Enrique
Serna. – La peur des bêtes. – Paris :
Phébus, 2006. 308 pages.
Polar
noir
Résumé : Evaristo Reyes, flic à la police judiciaire mexicaine,
s’est fourré dans un sale guêpier. Chargé de rendre une « petite
visite » à un journaliste, il est le dernier à l’avoir vu vivant et, par
conséquent, le premier sur le banc des suspects. Obstiné, Evaristo mène
l’enquête en solo. Sage décision : entre magouilles politiques et
corruption, mieux vaut ne faire confiance à personne…
Commentaires : J’avais hâte de lire ce roman noir d’un auteur
qualifié par Gabriel García Márquez comme l’un des meilleurs écrivains mexicains
et que j’ai brièvement rencontré au Salon du livre de Montréal en novembre
2016. Et je n’ai pas été déçu. Le personnage créé par Enrique Serna évolue dans
un contexte où violence et corruption alimentent le quotidien des forces de
l’ordre et des autorités politiques dans le milieu littéraire mexicain où un
retour d’ascenseur est attendu à la suite de tout service rendu : « je
fais une bonne critique de ton recueil de poèmes et tu me donnes un coup de
pouce pour le prochain prix littéraire ».
« En littérature et surtout en poésie, tu n’es rien si tes collègues
t’ignorent. Tu as besoin du soutien de l’establishment, sinon tu es considéré comme un poète quelconque, même si tu es un
génie » (p.165)
Constat :
même les figures publiques du journalisme ou de la littérature populaire qui
semblent, à première vue, lutter contre les injustices sont, en privé, les
pires coupe-gorges.
« Parce que tu ne sais pas comment fonctionne la critique […]. Ce qu’on
déclare en public ne compte pas. Pures formules de politesse. C’est dans les
conversations de café ou les réunions entre amis qu’on dit vraiment ce qu’on
pense de quelqu’un, à condition qu’il ne soit pas là. » (p. 87)
Évidemment,
c’est presque devenu une constante dans le roman policier, le personnage
principal a une propension marquée pour l’alcool, le sexe et la drogue. En soi,
sa personnalité « polardienne » est peu originale. Il se démarque
cependant par son intérêt pour la littérature, pour l’écriture romanesque, au
point d’être qualifié par ses collègues d’intello. Un policier dont la culture
littéraire est définitivement non compatible avec milieu pourri dans lequel il
lutte pour sa survie, mais qui lui permettra de résoudre le crime dont il est
injustement soupçonné. Et de découvrir, après avoir transposé sa recherche de
la vérité dans une fiction, l’identité du meurtrier révélée en toute fin.
J’ai
beaucoup apprécié La peur des bêtes
parce que ce roman soulève, évidemment dans le milieu littéraire mexicain, la
problématique des nouveaux auteurs qui se butent à percer dans un univers
contrôlé par une clique de célébrités prêtes à tout pour conserver leur statut
d’écrivains adulés. Dans un environnement politique qui lui aussi aspire à une
stabilité permettant aux différents protagonistes de profiter des avantages du
pouvoir et du contrôle des masses populaires à garder dans l’ignorance.
« Tu vois ces millions de livres entassés ? Eh bien, personne ne les lira
jamais, parce que ce gouvernement qui diffuse la culture à grands renforts de
trompette est le même qui a besoin d’un peuple ignorant pour perpétuer son
pouvoir. » (p. 278)
Ce que j’ai aimé : La thématique et, entre autres, la réflexion de
l’auteur sur le pouvoir des écrivains : « …les mots sont notre seule arme, une arme que nous utilisons pour donner
une voix à ceux qui n’ont visage ni terre, aux oubliés s’aujourd’hui et de
toujours » (p. 199)
Ce que je n’ai pas aimé : -
Cote
: ¶¶¶¶¶
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