Martha. Les forces cachées (Steven Laperrière)

Steven Laperrière. – Martha. Les forces cachées. – Saint-Lambert : Éditions La Roupille, 2018. 199 pages.
Récit biographique
Résumé : Je ne l’ai pas oublié. Il est juste derrière moi. Mon Rwanda, ma terre natale.
Pourtant, après que le génocide m’a volé une enfant et peu après le décès de mon mari, une subite envie de fuir s’est imposée à moi. Ce besoin absolu de m’échapper, d’abandonner mon pays pour offrir une vie plus sécuritaire à mes trois enfants s’est fait sentir au plus profond de mon être, jusque dans mes tripes.­ Malgré mon fauteuil roulant, mes limitations et ma situation de femme monoparentale, je devais le faire­: m’expatrier. Pour moi, pour eux.
Jamais je n’aurais pu imaginer ce qui m’attendait et ce que serait ma vie de réfugiée, dans ce pays de froid­ : le Québec.
Commentaires : Nous nous faisons une tête concernant l’arrivée parfois massive de réfugiés ainsi que des immigrants dits légaux ou illégaux et des problèmes potentiels qui en découlent à partir des médias et des déclarations des politiciens. Sécurité nationale, criminalité, coûts économiques et sociaux… sont généralement mis de l’avant pour manipuler l’opinion publique.
Mais qu’en est-il du point de vue de la personne qui a dû quitter son pays, sa famille, ses amis et abandonner derrière elle ses biens pour assurer sa propre sécurité et celle de ses enfants? Dans une société d’accueil où les références culturelles sont parfois aux antipodes? Quand on a la peau noire, qu’on doit se véhiculer dans un fauteuil roulant, qu’on est monoparentale avec trois jeunes enfants? Avec toute la volonté de s’intégrer à son nouveau milieu de vie; de survivre à la paperasserie gouvernementale; de trouver logement et emploi; d’apprendre à utiliser les transports en commun, les services de santé…; de faire son épicerie; de se créer un réseau d’amis; ou même d’apprivoiser les services policiers? Et j’en passe.
C’est ce dont témoigne avec un humour bon enfant cette courageuse Africaine dans ce récit biographique qui nous la fait suivre depuis sa terre natale, Rubengera, Rwanda, jusqu’à sa terre d’adoption, Lachine, Québec. Elle qui craint un moment qu’on l’extradait en Chine J.
Steven Laperrière, un militant montréalais pour l’accessibilité universelle des personnes handicapées et défenseur des victimes de discrimination fondée sur le handicap, a recueilli les propos de Martha Twibanire et les a mis en forme de récit. C’est Martha la déterminée, la résiliente, qui nous relate de grands pans de son histoire : son enfance dans son village, son travail à Kigali, son espoir de remarcher (elle qui a été victime toute jeune de poliomyélite), le grand amour de sa vie, le génocide, la grande traversée vers les États-Unis pour prendre ensuite la direction de Montréal,  sa nouvelle vie au Québec à partir de 1999, ses angoisses, son adaptation, le rôle qu’ont joué les Grands Frères et Grandes Sœurs, l’intégration de ses enfants à l’école, son premier Noël et les difficultés rencontrées sur le marché du travail.
N’ayez crainte, vous ne verserez pas de larmes en écoutant Martha. Vous sourirez plus souvent qu’autrement en constatant le caractère parfois ridicule de certaines situations : la cuisson de la première dinde, la question de la minorité invisible, le devoir sur le thème de la sexualité de sa fille de huit ans, le diable qui n’en est pas un, les expressions québécoises (chum, vente de garage…), les déplacements en triporteur... Mais vous serez aussi sensibilisé par les difficultés vécues au quotidien : le transport adapté, l’inaccessibilité des locaux de l’école, les relations avec la clientèle, pour ne nommer que celles-là.
Ce sont là quelques-unes des forces cachées de Martha et combien d’autres qui sont mises en lumière par cet ouvrage que je vous invite à découvrir.
Ce que j’ai aimé : Le ton du récit. L’humour de la narratrice. La leçon de courage.
Ce que j’ai moins aimé : -
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