Guillaume Morrissette. – Le poids des années. – Laval : Guy Saint-Jean Éditeur, 2023. – 425
pages.
Polar
Résumé :
Un corps est découvert en pleine nature. Il
s’agirait de Louis-Pierre Masson, un ancien professeur d’éducation physique
dont on avait perdu la trace il y a trois ans, alors qu’il venait d’être accusé
d’attouchements sur des élèves. Coïncidence ? La scène de crime laisse croire à
un suicide, mais les résultats de l’autopsie forcent les autorités à voir les
choses autrement. Le meurtrier a fait preuve de beaucoup de créativité…
Entre Shawinigan et Trois-Rivières, les
enquêteurs Gary Demers et Paul Sioui tentent donc de dénouer l’énigme en
creusant la vie de la victime, un habitué des services d’escortes. Existe-t-il
un lien entre les témoignages d’anciens élèves, Masson lui-même et les employés
du salon de massage qu’il aurait visité avant de disparaître ?
Commentaires :
Je découvre sur le tard Guillaume Morrissette
avec ce 11e roman publié chez
Guy Saint-Jean Éditeur dont les cinq derniers romans se sont vendus à 5000
exemplaires. L'auteur est une machine promotionnelle sur deux pattes comme le
qualifie son éditeur : il a récemment vendu 342 exemplaires de ses livres lors
d’un Salon du livre de Trois-Rivières pendant une séance de dédicaces qui a
duré 36 heures et 1264 à l'occasion de sa Caravane littéraire. Sa marque de
commerce : des personnages « qui
évoluent chez nous et dans un contexte social hyper actuel, avec des scènes
d'une efficacité redoutable qui nous restent en tête pendant longtemps. »
C’est le cas avec Le poids des années : un récit très crédible qui se déroule
principalement en Mauricie, où habite l’auteur qui enseigne à l’Université du
Québec à Trois-Rivières (UQTR), et en partie à Saint-Jérôme dans Lanaudière. Un
roman non sanglant, sans scène de violences extrêmes qui met en vedette deux
enquêteurs de la Sûreté du Québec (SQ) : le sergent Gary Demers de
Trois-Rivières et Paul Sioui d’origine autochtone, de Shawinigan, ce dernier
possédant une vaste expérience « aux crimes majeurs, à Montréal ».
Guillaume Morrissette a choisi de découper l’histoire
en 90 courts chapitres. Dès le prologue, le lecteur découvre le cadavre. Le
récit se divise en quatre parties, quatre phases d’investigation : la
genèse, l’enquête, la traque et les questions. L’auteur a cru bon d’afficher au
début de chaque chapitre un repère chronologique des événements se déroulant en
2018 (antérieurs au meurtre), de janvier à mars 2019 (année du meurtre) et mars
2022 (déroulement de l’enquête). Avec même le positionnement précis d’un repère
(flèche) correspondant à la date du chapitre. Cette technique nous permet de
suivre l’action dans le temps.
À noter également les titres des chapitres tous
en lien avec leurs thématiques.
On doit souligner les dialogues naturels « à
la québécoise » tant pour les policiers que pour les autres personnages
ainsi que la qualité de la langue sans anglicismes.
Tout est crédible dans cette histoire : le
scénario du meurtre (« C’est pas un
hasard, la place où il a été pendu. »), la mécanique interne de l’enquête,
les problèmes de relations personnelles et professionnelles entre collègues policiers.
En voici trois exemples :
Les explications du médecin légiste :
« La rupture des vertèbres cervicales s'est
produite entre la 4 et la 5, ce qui nous permet de retrouver l'os hyoïde […] ce
petit os est fracturé bien net en deux endroits opposés et symétriques. […]
Une bonne pression des deux côtés du cou,
pendant une trentaine de secondes. Comme ça, par exemple, mima-t-elle en
plaçant ses mains autour du cou du policier. Une encolure, aussi, par-derrière,
peut générer d'un seul côté une fracture de l'hyoïde […]. La fracture de l'os ne cause pas la mort,
mais pour le briser de cette façon, il faut appliquer une telle force qu'il y a
strangulation simultanée. […] Ça prend une pression des deux côtés en même
temps. Imaginez un étau qui prend la gorge par-devant et qui serre
tranquillement. L'os va céder là, et là. »
Des techniques pour démasquer un suspect à l’aide
de son téléphone…
«
Pendant que Paul posait sa question, Gary
sortit son téléphone et composa le numéro d'Éric Arsenault. […] On entendit une sonnerie. Arsenault sortit
l'appareil de sa poche et vérifia la provenance de l'appel. Inconnu. Il
s'apprêtait à l'ignorer quand il vit que Gary montrait son cellulaire dans sa
main droite. C'est juste pour confirmer qu'on est capables de vous joindre,
monsieur Arsenault. »
… ou de laisser croire qu’un indice a été
trouvé sur les lieux :
« Gary envoya un message texte au technicien
en identité judiciaire qui travaillait dans la salle numéro 1. Au bout de
quelques secondes, celui-ci apparut dans le corridor et héla l'enquêteur. Sergent,
vous avez une minute? - Oui, oui. On a trouvé quelque chose. L'employé murmura
quelque chose à l'oreille de Demers. »
Guillaume Morrissette a réservé aux deux
tiers du récit trois chapitres pour décrire en détail les étapes du meurtre et
découvrir le rôle des différents acteurs. Dès lors, le rythme s’accélère et le
lecteur est tenu en haleine jusqu’à découvrir comment les enquêteurs réussiront
à faire éclater en tout ou en partie la vérité. Impossible de faire une pause
lecture à cette étape !
J’ai noté au passage cette belle description
forestière :
« Demers tenta sans succès de repérer la
rivière Saint-Maurice à travers les arbres, sur sa droite. Les bouleaux, les
hêtres, les érables, les épinettes, les sapins de Douglas et baumiers, les
érables de Pennsylvanie, les pruches, les centaines de petits ifs du Canada,
dont seulement la cime traversait la neige, les énormes pins gris et les rares
thuyas s'échangeaient mille écorces et autant d'odeurs. Ce mélange d'essences
boréales dans la partie nord devait donner au parc Jacques-Plante une touche
magnifique, peu importe la saison. »
Et ce clin d’œil à l’archivage des dossiers d’enquête :
« Les dossiers traités par la police
municipale n'étaient pas archivés au même endroit que ceux de la Sûreté, même
si le territoire des deux juridictions se chevauchait. En grande partie, la
nature même des enquêtes différait par son importance et les ressources nécessaires
pour les résoudre. »
Vedette incontournable de la littérature
policière québécoise et invité d’honneur au 21e gala de la Société du roman policier de
Saint-Pacôme, Guillaume Morrissette est chargé de cours à l’UQTR. Il est récipiendaire
du « Prix d’excellence en enseignement », plus haute distinction honorifique
remise à un chargé de cours, ainsi que du « Prix des lecteurs du Salon du livre
de Trois-Rivières en 2016 et 2017 ». Polymathe
depuis l’adolescence et membre actif de MENSA
Canada, il a été récipiendaire de 10 prix et a été aussi finaliste à 10
reprises pour ses romans publiés de 2015 à 2022.
Un détail : il me semble qu’au bas de la
page 411, il faudrait lire « Michel
Arsenault » et non « Claude
Arsenault ».
Merci à Guy Saint-Jean Éditeur pour le
service de presse.
Au Québec, vous pouvez commander et récupérer
votre exemplaire auprès de votre librairie indépendante sur le site leslibraires.ca.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : *****
Intrigue : *****
Psychologie des
personnages : *****
Intérêt/Émotion
ressentie : *****
Appréciation générale
: *****
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