratignée : la marque de commerce de cet auteur qui met en évidence les travers politiques, culturels et sociaux de son pays. Lui qui excelle dans les descriptions des lieux et des personnages qu’il met en scène.

 

À noter que comme dans les deux opus précédents, chaque chapitre est précédé par la mention d’événements qui se produisent en Pologne ou ailleurs dans le monde le jour même où se déroule l’action du roman.

 

La rage s’est mérité le prix Transfuge du meilleur polar étranger 2016. Zygmunt Miloszewski est définitivement un auteur polonais à découvrir qui résume bien à sa manière la démarche d'un enquêteur :

 

« Tout crime possède son ordre interne, son harmonie comparable à une symphonie bien écrite. L’enquête [consiste] à trouver les musiciens adéquats et à les disposer sur la scène. Au début il n’y a qu’une flûte qui se manifeste une fois toutes les cinq minutes et rien n’en ressort. Puis arrivent, disons, un alto, un basson et un cor. Ils jouent leur partition, mais pendant très longtemps, on n’entend qu’une rumeur insupportable. À la fin, une mélodie apparaît, mais ce n’est que la découverte de tous les éléments, la réunion d’une centaine de musiciens et la prise en main du rôle de chef d’orchestre qui permet à la vérité de résonner de façon si poignante qu’un frisson parcourt le public. » (pp. 169-170).

 

 

Originalité/Choix du sujet :
****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
***
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
***
Appréciation générale :
***

Comment voyager avec un saumon (Umberto Eco)

Umberto Eco. – Comment voyager avec un saumon. – Paris : Grasset, 1997. – 283 pages.


 


Pastiches et postiches

 




 

Résumé :

 

Avez-vous déjà eu besoin de mettre un saumon fumé dans le mini-frigo de votre chambre d'hôtel ?

Tenté d'installer un logiciel en lisant les trois volumes d'explications fournis par le fabricant ?

Renoncé à prendre un médicament anodin en raison des risques terribles que sa notice fait peser sur " certains sujets " ?

Entrepris de chercher du sexe sur Internet ?

 

Si vous répondez oui à l'une de ces questions, alors vous vous reconnaîtrez dans les pages de ce livre, qui relate, sur un mode hilarant et, hélas, vraisemblable, les aventures et mésaventures de l'homme d'aujourd'hui.

 

En guise de bouquet final, vous découvrirez la Cacopédie : un hallucinant voyage dans le savoir scientifique moderne poussé vers la folle à force d'atomisation et de luxe théorique..

 

 

Commentaires :

 

Pour emprunter la formule de ces pastiches et postiches : Comment s’ennuyer 265 pages sur 283.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
***
Qualité littéraire :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*
Appréciation générale :
*

Le mangeur d’âmes (Alexis Laipsker)

Alexis Laipsker. – Le mangeur d’âmes. – Paris : Michel Lafon, 2021. – 350 pages.

 



Polar

 

 



Résumé :

 

Certains secrets, pourtant bien gardés, s'avèrent parfois trop lourds à porter...

Quand des disparitions d'enfants et des meurtres sanglants se multiplient dans un petit village de montagne sans histoire, une vieille légende nimbée de soufre ressurgit... Diligentés par leurs services respectifs, le commandant Guardiano et le capitaine de gendarmerie De Rolan sont contraints d'unir leurs forces pour découvrir la vérité.

 

 

Commentaires :

 

Je ne sais pourquoi, mais j’ai eu un doute qui m’a amené à anticiper la chute finale au premier tiers de ce polar d’Alexis Laipsker. Il faut dire que je suis de plus en plus à l’affût des techniques d’écriture dans ce genre littéraire. Ce qui ne m’a pas empêché d’apprécier l’originalité du sujet ainsi que le style et l’imagination de cet auteur que j’avais découvert lors de la publication de son premier roman « …et avec votre esprit ». Avec ici moins de références à son expertise en statistiques et en poker.

 

S’inspirant de légendes moyenâgeuses, l’auteur nous entraîne dans une enquête passionnante entourant des meurtres sordides et quasi inexplicables. La première partie du récit sert à asseoir le contexte des événements qui frappent ce petit village de montagne isolé et enneigé. Après quelques chapitres au rythme plus lent alors que l’investigation piétine, la finale s’enclenche sur les chapeaux de roue, voire surréaliste.

 

Sans dévoiler trop de détails, j’ai eu, entre autres, passablement de difficulté à accepter les explications fournies par quelques-uns des personnages concernant l’origine et la concrétisation de toute la violence entourant les morts violentes auxquelles sont confrontés le commandant Guardiano et son partenaire improvisé. Pour employer une expression, ça m’a semblé un peu trop arrangé « avec le gars des vues » ou « du poker » J. Il m’a semblé plutôt invraisemblable qu’en si peu de jours après un événement en haute montagne il pouvait être possible à des esprits vengeurs inexpérimentés de mettre la main d’évaluer le potentiel meurtrier de « la colère de Dieu » tombée du ciel et d’en enclencher les conséquences inimaginables.

 

Sinon, cette histoire machiavélique et inquiétante vous tiendra en haleine avec ses scènes très réussies de poursuites à pied ou en voiture.

 

Un petit détail de production plutôt gênant pour un ouvrage publié par une grande maison d’édition : deux chapitres portant le numéro 46 !!!  

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
****
Appréciation générale :
****

Noir fantôme (Odile Marteau Guernion)

Odile Marteau Guernion. – Noir fantôme. Une enquête d’Anne Le Goff. – Paris : S-Active, 2021. – 348 pages.

 



Polar

 

 




Résumé :

Une nuit sans lune, une forme noire au sein d’un château en ruines et un corps au crâne terriblement mutilé retrouvé au beau milieu d’une carrière désaffectée. La mise en scène est macabre.

Rites moyenâgeux ou rituels religieux ? Anna compte sur les connaissances en la matière d’une jeune femme psychorigide et peu encline à collaborer avec la police. Mais l’enquête piétine. C’est alors que Fred Carlson débarque dans le commissariat breton comme un chien dans un jeu de quilles. Son comportement interroge et perturbe notre enquêtrice.

 

Commentaires :

 

Désolé, mais les commentaires qui suivent vont certainement déplaire à l’auteur et à l’éditeur de la 5e enquête d’Anne Le Goff : Noir fantôme. Je n’ai malheureusement pas aimé et n’eût été que l’ouvrage m’avait été expédié en services de presse, j’en aurais arrêté la lecture avant le premier tiers du récit. En toute conscience, je me suis rendu jusqu’à la conclusion.

 

De prime abord, l’idée d’un polar en lien avec des rites « moyenâgeux ou rituels religieux » en Bretagne attirait ma curiosité. Le problème majeur avec cette histoire aux très nombreux personnages (je m’y suis perdu à quelques reprises), qui se déroule à Saint-Brieuc et les environs, m’a semblé plutôt artificielle dans le traitement des événements. Un exemple : comment dans une commune de 50 000 habitants qui organise annuellement un festival attirant les foules et dont l’inauguration est marquée entre autres par un feu d’artifice n’est pas connu de la part des services de police ! Et cet autre personnage qui n’est pas celui qu’on pense !

 

De plus, je n’ai ressenti aucun suspense dans un texte où les dialogues et les interrogatoires tombent souvent à plat. Avec une finale tout à fait non crédible et des constats qui relèvent davantage du canevas de l’auteure que des conclusions mêmes de l’enquête.

 

La rigueur littéraire aurait eu avantage à éliminer la surutilisation des « ; » mal à propos, à aérer le texte et à séparer les dialogues de la suite de la narration.

 

Quant à la facture du livre, elle ajoute à l’inconfort de lecture. J’y ai été confronté dès la lecture des premières pages : le format non standard (11 x 16,5 cm), la reliure super rigide, les marges du texte de moins de 1 centimètre, un choix de fonte agressante pour l’œil.

 

Je sais que je suis sévère d’autant plus qu’étant moi-même auteur je comprends qu’une telle critique est difficile à recevoir. Mais je me devais d’être honnête dans mon évaluation.

 

 

 

Originalité/Choix du sujet :
***
Qualité littéraire :
*
Intrigue :
*
Psychologie des personnages :
**
Intérêt/Émotion ressentie :
*
Appréciation générale :
*