La bombe (Alcante / Bollée / Rodier)


Didier Alcante / Laurent Frédéric Bollée / Denis Rodier. – La bombe. – Grenoble : Glénat, 2020. – 472 pages.

 

Roman graphique

 

 

 

Résumé :

 

 

Le 6 août 1945, une bombe atomique anéantit Hiroshima.

 

Un événement historique et tragique qui mit fin à la guerre et fit entrer l'humanité dans une nouvelle ère.

 

Mais dans quel contexte cette bombe fut-elle créée ? Comment fut prise la décision de la larguer ? Et pourquoi sur Hiroshima ? Quels furent les acteurs majeurs - illustres ou méconnus - de ce drame ? Quels furent les effets de l'explosion? Que vécurent les victimes ?

 

Des mines d'uranium du Katanga jusqu'au Japon, en passant par l'Allemagne, l'Angleterre, la Norvège, l'URSS et les États-Unis; des laboratoires de Los Alamos aux bombardiers du Pacifique, l'incroyable histoire vraie de la bombe atomique !

 

 

Commentaires :

 

« La bombe » est un roman graphique duquel il est impossible de décrocher et que tous devraient lire pour apprendre comment ce projet de fission nucléaire est né dès 1939 jusqu’au largage en 1945 de l’engin létal sur deux villes du Japon.

 

Courez l’emprunter à votre bibliothèque municipale – au besoin, demandez qu’elle en fasse l’acquisition – ou procurez-vous la auprès de votre librairie indépendante.


Cette BD à vous couper le souffle brille par le souci des faits historiques auxquels se sont astreints les scénaristes (Alcante et LF Bollée) et le réalisme des dessins en noir et blanc – choix tout à fait approprié – aux effets dramatiques ressentis de planche en planche, suscités par l’art graphique du Québécois Denis Rodier). Comme cette scène du débarquement allié en Normandie le 6 juin 1944.

 

Il a fallu plus de cinq ans de recherches, de documentation, de création littéraire et artistique, de validation en validation pour livrer aux Éditions Glénat un manuscrit hors du commun traduit dans 18 pays et vendu à plus de 150 000 exemplaires. On y retrouve les principaux protagonistes politiques, scientifiques, militaires de l’époque, incluant la principale intéressée, l’énergie nucléaire, la bombe, narratrice du récit qui trépigne à démontrer sa puissance à l’Humanité.

 

Dans le prologue, après un résumé en quelques images, du « big bang » aux premières recherches sur l’utilisation pacifique de l’uranium, le lecteur fait la connaissance des deux scientifiques dans l’entourage d’Albert Einstein qui joueront un rôle clé dans la fabrication d’une nouvelle arme d’une puissance effroyable : le projet Manhattan :

 

·        le physicien hongrois Leó Szilárd, professeur à la Friedrich-Wilhelms-Universität de Berlin ; en 1933, il gagna précipitamment Londres pour échapper aux persécutions nazies ; il deviendra citoyen américain 10 ans plus tard ; son principal champ de recherche : la réaction nucléaire en chaîne ;


·        le physicien italien Enrico Fermi, ardent défenseur de la physique quantique qui orienta ses recherches vers la physique nucléaire ;  en 1939, il émigra aux États-Unis avec toute sa famille pour échapper aux lois anti juives touchant sa femme ; il est embauché par l'université Columbia où il enseignait avec son collègue Leó Szilárd.

 

Les dernières pages du prologue sont consacrées à l’introduction d’un personnage fictif que les scénaristes ont imaginé : Naoki Morimoto, travailleur à l’usine Toyo Cork Kogyo, à cinq kilomètres du centre d’Hiroshima, qui, en compagnie de ses deux fils, se retrouve bien malgré lui au cœur de cette terrifiante histoire.

 

Au passage, deux cases du prologue nous apprennent l’origine du mot « fascisme » :

 

 

Le récit est ensuite découpé en six chapitres :

 

·        Chap1tre : Avec l’appui d’Albert Einstein, Leó Szilárd souhaite convaincre le président Roosevelt d’acheter la totalité de l’uranium congolais pour la conception d’une bombe atomique. Au même moment, en Angleterre, on s’inquiète d’un projet similaire en Allemagne alors qu’un tel type d’arme intéresse également la Russie et le Japon. L’attaque de Pearl Harbor en décembre 1941 au cours de laquelle Satoshi, le fils de Naoki Morimoto pilote un des bombardiers.

 

·        Chap2tre : Le colonel Groves qui dirigeait le chantier de construction du Pentagone est nommé responsable militaire du projet Manhattan. On apprend l’existence d’une usine allemande de fabrication d’eau lourde en Norvège. Un commando britannique est envoyé sur place avec comme mission de la détruire. L’opération est un échec.

 

·        Chap3tre : Les installations de Los Alamos sont en construction. Le général Groves n’a pas confiance en Leó Szilárd et en un certain Robert Oppenheimer qui vient de se joindre à l’équipe du projet Manhattan. Une deuxième tentative de destruction de l’usine d’eau lourde de Norvège par des bombardiers américains est un échec total. Les relations scientifiques-militaires sont de plus en plus tendues, ces derniers doutant de la fidélité des chercheurs. Quatre mois avant le débarquement en Normandie, le commando britannique réussit à détruire le convoi ferroviaire qui transporte l’eau lourde de Norvège vers l’Allemagne.

 

·        Chap4tre : Franklin Delano Roosevelt est réélu président pour un 4e mandat et choisit Harry Truman comme vice-président. Ce dernier qui tente de connaître le projet Manhattan. Un espion américain informe les autorités russes de l’avancement du projet. Deux cobayes sont sacrifiés pour évaluer les effets du plutonium sur le corps humain. Décès subit de Roosevelt. Truman devient président. Mussolini est fusillé. Hitler se suicide. L’opération Alsos permet d’arrêter le Werner Heisenberg impliqué dans les recherches allemandes sur la bombe. Naoki Morimoto, dans un camp militaire, est emprisonné pour avoir aidé un de ses compatriotes plus âgé qui peine à réaliser les exercices d’entraînement au combat. Le fils Morimoto meurt dans une opération kamikaze ratée sur le navire de guerre américain USS Indianapolis.

 

·        Chap5tre : On s’interroge sur les cibles à atteindre au Japon. Les tests d’injection du plutonium sur des cobayes humains se poursuivent. Leó Szilárd s’oppose au largage de la bombe sur une ville japonaise. Il cherche des appuis pour proposer plutôt de faire une démonstration de la puissance de frappe américaine. Destruction d’une partie de la flotte américaine à Okinawa. En route pour la conférence de Posdam. Truman constate la destruction de Berlin. Premier test d’explosion atomique concluant (essai Trinity) dans la région du désert d'Alamogordo appelée la vallée désertique de Jornada del Muerto (Voyage de l'homme mort) au Nouveau-Mexique.

 

·        Chap6tre : Conférence de Postam. Le USS Indianapolis transporte la bombe de San Francisco à l’île de Guam. Celle-ci est transférée sur une barge qui l’amène à quai. Elle sera embarquée dans un bombardier sur la base américaine de Tinian. Le USS Indianapolis est la cible d’un sous-marin japonais : 879 des 1196 hommes d’équipage sont morts. La bombe est en route pour Hiroshima. Naoki Morimoto qui a finalement été libéré du camp militaire se rend à une banque de Hiroshima pour retirer de l’argent. Il s’assoit sur les marches en attente de son ouverture. La bombe est larguée.... On connaît la suite. Aux États-Unis, tous se réjouissent du résultat obtenu. Au grand dam de Leó Szilárd qui regrette d’avoir contribué à un tel désastre.

Quant à l’épilogue, il met en évidence les dégâts : plus de 200 000 morts rien qu’à Hiroshima. La bombe narratrice fait un bilan :

 

« Je repense à ces personnes qui m’ont accompagné durant tout ce temps... Je les ai parfois considérées comme mes marionnettes dont je tirais les fils »

 

Elle rappelle la fin de carrière et de vie de Robert Openheimer, d’Enrico Fermi, du physicien allemand Werner Heisenberg, des membres du commando du groupe Grouse et Gunnerside, du général Leslie Groves, de Paul Tibbets, pilote du bombardier qui l’a larguée, de Charles B. McVay III, capitaine de l’USS Indianapolis, de Klaus Fuchs, l’espion de Los Alamos, de Ebb Cade et d’Arthur Hubbard, premiers cobayes à avoir testé à leur insu l’impact du plutonium dans le corps humain, de Leó Szilárd, de Naoki Morimoto et l’ombre qu’il a laissé sur les marches d’une banque d’Hiroshima au moment de l’explosion atomique.

 

« Souvenir indélébile fixé à jamais dans la pierre par un processus physico-chimique ».


 

En postface, Didier Alcante raconte comment est né ce projet de roman graphique avec comme objectif de livrer un document de mémoire dont la véracité historique serait incontestable :

 

« Dès le début nous nous sommes dit que le sujet nous imposait une totale rigueur, et ce tant au niveau historique que scientifique. Que ce soient les faits, les dates, les personnages, mais également les lieux, les bâtiments, les véhicules, les uniformes... tout a été vérifié à maintes reprises. Bien sûr, il nous a parfois fallu, pour des raisons narratives, recréer des dialogues, remettre en scène, synthétiser plusieurs réunions en une seule, ce genre de choses. Mais fondamentalement, tout ce que vous venez de lire est authentique ! Dans ce souci de coller au mieux à la réalité, nous avons attendu d'avoir visité Hiroshima (à l'été 2018) avant de nous attaquer aux séquences s'y déroulant. Assister ensemble aux cérémonies commémoratives du 6 août restera certainement, pour chacun de nous, une étape marquante de notre vie d'auteur. Déposer, le soir, une lanterne flottante sur la rivière au pied du dôme, la voir s'éloigner et rejoindre des centaines d'autres, vous submerge d'émotion. »

 


Pour sa part, Denis Rodier décrit sa démarche, affirmant entre autres qu’il a « même créé un leitmotiv circulaire au début de plusieurs scènes (une montre, la palette d'une artiste, une balle de baseball)...

 

 

 

 

... en allant parfois jusqu'à évoquer un champignon d'explosion nucléaire (la fumée d'une cigarette, un jaune d'œuf crevé qui dégouline).

 


Tout cela en guise de ponctuation, de rythme. »

 

Quant à LF Bollée, dans un texte intitulé « Hiroshima mon cheminement », il nous invite à écouter l’hallucinante pièce musicale appelée « Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima » composée en 1960, par le Polonais Krzysztof Penderecki.

 

En finale, une bibliographie complète le tout en fournissant les références de 34 livres, 6 articles/magazines, 3 bandes dessinées, 18 sites Internet et 3 documentaires qui portent sur le sujet.

 

Pour prolonger l’aventure de « La bombe », trois courtes vidéos sont accessibles à d’un code QR :

 

·        Les créateurs expliquent comment ils ont procédé pour créer et valider le récit : https://youtu.be/l-HOG-7R6uA?si=P78gAJwMQ8VUy7T4

·        Le dessinateur Denis Rodier parle de son travail pour illustrer le récit : https://youtu.be/dvB07JvztV4?si=jWOhoU41zP8c5uLS

·        Les scénaristes nous informent sur les étapes qui ont conduit à la mise en scène cette histoire vraie : https://youtu.be/gzFreoOweF4?si=iqsxBU0Bqq7uBc75

 

 

Didier Swysen (Alcante) est un scénariste belge de bande dessinée. Il a coécrit aux côtés de Jean Van Hamme la série Rani (éd. Le Lombard). Il est aussi le scénariste de plusieurs sagas chez Dupuis (dont la série-concept Pandora Box) et Glénat, au rang desquelles Ars Magna et Lao Wai co-écrit avec L.-F. Bollée. Marqué à jamais par sa visite au mémorial d’Hiroshima lorsqu’il avait onze ans et ayant accumulé une énorme documentation sur le sujet depuis lors, il est à l’origine du projet La Bombe. En 2023, il entame chez Glénat une adaptation du roman historique de Ken Follett, Les Piliers de la Terre (que j’ai beaucoup aimé), prévue en une série ambitieuse de 6 volumes aux côtés de Steven Dupré.


Laurent Frédéric Bollé, originaire d’Orléans, se destine très vite à rejoindre le journalisme et la bande dessinée, au point d’en avoir fait ses deux métiers en parallèle. Depuis quelques années, il se consacre toutefois à son métier de scénariste. Il a déjà publié plus de soixante-dix albums pour les plus grands éditeurs. On lui doit quelques œuvres marquantes telles que Patrick Deware à part ça la vie est belle (avec Maran Hrachyan, 2021), Terra Australis et Terra Doloris (avec Philippe Nicloux, 2013-2015), Deadline (avec Christian Rossi, 2013), tous publiés chez Glénat. Il a également signé XIII Mystery Billy Stockton (avec Steve Cuzor, Dargaud, 2013), Malik Oussekine Contrecoups (avec Jeanne Puchol, Casterman, 2022) et est également le repreneur officiel du personnage de Bruno Brazil depuis 2019 (Le Lombard).

Denis Rodier est un dessinateur originaire de Nominingue au Québec. Il collabore très tôt aux séries les plus populaires d’éditeurs américains comme Marvel et DC Comics. C’est son travail sur la série Superman qui est le plus remarqué, en particulier Death of Superman, lauréate de plusieurs prix. En Europe, on le connaît pour sa série L'Ordre de Dragons avec Jean-Luc Istin, et sa suite, L’Apogée des Dragons avec Corbeyran (éd. Soleil). Chez Glénat il dessine l’album Lénine pour la collection « Ils ont fait l'Histoire ».

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire et graphique : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie : *****

Appréciation générale : *****


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire