Pellejoro/Torrents/Pardo/Lapière/Jakupi. – Barcelona. Âme noire. – Marcinelle : Dupuis, 2024. – 144 pages.
Bande dessinée/Thriller
Résumé :
Après le brutal décès de sa mère pendant un bombardement
lors de la guerre d'Espagne, le jeune Carlitos devient le protégé de don
Alejandro, riche ami de la famille dont la fille, Paula, est précieuse à son
cœur... Alors que Barcelone étouffe dans l'étau de la dictature franquiste
ainsi que dans la crainte d'un mystérieux tueur en série, Carlitos va faire de
la contrebande de produits interdits avec la France. Ainsi va démarrer une incroyable
carrière qui fera du jeune orphelin don Carlos, industriel en vue mais aussi
roi de la pègre barcelonaise, maître de la drogue et de la prostitution...
Commentaires :
Si vous recherchez des bandes dessinées aux scénarios
étoffés et bien ficelés, dont l’action se passe dans un contexte historique,
aux personnages masculins et féminins bien campés, vous aimerez « Barcelona, âme noire ». Moi qui ai
séjourné à plus de 10 reprises dans la capitale catalane, j’y ai découvert le
passé secret d’une ville prise en otage bien malgré elle par le régime
franquiste. Y défile son lot de corruption, de prostitution, de policiers magouilleurs
ou qui ont droit de vie ou de mort sur les citoyens, de répression des
résistants, de contrebande, de milieux interlopes et mafieux. Une cité où tout
est permis. Mais aussi où, entre autres, il faut se cacher pour écouter le jazz
de Duke Ellington, Django Reinhardt et Benny Goodman.
Côté graphique, la réalisation quasi cinématographique des planches est remarquable. Le récit s’ouvre sur deux magnifiques cases pleine page ayant pour cadre l’Estaciό Francia en 1948 et en 1975 :
Les nombreux gros plans nous rapprochent de l’action.
Les différents personnages évoluent dans des décors aux couleurs chaudes
intérieures, froides (scènes de nuit) et rougeâtres accentuant l’effet dramatique.
Les jeux d’ombre et de lumière contribuent au réalisme de l’ensemble de l’oeuvre.
Seules les couleurs de la couverture de première tranchent avec celles du
récit.
La précision du dessin nous permet, entre
autres, de suivre l’évolution physique du personnage principal, Carlitos
(Carlos) Moreno, de son enfance, sa montée et sa déchéance en tant que mafioso
barcelonais.
L’ambiance du cabaret, de l’épicerie, des
lieux de découverte des assassinats, du bureau où se réunissent les malfrats, des
scènes de rues de jour comme de nuit sont autant d’ingrédients réunis pour nous
faire habiter l’environnement glauque de ce roman graphique. Les scènes de
cabaret m’ont rappelé celles du deuxième épisode de la télésérie Babylone
Berlin.
Les auteurs nous entraînent à Portbou,
Banyuls-sur-Mer, Perpignan, Collioure, Sitges ainsi que dans dans les quartiers
barcelonais de L’Hospitalet, de Sants, de Sarrià, de Gràcia, de San Andrès de
Palomar jusqu’à la Platja D’Aro, au nord de la ville. Même au cimetière de
Montjuíc.
En l’absence d’un narrateur personnage ou
omniscient, la relation écrite fait appel uniquement à des dialogues simples et
efficaces. Ce qui rend l’ouvrage accessible à tout type de lecteur.
Des recherches sur Internet m’ont appris qu’à
l’origine, « Barcelona, âme noire »
devait être une grande saga en six tomes sur l’histoire de Barcelona dans une
Espagne dominée par Franco. Condensé en un album unique, les scénaristes ont
recentré l’intrigue sur le personnage de Carlitos étalé sur 140 pages du début
des années 1940 à1975. Ce qui explique qu’à quelques reprises, j’ai eu un peu
de mal à suivre certains enchaînements d’une planche à l’autre, occasionnellement
d’une case à l’autre.
Au final, j’ai bien aimé cette incursion
virtuelle au cœur de la capitale catalane. J’ai plongé en quelques heures dans ce
thriller qui, à partir de la courte traque d’un tueur en série qui signe de
manière sanglante ses féminicides, nous fait découvrir quelques pages noires de
son histoire sociale et politique :
« Dans Barcelona, âme noire, on tue, on mutile, on ment, on se ment, on trompe, on manipule, on aime, on abandonne, on boit, on espère, on rêve, on désespère, on aide, on humilie… À peu près toute la palette des sentiments, contradictions et comportements de l’être humain essayant de survivre en milieu hostile sont au rendez-vous de cet album choral. » Nicolas Autier (Culturetops, 4 mai 2024)
Rubén Pellejero (dessin et couleurs) – Originaire de Badalona. Dessinateur professionnel depuis 1970. Il ne s’est tourné vers la bande dessinée qu’en 1982.
Eduard
Torrents
(dessin) – Originaire de Barcelona. Il commence à dessiner très tôt. Il
découvre ensuite les « Tintin », « Astérix », « Dragon Ball », puis la BD adulte européenne et américaine. Il a effectué
des études d'ingénieur industriel et a travaillé pendant 10 ans dans une
entreprise multinationale de construction automobile. Finalement, en 2009, il
décide de travailler exclusivement à développer sa facette d'auteur BD.
Martín Pardo (dessin et couleurs) – Originaire de
Barcelona. Il découvre très jeune la bande dessinée grâce à la collection de
ses cousins. Après avoir étudié à l'école Joso, il publie son premier ouvrage en
tant que dessinateur en 1991. Dès lors, il alterne professionnellement entre la
bande dessinée et l'illustration.
Denis Lapière (scénario)
– Originaire de Namur, Belgique. Prolifique auteur de scénarios de romans
graphiques, il est aussi co-scénariste de films longs métrages. Son père lui
offre l’album Tintin en Amérique à l’âge de six ans et il commence à dessiner
ses propres bandes dessinées. Il se destinait au journalisme et étudia la sociologie
à l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve dont il est diplômé d'une licence
en sociologie.
Gani
Jakupi
(scénario) – Originaire du Kosovo. Dessinateur et scénariste de bande dessinée,
journaliste, et compositeur de Jazz albano-kosovar. Il publie sa première BD à
l’âge de 13 ans, dans un magazine régional en langue albanaise. À 17 ans, il a
publié dans les journaux et magazines de la plupart des républiques qui
constituent la Yougoslavie. Il s’installe en Espagne et change de registre :
illustrateur, designer, journaliste, photographe, écrivain, traducteur,
compositeur.
Au Québec, vous pouvez commander votre
exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès
de votre librairie indépendante.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité graphique et littéraire : *****
Intrigue : *****
Psychologie des
personnages : *****
Intérêt/Émotion
ressentie : *****
Appréciation générale
: *****
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire