Ali Zamir. – Jouissance. – Paris : Le Tripode, 2022. – 234 pages.
Roman
Résumé :
C’est l’histoire d’un roman qui se raconte
lui-même. C’est l’histoire d’un roman qui n’a pas de chance. C’est l’histoire
d’un roman témoin d’un coït en bibliothèque, complice d’une arnaque sur un
millionnaire, confesseur d’un fait divers digne du Nouveau Détective, victime
collatérale d’un remake improbable de Shining... Accumulant les propriétaires,
jeté de poubelle en poubelle, ce roman parvient à se coller autant de problèmes
sur le dos que de rencontres inattendues. Spectateur involontaire des actes les
plus cocasses comme des plus cruels, des plus vertueux comme des plus tordus,
il nous raconte la malice, le désir et la folie qui habitent ses satanés lecteurs…
Commentaires :
Imaginez qu’en « désabillant du regard » un livre sans auteur, « un verbe en gerbe de bave et d’écume »,
un digne représentant de ces « créatures
étrangement considérées aveugles, sourdes et muettes, autant dire sans esprit »
vous découvrez votre propre histoire passée et future. Un livre aux phrases
sans fin, hanté par la réalité dramatique de la vie de ses personnages. Un livre
qui passe de main en main, de poubelle en poubelle, qui nourrit le lecteur « de son expérience vagabonde » si ce
dernier est toujours là en finale, a eu le courage de le supporter malgré ses « caprices », sa « conduite revêche, et la bêtise fracassante
des humains ».
Tel est l’esprit et la lettre de cette haute
voltige littéraire que j’ai eu grand plaisir à apprivoiser une fois franchies
les pages liminaires. Et ce paragraphe de bienvenue qui marque le ton :
« Mais qui êtes-vous, lecteur, un être en herbe ou en gerbe ? Je n'en crois pas mes lettres, vous avez donc mordu, savez-vous dans quelle drôle de galère vous vous embarquez ? C'est un coup tordu, vous vous êtes laissé entraîner par un titre sommaire, sans avoir pris le temps de tout calculer. Mais enfin, enfant d'Adam et d'Ève, que faites-vous ici, dans le corps d'un verbe précocement éjaculé ? »
Embarquez-vous dans cette galère que vous
propose Ali Zamir, originaire des aux Comores, résident de Montpellier. Vous
découvrirez la richesse d’une écriture à la fois poétique, imagée, humoristique
et percutante de cet auteur que j’ai découvert de grand talent qui compte à son
actif trois autres romans : Anguille
sous roche (2016), récompensé notamment de la mention spéciale du prix
Wepler et du prix Senghor ; Mon Étincelle
(2017) ; Dérangé que je suis (2019),
prix Roman France Télévisions.
Jouissance est à sa manière un
tourne page – le livre défiant lui-même le lecteur à poursuivre sa lecture de
chapitre en chapitre aux intitulés énigmatiques : « Mes liaisons dangereuses » , « Au bonheur de ces dames», « Le cœur aboie, le verbe passe », « Les misérables », « Soyez sage avec tonton », « Quand le démon s’éloigne, il faut en
profiter » et « Le plaisir
périlleux des tubéreuses ».
Intriguant, n’est-ce pas ? Et que dire de
cette requête provocatrice en conclusion :
«… voulez-vous continuer l'aventure, en accouchant vous-même, ci-après, de votre plein gré, vos cons de secrets, et enrichir de votre propre vie ma chair, ici même, sans euphémisme, ni circonlocution, avant que je le fasse à votre place, car sur votre compte, on en entend de belles aussi, et ce n'est point pour vous divertir plus longtemps que je vous le signale, voulez-vous avouer quelques-uns de vos absurdes secrets, comme un grand, ou une grande, afin d'épuiser, sans trêve, les plaisirs intarissables de votre vie grotesque, et d'ensevelir dans ma veine la dépouille mortelle de la mort ? »
En terminant, j’aimerais souligner la magnifique
couverture de première illustrée par l’artiste italienne Lucie Giglio intitulée
Avec le temps va tout s’en va (2021).
Le temps, une thématique appropriée pour ce remarquable roman d’Ali Zamir.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : *****
Intrigue : *****
Psychologie des
personnages : *****
Intérêt/Émotion
ressentie : *****
Appréciation générale
: *****
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