La constellation du chat (Jean-Louis Blanchard)


Jean-Louis Blanchard. – La constellation du chat. – Montréal : Fides, 2023. – 361 pages.

 


Polar

 

 


Résumé :

 

Lancer des tomates pourries à un politicien arrogant, c’est une chose. Mais aller jusqu’à l’assassiner, c’est une tout autre histoire. Qui en voulait donc autant à Bruno Hébert-Sirois pour l’éliminer de façon aussi violente?

 

Les autorités nagent en plein mystère, d’autant plus que la main meurtrière frappe à nouveau. Terroriste, tueur en série ou simple règlement de comptes? Chose certaine, les cadavres s’empilent.

 

Bonneau et Lamouche sont alors confrontés à une constellation de victimes sans liens apparents. Que peuvent bien avoir en commun un politicien, un agent immobilier et un boursicoteur de banlieue? Les pistes se multiplient et le duo d’enquêteurs ne possède qu’un seul indice pour résoudre l’affaire: un énigmatique symbole, laissé sur chaque scène de crime.

 

 

Commentaires :

 

Après avoir savouré Le silence des pélicans et Les os de la méduse, j’attendais avec fébrilité la suite des aventures du binôme policier imaginé par Jean-Louis Blanchard : le lieutenant-enquêteur Bonneau, gaffeur et pas si incompétent qu’il n’en paraît et Lamouche, son jeune assistant « stagiaire », une fine mouche excellant dans son domaine grâce à sa grande habileté professionnelle.

 

Et, d’entrée de jeu, je n’ai pas été déçu. En fait, ma seule déception, comme ce fut le cas avec les deux premiers titres de cette trilogie « animale » : refermer déjà ce livre lu en rafale et regretter de ne pouvoir attaquer une éventuelle suite, il faut le souhaiter, après des mois de patience.

 

Avec La constellation du chat, Jean-Louis Blanchard nous propose une enquête bien ficelée ne laissant en plan aucun détail même si en cours de lecture on en doute. Tous les morceaux du puzzle sont assemblés en 63 courts chapitres qui entretiennent le rythme d’un récit bien documenté.

 

Cette troisième enquête de Bonneau qui, soit dit en passant, déteste les chats, et Lamouche est moins burlesque que les précédentes, mais toujours aussi drôle. Certaines scènes que je vous laisserai découvrir m’ont fait pouffer. Bonneau rédige encore ses rapports dignes d’une anthologie bureaucratique à l’indicatif du passé simple. Estropié, une conséquence de ses prouesses pour résoudre l’énigme de la méduse, il brille par ses distorsions phonétiques :

 

tai chi quan / taille-Chicoine ;

Netflix / Nexflic ;

une IPA / une nippée-A ;

vérité de La Palice / vérité de la police ;

Raymond Burr / Raymond Beurre ;

Liechtenstein / Liche-Einstein…

 

pour ne mentionner que celles-là.

 

L’auteur entoure encore une fois ses deux protagonistes d’une brochette de personnages dont nous avons fait la connaissance dans les enquêtes précédentes :

 

  • le directeur Edmond St-Pierre confronté aux exigences du comité exécutif de la ville ;
  • l’efficace lieutenant Pierre Lacoste ;
  • les sergents Pierre Houle et Bob « Arnold » Hétu dont les gros bras de ce dernier, prêt à tout pour ridiculiser Bonneau, l’emportent sur ses capacités cérébrales ;
  • Fred Weber, pathologiste en chef à la morgue, qui pète les plombs chaque fois qu’il entre en communication avec le lieutenant-enquêteur ;
  • l’informaticien de génie Luc Noël ;
  • Gérald DaSylva, technicien en audiovisuel
  • et, bien sûr Anabelle April, la directrice des ressources humaines qui ne laisse pas Lamouche indifférent.

 

À noter, entre autres, le choix judicieux du prénom du tueur recherché et de la raison sociale d’une des scènes de crime, le bar Le Pinardier. Encore une fois la magnifique couverture de première de Bruno Lamoureux. Sans oublier le clin d’œil à Hergé avec le bistrot Ad Hoc où Bonneau est confronté à choisir entre les « cigares du Pharaon » et les « bijoux de la Castafiore » qu’on y sert. Et la qualité d’écriture de l’auteur comme en témoignent ces deux extraits notés au passage :

 

« … l’ordi sortait de son sommeil cybernétique ».

 

« … il laissa Bonneau marcher devant, sous le crépitement des flashs et l'œil des caméras de télévision. Le lieutenant avançait d'un pas lent, tenant sa canne d'une main et se couvrant les yeux de l'autre. On aurait dit Winston Churchill après la victoire des Alliés ».

 

Et ce paragraphe d’un réalisme troublant (je pourrais en témoigner après une quarantaine d’années à titre de consultant en gestion documentaire) :

 

« C'était une tâche terriblement fastidieuse, car plusieurs de ces archives n'avaient jamais été mises à jour, ou alors étaient classées selon des critères qui semblaient échapper à toute forme de logique. Sans compter les multiples changements de nomenclature apportés sous chaque nouvelle administration, soucieuse de laisser une marque indélébile au processus d'archivage municipal. »

 

Quel spécimen de la faune inspirera Jean-Louis Blanchard dans une prochaine aventure de nos deux inséparables ? Vivement une quatrième enquête qui devrait, entre autres, nous transporter à la table du président de la République où Bonneau, ayant fini par accepter l’invitation répétée de l’Ambassade de France à Ottawa pour services rendus dans l’affaire des os de la Méduse, sera égal à lui-même.

 

Avant de terminer, j’aimerais citer un extrait qui laisse peut-être entrevoir la thématique d’une nouvelle série ou, à tout le moins, d’un recueil de nouvelles :

 

« L'oncle Archibald était tout un personnage ! Un peu énigmatique, certes, mais néanmoins chaleureux et fascinant. Il avait connu une longue et prolifique carrière de détective privé, et ses incroyables récits d'enquête subjuguaient le jeune Lamouche. Encore aujourd'hui, il ne doutait pas un seul instant que ce vieil oncle un peu bizarre avait influencé son parcours de façon déterminante. »

 

Un défi à relever pour notre grand plaisir, nous divertir tout en se creusant les méninges.


Merci aux éditions Fides pour le service de presse.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****


Du sang sur ses lèvres (Isabelle Gagnon)


Isabelle Gagnon. – Du sang sur ses lèvres. – Montréal : Héliotrope, 2015. – 130 pages

 


Roman noir

 

 


Résumé :

 

Pohénégamook, Témiscouata.

 

C’est la Fouine qui a permis à Alix de retrouver la trace de son jumeau dans cet endroit perdu, à des milliers de kilomètres de chez eux.

 

Ces dernières années, la relation entre Alix et Paul s’est un peu dégradée, mais son frère n’avait jamais disparu aussi longtemps. Il prépare quelque chose, elle en est sûre, et il aura besoin d’elle.

 

Parce que le passé se moque du temps, de la distance et des frontières.

 

 

Commentaires :

 

Je découvre sur le tard cette auteure originaire de la région de Saint-Jean-Port-Joli et qui vit à Paris depuis 1999 où elle y a dirigé la Librairie du Québec. Au moment de la publication de cet avis de lecture, elle assume la direction de La Ruche, la librairie-école de l’Institut National de Formation de la librairie.

 

Du sang sur ses lèvres dont le titre prend tout son sens en finale est un très court roman qui se lit en moins de trois heures. Un livre très sombre dans lequel la tension monte de chapitre en chapitre pour atteindre son paroxysme dans une finale rouge sang. Deux phrases nous font craindre le pire dès le début du récit qui s’étale sur quatre jours :

 

« Il ouvre le sac et invite Alix à faire l’inventaire de son contenu. Elle y découvre des menottes, un couteau de chasse, une bombe lacrymogène, de la corde, du ruban adhésif et un pistolet électrique. »

 

Impossible de ne pas se laisser entraîner par l’histoire que nous raconte Isabelle Gagnon en se concentrant sur l’essentiel pour entretenir une atmosphère qui devient de plus en plus oppressante. Le style direct de l’auteur permet tout de même de nous renseigner sur la psychologie des deux protagonistes, de l’intensité de leur relation et de leur soif de vengeance. Petit à petit, on découvre par bribes leur vécu familial, leur petite enfance et le drame horrible qui les motive. La chute, quoique prévisible, nous réserve toutefois une surprise. Il est alors bon de relire le prologue qui nous permet de situer l’action au cours de la dernière semaine de septembre 2013.

 

Alix et Paul sont des personnages très crédibles et le scénario imaginé par l’auteur et duquel émerge une telle violence meurtrière est réaliste. Dans une entrevue publiée dans le journal La Presse de Montréal le 3 décembre 2015, Isabelle Gagnon qui se décrit comme une personne positive avait envie de plonger du côté sombre des choses. Elle avoue que les jumeaux  l'ont hantée et que certaines scènes ont été difficiles à écrire :

 

« Peut-être que des gens adorent écrire ça. Ce n'est pas mon cas : je me faisais peur en écrivant, j'en ai fait de l'insomnie. La violence qui sortait de moi, j'avais du mal à comprendre d'où elle pouvait venir. Je me demandais : " Pourquoi suis-je rendue aussi loin là-dedans ? " Je n'ai toujours pas trouvé la réponse. »

 

L’imaginaire de cette auteure égale son talent et son écriture.

 

Du sang sur ses lèvres a été réédité en 2021 aux éditions Le mot et le reste de Marseille.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****

La piscine (Jonathan Gaudet)


Jonathan Gaudet. – La piscine. – Montréal : Héliotrope, 2016. – 238 pages.

 

Roman noir

 

 



Résumé :

 

Les Mares-Noires, Centre-du-Québec.

 

Dans la douce lumière d’un matin d’été, un bruant se pose sur la branche d’une épinette, un coyote s’attarde près d’un bosquet. À la fenêtre, une femme berce son bébé. Soudain, à la radio, un bulletin spécial interrompt la programmation : une violente explosion est survenue à la centrale nucléaire. L’un des bâtiments du complexe est la proie des flammes, et sept employés y sont prisonniers. Parmi eux, son mari. Le cri qu’elle pousse ébranle toute la forêt.

 

Treize ans plus tard, il a bien fallu refaire sa vie. La femme est remariée, le bébé est devenu une adolescente rebelle. Pour l’observateur lointain, le drame est affaire du passé. Mais qu’on s’approche un peu de la scène ; on ne manquera pas de déceler une tension entre la mère et la fille. Une tension qui glisse vers la rage et qui menace d’exploser à son tour.

 

 

Commentaires :

 

Jonathan Gaudet, cet auteur originaire de Joliette qui a fait des études de littérature et qui enseigne le français, la musique et l’écriture excelle dans les descriptions cinématographiques en 3D (lieux, objets, environnements extérieurs, faune, flore…) qui l’emportent très largement sur l’action attendue dans un polar, un roman noir ou un thriller. Un choix qui ralentit le rythme du récit qui s’articule en faisant le pont entre la « piscine de stockage des combustibles irradiés » de la centrale nucléaire et celle de la résidence familiale.

 

La piscine est un assemblage de six tableaux centrés sur autant de moments de vie d’une famille dysfonctionnelle présentés en désordre chronologique, expliquant les événements antérieurs. Le prologue est accrocheur. Il laisse imaginer les prémisses d’un polar alors qu’il n’en est rien. La noirceur du récit ne se découvre que dans la finale précipitée du dernier chapitre. L’épilogue qui clôt de façon abrupte le roman soulève davantage d’interrogation qu’il ne fournit de réponses à cette histoire dans laquelle on apprend très peu sur chacun des personnages : Catherine la mère, Émilie la fille, David le père, Richard le beau-père sont à peine esquissés. Rien sur le garçon sans nom trouvé évanoui à l’intérieur d’une voiture avec la fille à la suite d’un accident de voiture. L’auteur nous laisse malheureusement sur notre appétit. 

 

Il faut souligner la qualité d’écriture parfois onirique de ce scénario émaillé d’invraisemblances qui contribuent à dissiper l’angoisse qui devrait normalement étreindre le lecteur. Belle idée également que la corrélation étroite entre la nature et le vécu des personnages. Mais trop envahissante pour la fluidité du drame raconté.

 

La piscine a été rééditié en 2022 chez Belfond (France) sous le titre Les Mares-Noires.

 

 

Originalité/Choix du sujet : ****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  **

Psychologie des personnages :  **

Intérêt/Émotion ressentie :  **

Appréciation générale : ***


Toute la rancune du monde (Éric Chassé)


Éric Chassé. – Toute la rancune du monde. – Laval : Guy Saint-Jean éditeur, 2023. – 364 pages.

 


Thriller

 

 


Résumé :

 

Lorsque Thomas et Émilie quittent Rosemont pour la banlieue, ils réalisent un rêve. Souhaitant que leur fille adorée Mégane devienne une grande sœur prochainement, ils choisissent un quartier tranquille dans une maison qui, même si elle a besoin d’amour, deviendra bientôt leur nid bien à eux. Là, dans la simplicité, le bonheur et la joie, ils pourront laisser leur bulle familiale s’épanouir. À l’école, Mégane fera une rencontre salutaire pour son adaptation à sa nouvelle vie. Entre elle et Juliette, c’est le coup de foudre, comme seules les petites filles savent en avoir. Un réel soulagement pour ses parents qui accueillent la nouvelle amie bien chaleureusement.

 

Sandrine et Christian, les parents de Juliette, sont cependant beaucoup moins enchantés. Car Thomas et Émilie sont bien loin de ce qu’ils considèrent être de « bons parents ». Évidemment qu’ils ont du mal à laisser leur petite s’acoquiner avec des gens aussi indignes qui élèvent leur enfant n’importe comment!

 

Lorsque le drame survient, Sandrine, déjà fragile, perd tous ses repères. D’autant plus que Christian, par ses agissements, détruit le peu qui reste de son équilibre et la propulse dans un abîme de déraison qui prendra des proportions tragiques.

 

Entre amour « inconditionnel » et « irrationnel », la ligne est bien mince…

 

 

Commentaires :

 

Quel plaisir de retrouver la plume efficace d’Éric Chassé après ma découverte de cet auteur d’Otterburn Park, originaire de Sorel-Tracy,  il y a exactement deux ans avec Un mensonge de trop que j’avais beaucoup aimé.

 

D’entrée de jeu, Toute la rancune du monde, son quatrième roman, est un excellent thriller noir. À la fois stressant et divertissant. Une violence psychologique indéniable sans giclées d’hémoglobine malgré quelques morts brutales. Un parfait équilibre.

 

L’action se déroule dans un environnement que connaît bien l’auteur, à moins de cinq kilomètres de son lieu de résidence. Ce dernier se démarque comme habile architecte du drame qu’il a imaginé à partir de scènes de la vie quotidienne de deux couples, un de la classe moyenne, l’autre plus fortuné, installés dans une municipalité de banlieue paisible, Mont-Saint-Hilaire, en bordure de la rivière Richelieu, au pied d’une des neuf collines montérégiennes situées près de Montréal au sud-ouest du Québec.

 

Ce qui semble une histoire des plus banales nous accroche dès les premiers chapitres et nous tient en haleine jusqu’au dernier mot de la dernière page.

 

Éric Chassé qui, comme le mentionne son éditeur, « se distingue par son style franc, son humour noir et ses descriptions douloureusement justes de l’humain ordinaire et des drames qui le guettent » installe lentement les événements de plus en plus inquiétants qui s’enchaînent au fil du récit. De sorte que la tension monte d’un cran d’un chapitre à l’autre suggérée par des phrases annonciatrices telles que :

 

« Hélas, le destin pouvait se montrer parfois bien cruel. Émilie allait vite réaliser qu’on ne choisissait pas les gens de son quartier. »

 

« Thomas répliqua qu’en effet, la chute de Sandrine serait terrible. Et il n’aurait su mieux dire. »

 

« La guerre venait d’être déclarée. »

 

« Rien ne serait plus jamais comme avant. Jamais. »

 

« Dans sa tête, le déclic se fit à cet instant précis. »

 

« Émilie n’aurait pu mieux dire. »

 

Au point où il difficile de faire une pause en cours de lecture en se demandant à plusieurs reprises : « Qu’est-ce qui pourrait bien arriver de pire ? » Le tout truffé de quelques épisodes angoissants, comme celles de la piscine ou de l’épicerie, dignes de scénarios de films à sensations.

 

Les personnages de Toute la rancune du monde sont des plus crédibles. Ils pourraient être vos voisins d’en face. Les dialogues naturels avec des niveaux de langage reflètent la personnalité de chaque protagoniste.

 

Vous y découvrez probablement comme moi le concept de « parents hélicoptères », une réalité qui a inspiré l’auteur, une situation vécue dans son quartier qu’il a décidé d’extrapoler comme il l’a déclaré dans une entrevue.

 

La chute finale n’est pas du tout celle que j’avais imaginée. La dernière ligne de dialogue ouvre grand la porte à une suite logique. Éric Chassé saura-t-il nous surprendre ?

 

Merci à Guy Saint-Jean Éditeur pour le service de presse. Bravo pour la mention en page liminaire que « Ce livre a été entièrement imaginé, créé et fabriqué au Québec » !

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****


Solak (Caroline Hinault)


Caroline Hinault. 
– Solak. – Arles : Éditions du Rouergue, 2021. – 124 pages.

 


Roman noir

 

 


Résumé :

 

Sur la presqu’île de Solak, au nord du cercle polaire arctique, trois hommes cohabitent tant bien que mal. Grizzly est un scientifique idéaliste qui effectue des observations climatologiques ; Roq et Piotr sont deux militaires au passé trouble, en charge de la surveillance du territoire et de son drapeau. Une tension s’installe lorsqu’arrive la recrue, un jeune soldat énigmatique, hélitreuillé juste avant l’hiver arctique et sa grande nuit. Sa présence muette, menaçante, exacerbe la violence latente qui existait au sein du groupe. Quand la nuit polaire tombe pour plusieurs mois, il devient évident qu’un drame va se produire. Qui est véritablement la recrue ? De quel côté frappera la tragédie ?

 

 

Commentaires :

 

Un de mes coups de cœur dans les premiers romans en lice du prix Québec-France Marie-Claire Blais 2023 qui avait franchi l’étape de présélection et qui a été choisi récipiendaire par les comités de lecture québécois du réseau Québec-France.

 

Très belle écriture, parfois brutale. Ambiance envoûtante de l’environnement inhospitalier dans lequel vivent les personnages. L’illustration de la couverture de première très parlante. Récit bien campé pour créer un suspense qui croît de chapitre mensuel à un autre jusqu’à une finale éblouissante aux révélations inattendue.

 

Un magnifique roman noir d’atmosphère. On ressent bien la tension entre les personnages. Une prouesse d’écriture pour une autrice qui n’a probablement jamais vécu dans un écosystème aussi inhospitalier. Des personnages truculents.

 

La notice de l’éditeur est éloquente :

 

« Dans ce premier roman écrit « à l’os », tout entier dans un sentiment de révolte qui en a façonné la langue, Caroline Hinault installe aux confins des territoires de l’imaginaire un huis clos glaçant, dont la tension exprimée à travers le flux de pensée du narrateur innerve les pages jusqu’à son explosion finale. »

 

Et les métadonnées descriptives résument la thématique :


« Absence parents, Féminisme, Frontière, Grand Nord / Antarctique, Peur / Danger, Russie, Secrets de famille »

 

Un roman multiprimé :

  • Prix Michel Lebrun 2021
  • Prix découverte Claude Mesplède 2021
  • Prix des Lecteurs de Villeneuve-lez-Avignon 2021
  • Prix Robin Cook 2022
  • Prix des Lecteurs du Salon du Livre de Caractère de Quintin 2022
  • Trophée 813 du roman francophone 2022
  • Lire à tout prix 2022
  • Prix du premier roman français Québec-France Marie-Claire Blais 2023

 

Pour en connaître davantage sur Solak, je vous invite à visionner ces trois vidéos thématiques en compagne de l’autrice qui a publié en janvier un deuxième roman (In carna - Fragments de grossesse) :

 

Le lieu : https://vimeo.com/533518648

Les personnages : https://vimeo.com/533522736

La révolte : https://vimeo.com/533523847

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****

Domaine Lilium (Michael Blum)


Michael Blum. – Domaine Lilium. – Montréal : Héliotrope, 2023. – 242 pages.

 


Polar

 

 


Résumé :

 

Dan Katz, historien de l’architecture montréalais, se rend à Drancy pour étudier la Cité de la Muette, qui fut tour à tour habitat social moderne, camp d’internement sous l’occupation nazie, caserne de gendarmes puis HLM. Lorsqu’il découvre que ses grands-parents y ont été enfermés et torturés avant d’être envoyés à Auschwitz, ses recherches prennent un tour sombre, autrement plus personnel.

 

Car si Henri Cannac, le gardien responsable des sévices, est décédé depuis longtemps, son petit-fils, candidat du Parti de la France, a hérité de ses opinions politiques, à l’extrême droite du spectre. Katz, s’improvisant espion et justicier, se met en tête de le traquer et de lui faire payer les crimes de son aïeul. À mesure qu’il s’en approche, Katz met au jour les plans du politicien, bien plus funestes qu’il ne l’aurait cru, et qui semblent impliquer des intérêts fonciers au Québec. Katz s’enfonce alors dans une quête dangereuse qui le mènera de la Bretagne à la Gaspésie.

 

 

Commentaires :

 

Originale cette première œuvre romanesque de Michael Blum, artiste et professeur à l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) qui s’intéresse aux représentations contemporaines de la mémoire. Un roman qui devient peu à peu noir jusqu’au 17e chapitre d’un récit à la fois pédagogique et divertissant. Un peu « tiré par les cheveux », particulièrement dans sa portion québécoise. Mais bon ! Une excellente fiction n’est-elle pas le fruit de l’imaginaire débridé d’un auteur. Heureusement que ce « fruit » n’a jamais été envisagé comme option plutôt ironique pour l’avenir politique du Québec. Pour « prendre leur revanche sur 1759 » : les « plaines d’Abraham, Wolfe et Montcalm, la défaite française face aux Anglais, ou le début de la fin pour les francophones d’Amérique. » Je n’en dis pas plus.

 

Cet ouvrage est intéressant en ce qu’il nous renseigne sur la Cité de la Muette à Drancy, commune française de la Métropole du Grand Paris. Domaine Lilium m’a appris que ce projet moderniste a été construit en 1932 sur un terrain (Wikipédia parle d’un lieu-dit « la muette », toponyme qui serait une déformation du mot « meute » et qui viendrait de la présence ancienne d’un chenil à cet endroit). Elle fut le premier exemple de HLM en Île-de-France. Encore inachevé, l’un des bâtiments en forme d’U fut réquisitionné pendant la Seconde Guerre mondiale et transformé en septembre 1939 en camp de prisonniers, puis en camp d'internement pour les Juifs à partir d'août 1941 et de nouveau en camp de prisonniers pour les collaborateurs à la fin de la guerre.

Michael Blum en a fait le déclencheur de cette histoire trouble qui nous fait voyager de Montréal à Bat Yam, ville israélienne du district de Tel-Aviv, à Paris et… à Murdochville.

 

Avec une écriture cinématographique ponctuée de touches d’humour, d’observations historiques et architecturales et de considérations sociologiques, Michael Blum nous entraîne progressivement vers la raison d’être du scénario de projet idéologique qu’il a imaginé. Il coince son personnage principal, digne universitaire assoiffé de vengeance personnelle, dans un engrenage terrifiant dont les rêves sont en partie prémonitoires. Y compris le tout dernier qui plonge le lecteur dans l’expectative.

 

Ce roman brille également par son actualité alors qu’il est de plus en plus question d’ingérence extérieure dans les affaires de l’État, d’espionnage et d’interventions militaires orchestrés par des services de renseignements, de transfuges politiques prêts à sacrifier leurs rêves politiques sur l’autel d’un délire orchestré pour un retour 400 ans en arrière, de questions environnementales et d’activités écoanarchistes, sans oublier la montée des mouvements, des organisations et les partis politiques d’extrême droite.

 

Avouez que ça vous donne le goût de vous précipiter chez votre libraire ! Un roman original et étonnant qui enrichit la collection Héliotrope Noir en ajoutant la Gaspésie à sa carte inédite du territoire québécois « dans laquelle le crime se fait arpenteur-géomètre ».

 

Merci aux éditions Héliotrope pour le service de presse.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  ****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****


Les enfants de Godmann (Maureen Martineau)


Maureen Martineau. –
Les enfants de Godmann. – Montréal : VLB, 2022. – 411 pages.

 


Polar

 

 


Résumé :

 

Gatineau, 24 février 2020. Dans une chambre de l'Hôpital de Hull alors en pleine grève du zèle, un patient âgé, le docteur Viktor Godmann, est retrouvé mort dans des circonstances suspectes. Drame familial, vengeance, crime médical ? Les hypothèses qui se dessinent pour expliquer son décès sont plus qu'inquiétantes.

 

La sergente-détective Judith Allison mène l'enquête. Ignorant les réserves de sa hiérarchie – et de sa partenaire –, elle suit son instinct, qui la conduit jusqu'en Alberta, où elle se bute au mutisme des habitants de la petite ville de Red Deer. Qui donc a pu en vouloir à l'ancien psychiatre, qu'aucun de ses proches ne semble regretter, au point de le tuer ? Fouillant le passé trouble de Godmann et celui des vieillards qu'elle soupçonne, Judith se trouve plongée dans les pages les plus hideuses de l'histoire médicale canadienne. Traversée par le doute, bousculée jusque dans sa vie intime, elle devra bientôt faire les choix les plus difficiles de sa carrière.

 

 

Commentaires :

 

Cette cinquième enquête de Judith Allison se savoure à un rythme lent comme Maureen Martineau a le talent de raconter en parallèle avec les horreurs qui en sont les tenants et aboutissants, à l’aube d’une pandémie annoncée. Un sujet qu’il fallait mettre en évidence avec ce polar politique qui « s’inspire de faits réels, et […] devient parfois difficile pour le lecteur de départager la réalité de la part d’invention. » Comme moi, vous serez certainement tenté d’explorer le web pour constater à quel point sa créatrice a documenté son sujet. Jusqu’à se déplacer dans les villes albertaines où se déroule une partie de l’action pour y recueillir des témoignages probants.

 

D’entrée de jeu, dans le prologue, Maureen Martineau fixe les paramètres du crime et de l’enquête qui seront déclinés « en couches superposées », sur deux lignes de temps, en alternance entre les années 1960 et 2020. Une technique efficace qui renseigne le lecteur au fur et à mesure que s’effectue l’enquête et s’accumulent les faits apparentés au mouvement eugéniste qui a sévi, entre autres, en Colombie-Britannique et en Alberta, deux provinces canadiennes qui « ont adopté une loi […] autorisant massivement des salpingectomies, des hystérectomies et des vasectomies sans le consentement des patients ». Avec des dérapages au nom de l’avancement de la science que décrit bien Les enfants de Godmann :

 

« Cette loi visait à limiter la fécondité des aliénés, des prostituées, les criminels, des Autochtones, des nouveaux arrivants et autres pauvres en tout genre, dont des familles canadiennes-françaises. Au début du XXe siècle, dans les années de forte immigration, l'Alberta tenait à préserver la pureté raciale de la province, tout en évitant les coûts sociaux générés par la prise en charge des faibles d'esprit. Durant ces quarante-quatre ans, ce sont près de trois mille personnes qui ont subi » ces opérations chirurgicales utilisées comme méthode de stérilisation.

 

Un segment obscur de l’histoire médicale canadienne associé à une séquence de décès douteux dans deux hôpitaux de la région outaouaise inspirés eux aussi d’un « terrible crime médical [ayant] été commis sans éveiller le moindre soupçon, en raison [de] défaillances systémiques » dans un établissement de santé.

 

La sergente-détective Allison est toujours aussi sympathique. Son éthique professionnelle et sa vie personnelle sont interpellées par les constats qui s’accumulent jusqu’à la résolution de cette enquête dont je dois avouer avoir suspecté à mi-chemin une partie de la solution et avoir été surpris par la chute finale imprévisible.

 

Bien accroché dès les premiers chapitres, je me suis laissé entraîner par l’écriture fluide, la qualité des dialogues et la démarche à la fois pédagogique et divertissante de Maureen Martineau dont j’avais, entre autres, aussi grandement apprécié en 2020 ZEC La Croche.

 

Et j’oserais ajouter, trouvaille subliminal ce patronyme de GODmann dans le contexte de ce polar que je vous invite sans réserve à lire !

 

Merci aux éditions VLB pour le service de presse.

 

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****