Chevreuse (Patrick Modiano)


Patrick Modiano. – Chevreuse. – Paris : Gallimard, 2021. – 166 pages.

 


Roman

 

 

 

Résumé :

 

 

Sur une cinquantaine d’années, Patrick Modiano nous convie à une recherche dont la vallée de Chevreuse est la pierre angulaire et ce, grâce à des signaux surgissant de la mémoire des personnages hantant depuis l’enfance le protagoniste, Jean Bosmans. L'errance de ce dernier, à travers les lieux et les années, toute « modianesque », faite de retours en arrière, de questionnements, le conduit en réponse à l'écriture d'un roman.

 

 

Commentaires :

 

Vous me direz que vient faire cette œuvre romanesque dans ce blogue littéraire « Avis de lecture – Polars et romans noirs etc. » ? Les trois dernières lettres suivies d’un point de son titre laisse grande ouverte la porte pour tout autre genre littéraire comme ce fut le cas à quelques reprises depuis son lancement en 2017.

 

« Chevreuse » ce « conte climatique, récit d’apprentissage [...] roman inquiet au cœur duquel vibre une peur d’enfant » comme le qualifiait Nathalie Crom dans Télérama au moment de sa sortie a abouti par hasard sur ma pile à lire. Une suggestion de ma conjointe : « Tu vas aimer ».

 

J’en avais entendu parler dans une édition de La Grande Librairie alors que François Busnell avait accueilli son auteur en 2021. La thématique m’avait paru intéressante. Quelques années plus tard, en tournant la dernière page de cet opus, j’ai bien apprécié cette recherche du temps passé, du temps perdu, la fragrance des madeleines en moins. Une réflexion profonde sur la mémoire, l’oubli et l'identité, révélatrice des motivations à l’origine de la carrière d’écrivain de Patrick Modiano avec lequel c’était mon premier rendez-vous de lecture. Même si j’ai parfois été dérouté par la structure du récit.

 

Ce voyage du personnage principal dans les méandres de la mémoire et de l'identité au fil de ses pérégrinations et de ses rencontres pour reconstituer les fragments de son passé, hanté par des souvenirs flous et des personnages mystérieux et fugaces est fascinant. Il en résulte une atmosphère énigmatique. Les références aux lieux (la vallée de la Chevreuse, la maison du 38 rue Docteur-Kurzenne qui joue un rôle prépondérant, l’appartement d’Auteuil...), aux noms (Camille/Tête de mort, Michel de Gama/Degamat...) et aux événements revêtent une dimension surréaliste, rappelant la fragilité et la subjectivité de la mémoire.

 

Écrit avec des phrases simples, mais très évocatrices, « Chevreuse » baigne dans une atmosphère de mélancolie et de mystère truffée de rappels pour mieux fixer les souvenirs parfois flous. À la limite du rêve éveillé. Une belle lecture.

 

Noté au passage :

 

« Vous croyez d'abord tomber sur des coïncidences, mais, au bout de cinquante ans, vous avez une vue panoramique de votre vie. Et vous vous dites que si vous creusiez en profondeur, comme les archéologues qui finissent par faire apparaître au grand jour toute une ville enfouie et l'enchevêtrement de ses rues, vous seriez étonné de découvrir des liens avec des personnes dont vous n'aviez pas soupçonné l'existence ou que vous aviez oubliées, un réseau autour de vous qui se développe à l'infini. »

 

« Quelqu'un avait écrit : ‘’ On est de son enfance comme on est d'un pays ‘’, mais encore fallait-il préciser de quelle enfance et de quel pays. »

 

 

Patrick Modiano est né en 1945 à Boulogne-Billancourt. Il a fait ses études à Annecy et à Paris. Il a publié son premier roman, La place de l'étoile, en 1968. Il a reçu le prix Goncourt en 1978 pour Rue des boutiques obscures. Il est l'auteur de plus d'une trentaine de romans, récits et recueils de nouvelles parmi lesquels Dora Bruder, Un pedigree, Dans le café de la jeunesse perdue, Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier et Souvenirs dormants, ainsi que d'entretiens avec Emmanuel Berl, d'un roman illustré par Jean-Jacques Sempé et du scénario de Lacombe Lucien, en collaboration avec Louis Malle. Patrick Modiano a reçu le Grand Prix national des lettres pour l'ensemble de son œuvre en 1996 ainsi que le prix Nobel de littérature en 2014.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie : *****

Appréciation générale : *****


Faits divers suisses T.01 Des meurtres sur commande (Corinne Jaquet)


Corinne Jaquet. – Faits divers suisses T.01 Des meurtres sur commande. – Genève : Éditions du Chien jaune, 2022. – 213 pages.

 

Faits divers


 

 

Résumé :

 

Premier tome d’une collection « Faits divers suisses » dont le paramètre essentiel est que l’affaire se déroule en Suisse ou qu’elle concerne des Suisses, n’importe où dans le monde.

 

L’auteure a passé des centaines d’heures le nez dans la presse helvétique de ces soixante dernières années pour rechercher des événements hors-norme.

 

Ce premier volume est consacré au meurtre calculé, organisé, dans lequel on ne se salit pas les mains. Le meurtre par intermédiaire, le meurtre sur commande.

 

Du Tessin à Genève, de Fribourg au canton de Soleure, de la Côte d’Azur et jusqu’aux Grisons, vous allez découvrir des assassins manipulateurs et parmi eux bon nombre de femmes machiavéliques.

 

À titre d’invité, Christian Humbert est venu y ajouter son expérience de quarante-cinq ans de faits divers et de procès aux quatre coins de la Romandie pour les plus grands quotidiens suisses et l’agence US Associated Press (AP) en nous racontant une des plus grosses affaires de meurtre sur commande ayant secoué La Côte vaudoise.

 

 

Commentaires :

 

Les littératures du crime regroupent traditionnellement les œuvres de fiction que sont les romans policiers, les thrillers policiers et les romans noirs. Avec « Des meurtres sur commande », Corinne Jaquet s’invite avec un genre littéraire original sous forme de collection qu’elle qualifie de « polar du réel, faits divers, true crime et chronique criminelle... » Une première en Suisse « inspirée par une autre collection, ébauche de compilation qui vécut brièvement en France et capota après deux volumes. »

 

En avant-propos de ce premier tome d’une série qui doit « compter plusieurs volumes renfermant chacun des enquêtes criminelles classées par thématiques » – un deuxième titre est en 2023 : « Des crimes passionnels », l’auteure explique sa démarche :

 

« J'ai passé des centaines d'heures le nez dans la presse suisse de ces soixante dernières années pour rechercher quelques événements me paraissant intéressants. La condition essentielle était que l'affaire se déroule en Suisse ou qu'elle concerne des Suisses, n'importe où dans le monde. L'autre élément de base était une répartition géographique aussi équitable que possible parmi les cantons romands (même si les sources genevoises me sont beaucoup plus familières); j'ai également découvert de jolis cas outre-Sarine et outre-Gothard, malgré leur abord linguistique plus ardu pour moi. La fin de la guerre et les années cinquante ont constitué mon recul maximum dans le temps. Dans l'avenir, un volume comprendra sans doute les affaires nettement plus « historiques». »

 

« Pour éviter de faire du tort à qui que ce soit et parce que le but de la collection n'est pas de salir les homonymes ou les familles qui ont déjà beaucoup souffert de ces faits divers, j'ai décidé de donner aux personnages des noms fictifs, la plupart du temps uniquement des prénoms. J'ai aussi évité de donner à ces affaires des titres les rattachant à un lieu, sachant que les habitants souffrent bien souvent de l'amalgame qui peut être fait. »

 

Pour ce premier tome, Corinne Jaquet a choisi de se pencher « sur l'assassinat calculé, organisé, dans lequel on ne se salit pas les mains. Le crime par intermédiaire, le meurtre sur commande » que le Code pénal suisse qualifie de « meurtre sur la demande de la victime ».

 

Elle cite également ses sources :

 

« Tous les faits racontés dans ce livre sont construits essentiellement à partir des relations faites dans la presse ou à partir de notes que les auteurs ont prises au cours de leur propre enquête ou compte-rendu de procès. Il n'est pas question ici de refaire des enquêtes, mais de raconter des histoires. »

 

« Des meurtres sur commande » présente sept cas d’assassinats ou de tentatives d’assassinats, mettant en scène des assassins manipulateurs et des femmes machiavéliques, commis dans différents cantons entre 1971 et 2008. Jusqu’aux décisions finales des tribunaux de différentes instances de 1986 à 2016.

 

Six textes sont signés par Corinne Jaquet :

 

Saanen (Berne) et Genève - 1988/1991

Il organisa son propre assassinat

 

Davos (Grisons) et Fréjus (France) - 2003/2007

Le piège du haras

 

Ascona (Tessin) - 1971/2000

Une monstrueuse mise à mort

 

Fribourg - 2001/2008

Une veuve insatiable

 

Genève et Rolle (Vaud) - 2008/2016

La mort au téléphone

 

Granges (Grenchen/Soleure) - 2009/2015

Le crash du jeu de l'avion

 

Le dernier, par Christian Humbert, fondateur de l’Association des chroniqueurs judiciaires de Suisse romande avec qui l’auteure a travaillé il y a plus de 30 ans sur le canton de Vaud et « qui vient raconter, à sa façon, une des plus grosses affaires de meurtres sur commande ayant secoué La Côte vaudoise. »

 

Morges (Vaud) - 1981/1986

Le tueur change de camp

 

Les thèmes abordés sont récurrents : fraudes, jalousie, escroqueries, manipulations financières, dilemmes moraux... Dans chaque cas, les deux auteurs présentent, dans un premier temps, le portrait physique, matériel et psychologique de chacun des antagonistes. Les détails du crime perpétré nous sont révélés. Le processus d’enquête s’enchaîne avec les interrogatoires de chaque suspect, les déclarations contradictoires s’enchaînant parfois sans scrupule. On assiste ensuite aux différents procès à l’occasion desquels l’auteure en profite pour nous dresser un portrait révélateur des procureurs, des avocats de la défense et des juges impliqués dans le processus judiciaire. Incluant les appels à des instances supérieures dans l’espoir de faire annuler une condamnation ou modifier la durée d’incarcération.

 

Pour le Québécois que je suis, ces courtes histoires sans suspense m’ont beaucoup appris sur l’administration de la justice en Suisse, dans un contexte européen, entre autres pour les crimes en lien avec les pays limitrophes ou le Conseil de l’Europe dont la pierre angulaire de toutes ses activités est la « Convention européenne des droits de l’homme ».

 

J’ai noté au passage ce détail dans le déroulement des audiences :  

 

« Autrefois, la défense pouvait se battre à coups d'interprétation de procès-verbaux. Aujourd'hui, c'est fini. On ne cite plus, on écoute! C'est ce qu'il y a de perturbant dans les procès modernes: on peut entendre la voix des morts comme de leurs survivants. »

 

Corinne Jaquet pour qui « le fait criminel est intéressant par ce qu’il démontre du comportement humain, du fonctionnement de l’individu » mentionne que « Mark Twain a dit que la réalité dépassait souvent la fiction ». Personnellement, j’ai nettement une préférence pour les œuvres qui relèvent du domaine de l’imagination. Mon ressenti de lecture n’enlève en rien à la qualité de production – entre autres l’attrayante couverture de première – et à la nécessité de faire croître cette collection au bénéfice de toutes les personnes avides de faits divers.

 

* * * * *

 

Originaire de Genève, Corinne Jaquet a fait des études classiques avant de se lancer dans les Sciences politiques. Diplômée de l’Institut HEI en 1983, la politologue se tourne alors vers le journalisme. Responsable pendant plusieurs années de la rubrique judiciaire du défunt journal La Suisse, elle y rédige ses premières chroniques d’histoire criminelle : Meurtres à Genève, paru en feuilleton dans le journal avant d’être publié en 1990 par les éditions Slatkine (réécrit et publié à nouveau en 2017). En 1997, elle a créé pour un éditeur belge une série de romans policiers se déroulant dans différents quartiers de Genève commercialisés aujourd’hui en format poche par les Éditions du Chien Jaune, une maison d’édition qu’elle a fondée. Depuis plus de trente ans, Corinne Jaquet écrit des ouvrages sur l’histoire policière et judiciaire de Genève. Elle est aussi l’auteure d’une douzaine de romans policiers, de nouvelles policières et d’ouvrages pour la jeunesse.

 

Merci aux Éditions du Chien jaune pour le service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.

 

 

Originalité/Choix du sujet : ****

Qualité littéraire : *****

Intérêt : ****

Appréciation générale : ****


Le philatéliste (Nicolas Feuz)


Nicolas Feuz. – Le philatéliste. – Genève : Rosie & Wolfe, 2023. – 332 pages.

 


Polar

 

 

 

Résumé :

 

 

À l'approche de Noël, un vent d'effroi parcourt la Suisse. Un tueur organise un jeu de piste sordide avec des colis postaux. Sa signature ? Des timbres-poste fabriqués à partir de peau humaine.

L'inspectrice de la Police judiciaire genevoise Ana Bartomeu est saisie de l'affaire. Son enquête va la conduire des beaux quartiers de Genève à la vieille ville d'Annecy, des impasses sombres de Lausanne aux rues pavées de Delémont. Réussira-t-elle à démasquer cet assassin mystérieux que les médias suisses et français ont surnommé Le Philatéliste.

 

 

Commentaires :

 

J’aime les polars dans lesquels l’auteur,e nous manipule tout au long d’une intrigue rythmée au suspense parsemé de rebondissements inattendus qui tiennent le lecteur en haleine, qui donnent envie de connaître la suite du récit. Avec « Le philatéliste », Nicolas Feuz dont le but est « d'être à 100% écrivain à 55 ans » livre la marchandise en 61 courts chapitres. Une histoire noire au cœur de laquelle cette réplique d’un des personnages en page 116 est fort éloquente :

 

« On a tous nos casseroles, certaines plus crades que d’autres, et parfois bien planquées au fond d’un placard. »

 

Cette enquête s’étale sur quatre jours et s’accroche à des événements qui se sont déroulés une semaine plus tôt et en 1984. Nicolas Feuz nous fait découvrir une galerie de personnages crédibles bien développés avec des motivations et des passés complexes qui ajoutent une profondeur émotionnelle au scénario imaginé. Où le surpoids de deux des protagonistes – l’enquêtrice Ana Bartomeu et le jeune Sam – sert de liant à la trame dramatique.

 

L’auteur suisse excelle dans les descriptions précises et immersives des lieux et des scènes qui nous permet de visualiser clairement les événements et les environnements dans lesquels ils se déroulent. Comme dans cet exemple qui nous transporte au cœur de Genève :

 

« Ana longea le parc des Bastions, rue Saint-Léger. À travers la végétation hivernale clairsemée, l'imposant bâtiment de la bibliothèque de Genève, une des principales et plus anciennes bibliothèques patrimoniales et encyclopédiques de Suisse, dominait ce vaste espace de détente et de loisirs qu'on appelait jadis « Belle Promenade ». Quotidiennement peuplé à la saison chaude, le parc était aujourd'hui presque désert. Un peu plus loin sur la droite, le consulat général de France, puis le palais de l'Athénée, siège et propriété de la Société des Arts, dont l'enveloppe somptueuse n'était pas sans rappeler les plus prestigieux édifices parisiens. Ana traversa un petit tunnel en pierre sous la rue du même nom, puis grimpa péniblement la route en S en direction de la place du Bourg-de-Four. Cœur de la vieille ville, proche de la cathédrale Saint-Pierre, la place en forme de sablier accueillait bon nombre d'établissements publics. Et aussi le Palais de Justice, qu'Ana avait bien connu à l'époque où il abritait encore le ministère public et les juges d'instruction. »

 

Celui qui mène une double vie, procureur dans l’univers clos et rigoureux de la justice qui « se transforme [...] en sulfureux auteur de polars » met à profit ses connaissances du système policier et judiciaire de son coin de pays en intégrant les différentes composantes dans le récit. Je me suis amusé, en cours de lecture, à relever les 26 entités – rien de moins – qui interviennent dans l’enquête d’Anna Bartomeu :

 

BAP            Bureau administratif de la police

BO             Brigade d’observation de la Police judiciaire fédérale

BPTS         Brigade de police technique et scientifique (recueille les indices physiques sur les lieux d’infractions pour en identifier les auteurs, mettre en évidence des séries d’infractions et déterminer le déroulement des faits)

BRES         Brigade romande d’enquêtes secrètes

CB             Centre de la Blécherette siège de la police cantonale vaudoise

CCIS          Call Center Information System (base de données de La Confédération qui permet d’obtenir des renseignements sur les usagers des services de télécommunication)

CCPD        Centre de coopération policière et douanière de Genève (chargé de favoriser et de faciliter l'assistance, la coopération policière et l'échange de renseignements entre deux ou plusieurs pays voisins)

CNC           Centre national de cryptographie (organisme qui développe des protocoles numériques pour garantir le secret postal)

CNU           Centrale neuchâteloise d’urgence (chargée de gérer la réception des appels d’urgence et la coordination des moyens de secours)

CRIM         Brigade criminelle

CURML      Centre universitaire romand de médecine légale (répond à toutes les demandes d’expertises ou d’assistance-conseil dans le domaine médico-légal, du droit médical et de l’analyse du dopage)

DFD           Division flagrant délit de la Brigade des stupéfiants

FEDPOL    Office fédéral de la police (office chargé des questions relatives à la police judiciaire fédérale)

GI               Groupe d’intervention (troupes d'élite en cas de missions dangereuses ou délicates)

                   « Dans le canton de Vaud, on l'appelait le Dard, à Fribourg le Grif, à Neuchâtel le Cougar, au Jura le Gite et à Berne l'unité Gentiane. Mais dans les cantons du Valais et de Genève, le GI n'avait pas de petit nom »

ICS             Division Intégrité corporelle et sexuelle

IGS             Inspection générale des services (enquête sur les policiers, les agents municipaux et les gardiens de prison)

OFJ            Office fédéral de la justice (office fédéral compétent en matière de justice en Suisse)

                   Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (autorise la transmission directe d’informations, de procureur à procureur, sans utiliser la voie diplomatique)

LAVI           Centre genevois de consultation pour victimes d’infractions (répond aux besoins des personnes victimes d’infraction pénale portant atteinte à leur intégrité physique, sexuelle ou psychique)

PJF             Police judiciaire fédérale (mène des enquêtes préliminaires et des procédures de police judiciaire dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération suisse)

RTS            Commissariat de répression du trafic de stupéfiants

SIJ              Service d’identification judiciaire (recueille, conserve et présente des éléments de preuve et coordonne ses compétences avec celles de l'enquêteur chargé de l'affaire et des experts judiciaires)

SIRENE     Supplementary Information REquest at the National Entry (interlocuteur national chargé de l'échange des informations supplémentaires à qui peuvent s'adresser les autorités habilitées à accéder aux données du SIS (Système d'information Schengen), comme les polices cantonales concernées, le Corps des gardes-frontière, l'Office fédéral de la justice...)

STUPS       Brigade des stupéfiants

TMC           Tribunal des mesures de contrainte (autorité judiciaire compétente pour statuer sur les mesures de surveillance secrètes)

UGF           Unité de génétique forensique du CURML (utilise les outils de la biologie moléculaire afin de fournir des éléments objectifs dans le cadre d’affaires judiciaires)

URMF        Unité romande de médecine forensique (réalise, à la demande des autorités judiciaires, des expertises médico-légales qui aident à résoudre des enquêtes pénales ou civiles)

 

Nicolas Feuz en profite pour nous renseigner sur le potentiel à venir du phénotypage, l’analyse de l'ensemble des caractères apparents d'un individu :

 

« Aujourd'hui, la loi sur l'ADN ne permet que de définir le sexe de l'auteur d'un délit. Avec le phénotypage, on pourra aussi connaître la couleur de ses yeux, de ses cheveux, son âge et son origine ethnique. Politiquement, ce dernier point ne plaît pas à la gauche ni aux Verts. Quoi qu'il en soit, la technique du phénotypage n'est pas encore totalement au point et ce ne sera probablement jamais une preuve absolue, en tout cas pas dans un avenir proche. Mais qui sait, d'ici quelques années, on pourra peut-être même reconstituer le visage de quelqu'un grâce à son ADN. Imagine tous les cold cases qu'on pourrait résoudre grâce à cette technique. Certains auteurs d'homicides, de braquages, d'incendies ou d'autres infractions graves qui sont passés entre les mailles du filet ont du souci à se faire.

— Je n'imaginais pas qu'on pouvait connaître l'âge d'une personne grâce à son ADN, s'étonna Ana.

— À plus ou moins trois ans, oui. L'ADN vieillit en même temps que le corps. »

 

Sur la nouvelle définition du viol dans le Code pénal suisse :

 

«  Il fallait corriger le tir pour les générations à venir, c'était nécessaire dans cette société machiste. Mais le but visé ne pourrait conduire, à terme, qu'à de grosses désillusions. Dans la très grande majorité des cas, les tribunaux n'acquittaient pas les prévenus de viol parce qu'il n'y avait pas eu d'actes de contrainte. Ils les acquittaient parce que la preuve de l'absence de consentement faisait défaut. L'auteur présumé reconnaissait très souvent la relation sexuelle, mais il alléguait que la victime était consentante. Et à parole de l'un contre parole de l'autre, sans autre preuve ni faisceau d'indices suffisant, un tel constat menait à l'acquittement. Le doute profitait toujours à l'accusé et la nouvelle définition du viol dans le Code pénal n'ébranlerait jamais le principe majeur et sacré du droit pénal qu'était la présomption d'innocence. C'était à l'État, et à la victime, de faire la preuve de ses allégations, jamais au prévenu de prouver son innocence. Un renversement du fardeau de la preuve était exclu et donc, quoi qu'imaginaient les initiateurs de cette modification, le taux des acquittements ne changerait pas. »

 

Et sur la nécessité de trouver à tout prix un coupable derrière toute catastrophe :

 

« Et nous vivons aussi dans un monde où il faut absolument toujours trouver un responsable pour tout. Une américanisation du système. Aujourd'hui, on attaque les flics et les procureurs parce qu'ils ont décidé de ne pas arrêter quelqu'un. Et demain ? On fera la même chose avec les psychiatres qui n'auront pas su détecter la dangerosité d'un suspect. Il y a trente ans, les médecins avaient une obligation de moyen, pas de résultat. Aujourd'hui, on tend de plus en plus vers l'obligation de résultat, surtout pour les chirurgiens. Et demain, on attendra des psychiatres une obligation de résultat. Les gens n'acceptent plus la fatalité. Derrière toute catastrophe, il faut trouver un coupable. On fait des procès pour tout et n'importe quoi. Tiens, le dernier exemple qui me vient à l'esprit : cette tragique histoire d'enfant qui, en France, s'est étouffé avec une saucisse. Les parents, dont on peut certes comprendre la douleur, ont intenté un procès contre le fabricant de la saucisse, parce qu'il n'était pas indiqué sur l'emballage comment il fallait la couper. Non, mais je te le demande sérieusement : où va-t-on! Notre société devient de plus en plus ridicule. Je crois qu'il est vraiment temps que je songe à prendre ma retraite. »

 

J’ai également appris l’existence d’un appareil de surveillance utilisé pour intercepter le trafic des communications mobiles, récupérer des informations à distance ou pister les mouvements des utilisateurs des terminaux : l'IMSI-catcher.

 

« Aujourd'hui, tout le monde a un téléphone portable. Si on connaît le numéro d'une personne, on peut écouter ses conversations, intercepter ses messages et tout son trafic Internet, mais surtout, la localiser. »

 

« L'IMSI-catcher est une antenne privée plus puissante que toutes celles des opérateurs téléphoniques. Quand tu l'allumes, tu annihiles aussitôt les antennes officielles alentour et tous les appareils qui sont dans le secteur se loguent automatiquement sur la machine. En d'autres termes, tu ‘’ attrapes ‘’ les numéros IMSI, d'où le nom de ce petit bijou. Mais il ne faut pas le faire trop longtemps, sinon tu perturbes le trafic des télécommunications. »

 

Auteur de la photo : © 1971markus@wikipedia.de, CC BY-SA 4.0 

 

J’ai noté au passage ces dialogues qui m’ont fait sourire :

 

« Les Savoyards adorent envoyer du reblochon par la poste à leur famille ou à leurs amis. Ils s'imaginent probablement que nos locaux ne sont pas trop chauffés, mais c'est tout le contraire. Et ils ne pensent pas aux pauvres postiers qui doivent subir tout ça... »

 

« — Accélère ou rabats-toi, maugréa Ana. Tu conduis comme un Vaudois.

— T'as quelque chose contre les Vaudois?

— Non, sauf qu'ils ne savent pas conduire sur l'autoroute, ils ont une fâcheuse tendance à encombrer inutilement la voie rapide. Ça me rend dingue. »

 

Ou cette affirmation :

 

« La psychiatrie n’est pas une science exacte, la justice non plus. »

 

Évidemment, comme dans tout bon polar, un des personnages vit dans un environnement insalubre : « En désordre et assez sale, l’appartement puait le renfermé, personne n’avait fait le ménage depuis longtemps. »

 

Je ne connaissais pas cet auteur réputé pour ses histoires macabres. Dans « Le philatéliste », après la première plutôt déstabilisante du prologue, j’ai découvert un romancier rigoureux, au style fluide, qui nous entraîne dans une enquête palpitante avec ses fausses pistes. Jusqu’à ce que le philatéliste se révèle être...

 

 

Nicolas Feuz est un auteur suisse originaire de Neuchâtel. En 1994, il décroche une licence en droit et obtient son brevet d'avocat en 1996. Il travaille ensuite pendant près d'un an comme assistant-juriste et est ensuite engagé comme assistant à l'Université de Neuchâtel. Nommé juge d'instruction à 27 ans puis procureur, il est spécialiste de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Il commence à écrire « un peu par accident » en 2010, lors de vacances au Kenya, alors qu'il n'a plus rien à lire. Il publie ses huit premiers polars en autoédition, dont sa trilogie Massaï. En 2018, il reçoit le Prix du meilleur polar indépendant au Salon du Livre de Paris pour Horrora borealis et, en 2022, le Prix de l’Évêché décerné par la police judiciaire de Marseille pour son livre Heresix.

 

 Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie : *****

Appréciation générale : ***** 

La somme d’une vie. Le patrimoine du Québec selon Michel Lessard (René Bouchard, dir. - Yves Bergeron / Jean-Pierre Pichette, coll.)


René Bouchard, dir. - Yves Bergeron / Jean-Pierre Pichette, coll. – La somme d’une vie. Le patrimoine du Québec selon Michel Lessard. – Québec : Presses de l’Université Laval, 2024. – 276 pages.

 

Cahier hommage

 

 

Résumé :

 

 

Michel Lessard a été un monument du patrimoine et son œuvre, la somme impressionnante d’une vie tout entière dédiée à la connaissance des objets qui l’ont façonné et illustré. Ses travaux sur le patrimoine matériel et immatériel du Québec ont connu une diffusion sans précédent à l’échelon national. Dans les décennies de 1970 à 2000, ses publications à gros tirage d’ouvrages encyclopédiques sur les antiquités et la maison québécoise, la télédiffusion à grande échelle sur les écrans de ses documentaires ethnographiques sur la culture populaire, ses expositions muséales d’envergure sur la photographie ancienne et son enseignement universitaire couru par des milliers de passionnés en quête d’identité ont fait rayonner une œuvre puissante, polymorphe et hors cadre. Celle-ci est devenue très tôt, pour le public québécois, les collectionneurs et les antiquaires, la référence de prédilection en patrimoine, une bible dans les bibliothèques familiales. Comment expliquer un tel retentissement ? Un pareil attachement profond du grand public à cette fresque sensible du patrimoine québécois ?

 

À travers cette œuvre inscrite par son auteur dans une vision élargie qui embrasse l’histoire du monde, se mesure tout l’apport de Michel Lessard à la recherche en ethnohistoire, abordée sous l’angle original et novateur du vaste champ de la culture populaire, qu’il a contribué à mieux cerner et à démocratiser de façon exemplaire.

 

 

Commentaires :

 

Le Québec a ses géants porteurs de mémoire et d’avenir qu’il faut commémorer. Comme l’écrit René Bouchard dans l’introduction de ce 36e cahier des Archives de folklore de l’Université Laval abondamment illustré, « Michel Lessard a été et demeure un monument du patrimoine, et son œuvre, la somme impressionnante d’une vie tout entière dédiée à la connaissance des objets qui l’ont façonné et illustré. » Lui qui s’était donné comme objectif « de rendre accessible au grand public un savoir savant qu’il estimait trop longtemps confiné dans la sphère spécialisée des connaisseurs. »

 

Fier patriote, pédagogue, collectionneur, encyclopédiste, communicateur, scénariste, diffuseur et férocement engagé auprès de sa communauté, l’œuvre magistrale de Michel Lessard se résume ainsi : « explications, analyses, descriptions, illustrations abondantes, tous les chapitres des ouvrages visaient à instruire, à intéresser les lecteurs, à favoriser la conservation de notre héritage. »

 

Quand, à la fin des années 1980 et au début des années 1990  j’enseignais à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), lui en histoire de l’art, moi la gestion documentaire, se trouvait régulièrement Michel Lessard dans l’autocar qui faisait le trajet Québec-Montréal. Il s’installait généralement vers l’arrière du véhicule alors que je préférais l’avant. Je connaissais l’homme de réputation.

 

Je possédais alors deux de ses publications qui contribuaient à développer chez les aficionados québécois de culture matérielle sous toutes ses formes un sentiment de fierté par la « démonstration de ce qu’une nation fait de beau et de grand ». Avec les années, ma bibliothèque s’est enrichie de quelques autres ouvrages au contenu littéraire et iconographique de qualité exceptionnelle :

 



« La somme d’une vie. Le patrimoine du Québec selon Michel Lessard » rend hommage à celui qui « est apparu dans le ciel du patrimoine québécois. Opérant d'abord dans la constellation des antiquités, celle des meubles et des objets anciens, de toute nature, l'auteur s'est empressé d'ajouter l'année suivante une deuxième encyclopédie cette fois sur la maison québécoise, couvrant trois siècles d'habitations. Suivront ensuite plusieurs autres volumes sur la restauration des maisons anciennes et les arts populaires, avant qu'il ne conçoive et dirige une impressionnante série de productions audiovisuelles, portant sur les métiers, les traditions et enfin les arts sacrés. »

 

La table des matières des témoignages de ce collectif d’auteur,es qui ont connu et côtoyé Michel Lessard est à l’image de la contribution scientifique et culturelle de ce dernier. Les thèmes abordés embrassent l’ensemble de son œuvre et sa contribution importante pour le Québec en mettant en évidence « les multiples curiosités rigoureuses qui l’ont animé et qui en font la richesse » :

 

PRÉSENTATION

·         Inscrire le patrimoine dans la modernité. L'œuvre de Michel Lessard (1942-2022) [René Bouchard avec la collaboration d'Yves Bergeron et de Jean-Pierre Pichette]

 

PARTIE I : PORTRAITS

·         Une vie dans le siècle [René Bouchard]

·         L'esprit du temps et l'appropriation collective du patrimoine [Raymond Montpetit]

 

PARTIE II : DISCOURS DE L'OBJET

·         Une comète dans le ciel du patrimoine [Paul-Louis Martin]

·         Le grand œuvre pédagogique [Richard Dubé]

·         Le mobilier comme artéfact national [Laurier Lacroix]

 

PARTIE III : MÉMOIRE DU PATRIMOINE

·         Le film ethnographique vu par Fernand Dansereau et Michel Lessard [Alexis Lemieux]

·         L'amour de son patrimoine [Philippe Denis et Marilie Labonté]

 

PARTIE IV : LES VOIES DE LA MÉDIATION

·         La photographie ancienne, une passion dévorante [Mario Béland]

·         Le Musée des religions de Nicolet. Genèse d'une fondation [Jean Simard]

 

PARTIE V: LA CAUSE PATRIMONIALE

·         Michel Lessard : la trilogie collection, érudition et référence identitaire [Fernand Harvey]

·         Une implication citoyenne exemplaire [Gaston Cadrin]

 

CONCLUSION

·         Hommage à Michel Lessard [Claude Corbo]

 

POSTFACE

·         Le dernier portrait. Du daguerréotype à l'ère du numérique [Michel Lessard]

 

BIBLIOGRAPHIE

·         Bibliographie de Michel Lessard [René Bouchard et Mario Béland] :

livres, rapports, productions audiovisuelles (films et émissions radiophoniques), expositions muséales, textes sur la photographie ancienne (thèse et dictionnaire), périodiques (Cap-aux-diamants, Continuité, Ensemble, Lumières, Ma Caisse, Photo Sélection, Réseau, La Veille, Association des archivistes du Québec), distinctions, hommages et prix. Cette bibliographie ne recense toutefois pas « les articles de l’auteur parus dans une panoplie de revues ou de journaux, ni les préfaces variées d’ouvrages qu’il a signées. »

 

Trois textes signés Michel Lessard complètent l’ensemble :

 

·        « La Fée ses sucres », une des légendes qui était destinée à un projet de livre qui n’a malheureusement jamais vu le jour et qui devait s’intituler « Fantastique et épouvante. Contes et légendes du Québec d’autrefois ».

 

·        « La fin tragique d’un grand collectionneur. Ronald Chabot [1947-2010] », éloge lu par Michel Lessard lors des funérailles le 27 mai 2010 de celui qui lui a fait bénéficier « du fruit de son incessante curiosité pour la culture matérielle du Québec ».

 

·        « Le dernier portrait. Du daguerréotype à l’ère du numérique », le dernier texte de Michel Lessard avant son décès le 5 avril 2022, « un témoignage personnel très émouvant et un document d’une haute teneur ethnologique sur les rites mortuaires ».

 

En cours de lecture, j’ai retenu quelques fragments de la pensée de Michel Lessard qui dédicaçait une de ses premières encyclopédies « À tous les Québécois fiers de leur origine » à propos...

 

... de l’unicité du peuple québécois :

 

« Les Québécois forment un peuple unique, une nation modelée par le milieu, au carrefour de quatre cultures bien intégrées s’appuyant sur plus de quatre siècles d’histoire dans le pays français [...] « quatre cultures qui ont façonné le vieux fonds de la psyché québécoise, la française, l’autochtone, la britannique et l’étatsunienne. »

 

... de l’affirmation de notre identité :

 

« Dans une Amérique essentiellement anglophone, le Québec se doit plus que jamais de rassembler toutes les formes documentaires et d'explorer les pistes qui permettront aux nouvelles générations de dire le passé. Affirmer son identité culturelle, c'est rassembler un échantillonnage important des productions culturelles qui ont marqué l'évolution du Québec dans sa conquête de la modernité. »

 

... de la fête, une contemplation « espérante » du futur :

 

« Tous les premiers ministres devraient toujours faire un discours de la nation le 24 juin pour assumer notre passé, nous éclater dans la fête, par différentes manifestations, mais surtout considérer l'avenir, nous dire ce qui s'en vient dans la nouvelle année ou dans les cinq années qui viennent. [...] La fête n'existe que pour la ‘’ contemplation espérante du futur ‘’. [...] tous les anthropologues l'ont vérifié dans les cultures primitives comme dans les cultures avancées ».

 

... du fondement d’un peuple :

 

« L'important, aujourd'hui, c'est d'arriver à cerner l'identité nationale. Car le fondement d'un peuple, ce n'est pas seulement un territoire, c'est aussi et surtout la tradition culturelle et il faut pouvoir la nommer ».

 

... des caractères identitaires des peuples :

 

« La culture matérielle [...] reflète toujours avec force les caractères identitaires des peuples et des nations. C'est aussi la meilleure façon de concrétiser les valeurs d'une société et d'enseigner l'histoire. Le Québec se nomme et se signe à travers ses monuments et ses objets anciens ! »

 

... de l’importance de la culture matérielle industrielle :

 

« La culture matérielle industrielle du Québec, ouverte sur le monde, est tout aussi importante, tout aussi signifiante et tout aussi merveilleuse que celle dite traditionnelle. »

 

J’ai aussi noté ce commentaire Claude Corbo, ex-recteur de l’Université du Québec à Montréal, à propos de la démarche pédagogique de Michel Lessard et l’éclairage révélateur que l’ethnologue a apporté sur les fondements culturels de la nation québécoise :

 

« Pour beaucoup de personnes et pour moi aussi, son œuvre illustre comment l'aventure humaine québécoise, vieille maintenant de quatre siècles, a été et demeure l'accomplissement d'une nation témoignant d'une vivante et tenace identité et capable de forger ses styles propres, sans renier ni méconnaître ses origines ou son passé, en étant aussi capable de s'instruire et d'enrichir sa créativité de ce qui vient d'ailleurs. Ses ouvrages sur Montréal et sur Québec ont aussi montré comment la nation québécoise a su édifier des villes où, certes, de nombreuses influences culturelles étrangères se manifestent, mais qui, au total, forment chacune des synthèses urbaines uniques sur le continent américain. Son œuvre, savante et accessible à la fois, est de celles qui marquent, aux yeux de lecteurs ordinaires, un tournant décisif dans la compréhension qu'une nation peut avoir d'elle-même. Et cette œuvre inscrit son auteur dans une très noble lignée de savants en choses patrimoniales où figurent notamment Marius Barbeau, Gérard Morisset, Jean Palardy, Robert-Lionel Séguin, Luc Lacourcière. »

 

En refermant « La somme d’une vie. Le patrimoine du Québec selon Michel Lessard », je garde en tête cette réflexion de Fernand Harvey sur le patrimoine contemporain que nous laisserons aux générations futures :

 

« Reste à savoir comment distinguer la spécificité québécoise dans la création, la consommation et l’usage des objets dans le contexte de mondialisation en cours depuis les années 1960. »

 

Le décès de Michel Lessard, le 6 avril 2022, est presque passé inaperçu dans les médias du Québec. Deux jours plus tard, le journaliste Jean-François Nadeau signait dans le cahier Culture du journal montréalais Le Devoir un article intitulé « Décès de l’historien et défenseur du patrimoine Michel Lessard ». On y apprend entre autres que le jour même de sa mort, le lieutenant-gouverneur du Québec lui accordait une médaille en reconnaissance de son œuvre.

 

Michel Lessard fut récipiendaire, en 1985, du Prix Robert-Lionel Séguin des Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec (APMAQ). En 1996, le gouvernement québécois lui attribuait le Prix Gérard-Morisset, la plus haute distinction décernée en matière de patrimoine. En 2011, le député Gilles Lehouiller lui remettait la Médaille de l’Assemblée nationale.

 

En 2021, l’Association des architectes en pratique privée du Québec « lui a décerné à l’unanimité le titre de membre honorifique pour son engagement et sa contribution exceptionnelle à promouvoir, en particulier, la qualité architecturale de l’environnement bâti au Québec et, en général, l’importance des architectes dans la société ».

 


Celui qui était très actif sur Facebook – je faisais partie du réseau de ses amis virtuels – et pour qui l’iconographie en général et la photographie de haute qualité en particulier s’imposaient comme des incontournables dans ses enseignements et ses publications a terminé sa vie presque aveugle. Quelle étrange hasard du destin !


En passant, la fiche Wikipedia qui lui est consacrée est incomplète, entre autres la section « Ouvrage ».

 

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Archéologue et ethnologue de formation, membre fondateur de la Société québécoise d’ethnologie (1975) et rédacteur adjoint de Rabaska, revue  d’ethnologie de l’Amérique française, René Bouchard a œuvré dans la fonction publique québécoise dans le domaine de la culture et du patrimoine. À titre de directeur, d’auteur et de collaborateur, il compte à son actif plusieurs publications axées sur la culture populaire et matérielle du Québec, entre autres Culture populaire et littératures au Québec, La vie quotidienne au Québec, Lever le voile du temps. Ses travaux ont concouru au développement de l’expertise ethnologique au sein de l’appareil d’État.

 

Yves Bergeron est professeur de muséologie et de patrimoine à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il est titulaire de la Chaire de recherche sur la gouvernance des musées et le droit de la culture (UQAM). Ses travaux portent sur l’histoire des institutions muséales, les tendances et la gouvernance des musées. Il réalise avec François Mairesse de l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 le projet Mémoires de la muséologie consacré à l’histoire contemporaine de la muséologie. Il a notamment publié Musées et patrimoines au Québec. Genèse et fondements de la muséologie nord-américaine (Hermann, 2019) qui explore les particularités de la culture muséale en Amérique du Nord.

 

Ethnologue formé à l’Université Laval, professeur titulaire de littérature orale à l’Université de Sudbury (Ontario), Jean-Pierre Pichette a occupé la Chaire de recherche du Canada en oralité des francophonies minoritaires d’Amérique (COFRAM), puis a été nommé professeur associé de l’Université Sainte-Anne (Nouvelle-Écosse). Membre fondateur de la Société Charlevoix, éditeur des Cahiers Charlevoix (PUO), de Rabaska, revue d’ethnologie de l’Amérique française, et d’une douzaine d’ouvrages collectifs, il est aussi directeur de la collection « Les Archives de folklore » des Presses de l’Université Laval.

 

Merci à René Bouchard pour le service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.

 

 

Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intérêt : *****

Appréciation générale : *****