Joël Dicker. – Un animal sauvage. – Genève : Rosie & Wolfe, 2024. – 398 pages.
Thriller
Résumé :
2
juillet 2022, deux malfaiteurs sont sur le point de dévaliser une grande
bijouterie de Genève. Mais ce braquage est loin d'être un banal fait divers...
Vingt
jours plus tôt, dans une banlieue cossue des rives du lac Léman, Sophie Braun
s'apprête à fêter ses quarante ans. La vie lui sourit. Elle habite avec sa
famille dans une magnifique villa bordée par la forêt. Mais son monde idyllique
commence à vaciller.
Son
mari est empêtré dans ses petits arrangements.
Son
voisin, un policier pourtant réputé irréprochable, est fasciné par elle jusqu'à
l'obsession et l'épie dans sa vie la plus intime.
Et
un mystérieux rôdeur lui offre, le jour de son anniversaire, un cadeau qui va
la bouleverser.
Commentaires :
Si on accepte de jouer le jeu et de se faire
manipuler habilement par un auteur et de se laisser entraîner dans une histoire
inventée somme toute efficace écrite simplement, dans un style abordable grand
public, on ressort pleinement satisfait de la lecture en rafale d’« Un animal sauvage ». L’action du septième
roman au titre intrigant et à la couverture de première bien choisie par Joël Dicker qui
dirige sa propre maison d’édition s’inscrit dans ce qui marque l’imaginaire
lorsqu’on pense à la Suisse : les activités bancaires et la précision
horlogère dans la mesure du temps.
Avec la minutie d’un orfèvre, l’auteur
genevois a choisi sa ville natale et sa banlieue avec quelques escapades en France
et en Italie pour tisser de chapitre en chapitre une trame qui, au premier
abord, semble complexe.
Le suspense est progressivement entretenu sous
forme de compte à rebours parsemé d’indices alors que chacun des morceaux du puzzle
s’imbrique, les pièces maîtresses révélant l’ensemble du portrait n’étant
dévoilées qu’en finale après moult rebondissements.
Le tout chronométré à la minute près, à la
manière d’un horloger, jour après jour, avec quelques séquences interrompant le
fil chronologique (Draguignan 2006, Toscane 1912 et 2007, Saint-Tropez 2007, Menton
2007, Paris 2009, Genève 2012, 2015 et 2021) et présentant une action
antérieure qui permettent d’expliquer certains aspects de l’histoire. Comme l’illustre
bien la structure organique du scénario dans lequel Joël Dicker jongle
avec le passé, le présent et le futur :
Prologue : Le
jour du braquage, 2 juillet 2022, 9 h 30.
Première partie :
Les jours qui précédèrent son anniversaire, soit de 20 à 12 jours avant le
braquage, du 12 au 20 juin 2022.
Deuxième partie :
Les jours qui précèdent la découverte de Greg, soit de 11 à 6 jours avant le
braquage, 21 au 26 juin 2022.
Troisième partie :
Les jours qui précèdent le braquage, soit 5 jours jusqu’au jour du braquage du
27 juin au 2 juillet 2022.
Le
tout ponctué d’insertion de brefs récits du déroulement du braquage de 9 h 30 à
9 h 37), des événements à 2 heures 45, 2 heures 15, 2 heures avant et au début
du braquage et quatre mois après le braquage en novembre 2022.
Épilogue :
Un an et demi après le braquage, 31
décembre 2023.
Un des personnages, Arpad Braun qui « fait semblant d’aller travailler. Il passe
ses journées à errer dans les rues, les parcs, les cafés », n’est pas
sans rappeler Jean-Claude Romand décrit dans L’adversaire
d’Emmanuel Carrère.
Joël Dicker fait également un clin d’œil
littéraire en faisant référence à un roman imaginaire italien rarissime du
début du XXe siècle écrit par un auteur tout aussi fictif, « Animaux
Sauvages de Carlo Viscontini. Animali
Selvaggi dans sa version originale » auquel
il consacre un chapitre en reproduisant un extrait de son cru : l’histoire d’un
Toscan, Luchino Alani di Madura et de sa panthère, une invention inspirée du film
Le Guépard (Il
Gattopardo) réalisé par Luchino Visconti, une adaptation du roman de Giuseppe
Tomasi di Lampedusa.
« Arpad passa la matinée à chercher le livre.
Il fit le tour des librairies de la ville. Petites librairies de quartier,
grandes enseignes, bouquinistes. Sans succès. Il fit également étape à la
grande bibliothèque centrale ainsi qu'à la bibliothèque universitaire de la
faculté de lettres. En vain. Il eut soudain l'idée de se rendre dans un magasin
de livres anciens. Il en connaissait un dans la vieille-ville, qui vendait des
éditions originales, des ouvrages rares et des cartes d'époque. Il le trouva
là-bas. ‘’ Une édition unique, reliée en cuir véritable et dorée sur tranche ‘’,
expliqua le libraire pour justifier le prix. »
« Le livre de Viscontini était effectivement
introuvable, mais après de longues recherches, [Greg] parvint finalement à dénicher une copie numérisée sur le site Internet
d'une bibliothèque universitaire au Québec. »
En révisant mes notes de lecture pour
préparer cet avis de lecture, j’ai relu cet extrait décrivant le déroulement
anticipé du braquage qui illustre à quel point l’auteur réussit à nous mener en
bateau :
« Toi, tu vas passer par la porte principale
du magasin. Comme si tu étais un client. Tu vas rapporter la bague que tu as
achetée pour Sophie en prétextant un défaut. Là, tu feras diversion en
t'arrangeant pour faire tomber la bague sans que le vendeur le remarque. Il va
juste se rendre compte que le bijou a disparu, il va paniquer et il va alerter
la sécurité. Pendant que tout le monde sera occupé à retrouver la bague, moi,
je ferai irruption par l'arrière pour faire main basse sur les bijoux gardés
dans l'arrière-boutique. C'est là que se trouvent les plus belles pièces. Si
tout se passe bien, personne ne remarquera rien. Tout ce que tu as a faire,
c'est garder tout ce petit monde occupé pendant sept minutes. Après ça, chacun
se tire de son côté et on se retrouve plus tard. À cette heure-là, un samedi
matin d'été, il y aura déjà beaucoup de monde dans les rues. Et ça, c'est idéal
pour notre fuite. On pourra se fondre facilement dans la masse. »
J’y ai découvert l’existence d’un moyen de
paiement utilisé en Suisse propice à anonymiser certaines transactions financières
:
« Créé dans les années 1900 par la puissante
banque postale suisse, le bulletin de versement était alors un coupon de
paiement qui permettait de verser de l'argent à un particulier ou à une
entreprise, en Suisse. N'apparaissait sur ce document que l'identité du
bénéficiaire, celle du payeur n'étant pas indispensable pour procéder au
versement. Il suffisait de se présenter à un guichet de poste avec le coupon et
la somme correspondante en espèces, et la transaction était effectuée sans
qu'aucune question ne fût posée. Hormis la destination finale de l'argent, son
flux était impossible à tracer. »
J’ai aussi noté au passage cette réflexion :
« …
les animaux sauvages sont comme les
hommes. On peut les amadouer, les grimper, les déguiser. On peut les nourrir d’amour
et d’espoir. Mais on ne peut pas changer leur nature. »
Je me suis laissé happer par ce tourne-page
divertissant, mêlant double vie, « jalousie,
voyeurisme et banditisme », qui lève progressivement le voile sur les
secrets des différents protagonistes et la réalité masquée derrière certains
trompe-l’oeil, divulguant les secrets des uns et des autres. J’ai savouré ce
thriller jusqu’à la dernière ligne.
Quoiqu’en disent certaines lectrices et certains
lecteurs, « Un animal sauvage »
est un des très bons romans de Joël Dicker après « La
vérité sur l'affaire Harry Quebert »
que j’avais beaucoup aimé l’ayant lu bien avant la création de ce blogue
littéraire. Lui qui affirme qu'il n’élabore pas de plan de rédaction, « qu'il écrit ses romans sans connaître la fin
par avance, découvrant l'histoire en même temps qu'il l'écrit ».
Joël Dicker parle de littérature et d’« Un animal sauvage » dans une intéressante entrevue vidéo disponible sur YouTube.
Au Québec, vous pouvez commander votre
exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès
de votre librairie indépendante.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : ****
Intrigue : *****
Psychologie des
personnages : ****
Intérêt/Émotion
ressentie : *****
Appréciation générale
: ****
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire