Johanne Seymour. – Fracture. – Montréal : Libre Expression, 2024. – 302 pages.
Roman noir
Résumé :
Dans le quartier populaire de Pointe-aux-Trembles,
Samuel, Steve et Patrick, des amis d'enfance apparemment sans histoire, cachent
un terrible secret. Quand une enquête est rouverte sur l'accident dont l'un
d'eux a été victime huit ans plus tôt, le fragile équilibre sur lequel ils ont
construit leurs vies s'écroule.
Fracture est le récit de la spirale
destructrice dans laquelle ces hommes sont entraînés depuis des décennies.
Commentaires :
La note en page liminaire du 10e
roman de Johanne Seymour peut, à première vue, être déstabilisante :
« La littérature doit émouvoir, éduquer,
confronter, divertir, bousculer, choquer, amuser et parfois même, par sa
fonction de catharsis, guérir des blessures ou éclairer la route de la
guérison. La littérature ne sera cependant jamais un safe space.
Si vous êtes un
lecteur sensible, si plonger aveuglément dans l'aventure d'un récit recèle des
dangers pour vous, ce livre ne s'adresse pas à vous. »
Elle ne devrait pas vous éviter d’acquérir ou
d’emprunter et de lire cette histoire sombre qui traite de « masculinité, d’amitié et de la difficulté qu’ont les hommes à parler de
leurs émotions ». Sur une réalité sociale taboue peu abordée dans le corpus
romanesque québécois.
Dès les premiers chapitres, l’auteure nous précipite
dans les traumatismes psychologiques d’un trio d’amis d’enfance à l’époque âgés
de 12 ans qui, une fois devenus adultes – Samuel, un enseignant, Steve, un
mécanicien automobile, et Patrick, un entrepreneur en construction –, mariés et
pères de famille, partagent deux secrets, rongés par la honte et la
culpabilité. Victimes de dépression, de dépendance et trouble post-traumatique.
Je n’en dis pas plus.
La structure du roman au scénario quasi
cauchemardesque repose sur une alternance de courts chapitres associés à chacun
des différents protagonistes – les trois couples : Samuel et Florence,
Steve et Nancy, Patrick et Nicole ; les enquêteurs : Tran et Jasmin –. Ils
contribuent à alimenter progressivement l’intensité dramatique du récit et à
étaler les dommages collatéraux qui en découlent. Le tout est ponctué par des
extraits d’entrevues en salle d’interrogatoire enclenchées à la suite de la
réouverture du dossier d’une affaire non résolue en 2018, six ans plus tôt, un
accident de la route au cours duquel un homme, Gilbert Delarue, a perdu la vie.
Ce qui en fait un tourne-page troublant que devraient lire les hommes.
Johanne Seymour qui qualifie son roman « à la frontière du roman noir, du roman
policier et de la littérature générale » met en scène des personnages
déchirés. Son style efficace lui permet de développer de chapitre en chapitre
leur profil psychologique et leur évolution jusqu’à la révélation de la
vérité... ou d’une certaine vérité.
J’ai découvert assez rapidement l’objet de l’intrigue.
Je suis resté un peu sur ma faim avec la clôture de l’enquête et la fermeture
du dossier – comme l’est la sergente-détective Tran – ainsi qu’avec la
révélation que fait Samuel à son psychologue qui reste en plan.
En terminant, voici quelques extraits qui
traduisent bien l’ambiance qui se dégage de ce roman que je vous recommande :
« Éphémère comme le parfum fugace des lilas au
printemps ou fragile comme une vieille porcelaine anglaise dont le vernis a
craqué avec les années, le bonheur [...] survivait rarement au cycle des saisons. »
« Le lieu, sommairement décoré, était aussi
vide que son cœur. »
« Il ne fut soulagé que lorsque la nausée le
fit régurgiter la noirceur qui pourrissait en lui. »
« Son cri de désespoir résonna [...]. Pendant une seconde, qui dura une éternité,
il emplit l’espace, bouffant tout l’oxygène, rendant l’air irrespirable. Puis
des mots, comme des gémissements à crever le cœur, sortirent de [sa] bouche... »
« Il avait, accroché à sa jambe, un garçon de
cinq ans qui donnait un sens au mot ‘’turbulent’’. »
« Impuissant comme un animal qu’on mène à l’abattoir. »
« Si ce n’était le bruit de l’air soufflé dans
les conduits de climatisation, le silence dans la salle d’interrogatoire aurait
été à couper le souffle. »
* * * * *
Johanne Seymour est comédienne, scénariste, metteure en scène, réalisatrice et romancière. Elle a publié son premier roman en 2005, Le Cri du cerf, scénarisé et adapté en minisérie télévisée en 2016 par l’auteure, met en vedette Kate McDougall, sa détective fétiche. Cette première enquête et les quatre autres qui ont suivi ont été, tour à tour, finalistes au Prix de la relève Archambault, au Grand Prix Archambault, au prix Saint-Pacôme ainsi qu'au prix Arthur Ellis.
Elle a aussi écrit Wildwood, un roman d'apprentissage sur fond noir ainsi que Rinzen et l'homme perdu, finaliste au
prix Arthur Ellis 2017 du meilleur roman policier de langue française. Rinzen, la beauté intérieure, le
deuxième opus de la série Gyatso, paru à l'automne 2018, a été finaliste au
prix Arthur Ellis 2019 du meilleur roman policier de langue française ainsi
qu'au prix Saint-Pacôme 2019 du meilleur roman policier.
Johanne Seymour est également la fondatrice
du festival international de littérature policière Les Printemps meurtriers de Knowlton qui s’est déroulé de 2012 à 2016.
Merci aux Éditions Libre Expression pour le
service de presse.
Au Québec, vous pouvez commander votre
exemplaire sur le site leslibraires.ca
et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : *****
Intrigue : ****
Psychologie des
personnages : *****
Intérêt/Émotion
ressentie : *****
Appréciation générale
: ****
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire