L’innocence et la loi (Michael Connelly)


Michael Connelly. – L’innocence et la loi. – Paris : Calmann Levy, 2021. – 494 pages.


 

Polar

 

 


Résumé :

 

Au sortir d’un pot pour fêter sa victoire au tribunal, Mickey Haller est arrêté pour défaut de plaque. Mais en ouvrant le coffre de la voiture de Haller, l’agent de police trouve un cadavre à l’intérieur. Celui d’un escroc que l’avocat a défendu à de nombreuses reprises, jusqu’au moment où le client l’a arnaqué à son tour.

 

Accusé de meurtre et incapable de payer la caution de 5 millions de dollars, Haller est aussitôt incarcéré et confronté à une avocate de l’accusation qui veut sa peau, Dana Berg. Il comprend qu’il a été piégé – mais par qui, et pourquoi ? – et décide d’assurer lui-même sa défense lors du procès.

 

Pas facile quand, en plus d’être en prison et donc la cible de violences, il est la proie d’une machination que même Harry Bosch, son demi-frère, aura du mal à démêler.

 

 

Commentaires :

 

Un autre Connelly palpitant qui met en scène pour une deuxième fois, après Les dieux du verdict (2015), l’avocat de la défense Mickey Haller. L’auteur nous démontre à quel point il maîtrise les rouages du système judiciaire californien et nous donne une leçon de plaidoirie 101 en étalant tout au long du procès les astuces auxquels ont recours les parties qui s’affrontent au cours des audiences.

 

Bien que l’éditeur met en évidence sur le bandeau les retrouvailles de Harry Bosh, ce dernier est confiné à la figuration, laissant toute la place à Haller au meilleur de sa forme malgré la situation difficile à laquelle il est confronté.

 

Mais c’est par contre le retour de son ex, Maggie McPherson, qui, aux côtés de Mickey Haller, affronte avec brio une avocate de l’accusation résolue à ne pas lâcher le morceau dans le prétoire d’une juge qui ne s’en laisse pas imposer. Le tout alors qu’une pandémie s’annonce.

 

L’innocence et la loi, un excellent suspense même si on anticipe que le protagoniste se sortira du pétrin, est aussi l’occasion pour Michael Connelly d’amener le lecteur à réfléchir sur la notion d’innocence et de non-culpabilité face à la loi :

 

« L'innocence n'est pas un terme de droit. Ce n'est jamais l’innocence de quiconque qui est reconnue dans une cour de justice. Personne n'est jamais disculpé par le verdict d'un jury. Le système judiciaire ne peut rendre qu'un verdict de culpabilité ou de non-culpabilité. Rien d'autre, ça s'arrête là.

 

La loi de l'innocence reste à écrire. On ne la trouvera pas dans un Code pénal relié cuir. Jamais l'innocence de quiconque ne sera débattue dans un prétoire. Nos élus ne sauraient l'inscrire dans la loi. L'innocence est une idée abstraite qui ne s'en aligne pas moins de très près sur les lois de la nature et de la science. Dans la nature, à toute action répond une réaction. Dans la loi, à tout homme non coupable d'un crime répond un autre qui, lui, l'est quelque part dans la nature. Et pour que l'innocence de tel ou tel soit prouvée, il faut que le coupable soit découvert et montré au monde. »

 

Mentionnons la présence de quelques coquilles que tout correcteur orthographique pouvait facilement déceler dans un produit d’édition d’une grande maison française.

 

Un roman que j’ai savouré de la première à la dernière page que je vous recommande sans réserve. Vivement le prochain Connelly, L'étoile du désert (novembre 2022) qui viendra s’ajouter à ma collection !

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

La folie des foules (Louise Penny)


Louise Penny. La folie des foules. – Montréal : Flammarion Québec, 2021. – 514 pages.

 


Polar

 

 


Résumé :

 

Tandis que les villageois de Three Pines se réjouissent déjà des feux d’artifice du Nouvel An, Armand Gamache doit interrompre ses vacances en famille pour répondre à une affectation en apparence anodine : assurer la sécurité d’une professeure de statistiques lors d’une conférence prononcée à l’université voisine. Perplexe, le chef des homicides de la Sûreté se renseigne sur Abigail Robinson et découvre une femme au discours si dangereux qu’il supplie la chancelière d’annuler son allocution. Colette Roberge refuse, invoquant la liberté de l’enseignement, et l’accuse de lâcheté intellectuelle. Très vite, les idées tranchantes de la statisticienne sur les droits des plus vulnérables contaminent les conversations. Les discussions dégénèrent en débats, puis en polémiques et en affrontements. Plus que quiconque, Gamache sait que les flammes de la division sont presque toujours impossibles à maîtriser. Lorsqu’un cadavre est retrouvé, c’est à son équipe qu’échoit l’enquête sur le meurtre et sur cet extraordinaire délire populaire.

 

Commentaires :

 

Quelle déception que cette interminable enquête d’Armand Gamache, la 17e, inspecteur-chef de la Sûreté du Québec qui est constamment absent de son QG, comme ses proches collaborateurs. Et un énième meurtre qui vient s’ajouter dans le village de Three Pines, un bled perdu dans les Cantons de l’Est, à quelques kilomètres de la frontière du Vermont. Définitivement, le ministère de la Sécurité publique devrait déclencher une enquête pour expliquer le taux de criminalité qui y règne.

 

Bien sûr, Louise Penny véhicule – et c’est tout à son honneur – ses valeurs humanistes dans les interactions entre ses personnages très typés qui évoluent dans un environnement quasi folklorique. Ils y sont tous : Myrna, la bibliothécaire psychologue ; Ruth, la poétesse irrévérencieuse et sa canne de poche ; Gabri et Olivier, le couple masculin proprio du Bistrot où on sert, entre autres, de la langoustine au beurre à l’ail pour dîner, lieu de rencontre autant des villageois sans histoire que des enquêteurs et des criminels soupçonnés ; Clara, la peintre aux œuvres déroutantes ;  Gilbert, l’ermite ex-médecin dit « trou du cul » ; évidemment Armand Gamache, grand ami du premier ministre gay qui, après avoir été directeur de la Sûreté du Québec, est redevenu enquêteur, peut être en attendant de se présenter en politique, sait-on jamais [le ministère de la Sécurité publique pourrait lui être assigné] ; son épouse, Reine-Marie qui après avoir rien de moins que dirigé les Archives du Québec s’est transformée en consultante historienne spécialisée en interprétation de documents ; les collègues de l’enquêteur, Lacoste et Beauvoir, son gendre plus tourmenté que jamais... Et pour contribuer à l’énigme criminelle qui n’en finit plus d’être résolue : une candidate soudanaise au prix Nobel de la paix ; une statisticienne aux théories eugéniques [« nous n’aurons pas assez de ressources pour nous relever de la pandémie et, a fortiori, pour en affronter une autre. À moins de laisser mourir les malades et les vieillards »] et son amie d’enfance qui lui colle aux semelles ; une chancelière honorifique de l’université d’à côté ; et quelques autres personnages secondaires.

 

L’intérêt de ce long, trop long, roman réside dans la dénonciation de la manipulation des foules par des gourous aux idées et aux solutions socialement contestables. En ce sens, le polar de Penny illustre bien la réalité contemporaine qui menace nos sociétés. Aussi, parce qu’elle nous fait découvrir comment un illustre psychiatre, Donald Cameron, dans les années 1950, a abusé de patients en leur administrant, dans des locaux appartenant à l’University McGill de Montréal, des cocktails de barbituriques, de neuroleptiques et de puissants électrochocs dans le cadre d’un projet visant à parfaire des techniques de lavage de cerveau. Avec comme client rien de moins que la CIA. Une belle intégration du réel au fictionnel qui donne au récit une touche de pédagogie.

 

La première partie du roman – la première enquête – comporte un certain suspense. La deuxième – la recherche du meurtrier à la bûche qui a sévi pendant le décompte du Bye Bye, l’émission de fin d’année de Radio-Canada – nous entraîne dans un magma d’hypothèses, de contre-hypothèses, de redites, de contre-redites, de déclarations contradictoires peut-être vraies, fausses, à demi-vraies, à demi-fausses... Les enquêteurs et les criminels potentiels semblent s’y retrouver. Personnellement je m’y suis perdu jusqu’à la chute finale des plus frustrante. 514 pages plus tard !

 

Mais bon, c’est le choix de l’autrice dont la plume est tout de même agréable qui l’entraîne parfois, comme dans ses romans précédents, à des affirmations surprenantes. Par exemple : « la pandémie est terminée » (le roman a été écrit en 2020-2021) puisque « le vaccin a donné les résultats escomptés » ; presque tous les Québécois possèdent une tuque rouge ornée du « C » majuscule du club de hockey Canadiens de Montréal ; le 31 décembre, pour le réveillon, « une tradition québécoise », les enfants choisissent une fable de Lafontaine et, costumés, la mettent en scène devant la parenté !!!

 

L’univers de Louise Penny apporte certes un baume sur le quotidien de son lectorat. Son imaginaire « gamachien » semble inépuisable puisqu’une 18e enquête est déjà annoncée : Un monde de curiosité, qui vous l’aurez deviné, aura pour cadre le village de Three Pines où les habitants seront confrontés encore une fois à « des énigmes dans des énigmes et des messages cachés avertissant du chaos et de la vengeance ». Ils ont la couenne dure ces Threepiniens ! Espérons que les lectrices et les lecteurs réussiront à se dépêtrer du nœud gordien que Louise Penny aura formé et que Gamache saura trancher.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
***
Intrigue :
***
Psychologie des personnages :
***
Intérêt/Émotion ressentie :
**
Appréciation générale :
**

L’inconnue de la Seine (Guillaume Musso)


Guillaume Musso. – L’inconnue de la Seine. – Paris : Calmann Levy, 2021. – 411 pages.

 


Polar

 

 


Résumé :

Par une nuit brumeuse de décembre, une jeune femme est repêchée dans la Seine au niveau du Pont-Neuf. Nue, amnésique, mais vivante. Très agitée, elle est conduite à l’infirmerie de la préfecture de police de Paris… d’où elle s’échappe au bout de quelques heures.

Les analyses ADN et les photos révèlent son identité : il s’agit de la célèbre pianiste Milena Bergman. Mais c’est impossible, car Milena est morte dans un crash d’avion, il y a plus d’un an.

Raphaël, son ancien fiancé, et Roxane, une flic fragilisée par sa récente mise au placard, se prennent de passion pour cette enquête, bien décidés à éclaircir ce mystère : comment peut-on être à la fois morte et vivante ?

 

 

Commentaires :

 

Les critiques des lectrices et des lecteurs des romans de Guillaume Musso sont généralement réparties dans un spectre allant de 1 étoile et moins à 5. Pour diverses raisons. On aime, on n’aime un peu ou on n’aime pas. Et l’auteur fracasse presque à tout coup des records de ventes, résultat de la maxime « Parlez de moi en bien ou en mal, mais parlez de moi ! ». Et la tentation est grande de se faire une tête par soi-même.

 

Comme dans le cas de La vie secrète des écrivains et de La vie est un roman, j’ai aimé L’inconnue de la Seine pour la structure du récit très efficace. Un bon suspense qui invite à attaquer le chapitre qui suit. Facile de s’y retrouver malgré de nombreux déplacements du personnage principal dans les rues de Paris et ailleurs sur le territoire français. De nombreuses illustrations qui viennent appuyer le déroulement de l’enquête et la crédibilité des faits qui s’accumulent. J’ai aussi trouvé très intéressantes l’association avec le culte de Dionysos, les origines des arts de la scène et de la tragédie. Une histoire crédible racontée dans un style fluide sans artifices. Bonne idée l’intégration de portions du récit dans lesquelles des protagonistes se racontent. Bien documenté et agréable à lire.

 

Mais, il y a un « mais ». J’aurai aimé en savoir davantage sur le passé de l’enquêtrice et que la psychologie de plusieurs autres personnages ait été davantage développée. Une finale un peu rapide laissée ouverte qui nous laisse sur notre faim. Il semble qu’aucune suite n’est prévue. Dommage : après 400 pages, des explications manquantes nous laisse dans l’expectative.

 

Par contre, si vous êtes inconditionnel.le de Guillaume Musso, votre opinion différera peut-être de la mienne.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
****
Intrigue :
****
Psychologie des personnages :
***
Intérêt/Émotion ressentie :
****
Appréciation générale :
****

Stigmates (Richard Ste-Marie)


Richard Ste-Marie. Stigmates. – Lévis : Alire, 2021. – 344 pages.

 


Polar

 

 



Résumé :

 

Quelques jours après avoir demandé à voir le sergent-détective Francis Pagliaro, Gaétan Rivard, un détenu de la prison de Donnacona condamné à perpétuité pour avoir tué Florence Lussier et son fils Jérémie, a tenté de se suicider. Francis, déjà affairé à élucider une pénible histoire de féminicide impliquant un policier, accepte néanmoins la demande de son supérieur de découvrir ce qui a poussé l’ancien pharmacien à poser un tel geste, car, lors de leur rencontre, Rivard lui avait remis une feuille sur laquelle il avait dessiné un dessin très enfantin tout en ajoutant : « Gardez ça, ça vous sera utile à présent. »


Pagliaro rouvre donc le dossier vieux de vingt et un ans pour lequel Rivard a plaidé coupable. Or, plus il fouille, plus il réalise à quel point ces aveux ont arrangé bien des gens de l’entourage du pharmacien. Mais quand il trouve un dessin – étrangement semblable à celui reçu du détenu – du petit Jérémie, à l’époque âgé de sept ans, Francis comprend qu’il a en main la clef qui va lui permettre non seulement d’expliquer le geste de Rivard, mais aussi la raison pour laquelle il s’est déclaré coupable de meurtres qu’il n’a vraisemblablement pas commis… voire de découvrir le véritable auteur de l’ancienne tuerie !

 

 

Commentaires :

 

Dans l’univers polardien québécois, Richard Ste-Marie, un auteur de la capitale nationale, est une valeur sûre. La cinquième enquête du sergent-détective Francis Pagliaro le confirme encore. Un roman intelligent dans lequel le protagoniste, un « italien de Terrebonne » nous invite à réfléchir avec lui sur le côté sombre de certains individus, la mission parfois désespérante des policiers et sur l’application parfois expéditive de la justice. Une histoire qui se déroule principalement en périphérie du  quartier Limoilou, en des lieux qui me sont tous familiers. Une œuvre littéraire reposant sur une abondante recherche, entre autres sur la psychologie du témoignage de jeunes enfants qui savent parfois décoder une situation de façon plus fluide qu’un adulte.

 

Francis Pagliaro, le personnage fétiche de Ste-Marie est amateur de Blanche de Chambly et de musique classique. Car la musique est omniprésente dans les fictions de cet auteur ancien clarinettiste, saxophoniste et professeur de sculpture, de dessin et d'estampe numérique à l’école des arts visuels de l’Université Laval. Des récits écrits dans un style  caractérisé par des personnages principaux et secondaires bien campés et l’intégration de dialogues naturels et efficaces adaptés au niveau social  de chacun d’entre eux.

 

Stigmates, dont le titre trouve tout son sens en finale du roman, est un tourne page qui nous garde en haleine tout au long de cette enquête autour d’un crime abominable. Ste-Marie maîtrise l’art de décrire sobrement, mais efficacement les scènes d’horreur auxquelles sont confrontés ses personnages. Et dans le cas présent, avec une chute imprévisible.

 

Depuis l’année dernière, les éditions Alire publient sur YouTube de courtes entrevues avec certains de leurs auteurs. Je vous invite à  visionner celle au cours de laquelle Richard Ste-Marie nous parle de Stigmates dans deux courtes vidéos : https://youtu.be/8qDY0A6mFCU et https://youtu.be/NlMO3IICbic.

 

Et courez chez votre libraire pour vous immiscer dans l'enquête minutieuse de Francis Pagliaro.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

Le Noël de l’assassin (Christian Jacq)


Christian Jacq. – Le Noël de l’assassin. – Paris : XO Éditions, 2021. – 233 pages.

 


Polar


 

 


Résumé :

 

Noël à Oxford, sous la neige. Le cadavre d'un haut dignitaire de l'université gît dans le logement qu'occupent deux étudiants.

 

Higgins doit identifier au plus vite l'assassin pour éviter un scandale. Question : les deux étudiants, possibles meurtriers, sont-ils complices ou ennemis ?

 

Très vite, l'affaire s'avère plus complexe. Pourquoi une austère professeure de latin avait-elle une relation trouble avec la victime ? Et que penser de cette jeune sportive liée à plusieurs suspects ?

 

Dans l'enceinte de la prestigieuse université, Higgins va passer un drôle de Noël…

                     

 

Commentaires :

 

J’avais toujours associé Christian Jacq à des romans, à des essais et à des albums relatifs à l’Égypte de l’époque des pharaons. Il en a publié plus d’une centaine, tout de même. Le Noël de l’assassin, dans la série des enquêtes de l’inspecteur Higgins, inspecteur de Scotland Yard, et reçu en librairie au cours des premiers mois de 2022 m’a intrigué. La 42e à ma grande surprise. Et l’éditeur de mentionner en couverture de quatrième : « Chaque année, quatre enquêtes palpitantes » !

 

Les critiques littéraires chevronnés qualifient le style des romans de cet écrivain d'expression française vivant en Suisse rappelant les feuilletons américains : nombreux dialogues, courtes phrases, peu de profondeur des personnages, vocabulaire limité. Ce avec quoi je suis assez d’accord.

 

Le Noël de l’assassin est un roman policier plutôt classique à la formule empruntée à Agatha Christie et son Hercule Poirot : au départ, un assassinat auquel le lecteur assiste. L’enquête démarre et se déroule progressivement créant suffisamment de suspens pour susciter la lecture en enfilade de la quarantaine de chapitres. De nombreux suspects ayant tous une raison d’avoir commis le crime. Au fur et à mesure du déroulement du récit, j’ai apprécié les brèves descriptions et références historiques de certains des différents collèges qui composent l’université d’Oxford. Et, en finale, la résolution de l’intrigue.

 

Lecture d’été légère et agréable.

 


Originalité/Choix du sujet :
****
Qualité littéraire :
***
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
***
Intérêt/Émotion ressentie :
***

Appréciation générale :

***

L’incendiaire de Sudbury (Chloé LaDuchesse)


Chloé LaDuchesse. – L’incendiaire de Sudbury. – Montréal : Héliotrope, 2022. – 243 pages.

 


Roman

 

 


Résumé :

 

Emmanuelle se terre à Sudbury depuis quelques années et joint les deux bouts grâce à des contrats de design web pour des clients plus ou moins réglos. Lorsqu’elle retrouve le vieil agenda de son ancien amant, qui a mystérieusement disparu de la carte il y a huit mois, elle se met en tête d’apprendre ce qui lui est arrivé. Sa femme, la redoutable docteure Herman, l’aurait-elle banni, voire éliminé en découvrant ses infidélités? Plusieurs autres hommes manquent à l’appel, surtout des paumés – des cobayes parfaits pour l’étude clinique de Herman. Emmanuelle mène l’enquête, jamais tout à fait sobre, prenant de plus en plus de risques…

 

 

Commentaires :

Que de personnages dans ce cours roman qu’on dit un polar qui adapte les codes à une fiction centrée la faune des paumés d’un quartier de Sudbury. Cette ville reconnue pour sa géographie particulière, formée dans le cratère d'impact d'une météorite écrasée il y a 1,85 milliard d'années et ses immenses rochers à surface noire font la particularité de la géologie. Bien présent dans l’univers de la narratrice  personnage principal qui s’improvise « détective » dans une histoire sans suspense, qui ne tient pas le lecteur en haleine.

Un rythme lent qui s’active tardivement, aux alentours du quatrième quart du récit. Un ou des crimes auraient été commis : assassinat ? disparition ? évasion ? Les états d’âme et le passé de la protagoniste qui arpente le quartier à pied, en bus, en taxi – on a quasiment envie de suivre les parcours sur Google Maps pour s’y retrouver – entre son appartement, des bars, des hôtels, des restaurants de fast-food, des dépanneurs... semblent l’emporter sur l’énigme et sa résolution plutôt décevante.

Avec en parallèle cette relation malsaine avec un entrepreneur en construction sans scrupule qui, en chute finale, explique à elle seule le titre et l’illustration de la couverture de première.

L’autrice dresse un portrait réaliste de ce milieu glauque peuplé de laissés pour compte qui n’ont d’autres moyens de survivre que de quémander. Et ce tant dans les descriptions des lieux et des personnages que dans les dialogues naturels mélangeant les deux langues officielles canadiennes.

En tout respect, il m’a semblé tout au long de ma lecture, peut-être à tort, que ce roman n’était pas à la hauteur des 15 autres qui composent la collection Héliotrope Noir. D’ailleurs, avec cette première incursion en Ontario, l’éditeur devra modifier l’énoncé de son objectif de « tracer, livre après livre, une carte inédite du territoire québécois dans lequel le crime se fait arpenteur-géomètre ».

Tous les goûts étant dans la nature, je vous invite à vous faire une idée par vous-même de ce court roman bien écrit qui vous plaira peut-être.

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
**
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
**
Appréciation générale :
**

Une enquête à Murray Bay (Céline Beaudet)


Céline Beaudet. – Une enquête à Murray Bay. – Montréal : Québec Amérique, 2022. – 230 pages.

 


Roman

 

 


Résumé :

Pointe-au-Pic, 1er juillet 1910. La saison touristique bat son plein. La famille Brockwell débarque du St.Irénée, un luxueux navire de la flotte des grands bateaux blancs naviguant sur le Saint-Laurent. Fuyant les chaleurs de New York, le clan revient chaque été au paradis immobile des albatros, des somptueuses villas et des Canadiens français dévoués et industrieux. Alice, la matriarche désabusée, Edwin et Irene, les aînés craignant tout changement qui pourrait menacer leurs privilèges et leurs mœurs dissipées, et Elizabeth, la benjamine suffragiste : les revoici enfin à Murray Bay, l’oasis qui n’existe que pour les happy few.

Dans le brouhaha du débarquement, un passager s’aperçoit que son collègue, avocat au service du député de Charlevoix, n’est pas descendu du bateau. L’homme est retrouvé mort dans sa cabine, baignant dans son sang. On soupçonne un meurtre, peut-être même un complot. Pour tirer l’affaire au clair, le Bureau des détectives de Montréal dépêche un enquêteur sur place.

Rapidement, les passions se déchaînent. Les envies de modernité des uns se heurtent au désir de conserver le « monde idéal » des autres. Les Brockwell sont pris dans la tourmente. Tout comme Murray Bay, leur famille est-elle un mirage en train de se dissiper ?

 

Commentaires :

 

Contrairement à ce que laisse entendre son titre, ce roman est davantage un portrait sociologique et culturel des estivants anglos et américains et des résidents à leur service, dans la région de Charlevoix au début du XXe siècle qu’un polar. À une époque où les mouvements féministes réclament, entre autres, le droit de voter.

 

Bien sûr, on est en présence d’un meurtre, de deux enquêteurs et d’un meurtrier que j’avais rapidement soupçonné. Donc, un suspense inexistant et une finale sans intérêt.

Par contre, la description du quotidien de cette société bourgeoise richissime qui entretient de luxueuses résidences d’été est fascinante. Plusieurs d’entre elles sont toujours présentes sur la partie la plus haute du chemin des Falaises. Les idées nouvelles de modernité, les conflits entre ceux qui souhaitent donner accès à ces lieux majestueux avec balcons sur l’estuaire du Saint-Laurent à une clientèle moins fortunée sont habilement mis en évidence.

 

De page en page, le lecteur accompagne les protagonistes dans leurs vies personnelles pas toujours reluisantes. On en apprend, entre autres, sur les ambitions ferroviaires de Rodolphe Forget, homme d'affaires et politicien conservateur, un des rares Canadiens français à connaître un grand succès d'affaires à cette époque. Depuis sa luxueuse villa de Saint-Irénée dans Charlevoix. Les terres qu'il possédait à cet endroit font aujourd'hui partie du Domaine Forget, le foyer d'un Festival international de musique.

 

Un chapitre entier est consacré à une conférence du (véritable) pathologiste anglais John George Adami pour « gens éduqués qui se plaisaient à participer à des loisirs sollicitant leur curiosité intellectuelle » : Eugénisme, dégénérescence héréditaire et amélioration de la vie. Un exposé qu’on associerait sans équivoque aux actuels mouvements complotistes et qui pourrait se résumer ainsi : « expliquer scientifiquement les traits caractéristiques des individus génétiquement défectueux pour mieux les reconnaître, et protéger la pureté de la race anglo-saxonne de la contamination raciale qui la menace avec l’arrivée massive d’immigrants de souche inférieure ».

 

Aussi savoureuse l’allocution argumentaire de Francis Bourne, primat d’Angleterre, archevêque de Westminster, de passage dans la province pour la préparation du XXIe Congrès eucharistique de Montréal : « pour que le Canada devienne la puissante nation catholique que le présent laisse présager, il faut que l’Église propage les mystères de la foi dans la langue anglaise ».

 

Une enquête à Murray Bay, le premier roman de Céline Beaudet, démontre à quel point la fiction romanesque peut être au service d’une pédagogie historique abordable et divertissante.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
**
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
****
Appréciation générale :
****

Plessis (Joël Bégin)


Joël Bégin. – Plessis. – Montréal : VLB éditeur, 2022. – 402 pages.

 


Roman

 

 


Résumé :

Schefferville, 1959. Dans le guest house de l'Iron Ore Company of Canada, le vieux Chef se meurt. Attaque cérébrale soudaine. Du moins, c'est ce qu'on prétend. Parce qu'il apparaît vite qu'il se trame quelque chose de louche, à Schefferville. C'est à Paul-Émile Gingras, jeune policier trifluvien pas spécialement doué, que son grand-oncle Jos-D., ministre de la Colonisation et bras droit de Maurice Duplessis, assigne la tâche de démêler tout ça. Alors pas le choix, avec son ami Gégé Godin – oui, ce Godin-là –, Gingras prend la route de la Côte-Nord.

Un roman noir, donc ? Oui, mais le plus coloré qui soit. Passant de la farce à la fresque historique, du drame familial au vrai-faux portrait d'une classe politique, du picaresque au naturalisme, Joël Bégin louvoie entre les genres et les époques pour composer la fantasmagorie jubilatoire d'une Grande Noirceur à l'agonie.

 

Commentaires :

 

Quand on s’attend à lire un polar historique ou, comme le propose entre autres l’éditeur, ou un roman noir et qu’on découvre, au gré des chapitres, une fiction historico-fantastique ! En tout cas, on ne peut blâmer l’auteur, un professeur de philosophie, d’avoir exploité au maximum son imaginaire délirant et de s’en être donné à cœur joie pour exploiter au maximum des qu’en-dira-t-on de l’histoire officielle. À partir du contexte familial des Bégin – dont il est certainement un des descendants – dont est issu l’illustre Joseph-Damase Bégin, politicien sans scrupules du gouvernement Duplessis. En réunissant une brochette de personnalités dans des circonstances improbables qui, à une époque plus contemporaine feront la une des actualités politiques : Gérald Godin, Daniel Johnson, Pierre Laporte, Jean Lesage, Alice Parizeau... et même Denis Vaugeois pour ne nommer que ceux-là.

 

Avec comme enquêteur un policier incompétent mandaté par le pouvoir pour s’assurer que la vérité n’éclatera jamais au grand jour. Car la vérité sur les circonstances entourant la mort du « cheuf » de l’Union nationale n’est que « fake news » avant l’heure. Elle s’inscrit dans la fin d’un règne de corruption associé à une version personnelle de l’auteur de la « Grande Noirceur » et de manipulation des électeurs illustrée, entre autres, par une guerre inusitée de croustilles à l’échelle du territoire québécois.

 

Plessis nous entraîne dans les corridors glauques du Parlement de Québec. Il nous fait voyager de la Mauricie (rien à voir avec Maurice Le Noblet) à la Côte-Nord sous le contrôle des grands « investisseurs » miniers de l’Iron Ore. Il nous fait aussi découvrir l’histoire méconnue du trésor des Polonais caché dans le Vieux-Québec. Et que dire de ces funérailles plutôt mouvementées, une occasion idéale pour les partisans et les adversaires de se faire valoir.

 

Intéressante cette finale où le mort – vous n’imaginerez jamais l’ambiance fantasmagorique du décès – réfléchit hypothétiquement sur son héritage, sa descendance inexistante tant d’un point de vue personnel que politique et sur sa pensée politique.

 

Un roman qui a reçu le prix Robert-Cliche 2022 du premier roman et aussi en lice pour le prix France-Québec.

 

Si vous êtes à la recherche de détails croustillants sur les événements sur lesquels reposent de la trame  de cette fantaisie romanesque, vous pourrez vous amuser comme moi à tenter de faire la part du vrai et du faux divertissant. Et risquer d’imaginer à votre tour des faits jamais avérés.   

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
****
Appréciation générale :
****

Les os de la méduse – Une enquête de Bonneau et Lamouche (J.L. Blanchard)


J.L. Blanchard. – Les os de la  méduse – Une enquête de Bonneau et Lamouche. – Montréal : Fides, 2022. – 374 pages.



Polar


Résumé :

 

Une enquête de Bonneau et Lamouche. Un squelette dans le placard, c’est classique. Mais un cadavre décharné dans la penderie d’un luxueux manoir de la métropole, c’est plutôt inhabituel. Le comte de Clairvaux, qui y vit discrètement dans le respect des traditions familiales, se passerait bien de ce genre de publicité.

 

Un seul indice sérieux semble mener à l’assassin : une silhouette fantomatique, captée en pleine nuit par des caméras de surveillance. Mais voilà que de nouveaux éléments surgissent, entraînant le duo d’enquêteurs Bonneau et Lamouche sur des pistes insoupçonnées... Que viennent faire un trésor inestimable, un célèbre tableau de maître et une mystérieuse infirmière portée disparue depuis plusieurs années dans cette enquête aux ramifications tentaculaires ? Chose certaine, la maladresse de Bonneau et l’irrévérence de Lamouche s’avèrent encore une fois irrémédiablement incompatibles ! Et pourtant...

 

Commentaires :

 

Après le Silence des pélicans qui nous a fait découvrir un nouvel auteur de polar à succès, Jean-Louis Blanchard persiste et signe en nous entraînant dans une aussi loufoque aventure en compagnie de Bonneau, son lieutenant de police atypique  « ... un casse-pied anachronique, grotesque et entêté, mais il y a dans cette mixture quelque chose d’indéfinissable qui lui confère du génie ». Une nouvelle enquête, cette fois dans le milieu des arts, inscrite dans une trame historique au cœur d’un quartier cossu de la métropole montréalaise.

 

Une histoire qui s’étale sur quelques jours, truffée de rebondissements cocasses et mettant en valeur le « génie » de deux policiers mal-aimés de leurs collègues. Le jeune Lamouche pour qui les gaucheries de son binôme gaffeur ont le même effet que l’eau sur le dos d’un canard. Plutôt enclin, pour des raisons non avouées, à lui attribuer le mérite de la résolution de l’enquête et à lui attribuer des qualités de grand limier. Et le lieutenant Bonneau, aux prises cette fois avec un doigt qui ne lui fait pas honneur, dont l’estomac crie toujours famine au mauvais moment, maladroit, rustre et impertinent, toujours en retard sur les événements. Finalement le plus sympathique des deux protagonistes au point où on souhaite une autre récidive de l’auteur.

 

Formation oblige, j’ai particulièrement apprécié la portion historique entourant la fameuse méduse, conséquence d’une recherche bien documentée. Je me suis amusé à visualiser sur Internet des éléments figuratifs du roman et des détails géographiques sur Google Maps. Il est évident que l’auteur a parcouru le secteur où il a campé son récit dont il a réservé la conclusion dans une chute inattendue.

 

Tout est crédible dans ce roman à l’écriture dynamique et aux nombreuses chutes en fin de chapitres nous obligeant à en poursuivre la lecture : les dialogues naturels, les descriptions des lieux, les personnages secondaires, la courtepointe d’humour qui tapisse la narration (on sent que l’auteur a du plaisir à faire cheminer ses personnages) dont les rapports au style littéraire très personnel que Bonneau doit produire pour son supérieur.

 

La méduse m’a fait moins rire que les pélicans. Je me suis toutefois  diverti de la première à la dernière page. Du bonbon pour amorcer mes lectures d’été.

 

Et pour conclure, d’ici à ce que vous vous procuriez votre exemplaire en format papier ou numérique, je vous laisse avec cet extrait d’un dialogue sorti de son contexte : « Vaut mieux avoir, une fois l’an, l’air ridicule que de porter en tout temps une tête de nul ! »

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****