Julie Marcil. – Une femme de calibre. – Montréal : Robert Laffont Québec, 2023. – 271 pages / Les cendres fument encore. – Montréal : Robert Laffont Québec, 2024. – 247 pages.
Polars
Résumé :
Une femme de calibre :
Comment vivre sa vie de femme, d'amoureuse et
de mère, tout en exerçant un métier tabou?
C'est ainsi qu'Anna Avril, tueuse à gages,
voit son gagne-pain : un métier comme un autre. Au fil des événements, elle
croisera la route de Laura Madrigal, journaliste aussi tenace que maladroite,
prête à tout pour déterrer les secrets enfouis.
Qu'adviendra-t-il de ces protagonistes
condamnées à s'entraider et à se pourchasser à la fois ? Quelles seront les
conséquences de cette aventure sur le bel Emmanuel, peintre amoureux d'une
femme dont il ignore tout? Anna pourra-t-elle éviter les pièges et protéger sa
fille, Camille?
* * * * *
Les cendres fument
encore :
Gaspard Descôteaux a mystérieusement disparu,
déclenchant une enquête qui laisse tous les villageois en émoi. Qu’est-il
survenu dans ce manoir que l’on dit hanté? L’homme est-il toujours en vie?
Quels secrets seront mis à jour durant cette étrange affaire?
Mandatée pour éliminer l’homme d’affaires,
Anna Avril tente de le retrouver avant les policiers. Une course contre la
montre s’amorce pour la tueuse à gages, qui doit remplir son contrat sous peine
de représailles pour elle et sa fille!
Commentaires :
Je me suis rapidement projeté dans l’univers de
cette nouvelle série originale de polars au féminin que j’ai lus en rafale ayant
comme thématiques dans le premier tome (« Une femme de calibre »), l’appropriation du corps des femmes
et, dans le second (« Les cendres
fument encore »), une intrigue dans le monde de l’archéologie et des
arts.
Julie Marcil
a extrait du cosmos de ses rêves et de son imaginaire ses deux protagonistes (et
quelques autres personnages secondaires) qui y somnolaient, sans bruit, dans un
empyrée inconfortable, en attente de la contingence qui allait leur donner un
jour la vie et lui raconter ce qu’ils avaient à lui dire :
Anna
Avril : « étudiante en
archéologie. Mère. […] tueuse à gages
dans ses ‘’ temps libres’’ [qui a décidé après avoir mis le pied dans
l’engrenage] « que ce qu’elle fait
est un métier comme un autre, que quelqu’un doit le faire de toute façon » :
exterminer la vermine. Une femme « …
en apparence très ordinaire et plutôt discrète […] marquée par son enfance, par un
deuil. […] Sous des dehors banals, elle est complexe. »
« Moins j’en sais [dit-elle] sur les contrats que j’exécute, mieux c’est.
Un surplus d’informations pourrait nuire à ma tâche. Parce que c’est ce que c’est.
Des contrats. Il faut bien gagner sa vie. Je n’ai rien contre ces gens-là, mais
ils se feraient tuer de toute façon. Aussi bien que ce soit par moi. Ça paie
bien et ça me laisse du temps pour autre chose. »
Laura
Madrigal : journaliste détective impromptue, « fouineuse professionnelle non armée, sans attrait particulier pour le
sport de combat », sujette à perdre occasionnellement la mémoire, victime
de moments d’égarement, faisant souvent preuve de maladresse.
Deux femmes attachantes qui partagent un passé
de délinquance, s’étant croisées pour des raisons différentes dans un centre
pour jeunes délinquants qui gagnent rapidement la sympathie du lecteur. Deux « collaboratrices »
crédibles qui se renvoient l’ascenseur et dont la personnalité transpire d’intelligence,
de ténacité et de courage.
Pour raconter les intrigues imprévisibles qui
se déroulent dans un passé et un présent intemporel et qui ne se dévoilent qu’à
la fin de ses deux romans composés de 83 et de 93 courts chapitres, l’auteure a
choisi une structure narrative dynamique offrant deux perspectives : une combinaison
entre une narratrice à la première personne et un narrateur omniscient à la
troisième personne.
Alors que dans « Une femme de calibre », Anne Avril nous livre sa description
des événements et partage ses états d’âme, les rôles sont inversés dans « Les cendres fument encore » permettant
à Laura Madrigal de s’exprimer. Une formule qui permet de présenter, à quelques
reprises, une scène selon le point de vue du personnage et celui du narrateur.
Bien qu’ils portent sur des thématiques
différentes, ces deux polars dans lesquels le hasard joue bien son rôle comme l’affirme
Anna Avril (« La vie est pleine de
hasard ») s’inscrivent dans une continuité assurée par l’auteur par
quelques rappels.
J’ai noté, au passage, quelques extraits qui
illustrent bien la qualité d’écriture de l’auteure ou qui suggèrent certaines avenues
de réflexion :
« Des flammes jaillissent dans un coin de la
sacristie. Bientôt, elles s'élèvent le long des murs et se répandent jusqu'au
chœur, léchant et goûtant l'autel, le tabernacle, le confessionnal, avant
d'atteindre la nef. Plus rien ne semble pouvoir arrêter leur appétit vorace. »
« Quand [Anna Avril] plonge en mer, elle a l'impression d'explorer les profondeurs de
l'univers. Elle doit se tenir aux aguets dans cet environnement aquatique où
elle n'est qu'une intruse. Une imprudence, une malchance, un imprévu, pourrait
la faire basculer du monde des vivants à celui des évaporés. Malgré tout, elle
s'y sent à sa place. De retour dans un cocon dont, parfois, elle ne voudrait
plus sortir. »
« Le passé nous échappe toujours un peu. Il
est plein de trous, de points de vue et d'interprétations différentes et il est
parfois difficile de tout comprendre. D'où le fantasme de plusieurs auteurs et
scientifiques d'une machine à voyager dans le temps pour témoigner avec nos
propres yeux et nos propres oreilles. »
Doit-on
détruire pour protéger « des lieux
patrimoniaux à l’abandon, laissés à la merci du temps, de la dégradation [pour]
peut-être […] nous réveiller, […] provoquer
une réaction ? »
« Qu’est-ce que ça change si tout ce qu’y
avait avant nous meurt, si on se souvient plus de rien ? Plus rien avant, plus
rien après. Moment présent… »
Et ces deux exemples sur l’utilisation des
technologies numériques à mauvais et à bon escient. Par exemple, la reproduction
3D très précise d’artéfacts archéologiques :
« Ces objets virtuels reproduisaient avec
précision chaque défaut de l’œuvre. La moindre égratignure s’y trouvait [permettant
de] faire circuler des œuvres d'art dont
on pouvait certifier l'authenticité et, ainsi, arriver à les différencier avec
certitude des pâles copies qu'elles pouvaient générer. Des collectionneurs
étaient prêts à payer une fortune pour posséder le fichier original d'une œuvre
d'art numérique. »
Ou l’hébergement d’une centrale de blockchain dans le sous-sol d’une église en
utilisant : « la chaleur dégagée par
les serveurs pour chauffer le bâtiment ».
J’aime aussi, dans mes lectures, enrichir mes
connaissances après quelques recherches sur le web à propos…
des
« trophoux de Ducharme »,
œuvres signées
Roch Plante, pseudonyme utilisé par Réjean Ducharme dans le cadre de sa série «
Trophoux », œuvres d’art faites de l’assemblage d’objets trouvés ;
du
métier de « campanologue »,
qui a trait à l’usage des cloches ou aux pratiques de sonnerie, à leur
équipement et au mode d’installation, à leur entretien, à leur histoire, aux
techniques de fabrication, aux aspects ethnographiques et symboliques ;
de
la « syllogomanie, cette maladie qui
empêche de se défaire de ce qui nous entoure et plonge les individus dans une
telle accumulation que leur quotidien en est encombré » ;
de
la « Reine de la nuit », personnage
féminin de La Flûte enchantée de
Mozart dont le rôle est écrit pour une voix de soprano colorature ;
de
la « culture Meadowood »,
culture autochtone des Grands-Lacs-Saint-Laurentiens ayant existé entre 800 et
300 ans avant notre ère ;
de
l’affaire « Norval Morriseau »,
arrestation par la police de l’Ontario de plusieurs faussaires et saisie de milliers
d’œuvres frauduleuses attribuées à l’artiste autochtone mondialement reconnu
Norval Morrisseau, surnommé le « Picasso
du Nord ».
Une mention spéciale à Luc Gervais pour la
conception des couvertures de première de ces romans qui, on en a l’assurance,
auront une suite comme l’annonce l’auteure dans ses remerciements :
« Je retourne écouter ce qu’Anna et Laura ont
à me dire… Je reviens bientôt vous le raconter, promis. »
D’ici là, les deux premiers polars de Julie
Marcil vous attendent sur les rayons de votre librairie indépendante préférée
ou de votre bibliothèque municipale.
Depuis qu’elle est toute jeune, Julie Marcil s'intéresse aux différentes formes de création pour exprimer ses émotions et déployer son imaginaire fertile. Elle a remporté deux prix littéraires à l’adolescence, puis a bifurqué vers la musique, avec des passages remarqués à Cégeps en spectacle et au Festival en chanson de Petite-Vallée, comme interprète et parolière. Elle a ensuite exploré l'univers fascinant de la fiction interactive et multimédia, obtenant une maîtrise dans ce domaine. Elle revient maintenant à son premier amour : la littérature. Julie Marcil a publié une nouvelle noire dans Alibis en 2016 :
Merci aux éditions Robert Laffont Québec pour
le service de presse.
Au Québec, vous pouvez commander vos
exemplaires sur le site leslibraires.ca et les récupérer auprès
de votre librairie indépendante.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : *****
Intrigue : *****
Psychologie des
personnages : *****
Intérêt/Émotion
ressentie : *****
Appréciation générale
: *****
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire