Le scénariste (Yves D. Poirier)


Yves D. Poirier. – Le scénariste. – Montréal : Fides, 2023. – 204 pages.

 


Thriller

 

 


Résumé :

 

De la classique balle dans la tête à la délicate asphyxie au monoxyde de carbone, en passant par l’éreintant étranglement et la dangereuse torche humaine, Hubert Quentin a imaginé mille et une façons de tuer le courtier qui l’a bêtement arnaqué. Mais comment ce scénariste qui a bâti sa fortune en élaborant les crimes les plus perfides a-t-il pu se faire dépouiller par un escroc aussi minable?

 

Alors qu’Hubert s’apprête à risquer le peu de dignité qu’il lui reste pour conquérir le cœur d’une mystérieuse jeune femme, un enquêteur de la SQ et un avocat véreux le suspectent d’être responsable de la disparition de celui qui l’a floué. Commence alors un impitoyable jeu de pistes où l’auteur pourrait bien devenir le personnage de son propre scénario.

 

 

Commentaires :

 

Imaginez un auteur de thrillers qui, après des études en lettres et en cinéma et avoir mené une carrière en publicité et dans l’univers du design, a flirté avec la scénarisation et qui se consacre maintenant à l’écriture romanesque. Résultat : Le scénariste est un thriller psychologique divertissant, plein d’humour, truffé de réflexions sur la création littéraire avec un rebondissement final efficace. J’ai grandement apprécié les qualités du récit concis réparti en 22 chapitres écrits à la première personne, le personnage principal scénariste de métier se racontant et résumant ainsi le synopsis du scénario qu’il écrit :

 

« Un scénariste veuf et en panne d'inspiration s'éprend d'une jeune étrangère qu'il croit secrètement être une émissaire de sa femme. Cette relation lui inspire un scénario dans lequel il devient le protagoniste. Mais comme dans toute bonne histoire, le héros doit aussi faire face à l'adversité. Devant lui, un jeune amant qui revient dans le décor n'a pas l'intention de se laisser ravir sa maîtresse. Cet adversaire lui donne du fil à retordre plus qu'il ne l'aurait cru. Le scénariste réussira-t-il à terminer son scénario avec un happy end comme il l'entendait ? »   

 

Sauf que le héros de son scénario rendra l'âme au troisième acte du récit. N’ayant jamais pensé à cette éventualité, devra-t-il réviser la fin de son histoire ?

 

Quelques exemples de l’écriture imagée de Yves D. Poirier (ne pas confondre avec Yves Poirier, journaliste pour TVA Nouvelles) :

 

« Je suis tombé dans le panneau comme un poisson qu’on met dans un vivier. »

 

« J’avais oublié l’odeur de sucre doux et parfois de vanille des livres. »

 

« Les feuilles mouillées sont encore plus pénibles à ramasser, elles collent au sol comme de vieux péchés. »

 

Et sur l’humour de l’auteur qui est parfois grinçant :

 

« Tant qu’à mourir la gorge nouée et la langue froide, aussi bien trépasser dans ma cave à vin au milieu de quelques millésimes qui ont certes mieux vieilli que moi. »

 

« J’ai privilégié l’arme à feu plutôt que la corde ou l’injection de propofol. Pour un meilleur effet cinématographique, je suppose. »

 

« … habituellement, les avocats ont la parole facile. Toujours en train de plaider leur cause, l'argument de rétorsion au bout des lèvres. Des acteurs difficiles à déstabiliser. Ils ont l'esprit vif, mais surtout, de contradiction. »

 

J’ai aussi bien aimé le portrait qu’il dresse du métier de scénariste :

 

« Il faut dire que, contrairement aux romanciers, les scénaristes sont généralement des personnes anonymes. On lit rarement leurs noms dans les génériques. Ce qui intéresse les cinéphiles, ce sont les acteurs et le réalisateur. Et parfois, aussi, celui qui a composé la trame musicale. À part certains connaisseurs, les seuls à reconnaître vraiment le talent et l'importance de ma profession sont les producteurs et les réalisateurs. Il y a toutefois des avantages à passer incognito. Quand vous êtes scénariste, personne ne vous aborde dans la rue pour vous quémander un autographe ou vous féliciter parce que vous savez composer des répliques ou créer des intrigues. Vous pouvez abuser du scotch dans un bar ou élever le ton dans un endroit public sans qu'on en parle sur les réseaux sociaux. Vous n'êtes personne d'autre que celui à qui votre mère a donné la vie. »

 

Ce roman est structuré comme un scénario de film. Plusieurs scènes sont associées à celles qu’on peut visionner dans des productions cinématographiques connues et qui ont probablement été choisies en fonction de l’admiration que porte l’auteur à l’égard de leurs réalisateurs :

 

Scent of a Woman (Brest), Auberge espagnole (Klapisch), Derty Harry (Siegel), Chinatown (Polanski), The Big Lebowski et Fargo (Coen), Hannibal (Scott), Le dîner de cons (Veber), Scène de la vie conjugale et Face à face (Bergman), Da Vinci Code (Howard), Sleeping With the Ennemy (Ruben), The Silent of Lambs (Demme), On the Golden Pond (Rydell), Cast Away et Forrest Gump (Zemeckis), Fatal Attraction (Lyne), Misery (Reyner), One Flew Over the Cuckoo’s Nest (Forman), Pulp Fiction (Tarantino), The Sixth Sense (Shyamalan), La vita è bella (Benigni), The Witch (Eggers), Blair Witch Project (Myrick et Sánchez) et The Godfather (Coppola).

 

Et également à des séries télé : Breaking Bad (Gilligan), Colombo (Levinson), Ma sorcière bien-aimée (Saks), The Queen’s Gambit (Frank et Scott,) et Dexter (Manos).

 

S’ajoutent aussi des références à d’autres metteurs en images : Hitchcock, Fellini, Buñuel, Resnais, Godard, Truffaut, Altman et Labrecque.

 

Certains chapitres traduisent l’imaginaire fertile de l’auteur : celui où son protagoniste imagine différentes solutions pour se débarrasser de celui qui l’a floué (pp. 10-11) ; celui avec la médium (pp. 139-40) où il conclut qu’il n’y a pas que « les canaux de communication avec l’au-delà [qui] tombent aussi en panne » ; celui de la fouille dans le manoir imaginée par « le scénariste » (pp. 157-158) ; et celui de l’interrogatoire (pp. 166-167) au cours de laquelle l’arroseur est bien arrosé.

 

Et que dire des révélations en chute finale à la manière de Dexter « … chaque fois qu’il réglait le cas d’une de ses victimes dans la série télé du même nom. » Car, dans « la vie comme au cinéma, il peut y avoir des rebondissements inattendus. »

 

« Le scénariste » est aussi un roman sur la création littéraire qui souvent déforme la réalité, car écrire « un scénario est une chose, mais le vivre en est une autre. »

 

Sur l’inspiration :

 

« … dans le cas du scénario que je suis en train d'écrire, c'est de ma vie qu'il est question. »

 

« Pour écrire, ça prend beaucoup plus que de l'imagination. Il faut se tenir informé. Avoir des contacts dans tous les milieux... »

 

… la création des personnages :

 

« Tous mes personnages existent déjà. Je les construis en puisant simplement ici et là. J'usurpe les traits de ceux qui m'entourent. Un genre de voleur. » « … je leur volais leurs répliques et les dépouillais de leurs attributs afin de créer des personnages qui allaient donner de l'authenticité à mes scénarios. »

 

« Pour m'assurer qu'un personnage est bien campé, je valide toujours sa psychologie, ses motivations, ses craintes, ses carences... »

 

Le Character Driven : « les traits des personnages sont si bien définis au départ que ceux-ci décident eux-mêmes du dénouement de l'histoire. Cela permet de faire oublier au spectateur qu'un auteur se cache derrière. »

 

…. le scénario :

 

« Dans mes scénarios, j'ai toujours essayé de laisser les personnages me dicter l'évolution de l'histoire. Il m'arrive donc de me prendre à mon propre jeu. »

 

« Quand on écrit un scénario, on doit dès le départ savoir comment il se termine. Je commence toujours de cette façon, parce que la fin influence chaque scène qui précède. »

 

« … je m'imagine des scènes et me raconte des histoires qui souvent n'ont rien à voir avec la réalité. »

 

… et l’écriture en général :

  

« Écrire doit être une fête, jamais un combat. »

 

« J’ai commencé à vieillir le jour où j’ai cessé d’écrire. »

 

Une mention spéciale pour la couverture de première mettant en évidence une slug, « essentiellement une balle pour fusil de chasse. »

 

Laissez-vous emporter dans l’univers romanesque de Yves D. Poirier, un auteur que j’ai eu grand plaisir à découvrir.

 

Merci aux éditions Fides pour le service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander et récupérer votre exemplaire auprès de votre librairie indépendante sur le site leslibraires.ca.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****