La folie des foules (Louise Penny)


Louise Penny. La folie des foules. – Montréal : Flammarion Québec, 2021. – 514 pages.

 


Polar

 

 


Résumé :

 

Tandis que les villageois de Three Pines se réjouissent déjà des feux d’artifice du Nouvel An, Armand Gamache doit interrompre ses vacances en famille pour répondre à une affectation en apparence anodine : assurer la sécurité d’une professeure de statistiques lors d’une conférence prononcée à l’université voisine. Perplexe, le chef des homicides de la Sûreté se renseigne sur Abigail Robinson et découvre une femme au discours si dangereux qu’il supplie la chancelière d’annuler son allocution. Colette Roberge refuse, invoquant la liberté de l’enseignement, et l’accuse de lâcheté intellectuelle. Très vite, les idées tranchantes de la statisticienne sur les droits des plus vulnérables contaminent les conversations. Les discussions dégénèrent en débats, puis en polémiques et en affrontements. Plus que quiconque, Gamache sait que les flammes de la division sont presque toujours impossibles à maîtriser. Lorsqu’un cadavre est retrouvé, c’est à son équipe qu’échoit l’enquête sur le meurtre et sur cet extraordinaire délire populaire.

 

Commentaires :

 

Quelle déception que cette interminable enquête d’Armand Gamache, la 17e, inspecteur-chef de la Sûreté du Québec qui est constamment absent de son QG, comme ses proches collaborateurs. Et un énième meurtre qui vient s’ajouter dans le village de Three Pines, un bled perdu dans les Cantons de l’Est, à quelques kilomètres de la frontière du Vermont. Définitivement, le ministère de la Sécurité publique devrait déclencher une enquête pour expliquer le taux de criminalité qui y règne.

 

Bien sûr, Louise Penny véhicule – et c’est tout à son honneur – ses valeurs humanistes dans les interactions entre ses personnages très typés qui évoluent dans un environnement quasi folklorique. Ils y sont tous : Myrna, la bibliothécaire psychologue ; Ruth, la poétesse irrévérencieuse et sa canne de poche ; Gabri et Olivier, le couple masculin proprio du Bistrot où on sert, entre autres, de la langoustine au beurre à l’ail pour dîner, lieu de rencontre autant des villageois sans histoire que des enquêteurs et des criminels soupçonnés ; Clara, la peintre aux œuvres déroutantes ;  Gilbert, l’ermite ex-médecin dit « trou du cul » ; évidemment Armand Gamache, grand ami du premier ministre gay qui, après avoir été directeur de la Sûreté du Québec, est redevenu enquêteur, peut être en attendant de se présenter en politique, sait-on jamais [le ministère de la Sécurité publique pourrait lui être assigné] ; son épouse, Reine-Marie qui après avoir rien de moins que dirigé les Archives du Québec s’est transformée en consultante historienne spécialisée en interprétation de documents ; les collègues de l’enquêteur, Lacoste et Beauvoir, son gendre plus tourmenté que jamais... Et pour contribuer à l’énigme criminelle qui n’en finit plus d’être résolue : une candidate soudanaise au prix Nobel de la paix ; une statisticienne aux théories eugéniques [« nous n’aurons pas assez de ressources pour nous relever de la pandémie et, a fortiori, pour en affronter une autre. À moins de laisser mourir les malades et les vieillards »] et son amie d’enfance qui lui colle aux semelles ; une chancelière honorifique de l’université d’à côté ; et quelques autres personnages secondaires.

 

L’intérêt de ce long, trop long, roman réside dans la dénonciation de la manipulation des foules par des gourous aux idées et aux solutions socialement contestables. En ce sens, le polar de Penny illustre bien la réalité contemporaine qui menace nos sociétés. Aussi, parce qu’elle nous fait découvrir comment un illustre psychiatre, Donald Cameron, dans les années 1950, a abusé de patients en leur administrant, dans des locaux appartenant à l’University McGill de Montréal, des cocktails de barbituriques, de neuroleptiques et de puissants électrochocs dans le cadre d’un projet visant à parfaire des techniques de lavage de cerveau. Avec comme client rien de moins que la CIA. Une belle intégration du réel au fictionnel qui donne au récit une touche de pédagogie.

 

La première partie du roman – la première enquête – comporte un certain suspense. La deuxième – la recherche du meurtrier à la bûche qui a sévi pendant le décompte du Bye Bye, l’émission de fin d’année de Radio-Canada – nous entraîne dans un magma d’hypothèses, de contre-hypothèses, de redites, de contre-redites, de déclarations contradictoires peut-être vraies, fausses, à demi-vraies, à demi-fausses... Les enquêteurs et les criminels potentiels semblent s’y retrouver. Personnellement je m’y suis perdu jusqu’à la chute finale des plus frustrante. 514 pages plus tard !

 

Mais bon, c’est le choix de l’autrice dont la plume est tout de même agréable qui l’entraîne parfois, comme dans ses romans précédents, à des affirmations surprenantes. Par exemple : « la pandémie est terminée » (le roman a été écrit en 2020-2021) puisque « le vaccin a donné les résultats escomptés » ; presque tous les Québécois possèdent une tuque rouge ornée du « C » majuscule du club de hockey Canadiens de Montréal ; le 31 décembre, pour le réveillon, « une tradition québécoise », les enfants choisissent une fable de Lafontaine et, costumés, la mettent en scène devant la parenté !!!

 

L’univers de Louise Penny apporte certes un baume sur le quotidien de son lectorat. Son imaginaire « gamachien » semble inépuisable puisqu’une 18e enquête est déjà annoncée : Un monde de curiosité, qui vous l’aurez deviné, aura pour cadre le village de Three Pines où les habitants seront confrontés encore une fois à « des énigmes dans des énigmes et des messages cachés avertissant du chaos et de la vengeance ». Ils ont la couenne dure ces Threepiniens ! Espérons que les lectrices et les lecteurs réussiront à se dépêtrer du nœud gordien que Louise Penny aura formé et que Gamache saura trancher.

 

 

Originalité/Choix du sujet :
*****
Qualité littéraire :
***
Intrigue :
***
Psychologie des personnages :
***
Intérêt/Émotion ressentie :
**
Appréciation générale :
**