Sandrine Destombes. – Les disparus de la Durance. – Paris : Hugo Thriller, 2023. – 376 pages.
Polar
Résumé :
Martin Vaas, officier de la police judiciaire
à Paris est appelé sur les quais, en face du 36 Quai des Orfèvres. Des pieds
dans des baskets flottent dans la Seine, mais sans aucune trace de cadavres…
Il apparaît rapidement que cette affaire fait
écho à d’autres cold-cases. Appuyé
par son équipe et par le commandant Lazlosevic, à la tête de la nouvelle
division UAC3, spécialisée dans l’analyse comportementale et criminelle et des
affaires complexes, l’officier Vaas va découvrir que cette affaire prend sa
source, il y a plus de vingt ans, sur les rives de la Durance.
Commentaires :
Quel plaisir de découvrir, un peu tardivement
j’en conviens, une auteure de polars avec son neuvième opus, après sa tétralogie
consacrée à la commissaire de police Max Tellier : La Faiseuse d'anges (2014), L'Arlequin
(2015), Ainsi sera-t-il (2016) et Le Dernier Procès de Victor Melki
(2021). Et ses quatre autres romans : Ils
étaient cinq [Capitaine de gendarmerie Antoine Brémont] (2017), Les Jumeaux de Piolenc (2018) [Grand
prix VSD (Voir – Savoir – Découvrir) du polar 2018], Le Prieuré de Crest (2019) et Madame
B. (2020).
Les disparus de la
Durance
est un roman policier très procédural à la française. Un thriller contemporain très sombre construit autour d’une intrigue fort
bien construite et vraisemblable qui se déroule à un rythme qui s’accélère
progressivement de courts chapitres en courts chapitres, le tout serti de
rebondissements imprévisibles. Dès les premières pages, une découverte macabre plonge
le lecteur au cœur d’un scénario captivant. Avec une finale que je vous défie
de prédire – j’étais certain d’avoir démasqué l'assassin aux ¾ du récit alors
que... revirement de situation, nouveaux détails dévoilés, changement de
version de suspects. L’effet tourne-page joue à plein.
Pour y arriver, Sandrine Destombes, « acculturée
par les professionnels des services police-justice », qui se réserve des
libertés pour assurer la fluidité de la narration nous invite à accompagner une
équipe d’enquêteurs attachants dont on découvre les traits de caractère et les
secrets qui en font des humains à part entière.
La troisième Direction de la police
judiciaire (3e DPJ) est assumée par le capitaine lyonnais Martin
Vaas, muté à Paris deux ans plus tôt. Son rayon d’action la rive gauche (6e,
6e, 7e, 13e, 14e et 15e
arrondissements de la capitale). Un leader qui accorde une place importante à l’intuition
et au ressenti et qui attribue une tâche à chaque membre de son équipe, s’attendant
à ce que chacun s’y plie sans discuter, tout en tenant compte de leur avis :
« Alors au risque de te décevoir, ça ne marche
pas comme ça. Je te demande ton avis, tu me le donnes. Ce que j'en fais après
dépend d'une foule de données. Les faits, l'avis des autres membres de
l'équipe, mon intuition... Et même si je décide d'adopter ton idée ou celle
d'un autre, je garde toujours à l'esprit qu'on peut faire fausse route. »
Et qui a le
souci de toujours garder son équipe au fait de l’enquête :
« Le bout de papier rouge à la typo ensanglantée
était maintenant l'objet de toutes les attentions. Francis s'était invité dans
la salle de réunion et Lazlo les avait rejoints peu de temps après. Il ne
manquait que Lucas. Martin lui avait envoyé la photo avec une courte
explication pour qu'il puisse y réfléchir à ses heures perdues, mais avant tout
pour qu'il ne se sente pas déconnecté de l'enquête. »
Comme dans grand nombre de polars, Martin
Vaas cache aussi un passé familial qui interfère dans son quotidien.
La petite équipe d’enquêteurs est composée du
brigadier-chef Lucas Morgon, fidèle adjoint de Vass, de la brigadière Chloé
Pellegrino qui se spécialise en études comportementales. Ele a été intégrée il
y a à peine un an sous le mentorat du brigadier Francis Ducamp à deux ans de la
retraite. Pellegrino et Ducamp ont aussi leurs jardins secrets.
La brigade est complétée par l’invasif
commandant divisionnaire Lazlosevic (Lazlo) de l’Unité d’analyse criminelle et
d’analyse comportementale des affaires complexes (UTAC3), imposé par le juge d’instruction
Vendôme afin de soutenir le groupe de Martin Vaas dans ses investigations.
Sans oublier la complicité du Dr Ferroni
légiste de l’Institut médico-légal (IML).
Et évidemment l’assassin dont le mode
opératoire est des plus déroutant :
« ... on a une personne qui prend son temps.
Qui joue avec nos nerfs en établissant un planning qu'elle est seule à
connaître. Elle dispose les corps bien en vue et prend d'ailleurs beaucoup de
risques pour le faire. Autant dire qu'elle se joue de nous. Comme ça, je dirais
qu'elle prend autant de plaisir à exécuter le rituel qu'à nous narguer. »
Des meurtres non résolus depuis 20 ans, des morts
à cause d’une histoire d’amour, des références aux tragédies grecques et à la
saga tragique de Tristan et Iseult, la mystérieuse inscription « gagné »...
sont autant d’éléments qui, combinés à de nombreuses pistes brouillées font de cette
énigme un polar complexe dont il est impossible de perdre le fil grâce à la clarté
de l'écriture et à la fluidité du récit.
Une des forces de ce récit est d’amener le
lecteur à participer au débreffage après cueillette de données sur le terrain, de
rencontres de témoins et d’interrogatoires de suspects. À tenter de mettre à
leur place les pièces d’un puzzle dont l’image ne cesse d’évoluer de jour en
jour.
Sandrine Destombes a pris soin d’intégrer des
touches d'humour pour alléger l’atmosphère glauque de cette enquête. Par
exemple, j’ai rigolé à la lecture de ce passage décrivant une technique
policière ayant pour but d’étirer le temps avant l’arrivée des enquêteurs en
salle d’interrogatoire d’un suspect :
« Une fois arrivée au commissariat, [...]
avait décliné son identité et répondu patiemment à des questions portant sur
ses activités quotidiennes, ses fréquentations et son emploi du temps des
dernières semaines. Le policier en charge de prendre sa déposition avait tapé
les réponses sur son clavier avec deux doigts comme l'aurait fait un enfant de
cinq ans. La situation aurait pu porter à rire si elle n'avait pas été pour une
fois entièrement orchestrée. L'officier de police judiciaire de Gap avait été
briefé. Il lui avait été demandé de jouer la montre au maximum. Le juge Vendôme
souhaitait que la garde à vue de [...] lui soit signifiée le plus tard possible
afin que les équipes de la 3e DPJ disposent d'un temps suffisamment
long pour l'interroger. »
J’ai beaucoup aimé Les disparus de la Durance pour la qualité d’écriture et la
description dans ses moindres détails de la recherche pas à pas de la vérité à
Paris et dans le sud de la France.
Quant à la finale, elle pourrait très
certainement déboucher sur une suite : deux événements impliquant Martin
Vass à Lyon et Francis Ducamp à Kyoto pourraient en être l’amorce.
Merci aux éditions Hugo Thriller pour le
service de presse.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : *****
Intrigue : *****
Psychologie des
personnages : *****
Intérêt/Émotion
ressentie : *****
Appréciation générale
: *****
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