Marie Vingtras. – Blizzard. – Lieu : Éditions de l’Olivier, 2021. – 190 pages.
Roman noir
Résumé :
Le blizzard fait rage en Alaska.
Au cœur de la tempête, un jeune garçon
disparaît. Il n’aura fallu que quelques secondes, le temps de refaire ses
lacets, pour que Bess lâche la main de l’enfant et le perde de vue. Elle se
lance à sa recherche, suivie de près par les rares habitants de ce bout du
monde.
Une course effrénée contre la mort s’engage
alors, où la destinée de chacun, face aux éléments, se dévoile.
Commentaires :
Dans ce court roman noir à sensation forte,
le premier pour cette auteure, Marie Vingtras donne la parole, sous forme de
monologues, à quatre personnages principaux (trois hommes et une femme) qui révèlent
progressivement leurs secrets, leurs états d’âme, leurs actes non avoués et les
liens qui les unissent face aux éléments déchaînés.
Le lecteur fait progressivement la rencontre
avec Benedict, un homme malheureux dans ce coin de l’Alaska qui élève un jeune
garçon, Thomas, avec une femme, Bess. Celle-ci, responsable du drame qui
alimente le récit est le personnage central qui, par sa culpabilité, contraint
les autres à agir et à révéler ce qu’ils sont. Il y a aussi Cole, un autochtone
sauvage et renfrogné, protagoniste trouble, complice de Clifford, son ami misogyne,
raciste et mal éduqué. Enfin, Freeman, le nouvel arrivé, ex-policier noir et vétéran
du Vietnam, père endeuillé, qui se confronte sans cesse à l’hostilité de la
nature.
Dès les premières pages, la tempête fait rage.
Le blizzard souffle sur « … cette
terre de désolation qui suinte le malheur » :
« Le vent souffle tellement fort autour de la
maison que je ne sais pas comment elle tient encore debout. J’ai l’impression
que les murs sont pris dans un étau entre la poussée des rafales et la neige
qui s’accumule. »
« L’air est incolore, comme si toutes les
couleurs existantes avaient disparu, comme si le monde entier s’était dilué
dans un verre d’eau. »
« Vivre ici c’est déjà dur quand il ne neige
pas, mais en pleine tempête, c’est comme être dans le ventre du diable… »
En
quelques heures, la blancheur des éléments déchaînés enveloppe la noirceur
dramatique de ces hommes et femmes au passé douloureux, hantés par la honte et
leur désir de fuir ce milieu
hostile. Le calme atmosphérique revenu, la face cachée de chacun se dévoile par
des retours en arrière révélateurs. Les terribles secrets profondément enfouis peuvent
enfin refaire surface.
Ce huis clos à ciel ouvert se caractérise par
des chapitres brefs, une écriture fluide et incisive, une narration sobre, un récit
efficace et trépidant, une atmosphère angoissante et une tension en crescendo tenant
en haleine le lecteur jusqu’au dénouement de l’intrigue dans les dernières
pages.
J’ai noté au passage ces quelques magnifiques
images de style :
« …
j’ai crié autant que j’ai pu, mais le
seul souffle du vent m’a répondu. »
« J’entends la maison qui craque et qui gémit
comme un petit vieux. »
« Il était couvert de neige, ça lui faisait
comme des épaulettes de général de pacotille… »
Et ces réflexions sur la guerre et ses
conséquences :
« …
quelle que soit la technologie utilisée,
l'homme trouvera toujours un moyen inédit de blesser, de trancher, d'amputer
ses frères à n'en plus finir, c'est dans sa nature. La guerre reste la guerre.
Elle terrifie et galvanise en même temps. Elle banalise le fait que vous
puissiez tuer d'autres êtres humains, juste parce qu'on vous a dit que vous
aviez une bonne raison de le faire, que vous étiez le tenant du bien contre le
mal. Il y a toujours une bonne raison pour justifier que nos enfants se fassent
sauter sur des mines, pour qu'ils reviennent écharpés, silencieux comme des
ombres, incapables de mettre des mots sur ce qu'ils ont vu. »
« La guerre nous avait pris notre fils et elle
ne nous avait restitué que le négatif de la photo, juste une ombre blanche sur
un fond désespérément sombre. »
Avocate à Paris, Marie Vingtras, nom de plume emprunté à Arthur Vingtras, « pseudonyme de la journaliste Séverine qui l'avait elle-même utilisé en hommage à Jules Vallès et au héros de sa trilogie "Jacques Vingtras" », est originaire de Rennes..
Blizzard a été remarqué et retenu dans la sélection de plusieurs prix européens :
Prix Talents Cultura 2021
Prix des libraires francophones 2022
Coup de Cœur des Lycéens Fondation Prince
Pierre de Monaco 2022
Prix du métro Goncourt 2022
Prix Summer 2022
Prix Culture et bibliothèques pour tous 2022
Prix Premières paroles 2022
Prix « Esprits libres » 2022
Prix du « Livre au cœur » du
Piémont cévenol 2022
Prix des lycéens et apprentis d'Auvergne
Rhône Alpes 2023
Prix des lycéens et apprentis d'Île-de-France,
département d’Essonne 2023
Le 2 septembre 2021, l’émission La Grande Librairie recevait cette
auteure qui n’a jamais mis les pieds en Alaska et qui a été influencée par une
quinzaine d’années de lecture de romans nord-américains : https://youtu.be/np_3dlY4CDk?si=nmHx6uUZPWTzrUgE
Au Québec, vous pouvez commander votre
exemplaire sur le site leslibraires.ca
et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : *****
Intrigue : *****
Psychologie des
personnages : *****
Intérêt/Émotion
ressentie : *****
Appréciation générale
: *****