Jean-Philippe Bernié. – Tu ne mentiras point. – Montréal : Glénat, 2024. – 199 pages.
Roman
Résumé :
Niché au beau milieu des lacs et des forêts
au nord d’Ottawa, le Collège Saint-Jacques forme depuis plus d’un siècle les
futurs ambassadeurs, les hauts fonctionnaires, voire des ministres et même
quelques premiers ministres. La réputation de cette vénérable institution est
immaculée et l’intégrer est un parcours du combattant.
Rien ne préparait Claire Lanriel,
nouvellement embauchée au poste de responsable des relations gouvernementales
et des affaires publiques, à ce qu’elle allait progressivement y découvrir :
derrière les hauts murs couverts de lierre se cachent un réseau de mensonges,
de trahisons et une escroquerie gigantesque.
Déterminée à mener l’enquête jusqu’au bout
pour faire éclater la vérité, Claire se rendra vite compte que certains sont
prêts à tout pour protéger leur réputation et leur pouvoir…
Mais la vérité mérite-t-elle que l’on mette
sa propre vie en jeu ?
Commentaires :
J’avais découvert Jean-Philippe Bernié avec « La
punition », paru en 2023 que j’avais bien aimé. « Tu ne mentiras point » est le
quatrième roman qui s’inscrit dans la
série consacrée à Claire Lanriel amorcée en 2012 :
·
Quand j'en
aurai fini avec toi (2012) : froide,
belle, redoutable et sans scrupules, Claire Lanriel brigue le poste de directrice
du département des Matériaux à l’Université Richelieu et elle est prête à tout
pour y parvenir. Or, une lettre anonyme l'accusant d'avoir commis, des années
auparavant, une grave faute professionnelle menace de la mettre à genoux.
·
J'attendrai
le temps qu'il faudra (2013) : Deux
ans après son départ précipité de l’Université Richelieu Claire Lanriel prépare
un retour à Montréal dans une école polytechnique pour retrouver son poste de
professeur et le pouvoir qui va avec. Entre
ambitions personnelles et conflits d’intérêts, chercheurs et industrie privée,
un féroce jeu d’influences s’engage.
·
Un
dernier baiser avant de te tuer (2018) : retour sur l’enfance de Claire
Lanriel qui dévoile le traumatisme fondateur de son caractère qui, dans un
contexte de mésentente entre ses parents,
conçoit un plan dans le but d'éloigner une amie de jeunesse de la mère qui s'en
prend à et sur son jeune frère en l'envoyant à l'hôpital sans envisager les conséquences
de son geste.
La chute du premier chapitre de « Tu ne mentiras point » qui fait
référence au huitième Commandement du Dieu des chrétiens catholiques donne le
ton du scénario : « Reste à
savoir si madame Lanriel mordra à notre hameçon ». S’ensuit un récit cohérent
mis en scène dans les coulisses du pouvoir dans une école de haut niveau qui
permet au lecteur de découvrir les tenants et aboutissants d’une fraude « sans doute extrêmement simple », « on a fait ce qu’il fallait faire » qui
oppose une brochette de personnages bien campés.
D’abord l’équipe professorale du collège
Saint-Jacques :
·
Louis
Paradis, son directeur, et sa femme Denise, qui avaient « uni leurs forces » pour pousser à
la retraite l’ancien directeur ;
·
Gaston
Banville (Banban), directeur des études et professeur de sciences de la nature,
qui « travaillait à Saint-Jacques
depuis toujours » ; un « homme
affable, avec des cheveux en brosse, des lunettes de travers et une pipe
éteinte au coin de la bouche »;
·
Nadia
Normand, intendante surnommée « madame
RMV » (reviens me voir) ;
·
Gaétan
Boulerice, professeur de sciences et de mathématiques, « jeune loup ambitieux » ;
·
les
Gagnon-Gagné, respectivement professeures de français et d’anglais, « toutes deux d’un âge indéterminé »,
que Claire Lanriel peine à distinguer ;
·
Éric
Legaut, professeur d’éducation physique au « physique de l’emploi ».
Ensuite les trois protagonistes en quête de
vérité pour des raisons qui leur sont personnelles :
·
Claire
Lanriel, nouvellement responsable des relations gouvernementales et des
affaires publiques qui vise le poste de directrice du collège, recommandée par
un ancien élève, Patrice Desjardins, avec qui elle a déjà travaillé ; « successeure ? sucesseuse ? » de Malvina
Lanteigne, sa « prédécesseure ? »,
« prédécesseuse ? », « prédécétrice ? » « prédécessrice ? » (à la recherche d’un
titre féminisé) qui était responsable de l’admission au collège et qui a quitté,
pour des raisons de santé ;
·
Laurent,
élève de première année aux capacités moyennes, impliqué bien malgré lui au cœur
du réseau de mensonges qui frappe le collège, « avec ses yeux verts, son visage de dieu et sa belle voix, mais il y
avait autre chose - quelque chose dans son regard, quelque chose dans la façon
dont il plissait les yeux quand il souriait, et même dans la façon dont il
tordait légèrement la lèvre inférieure quand il était contrarié ou hésitant, quelque
chose qui émanait de lui, comme une lumière » ;
·
Louis-Philippe,
brillant élève de première année, qui, à la suite d’un « des beaux sourires » que lui
adresse Laurent le jour de la rentrée « fait naître des papillons dans l’estomac de ce dernier » et meurt
« d’envie de se réchauffer auprès de
lui. Le plus près possible. Quitte à se brûler » (d’où la pertinence
de l’illustration de la couverture de première) ; mais qui n’ose dévoiler ses
sentiments, de peur de se voir rejeté.
Et quelques personnages secondaires, dont :
·
Mélissa,
petite amie de Laurent ;
·
Kayla,
autochtone du nord de l’Ontario, dont la jeune sœur qui souffre d’une leucémie doit
quitter l’hôpital à la demande de sa mère ; celle-ci l’envoie en Floride pour
suivre des traitements de médecine ancestrale et décide de quitter le collège
pour être près d’elle ;
·
Félix
Arsenault, président de l’association des élèves, « un peu gras, avec des cheveux trop longs et un air trop déterminé »
;
·
Irvin,
ministre de la Justice du gouvernement fédéral, diplômé de Saint-Jacques.
Je n’en dirai pas davantage sur l’intrigue
qui maintient notre intérêt jusqu’en finale. Alors que la vérité se met à
circuler sous forme d’une « image truquée
», sans grands remous, faisant « aussi
peu de bulles qu’une bière éventée ». Jusqu’à ce que le scandale
éclate comme une explosion en chaîne.
L’écriture efficace et sans fioritures de
Jean-Philippe Bernié sert bien l’obscur complot que découvre Claire Lanriel avec
la complicité de Louis-Philippe et de Laurent au péril de sa vie : « On l’avait manipulée ; on lui avait menti ;
on l’avait trompée. Cela méritait vengeance ». Embauchée pour prendre
les coups, elle allait devenir la « porte-parole
de Saint-Jacques au cas où le scandale éclaterait. Faire face aux questions,
aux journalistes, à la meute hurlante, recevoir tout dans la figure. Et
probablement, ensuite, être virée, victime expiatoire jetée en pâture à
l'opinion publique ».
Au passage, Jean-Philippe Bernié utilise le
personnage de Kayla pour exprimer un plaidoyer pour la défense des droits des Autochtones :
« Si on commence à dire que les normes des
Blancs doivent être imposées aux peuples autochtones dans tel ou tel domaine,
au nom de bonnes intentions, [...] où
cela s'arrêtera-t-il ? La médecine traditionnelle autochtone existait avant les
Blancs. C'est un droit traditionnel, inaliénable. Raboter ce droit, c'est
ouvrir la porte à l'attaque de tous les autres. »
« Le conflit entre la protection des droits de
l'enfant et la protection des droits ancestraux des peuples autochtones est
bien défini. Le juge s'est basé, entre autres, sur une décision prise en
Colombie-Britannique et qui accordait à une nation autochtone le droit de pêcher
le saumon malgré l'interdiction de pêche décidée par le gouvernement
provincial. Les Autochtones pêchant déjà le saumon dans cette rivière avant
l'arrivée des Blancs, cela constituait un droit ancestral acquis que la loi des
Blancs ne pouvait concerner ou restreindre. Dans notre affaire, le juge a
décidé que, compte tenu de cette jurisprudence, puisque la médecine autochtone
existait elle aussi préalablement à l'arrivée des Blancs, elle constituait de
la même manière un droit ancestral que nos lois ne pouvaient éroder. »
Une affirmation qui m’a laissé perplexe :
« ...
à Ottawa, sortir une pipe, même éteinte,
constituait probablement un crime abominable. Ottawa, c’était comme Toronto, en
pire. »
* * * * *
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Originalité/Choix du sujet : ****
Qualité littéraire : ****
Intrigue : ****
Psychologie des
personnages : *****
Intérêt/Émotion
ressentie : ****
Appréciation générale : ****
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