L'inconnu de Sandy Cove (Sylvie Ouellette)

Sylvie Ouellette. – L’inconnu de Sandy Cove. – Paris : Éditions de Borée, 2018. 363 pages.


Roman historique






Résumé : Après avoir épousé Randolph Nesbitt, un attaché d’ambassade, et passé plus de vingt ans en Europe, Élise Robichaud rentre en terre natale de Nouvelle-Écosse, portant en elle un lourd secret. En visite chez une amie, elle revoit Jérôme, un inconnu muet, amputé des deux jambes et à l’esprit demeuré, qu’on avait jadis recueilli sur une plage par un matin froid et brumeux. Surprise de constater qu’elle l’avait oublié après tout ce temps, Élise est surtout consternée par le manque d’ardeur de ses congénères à vouloir éclaircir le mystère qui entoure toujours le pauvre homme. Cherchant à redonner un sens à sa propre vie, Élise décide de se lancer dans une enquête visant à rendre à Jérôme son véritable nom, son histoire et sa dignité. Mais cette aventure ne sera pas de tout repos puisqu’elle se heurte rapidement au scepticisme et au fatalisme des gens de sa communauté. Saura-t-elle mener à bien cette mission qu’elle s’est fixée et ainsi se retrouver elle-même ?

Commentaires : Sylvie Ouellette, une auteure québécoise, a démarré en 1995 sa carrière d’écrivaine à Londres en publiant des romans érotiques qui ont tous été traduits en français et publiés au Québec. L’inconnu de Sandy Cove est son 9e roman, historique celui-là avec une touche d’érotisme. L’action se déroule sur 17 ans, entre 1895 et 1912 et le scénario s’inspire d’un fait réel : une histoire non résolue sur l’origine de cet homme abandonné sur la côte de la baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse.

La longue enquête – parce qu’il s’agit essentiellement du récit d’une enquête menée hors cadres policiers – est bien campée dans le temps et dans la diversité des lieux où elle se déroule, comme si on y était. Particulièrement dans les communautés néo-écossaises et néo-brunswickoises francophones et anglophones que décrit l’auteur avec moult détails, comme si on y était; en utilisant des niveaux de langages appropriés selon l’origine sociale de chaque intervenant où l’accent francophone acadien y est bien présent.

Le rythme est lent. Les informations permettant de dénouer l’intrigue sont livrées au compte-gouttes. La solution est partiellement imprévisible, le hasard des rencontres y jouant un rôle plus important que la recherche dans les archives.

Disons enfin que L’inconnu de Sandy Cove est aussi influencé par le genre littéraire qui a marqué les débuts de Sylvie Ouellette et fait graviter autour de sa protagoniste, Élise Robichaud, des personnages clichés : un riche mari qui l’abandonne au profit d’une maîtresse (pour des raisons que je vous laisse découvrir); un opulent entrepreneur marié en quête d’aventures sans lendemain; un jeune homme au regard ardent, débordant de désirs et de passion pour une femme qui pourrait être sa mère; et un bel italien, qui, vous vous en doutez, donnera un nouveau sens au reste de sa vie.

Comme quoi, dans cette histoire, tout est bien qui finit bien.

Ce que j’ai aimé : Une histoire originale et énigmatique bien intégrée dans son époque. La qualité des dialogues.

Ce que j’ai moins aimé : Certaines longueurs. La référence inutile au Titanic. Comme si…

Cote : ¶¶

La danse de l'ours (Patrice Lessard)

Patrice Lessard. – La danse de l’ours. – Montréal : Héliotrope, 2018. 173 pages.


Roman noir






Résumé : Louiseville, Mauricie.

Quand Dave et Blanche retontissent avec leur plan débile – braquer le Flamingo durant le Festival de la Galette –, il y a deux ans que Patrick ne leur a pas adressé la parole. Oublier leur vieille querelle, d’accord, mais embarquer dans ce coup foireux pour un butin aussi dérisoire, c’est non. Sauf que Blanche sait se faire convaincante : elle l’aime toujours, elle a besoin de lui. Bon, OK, c’est oui. Mais à mesure que les préparatifs avancent, Patrick suspecte ses amis de lui jouer dans le dos. Pas surprenant, ils n’ont jamais été nets, ces deux-là. C’est bien dommage, mais ils ne lui laissent pas le choix : il devra tirer les ficelles.

Commentaires : C’est le troisième roman de Patrice Lessard que je lis. Cinéma royal, que j’avais bien aimé, m’avait fait découvrir un auteur à l’humour incisif. Ce qui m’avait bien plu. Excellence poulet qui m’avait fait rigoler à souhait. J’avais bien hâte de me taper le dernier né. Une « 
étonnante histoire de cow-boys et d’Indiens [qui] explore les berges marécageuses du lac Saint-Pierre et de la paranoïa » comme l’annonce la couverture de quatrième.

Ce court roman de 173 pages m’a malheureusement laissé un peu sur ma faim. Je dois même avouer que j’ai failli décrocher à mi-chemin : la lenteur de l’action en était l’une des causes. J’ai tenu le coup pour aboutir à une finale presque prévisible et une chute surprenante qui nous laisse pantois. Il fallait boucler la boucle et je ne l’ai pas regretté.  

Cette fiction en est une d’ambiance : à la fois glauque et délirante avec, entre autres, les références aux relations malsaines entre autochtones et « blancs » de la région, au milieu de la drogue et de ses petits revendeurs exploités par leurs fournisseurs, à la mafia locale et montréalaise, aux motards et aux bars louches. Avec un narrateur pogné, comme on dit en bon québécois, entre son passé criminel, ses amours déchus et un avenir douteux. Dans une petite ville de la Mauricie, Louiseville, au centre du Québec, à une quarantaine de kilomètres de Trois-Rivières, que Patrice Lessard ne ménage pas, avec son Festival de la Galette de sarrasin, vestige d’une époque révolue et folklorique. « qui n’attire pas que le pauvre monde de Louiseville, on y vient de partout, comme à Saint-Tite, pour célébrer le conformisme et le passé fabulé ». Et vlan !

Le style d’écriture de Patrice Lessard lui est propre. À la fois original et déroutant, particulièrement avec l’incrustation des dialogues dans le discours narratif. Un artifice littéraire qui me plaît bien. Toutefois, cette fois-ci, j’ai eu beaucoup de difficultés avec les niveaux de langage des personnages et du narrateur qui oscillent entre le joual du Québec profond intégré à une certaine langue châtiée. Comme dans cet exemple :

« Nous bûmes nos bières en silence puis, au bout de quelques minutes, As-tu parlé à Blanche ces temps-icitte ? m’enquis-je. Oui, pourquoi ? Pour rien, éludai-je, et lui : Tu as-tu de quoi à me conter ? Sa question me surprit. Je pensai que Blanche avait pu lui parler de notre liaison. Je sors avec, confessai-je. »

De page en page, pour être plus à l’aise avec la narration et les dialogues, je me suis amusé à relire mentalement chaque réplique à la manière québécoise, comme ici à partir de l’extrait précédent :

« On a bu nos bières en silence pis, quelques minutes plus tard, As-tu parlé à Blanche ces temps-icitte ? que j’y ai demandé. Oui, pourquoi ? Pour rien, que j’y ai fait accroire, et lui : T’as-tu d’quoi à m’conter ? Sa question m’a fourré. J’ai pensé que Blanche avait pu y parler de notre liaison. Je sors avec, que j’y ai avoué. »

La danse de l’ours est le 10e roman publié dans la collection Héliotrope Noir créée « pour tracer, livre après livre, une carte inédite du territoire québécois dans lequel le crime se fait arpenteur-géomètre ». Cette 7e création littéraire a tout pour vous surprendre et vous plonger dans un univers imaginaire très riche ancré dans une certaine réalité sociale et culturelle où évolue une brochette de personnages tout aussi paumés les uns que les autres.

Ce que j’ai aimé : Les personnages décadents. L’univers noir et réaliste dans lequel se côtoient troubles du jugement et perception de la réalité.   

Ce que j’ai moins aimé : Les antinomies langagières.


Cote : ¶¶¶