Emmanuel Carrère. – L’adversaire. – Paris : P.O.L., 2020. – 220 pages.
Récit
Résumé :
Le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand a tué
sa femme, ses enfants, ses parents, puis tenté, mais en vain, de se tuer
lui-même. L'enquête a révélé qu'il n'était pas médecin comme il le prétendait
et, chose plus difficile encore à croire, qu'il n'était rien d'autre. Il
mentait depuis dix-huit ans, et ce mensonge ne recouvrait rien. Près d'être
découvert, il a préféré supprimer ceux dont il ne pouvait supporter le regard.
Il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
Je suis entré en relation avec lui, j'ai
assisté à son procès. J'ai essayé de raconter précisément, jour après jour,
cette vie de solitude, d'imposture et d'absence. D'imaginer ce qui tournait
dans sa tête au long des heures vides, sans projet ni témoin, qu'il était
supposé passer à son travail et passait en réalité sur des parkings d'autoroute
ou dans les forêts du Jura. De comprendre, enfin, ce qui dans une expérience
humaine aussi extrême m'a touché de si près et touche, je crois, chacun d'entre
nous.
Commentaires :
Quelle histoire incroyable que ce récit abominable,
à la fois absurde et terrifiant, inspiré du réel et remarquablement écrit par
Emmanuel Carrère. Comme le mentionnait en 2014 Caroline Hauer sur le site
Parisladouce.com, la « grande force
du récit est de réussir à naviguer entre la réalité des faits, la fiction du
mythomane [Jean-Claude Romand] qui
n’a trouvé que l’affabulation comme moyen de survie et l’autobiographie de
l’écrivain en plein doute durant son investigation et la rédaction de son
ouvrage. »
Sans prendre parti ni porter de jugement, l’auteur
nous présente un récit factuel détaillé et chronologique, le tout documenté par
des témoignages recueillis auprès de parents et d’amis du criminel et pendant
le déroulement du procès en cour d'assises. Des extraits de correspondance
entre Carrère et Romand apportent aussi un certain éclairage sur l’état
psychique de celui qui a fait les manchettes des chroniques judiciaires de l’époque
et de ce qu’il est devenu pendant les 26 années de réclusion. On y sent aussi l’inconfort
de l’auteur face à son projet d’écriture. Il en parle d’ailleurs en janvier
2010 dans un entretien avec Nelly Kapriélian, à la Bibliothèque publique
d'information du Centre Pompidou, dans le cadre du cycle « écrire, écrire,
pourquoi ? » [http://bit.ly/3jpsEwR].
En complément de lecture, je vous propose d’écouter
le témoignage d’Emmanuel Crolet, le beau-frère de Jean-Claude Romand, qui
raconte les années de mensonges de ce dernier jusqu’aux quintuples meurtres [https://youtu.be/OHrqibs7SR0].
Jean-Claude Romand a été libéré en 2019. En
prison, il était devenu très pieux et s’était passionné pour le chant
grégorien. À sa sortie, il a été hébergé à l’abbaye de Fontgombault, dans l’Indre,
jusqu’en 2021. Sans bracelet électronique, il vit maintenant caché dans ce
département du Centre-Val de Loire.
L’adversaire, un excellent travail
journalistique qui plaira aux amatrices et aux amateurs de romans noirs.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : *****
Intérêt/Émotion
ressentie : *****
Appréciation générale
: *****
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