Domaine Lilium (Michael Blum)


Michael Blum. – Domaine Lilium. – Montréal : Héliotrope, 2023. – 242 pages.

 


Polar

 

 


Résumé :

 

Dan Katz, historien de l’architecture montréalais, se rend à Drancy pour étudier la Cité de la Muette, qui fut tour à tour habitat social moderne, camp d’internement sous l’occupation nazie, caserne de gendarmes puis HLM. Lorsqu’il découvre que ses grands-parents y ont été enfermés et torturés avant d’être envoyés à Auschwitz, ses recherches prennent un tour sombre, autrement plus personnel.

 

Car si Henri Cannac, le gardien responsable des sévices, est décédé depuis longtemps, son petit-fils, candidat du Parti de la France, a hérité de ses opinions politiques, à l’extrême droite du spectre. Katz, s’improvisant espion et justicier, se met en tête de le traquer et de lui faire payer les crimes de son aïeul. À mesure qu’il s’en approche, Katz met au jour les plans du politicien, bien plus funestes qu’il ne l’aurait cru, et qui semblent impliquer des intérêts fonciers au Québec. Katz s’enfonce alors dans une quête dangereuse qui le mènera de la Bretagne à la Gaspésie.

 

 

Commentaires :

 

Originale cette première œuvre romanesque de Michael Blum, artiste et professeur à l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) qui s’intéresse aux représentations contemporaines de la mémoire. Un roman qui devient peu à peu noir jusqu’au 17e chapitre d’un récit à la fois pédagogique et divertissant. Un peu « tiré par les cheveux », particulièrement dans sa portion québécoise. Mais bon ! Une excellente fiction n’est-elle pas le fruit de l’imaginaire débridé d’un auteur. Heureusement que ce « fruit » n’a jamais été envisagé comme option plutôt ironique pour l’avenir politique du Québec. Pour « prendre leur revanche sur 1759 » : les « plaines d’Abraham, Wolfe et Montcalm, la défaite française face aux Anglais, ou le début de la fin pour les francophones d’Amérique. » Je n’en dis pas plus.

 

Cet ouvrage est intéressant en ce qu’il nous renseigne sur la Cité de la Muette à Drancy, commune française de la Métropole du Grand Paris. Domaine Lilium m’a appris que ce projet moderniste a été construit en 1932 sur un terrain (Wikipédia parle d’un lieu-dit « la muette », toponyme qui serait une déformation du mot « meute » et qui viendrait de la présence ancienne d’un chenil à cet endroit). Elle fut le premier exemple de HLM en Île-de-France. Encore inachevé, l’un des bâtiments en forme d’U fut réquisitionné pendant la Seconde Guerre mondiale et transformé en septembre 1939 en camp de prisonniers, puis en camp d'internement pour les Juifs à partir d'août 1941 et de nouveau en camp de prisonniers pour les collaborateurs à la fin de la guerre.

Michael Blum en a fait le déclencheur de cette histoire trouble qui nous fait voyager de Montréal à Bat Yam, ville israélienne du district de Tel-Aviv, à Paris et… à Murdochville.

 

Avec une écriture cinématographique ponctuée de touches d’humour, d’observations historiques et architecturales et de considérations sociologiques, Michael Blum nous entraîne progressivement vers la raison d’être du scénario de projet idéologique qu’il a imaginé. Il coince son personnage principal, digne universitaire assoiffé de vengeance personnelle, dans un engrenage terrifiant dont les rêves sont en partie prémonitoires. Y compris le tout dernier qui plonge le lecteur dans l’expectative.

 

Ce roman brille également par son actualité alors qu’il est de plus en plus question d’ingérence extérieure dans les affaires de l’État, d’espionnage et d’interventions militaires orchestrés par des services de renseignements, de transfuges politiques prêts à sacrifier leurs rêves politiques sur l’autel d’un délire orchestré pour un retour 400 ans en arrière, de questions environnementales et d’activités écoanarchistes, sans oublier la montée des mouvements, des organisations et les partis politiques d’extrême droite.

 

Avouez que ça vous donne le goût de vous précipiter chez votre libraire ! Un roman original et étonnant qui enrichit la collection Héliotrope Noir en ajoutant la Gaspésie à sa carte inédite du territoire québécois « dans laquelle le crime se fait arpenteur-géomètre ».

 

Merci aux éditions Héliotrope pour le service de presse.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  ****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****