L’automne du commissaire Ricciardi (Maurizio De Giovanni)

Maurizio De Giovanni. L’automne du commissaire Ricciardi. – Paris : Rivages/Noir, 2019. – 412 pages.

 


Polar

 

 


Résumé :

 

Le cadavre d'un gamin des rues, qui avait été accueilli dans un foyer catholique où règnent les mauvais traitements, est retrouvé dans les rues de Naples, la semaine qui précède le jour des morts. L'enfant a été empoisonné à la mort aux rats. Alors que la ville s'apprête à recevoir Mussolini, le commissaire Ricciardi et son adjoint Maione se battent pour que l'affaire ne soit pas classée.

 

Commentaires :

 

Après avoir lu et grandement apprécié L’hiver du commissaire Ricciardi et faute de disponibilité au Québec du Printemps… et de L’été…, je me suis plongé tout de même dans cette enquête automnale qui clôt le cycle des saisons imaginé par Maurizio De Giovanni. Et j’y ai retrouvé un autre polar historique intelligent alliant violence, poésie et émotion.

 

Par son style direct et son talent de description des lieux, des événements, du contexte historique et de l’éventail des personnages qu’il introduit au gré du récit, l’auteur nous transporte dans une Naples dont les autorités souhaitent s’enorgueillir de présenter une ville de l’État fasciste mussolinien, débarrassée de la criminalité et des tensions sociales à la veille de la visite du Duce.

 

C’est dans ce contexte que se déroule à raison l’enquête non souhaitée par ses patrons du commissaire Ricciardi sur la mort d’un gamin orphelin dont l’autopsie a conclu à une mort accidentelle. Avec l'assistance de son fidèle brigadier Maione. À la fin du mois d’octobre 1931, pluvieux, humide, brumeux à souhait. Une météo idéale pour y camper cette quête nébuleuse de la vérité qui profitera de l’éclairci du jour des Morts pour trouver, en chute finale, sa résolution en pleine histoire d’amour platonique qu’entretient le policier avec sa voisine d’en face et confronté à l’intérêt que lui porte Livia Lucani, veuve Vezzi, dont l’assassinat du mari a fait l’objet d’une enquête une des saisons précédentes.

 

Dans ce quatrième opus, Maurizio De Giovanni nous fait découvrir de nouveaux aspects de la personnalité de son héros qui a le don de revoir et d’entendre les dernières paroles de certaines personnes décédées dans différents quartiers de la ville. Une cité italienne des années 1930 « … dans laquelle la misère la plus noire s’étend au pied des riches hôtels particuliers, où l’Église encore toute puissante s’allie à la vieille noblesse et à la bourgeoisie dans d’hypocrites actions de charité qui dissimulent mal leur mépris des plus pauvres. Une ville qui semble dévorer ses enfants. » (Encore du noir, sept. 2015).

 

Il faut également souligner le talent de l’auteur pour nous imprégner de l’ambiance sombre dans laquelle il fait évoluer ses personnages :

 

·        l’eau qui ne lave pas, qui sépare, qui dérobe, qui fait peur et qui ne s’arrête jamais (pp. 81-82) en référence aux ondées quotidiennes qui inondent la ville ;

·        le premier matin de froid qui a une saveur et une couleur, qui « arrive en changeant le goût de la pluie, qui sentait un peu la mer et qui, maintenant, sent la glace », où « on s’habille au lit », où les « mères sortent les mitaines qui permettront aux doigts engourdis d’écrire », où « les poêles marchent à plein régime » et que même si on s’y est préparé, arriveront « sans qu’on s’y attende et [cueilleront] par surprise les anciens avec de nouvelles douleurs et la certitude qu’ils vont vivre leur dernier hiver » (pp. 167-169) ;

·        le dimanche sous la pluie qui « te met dans une situation que tu n’attendais pas, que tu n’avais pas souhaitée », qui « ferme les portes », qui « te fait désirer autre chose que tu as », qui « a ses armes », qui « est rempli de pleurs », qui « fait de biens étranges cadeaux », qui « limite les possibilités », qui « a ses invités » et qui « glisse tout de même quelques espoirs au sein des pires solitudes » (pp. 334-337).

 

Et le coloré tableau de l’heure du dîner (souper au Québec) au restaurant Gambrinus où Ricciardi y a sa table : les clients, les serveurs et les barmen, les odeurs, les sons, l’air limpide… (pp. 328-330).

 

Une lecture que vous savourerez de la première à la dernière page et n’ayez crainte, sans posséder une connaissance même minimale de l’histoire italienne de l’entre-deux guerres.

 

Au moment de rédiger cet avis, je viens de repérer sur Internet un exemplaire de L’été du commissaire Ricciardi. Bien hâte de le dévorer.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****