Un fond de vérité (Zygmunt Miloszewski)

Zygmunt Miloszewski. – Un fond de vérité. – Paris : Mirobole, 2015. – 540 pages.

 




Thriller

 

 




Résumé :

 

Fraîchement divorcé, Teodore Szacki a quitté son travail de procureur à Varsovie et débarque dans la paisible bourgade de Sandomierz, où il compte bien refaire sa vie. Mais six mois à peine après avoir abandonné l’agitation de la capitale et l’asphyxie de son mariage, il s’ennuie déjà.

Heureusement, devant l’ancienne synagogue de la vieille ville, du travail l’attend : un corps de femme drainé de son sang, tout comme dans un rite sacrificiel juif… Lorsque le mari de la victime subit le même sort, la population de la ville renoue avec des peurs vieilles de plusieurs décennies. Aux prises avec une flambée d’antisémitisme sans précédent, Szacki va devoir plonger dans un passé aux échos douloureux, et tenter de trouver la vérité dans une histoire qui déchaîne toutes les passions.

 

 

Commentaires :

 

Deuxième opus de la trilogie consacrée aux enquêtes du procureur polonais Teodore Szacki que j’ai nettement préféré au premier (Les impliqués). Avec Un fond de vérité, l’auteur nous entraîne dans les méandres d’un pan de l’histoire de son pays : les relations troubles entre les communautés juives et catholiques campées dans la petite ville de Sandomierz aux prises avec des légendes urbaines et un antisémitisme persistant.

 

Un roman policier enlevant avec une chute que je vous défie de deviner qui s’appuie sur des stéréotypes « toujours existants et douloureux » imaginé dans une ville de province dont est tombé amoureux son auteur. Très critique à l’égard de la société polonaise, de ses institutions, de sa justice. Des rappels historiques qui expliquent en tout ou en partie l’intrigue menée de main de maître.

 

Une autre occasion pour découvrir des aspects de la personnalité et du flair du procureur Szacki aux prises avec ses propres démons. Une enquête où l’humour caustique de Zygmunt Miloszewski contribue à la fois à appuyer et à dénoncer une réalité aux confins de l’histoire ancienne et actuelle, voire fictive.

 

J’ai beaucoup apprécié les descriptions « cinématographiques » des lieux, de la ville au passé historique très riche, la plus charmante cité de la Pologne selon l’auteur, avec son vieux quartier dominant la Vistule, sa cathédrale, son château, son quartier juif, ses nombreuses églises, ses murailles médiévales et son labyrinthe souterrain. Comme si on y était, aux côtés du procureur et des nombreux personnages qu’il côtoie dans la progression de son investigation.

 

Vivement le troisième volet de cette trilogie qui a valu, en France, à son auteur de se classer finaliste du Grand Prix des lectrices de ELLE et récipiendaire du Prix du polar à Cognac et du Prix du polar européen du Point.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

Chroniques de jeunesse (Guy Delisle)

Guy Delisle. – Chroniques de jeunesse. – Montréal : Éditions Pow Pow, 2021. – 152 pages.

 




Bande dessinée

 

 




Résumé :

 

Avant d’aller à Pyongyang, à Shenzhen et à Jérusalem, Guy Delisle a vécu à Québec où, durant trois étés, il a travaillé dans la même usine de pâte et papier que son père. Avec Chroniques de jeunesse, l’auteur revient sur son expérience de gars de shop, dressant un portrait drôle et touchant du milieu ouvrier et de ses années formatrices en tant qu’artiste.

 

 

Commentaires :

 

Toujours agréable de découvrir des pans de l’univers du bédéiste Guy Delisle à la fois dans l’originalité et la qualité graphique et dans la justesse et l’émotion ressentie dans les descriptions et les phylactères.

 

Chroniques de jeunesse m’a particulièrement intéressé, étant moi-même originaire de Limoilou où se dresse depuis 1927 l’usine de pâte et papier à l’architecture Art Déco qui, au cours de ma prime jeunesse, polluait allègrement l’air du quartier par ses émanations de soufre qui nous prenaient à la gorge. L’Anglo Pulp comme on l’appelait où travaillait un des cousins de ma mère. Un édifice imposant et intrigant sur le boulevard des Capucins dont on connaît maintenant tous les « mystères » grâce aux trois étés de travail d’étudiant de Delisle.

 

Un environnement de travail gris industriel avec quelques touches d’orange, exclusivement masculin aux horaires difficiles, éreintant, bruyant, exténuant sous une chaleur excessive et des odeurs agressantes. La routine des équipes de nuit. Des propos machos et sexistes lors des pauses « dans des cabines insonorisées […] placées entre les machines pour souffler un peu ».

 

Sans porter de jugement, l’auteur nous livre un portrait intimiste et sociologique saisissant de la fin des années 1980, lui-même en transit entre ses études en dessin et en animation et le métier qui l’amènera à publier plus de 17 BD depuis 1996.

 

Une page d’histoire de la ville de Québec, du quartier Limoilou et des ouvriers qui y ont œuvré et laissé, pour plusieurs, leur santé.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

Numéro zéro (Umberto Eco)

Umberto Eco. – Numéro zéro. – Paris : Grasset, 2015. – 233 pages.

 




Roman

 

 





Résumé :

En 1992, à Milan, un groupe de journalistes, cinq hommes et une jeune femme, sont embauchés pour créer un nouveau quotidien qu’on leur promet dédié à la recherche de la vérité, mais qui se révèle un pur instrument de calomnie et de chantage.

Ils fouillent dans le passé pour mettre en page leur « numéro zéro », et c’est le présent qui leur saute au visage…

« L’ombre de Mussolini, donné pour mort, domine tous les événements italiens depuis 1945 » : est-ce là le délire d’un journaliste d’investigation paranoïaque ? Mais alors, pourquoi le retrouve-t-on assassiné un beau matin ?

Attentats, tentatives de coups d’État, empoisonnements, complots, stratégie de la manipulation, de la désinformation et de la tension : quand tout est vrai, où est le faux ?

 

 

Commentaires :

 

Critique du monde des médias écrits italiens traité avec humour qui trouve aussi ses références ailleurs dans le monde occidental. Les informations font-elles un journal ou serait-ce plutôt le journal qui fait l’information ? Question que soulève l’auteur en entraînant le lecteur dans les fabulations réelles ou imaginaires de ses six journalistes qui, en 1992, réfléchissent sur le contenu d’un nouveau périodique dont l’éditeur souhaite des publications avant les faits.

 

Toutefois, une bonne connaissance de l’histoire contemporaine de l’Italie est souhaitable pour mieux apprécier la parodie des thèmes abordés.

 

Un court roman agréable mettant en évidence l’érudition de son auteur, à lire ou relire (je l’avais lu lors de sa sortie initiale en 2015) à l’ère des Fake news de la crise des médias écrits confrontés aux réseaux sociaux, nouveaux créateurs et diffuseurs de la vraie ou la fausse nouvelle.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
****
Psychologie des personnages :
****
Intérêt/Émotion ressentie :
****
Appréciation générale :
****

Mystère aux Archives (Pierre Gemme)

Pierre Gemme. – Mystère aux Archives. – Paris : Flammarion jeunesse, 2020. – 139 pages.

 



Littérature jeunesse

 

 





Résumé :

 

Théo n’a jamais connu son grand-père, un célèbre cuisinier des ambassades. Il a disparu avant sa naissance. Lorsque ses professeurs lui demandent de se rendre aux Archives diplomatiques dans le cadre d’un devoir, Théo saute sur l’occasion pour tenter de résoudre le mystère entourant la disparition du chef étoilé.

 

Accompagné de sa meilleure amie Élodie, il retrouve un carnet de recettes ayant appartenu à son grand-père. Mais ils ne sont pas les seuls à s’intéresser à cet ouvrage. Certains sont prêts à tout pour le récupérer.

 

Une enquête au cœur des secrets des Archives.

 

 

Commentaires :

 

Ce roman jeunesse entraîne les lectrices et les lecteurs dans le monde des archives, en l’occurrence les archives diplomatiques française. Le personnage principal, appuyé par sa copine de classe dont il est amoureux résoudra le mystère de la disparition de son grand-père cuisinier grâce à un document d’archives révélateur.

 

Une aventure à la fois culturelle et culinaire bien rythmée, au dénouement prévisible qui nous fait voyager dans quelques quartiers de la capitale française.

 

Une lecture agréable et motivante. Une belle collaboration entre une institution d'archives et un romancier.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
****
Appréciation générale :
****

Tous les diables sont ici (Louise Penny)

Louise Penny. – Tous les diables sont ici. – Montréal : Flammarion Québec, 2020. – 512 pages.

 



Polar

 

 





Résumé :

 

Le soir de leur arrivée à Paris, les Gamache se réunissent dans un bistro avec le parrain d’Armand, le milliardaire Stephen Horowitz. En sortant, ils voient avec horreur le vieil homme se faire renverser dans ce que Gamache sait n’être pas un simple accident, mais bien une tentative d’assassinat.

 

Une étrange clé trouvée sur le blessé entraîne Armand, sa femme Reine-Marie et Jean-Guy Beauvoir, son gendre et ancien bras droit à la Sûreté, sur une piste allant du sommet de la tour Eiffel aux entrailles des Archives nationales, en passant par de luxueux hôtels et des œuvres d’art cryptiques. Il leur faut se plonger dans les secrets qu’Horowitz a dissimulés pendant des décennies.

 

Une découverte terrible dans son appartement parisien montre toutefois que le danger est bien plus grave. Bientôt, toute la famille se retrouve piégée dans un enchevêtrement de mensonges et de tromperies. Gamache devra décider s’il préfère se fier à ses amis, à ses collègues, à son instinct… ou à ses proches. Car même la Ville lumière recèle des zones d’ombre où se cachent des êtres diaboliques.

 

 

Commentaires :

 

Rafraîchissante cette nouvelle enquête d’Armand Gamache qui sort des décors surutilisés du village mythique et imaginaire de Three Pines, haut lieu d’un nombre hors du commun de crimes. L’air de Paris contribue à doter ce polar d’un bon suspense malgré la lenteur de l’action qui culmine dans les derniers chapitres.

 

Comme dans ses 15 autres romans, Louise Penny pêche par l’invraisemblance nous faisant découvrir que les Gamache ont fréquenté par le passé à plusieurs reprises la Ville lumière et qu’ils sont bien connus par des hauts placés de la capitale française : Armand et le préfet de Paris, Reine Marie et l’Archiviste nationale de France. Sans oublier la peintre Clara Morrow aux toiles sévèrement critiquées et l’un des conservateurs du Musée du Louvre !

 

L’auteure nous entraîne avec toute la famille Gamache dans de chics hôtels parisiens (le Lutetia et le George V), au sommet de la tour Eiffel, dans les jardins du musée Rodin, dans le quartier du Marais et celui de La Défense…dans une histoire abracadabrante dont on souhaite connaître le dénouement plutôt imprévisible.

 

À noter quelques détails qui auraient eu avantage à être contre-vérifiés : Reine Marie qui se dit « bibliothécaire archiviste principale » retraitée ayant débuté sa carrière à Bibliothèque et Archives nationales du Québec. D’abord, ce corps d’emploi n’a jamais existé dans cette institution. Et l’épouse d’Armand Gamache a débuté sa carrière soit aux Archives nationales, soit à la Bibliothèque nationale, car BAnQ est le résultat de la fusion de ces deux entités le 31 janvier 2006.

 

D’autre part, j’avais compris que le personnage Stephen Horowitz avait des enfants alors que ce n’est pas le cas dans celui-ci. Louise Penny nous rassure en confirme « avoir commis une erreur la première fois en fournissant plus de détails que nécessaire ». De plus, peut-être une erreur de traduction on doit l’espérer : comme l’a mentionné un blogueur littéraire québécois, il est plutôt surprenant qu’on manipule allégrement des mitrailleuses plutôt que des mitraillettes.

 

Tous les diables sont ici est à mon avis un des meilleurs romans policiers de la série imaginée par la seule auteure à avoir emporté sept fois le très prestigieux prix Agatha et à être traduite dans une trentaine de langues. Mais attention, le clan Gamache (parents, enfants et petits-enfants) sera de retour à Three Pines, pour le meilleur ou pour le pire.

 

D’ici là, envolez-vous virtuellement pour Paris et laissez-vous emporter par l’imaginaire réconfortant de Louise Penny.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

Immortel (J.R. dos Santos)

J.R. dos Santos. – Immortel. – Bordeaux : Éditions Hervé Chopin, 2020. – 558 pages.

 




Thriller

 

 





Résumé :

Le premier être humain immortel est déjà né. Après avoir annoncé la naissance de deux bébés génétiquement modifiés, un scientifique chinois disparaît. La presse internationale commence à poser des questions, les services secrets tentent de trouver des réponses, un homme contacte Tomás Noronha à Lisbonne. Celui qui se présente comme un scientifique travaillant pour la DARPA, l'agence pour les projets de recherche avancée de la Défense américaine, est à la recherche du savant disparu.Tomás découvre alors les véritables enjeux du projet secret chinois.

 

Commentaires :

 

D’entrée de jeu, je dois avouer que la plus récente aventure de la saga Tomás Noronha n’est pas la meilleure de la série. Du moins en ce qui concerne l’intrique qui n’occupe qu’à peine centaine de pages sur l’ensemble du roman qui en compte plus de 550. Avec une finale digne des films catastrophes d’Hollywood qui m’a plutôt déçu.

 

Par contre, le contenu scientifique de cette fiction est bouleversant. Une belle occasion de faire le point sur les avancées de l’intelligence artificielle, les acteurs de son développement aux États-Unis et en Chine, ses impacts actuels et à venir sur la médecine, la robotique, les aides à la décision et les risques associés tel l’eugénisme, le contrôle des individus et de la planète. À un point tel que les qualités journalistiques et de recherche de dos Santos l’emportent sur l’écriture romanesque.

 

Toutes les informations scientifiques qui nous sont présentées dans ce roman sont vraies, comme l’affirme l’auteur depuis la naissance de son héros portugais. Toutes sauf une. Presque incroyable. Le tout appuyé par une bibliographie impressionnante concentrée sur 7 pleines pages.

 

J’aime beaucoup cet auteur qui par le biais de la « fiction » nous permet de parfaire ou d’actualiser nos connaissances sur des thèmes scientifiques souvent complexes, mais suffisamment vulgarisés par les échanges entres les son héros et les personnages qui l’entraînent dans des aventures plutôt abracadabrantes.

 

Si le sujet de l’intelligence artificielle, de la croissance exponentielle des capacités de l’informatique et de la technologie, de l’émulation du cerveau humain, de la conscience des machines, du transhumanisme, de l’immortalité et même du risque de l’unification des esprits… ce roman intelligent, pas plus que 1984 de George Orwell d’ailleurs, « n’est pas une prophétie, c’est un avertissement. »

 

Petit détail cocasse qui intéressera le lectorat québécois (p. 316) : alors qu’un événement majeur au cœur du récit se déroule en Chine, la nouvelle est diffusée partout sur la planète par les grands médias : « Le Washington Post, le Times, la BBC, le Journal de Québec, Le Point… »

 

Malgré mes réserves, je vous le recommande.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
****
Intrigue :
***
Psychologie des personnages :
***
Intérêt/Émotion ressentie :
****
Appréciation générale :
****

Kukum (Michel Jean)

Michel Jean. – Kukum. – Montréal : Libre Expression, 2019. – 223 pages.

 



Roman

 

 






Résumé :

 

Ce roman raconte l'histoire d'Almanda Siméon, une orpheline amoureuse qui va partager la vie des Innus de Pekuakami. Elle apprendra l'existence nomade et la langue, et brisera les barrières imposées aux femmes autochtones. Relaté sur un ton intimiste, le parcours de cette femme exprime l'attachement aux valeurs ancestrales des Innus et le besoin de liberté qu'éprouvent les peuples nomades, encore aujourd'hui.

 

 

Commentaires :

 

Très touchante cette histoire d’Almanda Siméon qui nous fait découvrir les transformations de la vie traditionnelle à la « vie moderne » des Innus riverains du lac Saint-Jean (Pekuakami).

 

L’auteur, descendant de cette blanche, Irlandaise d’origine, mariée à Thomas Siméon, autochtone résident de Pointe Bleue (Masteuiash) et du Péribonka fait partager au lecteur les péripéties de la vie rude en forêt de ce clan familial : déplacements en canot, portages, installation du campement pour l’hiver, trappe et pêche pour la subsistance, chasse pour les peaux qu’on revendra à Pointe-Bleue au printemps. Tout un bagage de connaissances sur les coutumes, l’artisanat (panier en écorce de bouleau, perlage...), le tannage de peau...), la langue, la place de la nature a une place et le lien de respect entre les hommes et les animaux.

 

Sans oublier les impacts de la sédentarisation imposée et de l’envahissement des territoires par la modernité économique et destructrice de l’exploitation forestière, de la construction du chemin de fer, du développement urbain et même du tourisme, à la fin du XIXe siècle. Et ceux des pensionnats qui kidnappaient les enfants pour les envoyer à plusieurs kilomètres de chez eux avec pour objectif de les « désindianiser ».

 

Écrit malgré tout plutôt sur un ton optimiste, ce roman illustre comment Almanda Siméon a réussi à s’adapter à toutes ces contraintes par son courage de revendicatrice et son désir de liberté.

 

L’ouvrage contient quelques photos ainsi qu’une carte qui nous aide à localiser géographiquement les lieux mentionnés.

 

Une écriture simple, intimiste (on a l’impression d’accompagner physiquement les personnages)  et efficace. Un « page turner » qui nous entraîne dans un récit documenté d’une société tissée serrée qui a perdu ses points de repère traditionnels.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

Le lièvre d’Amérique (Mireille Gagné)

Mireille Gagné. – Le lièvre d’Amérique – Saguenay : Éditions La Peuplade, 2020. – 146 pages.

 


Roman

 

 






Résumé :

 

L’organisme de Diane tente de s’adapter doucement. Elle dort moins, devient plus forte et développe une endurance impressionnante. L’employée modèle qu’elle était peut encore plus se surpasser au travail. Or des effets insoupçonnés de l’intervention qu’elle vient de subir l’affolent. L’espace dans sa tête se resserre, elle sent du métal à la place de ses os. Tout est plus vif – sa vision, son odorat, sa respiration. Comble de la panique, ses cheveux et ses poils deviennent complètement roux en l’espace d’une nuit. Et puis les mâles commencent à la suivre.

 

Quinze ans plus tôt, Diane connaît un été marquant de son adolescence à l’Isle-aux-Grues, ces jours de grosse mer où Eugène bravait les dangers, la fascination de son ami pour les espèces en voie d’extinction et – comment s’en remettre – le soir de l’incendie.

 

 

Commentaires :

 

Peu de choses à dire sur ce roman que j’ai beaucoup aimé tant par la forme originale qui associe le récit aux caractéristiques du lièvre d’Amérique, « les liens d’appartenance et les affres de l’exil, la douleur des âmes à qui on a arraché un être cher et les effets néfastes de la course à la performance, dictat du néolibéralisme. » J’ai particulièrement apprécié le découpage entre le présent, ce qu’est devenue Diane après l'intervention médicale dont on ne connaît pas la nature (mais qu’on devine devoir lui permettre d’accroître ses performances au travail), le passé lointain pendant son adolescence dans cette île (Isle-aux-Grues d’où provient l’auteure) au milieu du Saint-Laurent et le passé plus récent avant l'opération.

 

Une écriture poétique et imaginative avec en finale une référence à une légende algonquienne qui documente le récit. Une ode à la nature, à la liberté et au retour aux sources.

 

À noter le petit lexique des expressions insulaires incrustées dans le texte qui ajoutent à la crédibilité de cette « fable animalière ».

 

Je vous le recommande sans réserve.

 


Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

Furie (Myriam Vincent)

Myriam Vincent. – Furie  – Montréal, Les éditions Poètes de brousse, 2020. – 377 pages.

 



Roman

 

 





Résumé :

Étudiante de jour, tueuse à gages la nuit, Marilyn n’exécute que des personnes ayant commis des crimes sexuels, portée par son désir de vengeance de sa grande amie, décédée à la suite de la dénonciation d’une agression et incapable d’obtenir justice grâce au système traditionnel. Si Marilyn excelle dans son métier dans la plus grande discrétion, sa solitude imposée devient difficile à tenir en reprenant ses études... Réussira-t-elle à venger son amie? Ses vies de justicière et d’étudiante « normale » sont-elles compatibles? Devra-t-elle faire un choix?

Roman aux accents de comic book féministe et à l’humour subtil, Furie explore cette figure du justicier tant prisée par les amateur.e.s de films de super-héros, avec ses zones d’ombre, ses dilemmes et la nécessité de maintenir une façade « normale ». On ne s’éprend de Marilyn et de ses causes qu’on estime justes qu’au détriment d’un malaise qui nous renvoie à nos propres valeurs morales : jusqu’où irait-on pour venger une amie ou sa propre fille face à son agresseur?

 

 

Commentaires :

 

Première fiction de Myriam Vincent qui nous plonge d’entrée de jeu dans l’univers d’une jeune femme tueuse à gages. Une œuvre romanesque intrigante sur un thème rarissime dans la littérature du crime québécoise.

 

Intrigué par l’accroche de la quatrième de couverture, j’ai dévoré les 375 pages en quelques jours en appréciant tout particulièrement l’humour noir de l’auteure dans une critique acerbe d’un système judiciaire qui permet à plusieurs agresseurs de se sortir indemnes d’accusations d’agressions sexuelles.

 

Intéressante aussi la double vie de cette assassine (le soir) et étudiante au baccalauréat en études littéraires (le jour) tiraillée entre une vie « normale » et le désir de vengeance. De nombreux passages soulèvent en récurrence cette réalité vécue par la superhéroïne. Chaque assassinat est décrit avec minutie en un court paragraphe dans un style très cinématographique. À un rythme quasi mensuel, au point où le lecteur en vient à s’interroger sur les impacts réels de ce grand nettoyage sur la réalité policière de la région montréalaise. Heureusement, on est en pleine fiction.


J’ai apprécié le style fluide de l’écriture et les niveaux de langages des personnages (quoiqu’agacé par les nombreuses incrustations de mots et d’expressions anglaises) et la structure du récit de découpé en épisodes (deux volumes de six numéros chacun à la manière des bandes dessinées de superhéros). Ainsi que le parallèle entre la narration de l’agression, objet de vengeance de celle qui est convaincue d’avoir raison de faire ce qu’elle fait et la violence croissance associée aux contrats d’assassinats qu’elle accepte. Jusqu’à la chute finale imprévisible et insoluble, potentiellement ouverte sur une suite (ce que réfute l’auteur pour le moment).  

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intrigue :
*****
Psychologie des personnages :
*****
Intérêt/Émotion ressentie :
*****
Appréciation générale :
*****

Autopsie d'un crime imparfait (Jacques Côté)

Jacques Côté. – Autopsie d’un crime imparfait – Montréal : Éditions de l’Homme, 2020. – 261 pages.

 



Docu-polar





 

 

Résumé :

 

Dans la nuit du 22 octobre 1980, au 540 de la rue de la Tourelle à Québec, une jeune comédienne est assassinée. Quarante ans plus tard, le mystère subsiste: l'homme qui s'est accusé de ce crime abject était-il le véritable coupable?

 

Ce docu-polar revisite l'une des causes judiciaires les plus longues et les plus controversées de l'époque. Grâce aux confidences du lieutenant Jacques Simoneau, aux témoignages d'acteurs de premier plan du drame, mais aussi à la volumineuse preuve de milliers de pages citée aux deux procès, l'auteur reconstitue l'ultime soirée que France Lachapelle a passée avec son ami le metteur en scène Robert Lepage, le dernier à l'avoir vue vivante. Bien que celui-ci soit lavé de tout soupçon, cette expérience le marquera à jamais. Des avocats et des procureurs chevronnés, un pyromane voyeur qui sème la terreur, des questions encore sans réponse aujourd'hui: tous les ingrédients sont réunis pour priver le lecteur de précieuses heures de sommeil. Et pour évoquer le souvenir d'une jeune femme en droit d'attendre bien davantage de la vie.

 

 

Commentaires :

 

Dans cet ouvrage documentaire qui porte comme sous-titre « 22/10/80 L’assassinat de France Lachapelle » (quoique le meurtre semble avoir été commis après minuit et avant 3 h 28, le 23 octobre 1980), Jacques Côté a rassemblé et ordonnancé l’ensemble de la documentation brute relative à l’assassinat de France Lachapelle, un crime qui n’a toujours pas vraiment été résolu, le suspect instable psychiquement ayant choisi après deux procès de se déclarer coupable.

 

Cette « reconstitution » historique et linéaire des événements repose sur des articles de journaux, des pièces à conviction, le rapport médico-légal, les minutes de l’enquête préliminaire et des deux procès, le tout complété par la retranscription de témoignages et d’entrevues avec quelques-uns des principaux témoins encore vivants.

 

Un ouvrage intéressant qui nous permet de découvrir les dessous de cette enquête, sur les méthodes policières, sur le déroulement plutôt étonnant des procès, particulièrement le deuxième présidé par un juge misogyne qui se substitue au procureur.

 

Un « page turner » que j’ai dévoré en moins de 8 heures et qui m’a laissé songeur, entre autres, face au refus d’un des acteurs de l’époque, Denis Côté pour ne pas le nommer, de fournir sa version des événements.

 

Et, « en complément d’enquête », par un « filon » jamais exploité dans cette affaire qui semble avoir une certaine importance (thèse non infirmée par l’enquêteur Jacques Simoneau) puisque l’auteur a fait le choix de le citer dans retranscription de son entrevue avec Robert Lepage  : l’allusion à l’interrogation probable par la police de Québec d’un ministre du gouvernement du Québec identifié par la lettre « X ».

 

Un politicien « assez proche » de Pierre Lachapelle, le père de la victime, puisqu’il aurait participé à des réceptions que ce dernier organisait chez lui et au cours desquelles « X » aurait « probablement cruisé » France Lachapelle (p. 240). Pierre Lachapelle, décédé le 3 janvier 2016, avait travaillé à la mise sur pied de plusieurs services du ministère de la Culture et des Communications, dont ceux des programmes de subventions aux artistes et aux musées régionaux, ainsi qu'à l'implantation du Centre de conservation du Québec. Il a dirigé le Musée du Québec (aujourd’hui Musée national des beaux-arts du Québec) de 1981 à 1986.

 

On apprend aussi que le ministre « X » était « dans le même cabinet » d’un autre ministre nommé « Y ». Ce dernier vivait « depuis plusieurs années à Montréal » avec « un jeune garçon » : « … les gens étaient au fait de ça au parlement » (page 241).

 

Ces informations fournies par Robert Lepage, couplées à des recherches sur Internet, incitent à procéder par déductions potentielles, à la manière de tout bon détective, pour échafauder des hypothèses visant à identifier ces mystérieux « X » et « Y ». Elles soulèvent toutefois une autre question restée elle aussi sans réponse : pour quelles raisons ce ministre « X » a-t-il été interrogé ?

 

Avouez qu’il y a de quoi titiller la curiosité !

 

Autopsie d’un crime imparfait « nous ramène aussi de plain-pied dans l’actualité quant à la violence que subissent les femmes dans notre société » comme l’écrit Jacques Côté en conclusion. L’auteur a « voulu écrire cet ouvrage avec l’idée que la justice doit s’exercer avec humanité, dignité et dans un souci de réparation pour les victimes, mais aussi dans le respect des accusés qui ont droit à un procès juste où, nonobstant la nature des crimes commis, la santé mentale est prise ne compte. »

 

Mission accomplie.

 

 

Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
*****
Intérêt :
*****
Appréciation générale :
*****