Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? (Pierre Bayard)


Pierre Bayard. – Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? – Paris : Éditions de Minuit, 2007. – 163 pages.

 

 

Essai

 

 

 

Résumé :

 

L'étude des différentes manières de ne pas lire un livre, des situations délicates où l'on se retrouve quand il faut en parler et des moyens à mettre en œuvre pour se sortir d'affaire montre que, contrairement aux idées reçues, il est tout à fait possible d'avoir un échange passionnant à propos d'un livre que l'on n'a pas lu, y compris, et peut-être surtout, avec quelqu'un qui ne l'a pas lu non plus.

 

 

Commentaires :

 

Pour souligner le 400e avis de lecture publié 88 mois jour pour jour depuis l’inauguration de ce blogue le 10 mars 2017, j’ai rédigé les commentaires qui suivent en tenant compte de quelques-unes des recommandations formulées par Pierre Bayard dans son essai au titre provocateur. À vous de juger si j’ai lu cet ouvrage pour vous en parler selon la classification codée qu’il fait des livres qu’il cite et de son ressenti :

 

LI     : livre inconnu

LP    : livre parcouru

LE    : livre évoqué

LO   : livre oublié

++    : avis très positif

     : avis positif

–      : avis négatif

– –   : avis très négatif

 

Dans cet essai teinté d’humour, Pierre Bayard remet en question notre rapport traditionnel à la lecture et à la connaissance littéraire. À travers une série de réflexions subtiles et parfois déconcertantes, l’auteur explore la manière dont nous interagissons avec les livres, que nous les ayons lus, survolés, dont nous ayons entendu parler ou même complètement ignorés.

 

L'un des aspects les plus fascinants de cet ouvrage est la manière dont Pierre Bayard déconstruit la notion de lecture. Il suggère que notre connaissance d'un livre ne se limite pas à sa lecture complète et attentive, mais peut être influencée par des fragments, des discussions, des critiques ou des adaptations. Ainsi, il propose différentes catégories d'ignorance littéraire qui vont de l'ignorance avouée à celle qui se cache derrière une prétendue connaissance.

 

L'approche de l’universitaire est à la fois ludique et profondément analytique. Il utilise des exemples tirés de la littérature classique et contemporaine pour illustrer ses points de vue, ce qui enrichit la lecture et rend ses arguments plus accessibles. Par exemple, il évoque Proust et Borges pour démontrer comment ces auteurs ont joué avec la mémoire, la réinterprétation et la transformation des œuvres littéraires.

 

En remettant en question l'idée que la lecture exhaustive est la seule manière légitime de comprendre un livre, Pierre Bayard pousse le lecteur à réfléchir sur ses propres pratiques de lecture et sur la construction sociale de la culture littéraire. Il explore également les enjeux de la réputation des livres et de leur place dans notre identité intellectuelle collective.

 

« Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ? » est un livre qui remet en question nos préjugés sur la lecture et nous invite à reconsidérer la manière dont nous construisons notre rapport aux livres.

 

Après un prologue dans lequel l’auteur justifie sa démarche, le livre se décline en trois parties, chacune d’entre elles subdivisée en quatre chapitres aux sous-titres à l’ancienne qui en résume le propos, comme dans cet exemple : « Où Umberto Eco montre qu’il n’est nullement nécessaire d’avoir eu un livre en main pour en parler dans le détail, à condition d’écouter et de lire ce que les autres lecteurs en disent. »

 

Des manières de ne pas lire :

Les livres que l'on ne connaît pas

Les livres que l'on a parcourus

Les livres dont on a entendu parler

Les livres que l'on a oubliés

 

Des situations de discours :

Dans la vie mondaine

Face à un professeur

Devant l'écrivain

Avec l'être aimé

 

Des conduites à tenir :

Ne pas avoir honte

Imposer ses idées

Inventer les livres

Parler de soi

 

En épilogue, Pierre Bayard conclut en explorant comment le rapport que nous entretenons avec les livres que nous n'avons pas lus peut enrichir notre expérience littéraire. Il propose que notre rapport à la lecture ne devrait pas être défini uniquement par ce que nous avons lu ou pas lu, mais par notre capacité à naviguer et à interpréter les idées, les critiques et les discussions autour des livres. Bayard suggère que la culture littéraire ne se limite pas à la consommation directe des textes, mais à une conversation plus large et plus ouverte sur la littérature.

 

Quelques extraits notés au passage :

 

« Comment ne pas se dire, face au nombre incalculable de livres publiés, que toute entreprise de lecture, même multipliée sur l'ensemble d'une vie, est parfaitement vaine au regard de tous les livres qui demeureront à jamais ignorés ? La lecture est d'abord la non-lecture... »

 

« Le secret de tout bon bibliothécaire est de ne jamais lire, de toute la littérature qui lui est confiée, que les titres et la table des matières. ‘’ Celui qui met le nez dans le contenu est perdu pour la bibliothèque ! [...] Jamais il ne pourra avoir une vue d'ensemble ! ‘’ »

 

« ... la culture est d'abord une affaire d'orientation. Être cultivé, ce n'est pas avoir lu tel ou tel livre, c'est savoir se repérer dans leur ensemble, donc savoir qu'ils forment un ensemble et être en mesure de situer chaque élément par rapport aux autres. »

 

« Être cultivé, c'est être capable de se repérer rapidement dans un livre, et ce repérage n'implique pas de le lire intégralement, bien au contraire. Il serait même possible de dire que plus cette capacité sera grande, et moins il sera nécessaire de lire tel livre en particulier. »

 

« Alors même que je suis en train de lire, je commence à oublier ce que j'ai lu et ce processus est inéluctable, il se prolonge jusqu'au moment où tout se passe comme si je n'avais pas lu le livre et où je rejoins le non-lecteur que j'aurais pu rester si j'avais été mieux avisé. Dire que l'on a lu un livre fait alors surtout figure de métonymie. On n'a jamais lu, d'un livre, qu'une partie plus ou moins grande, et cette partie même est condamnée, à plus ou moins long terme, à la disparition. Plus que de livres ainsi, nous nous entretenons, avec nous-même et les autres, de souvenirs approximatifs, remaniés en fonction des circonstances du temps présent. »

 

En complément de « lecture », je vous suggère l’excellente analyse de Dominique Vaugeois, professeure de littérature française des XXe et XXIe siècles et codirectrice du master Littératures et humanités à l’université Rennes 2 :

 

« Où l’on apprend que le compte-rendu d’un livre (de P. Bayard) est plus important que le livre lui-même. », Acta fabula, vol. 8, n° 2,  Mars-Avril 2007, découpée en quatre thèmes : Totems et tabous ; Cette hypothétique réalité appelée livre ; La communication littéraire ; Transformer la relation aux livres : pour poursuivre la réflexion.

 

 

Pierre Bayard, écrivain, psychanalyste et critique littéraire originaire d’Amiens, est professeur de littérature française à l'université de Paris VIII. Agrégé de lettres et ancien élève de l’École normale supérieure. En 1991, il soutenait une thèse de doctorat en littérature intitulée « Les lectures freudiennes du texte littéraire en France. Problèmes de méthode ». Depuis 1978, il a publié plus de 25 ouvrages à titre individuel et trois collectifs. En 2009, Pierre Bayard était nommé membre senior de l’Institut universitaire de France. En 2021, il fut désigné lauréat du prix Marguerite-Yourcenar décerné par la Société civile des auteurs multimédia pour l'ensemble de son œuvre.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intérêt ressenti : *****

Appréciation générale : *****


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