Artuu Tuominen. – Le serment. – Paris : Éditions de la Martinière, 2021. – 455 pages.
Polar
Résumé :
Ils sont trois : un cadavre lardé de coups de
couteau, un suspect errant les mains ensanglantées à l’orée d’un bois et
l’inspecteur chargé de l’enquête. Trois hommes qui se connaissaient ; trois
hommes qui ne s’étaient pas revus depuis vingt-sept ans. Dans les prairies
sauvages de Finlande ressurgissent les souvenirs d’une enfance féroce, les
traumatismes du passé. Entre les courses à vélo et les vengeances à la sortie
de l’école, un pacte de sang a été scellé. Un serment qui se rappellera à eux
trois décennies plus tard.
Commentaires :
La finale ouverte du polar de l’auteur
finlandais Arttu Tuominen, titulaire d’une maîtrise en technologie de l’environnement
et qui travaille comme inspecteur de l’environnement, m’a incité à consulter Internet
pour vérifier si une suite avait été publiée.
J’y ai découvert que Le serment est le deuxième ouvrage d’une série intitulée Delta, du nom de l’unité de police de
Pori, dans le sud-ouest de la Finlande, dirigée par l’inspecteur en chef Jari
Paloviita qui a, entre autres, comme caractéristique physique de porter un
appareil auditif. Le premier à être traduit et publié en français très certainement parce qu'il a remporté le Grand finlandais du meilleur polar 2020. Les quatre
tomes de ces polars nordiques ont été publiés en finlandais entre 2019 et 2022 (traduction
libre des trois autres titres:
Verivelka - Dette de
sang
(2019)
Hyvitys - Le serment (2020)
Vaiettu - Réduit au
silence
(2021)
Häväistyt - Vous êtes déshonoré (2022)
Le scénario de roman est plutôt classique :
un meurtre a été commis (on y assiste), une victime est rapidement identifiée
(on la connaît), un suspect est mis en garde à vue et des enquêteurs sont à la
recherche de l’arme du crime (on la connaît) dans une petite ville où tout le
monde se connaît ou presque. Vous aurez compris qu’il ne s’agit pas de démasquer
le véritable meurtrier. Car le but de l’auteur consiste plutôt à découvrir les
non-dits qui masquent les faits.
Comme c’est le cas dans tous les polars
scandinaves, l’action évolue très lentement. Les mystères s'éclaircissent au
fil des pages dans des aller-retour entre les années 1991 et 2018 qui tissent
progressivement la toile des traumatismes du passé vécus par les principaux
protagonistes : Jari Paloviita et Antti Mielonen, deux écoliers âgés respectivement
de 13 et 14 ans, victimes de harcèlements par une crapule en puissance à peine
plus vieux qu’eux, Rami Nieminen.
Avec à l’origine, la prestation d’un serment
et ses conséquences imprévisibles pour le futur et la promesse de déterrer
27 ans plus tard un cylindre dans lequel chacun aura déposé une lettre
imaginant leurs futurs respectifs :
« Nous sommes amis. On va prêter serment. [...]
Toujours ensemble,
dit Antti.
Quoi qu'il advienne,
répond Jari.
Quoi qu'il arrive,
confirme Antti. »
Le serment met en scène des détectives
à la personnalité complexe, dont l’inspecteur principal Henrik Oksman, et ses
habitudes routinières, maniaque de l’ordre et de la propreté (ouvre cinq fois
les robinets avant de se doucher ou de se laver les mains, hésite à serrer la main
des personnes qu’il rencontre, se nourrit de plats cuisinés sous vide...).
Arttu Tuominen y décrit une société où les
violences familiales, la consommation d’alcool et de drogue ont des
conséquences pernicieuses sur la vie parfois pénible de certains habitants d’un
pays au climat inhospitalier et aux nuits de novembre à n’en plus finir. Un
roman sur la fin de l'enfance, sur l'amitié, sur la fidélité compromise à l'âge
adulte. Avec un accent marqué sur la psychologie des différents acteurs et l’environnement
spatiotemporel de cette histoire noire traduite dans une écriture visuelle
efficace. En voici quelques exemples :
·
« L’aiguille
des secondes avançait à l’allure d’une locomotive diesel démarrant à froid d’une
gare. »
·
« Paloviita gardait les yeux sur les agents,
en espérant qu'ils étaient suffisamment intéressés l'un par l'autre pour ne pas
avoir l'idée de jeter un coup d'œil à l'intérieur. Mais juste au moment où il
était le plus visible, l'homme se retourna et regarda droit dans sa direction. Il
se figea et le fixa en retour, prêt à le voir dire quelque chose à son
équipière, le montrer du doigt ou ouvrir la porte principale, mais rien ne se
passa. L'homme se contenta de rectifier la position de son bonnet de laine en
se mirant dans la vitre et reporta son attention sur sa collègue. »
Ou cette description très visuelle des instants
de vie d’une victime :
·
« Lui reste debout, fait un pas, se rattrape
par un autre. Il tourne la tête, mais lentement. Son œil droit est rouge vif.
Sa bouche s'ouvre, il tente de former des mots, mais ils meurent sur ses
lèvres. Il chancelle jusqu'à un rocher, tourne à nouveau la tête, cette fois
vraiment très lentement, comme si ses vertèbres cervicales étaient rouillées.
Sa main se lève, cherche le rocher, ses doigts le touchent, glissent, essaient
une dernière fois de s'y agripper. Son corps penche, son pied cherche encore un
appui, mais ses muscles n'obéissent plus aux ordres de son cerveau. Sa jambe
cède sous lui comme du caoutchouc et il glisse sur le sol, telle de la pâte
molle, sur le flanc puis sur le dos. Ses yeux ouverts fixent le ciel qui pâlit,
du coin de son œil coule une larme de sang. »
Dans un autre ordre d’idées, j’ai souri à
cette référence à la structure récurrente des romans policiers :
·
« Dans les polars, pour découvrir le
meurtrier, un héros supérieurement intelligent devait assembler un puzzle
abstrait d'une incroyable complexité, et à la fin, le coupable s'avérait être
le suspect le plus improbable. Sauf qu'on n'était ni dans un film ni dans un
roman, mais dans la vraie vie. »
Et ces commentaires de la secrétaire de la Direction
de l’éducation et de la culture de la mairie, fervente de polars, rencontrée
par Henrik Oksman :
·
« C'est passionnant.
Savez-vous que je suis une grande lectrice de romans policiers ? Je ne m'en
lasse pas »
Et qui ajoute :
·
« Mes amies du cercle des amateurs de romans
policiers de la bibliothèque vont être vertes de jalousie quand je leur
raconterai ce qui s'est passé aujourd'hui. »
Certains passages sont particulièrement violents,
parfois à la limite du supportable : violences conjugales, vengeances à la
sortie de l’école, affrontements sanglants impliquant Jari Paloviita, Antti
Mielonen, Rami Mielonen et ses deux acolytes, Santeri et Petteri)...
D’autres comme la scène du puits nous
tiennent en haleine, même si on en connaît à l’avance le dénouement. C’est tout
l’art littéraire d’Arttu Tuominen qui a concocté une finale plutôt étonnante.
Vivement la traduction de la suite pour constater
si la promesse du dernier jour de l’enfance de Jari et Antti Mielonen, le 22
juin 1991, sera tenue.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : *****
Intrigue : *****
Psychologie des
personnages : *****
Intérêt/Émotion
ressentie : *****
Appréciation générale
: *****
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