Pierre Tourangeau. – La Grande Débandade. – Montréal : Québec Amérique, 2022. – 276 pages.
Roman
Résumé :
À l’aube des années 1980, un jeune
journaliste hyperactif enquête sur des scandales sexuels à l’Assemblée
nationale du Québec au moment où se prépare un référendum sur l’indépendance.
Il tente aussi de reconquérir une femme qui l’a largué six ans plus tôt, lassée
de son inconstance chronique et de ses infidélités.
Défilent dans La Grande Débandade, qui flirte ouvertement avec le polar : un
directeur de la sécurité dépressif qui protège des députés délinquants, un
jeune ministre gay harcelé par l’animateur vedette d’une radio poubelle, un
inspecteur de police aguerri qui traque un réseau de prostitution juvénile, des
politiciens véreux et abuseurs, des journalistes pas toujours à la hauteur et
bien d’autres personnages truculents… Tout ça sur fond d’un débat référendaire
qui s’éternise.
Commentaires :
Pour qui a vécu cette époque trépidante de la
prise du pouvoir par le Parti québécois et de la tenue du premier référendum à
la question interminable de 117 mots sur la Souveraineté-association avec le
Canada, le roman de Pierre Tourangeau, quoique pure fiction, sème des doutes
amers sur cette vision cynique d’un environnement politique tordu qu’il nous
déballe.
Joël Bégin, dans Plessis,
s’était permis une brève incursion dans la description des mœurs politiques corrompus
de l’époque de la grande noirceur et du climat régnant au Parlement de Québec..
Mais cette fois-ci, Tourangeau nous plonge dans une pétaudière où élus,
personnel politique et journalistes évoluent dans un bordel sans nom dans tous
les sens du terme. Empruntant à son expérience de jeune courriériste
parlementaire, l’auteur a créé un monde troublant avec des références
géographiques qui rendent presque crédible la trame dramatique. Avec un réseau
de points de chute qu’un résident de Québec est en mesure d’identifier.
L’intérêt de ce roman réside davantage sur la
somme des réflexions anthropophilosophiques du personnage principal, le
journaliste Laurent Tremblay, sur les rapports de force et les abus de pouvoir
dans les relations hommes/femmes, patrons/employés, radios poubelles/citoyens
et politiciens...; sur la morale et l’éthique politique – Tourangeau a occupé
le poste d’ombudsman à la Société Radio-Canada – ; sur la corruption et la dépravation
sexuelle de ceux et celles qui se croient tout permis et imperméables à toute
condamnation de par leur statut social – Gilles Simard y faisait aussi allusion
dans Basse-ville
blues. Et sur les affirmations plutôt déstabilisantes que l’auteur met
dans la bouche de ses personnages à propos de l’avenir du Québec. Comme quoi
les Québécois sont trop lâches pour se séparer du Canada, que l’indépendance n’aurait
aucun impact sur les grands enjeux qui interpellent la société... Et ce constat
désespérant à la suite de l’échec référendaire de 1980 et de celui anticipé en 1995 :
« J'espère
qu'on a compris que l'impatience ne mène nulle part, qu'il faut attendre que le
fruit mûrisse, ne pas le forcer tout vert et amer dans la gorge de ceux qui n'y
voient qu'une pomme de discorde. Mais nous étions pressés, nous voulions tous connaître
ça de notre vivant. Alors nous avons troqué les arguments pour les slogans, la
raison pour l'émotion, la stratégie pour l'astuce. Au fond, nous n'avions pas
confiance en notre vision. Nous avons eu peur que notre rêve disparaisse avec
nous au lieu de consacrer notre vie à le faire survivre, et avec lui la
possibilité que le Québec devienne un jour ce qu'il n'avait jamais été. Peut-être
même que dans quelques années certains essaieront encore. Et alors, s'il est
encore trop tôt, nous perdrons pour de bon. » (p. 356)
La Grande Débandade, un roman atypique au
style direct, à la langue crue – oreilles chastes soyez averties.
Et pour terminer, cette belle description du
Vieux-Québec :
« Dès que je franchis les murs de la vieille
ville, je suis assailli comme chaque fois par sa beauté, par ce macramé de
camaïeu gris et noir à peine égratigné par le temps, qui sert de façade à une
improbable nation. On y marche et on y vit à l'abri des tempêtes comme dans un
havre que le vent n'ébranle pas, une tanière qui nous garde au chaud alors même
que tout autour n'est que bourrasques et froidure. Québec est un refuge, un
fort où la question de l'identité ne se posera jamais, elle est notre identité,
peu importe ce qui restera de nous dans cent, deux cents, mille ans. Il se
dégage de ses murs un calme si grand, une telle sérénité suinte de ses moellons
que l'avenir n'a aucune prise sur elle. Québec est construite sur la nostalgie
d'une époque qui n'a jamais existé, le deuil d'un âge où la mère patrie ne l'a
pas laissée pour morte sur une terre hostile. » (p. 112)
Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
****
Appréciation générale :
***
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