Dopamine (Sonia K. Laflamme)


Sonia K. Laflamme. – Dopamine. – Paris : Hugo Roman, 2023. – 360 pages.

 


Polar

 


 


Résumé :

 

Julie Hamelin, 49 ans, ex-criminologue et parkinsonienne, se réveille au beau milieu de la nuit auprès d’un amant assassiné. Au-delà de la valse des témoins et en dépit de crises de tremblements, la police considère la femme comme son suspect principal. Et si elle avait un complice ? Et si les membres de son entourage n’étaient pas aussi fiables qu’elle le pensait.

 

 

Commentaires :

 

Après, entre autres, 29 romans, cinq documentaires et 9 nouvelles  pour la jeunesse, Sonia K. Laflamme, originaire de Saint-Romuald, en banlieue de Québec, publie une première fiction pour adultes : Dopamine, « Un polar qui secoue » comme son éditeur en fait la promotion. Un slogan au double sens qu’on découvre en cours de lecture.

 

Sept jours d’enquête policière, à l’automne 2019, dirigée par le lieutenant-détective à la tenue vestimentaire monochrome, Louis Samson, de la police de Montréal, assisté de son adjointe Lili Chang – en trame de fond – et la maladie de Parkinson, qui occupe tout l’espace littéraire en avant plan. Le tout interrelié dans un scénario classique procédural : scène de crime, interventions des techniciens du laboratoire médico-légal…

 

« Dans la chambre, le corps de […] avait disparu. Il ne restait que deux techniciens de la Scientifique qui retiraient les draps du lit. Ils placèrent sous la zone contaminée par le sang de la victime une bande de plastique, puis une seconde par-dessus afin d'éviter que les substances corporelles n'imbibent les parties intactes du tissu lors du pliage. Ils ramenèrent ensuite les quatre coins du drap vers son centre, le plièrent trois fois de suite et le glissèrent dans un sac de papier avant de retourner au laboratoire, situé dans le même immeuble que la Centrale. »

 

… diagnostic du médecin légiste, recherches et rencontres de témoins et de suspects, visionnement de caméras de surveillance, présence policière aux funérailles, tableau d’enquête, hypothèses et contre hypothèses, fausses pistes, pression du supérieur immédiat... À noter, par contre, l’absence des médias, généralement intrusifs au cours des investigations.

 

D’entrée de jeu, dès le premier chapitre, le meurtre est commis…

 

« La mort étendit son bras et distribua sa propre justice. Un coup de feu déchira la nuit. »

 

« L’auréole de sang se propageait. Elle absorbait la vie, gourmande et impitoyable. »

 

…dans des circonstances qui m’ont paru plutôt invraisemblables. Je vous laisse le découvrir.

 

Et, pendant 350 pages, le titre du récit trouve sa justification dans la définition de la dopamine énoncée en couverture de première :

 

« DOPAMINE [dopamin] n. f.

1. Neurotransmetteur.

2. L'une des quatre hormones du bien-être, avec la sérotonine, l'endorphine et l'ocytocine, secrétées par le cerveau humain.

3. Hormone du plaisir immédiat que le cerveau associe à un sentiment de satisfaction, comme c'est le cas, par exemple, pour un orgasme sexuel et différentes addictions.

4. La dopamine assure, entre autres, la coordination des mouvements en transmettant l'information d'un neurone à l'autre. On dit que, lorsque le diagnostic de la maladie de Parkinson est rendu par le médecin, le patient a déjà perdu environ 75 % des neurones dopaminergiques, lesquels produisent la dopamine. »

 

Et dans les effets indésirables de la médication prescrite aux patients atteints par cette maladie neurodégénérative irréversible : le pramipexole, entre autres, sur l'hypersexualité et la levodopa qui possède la particularité de pouvoir être transformée directement et naturellement en dopamine dans le cerveau. Le comportement de Julie Hamelin multipliant les aventures d’un soir, personnage féminin principal imaginé par Sonia K. Laflamme qui souffre elle-même de cette maladie depuis une quinzaine d’années et qui en connaît bien les divers enjeux, en est une parfaite illustration :

 

« Ses pulsions et ses fantasmes se trouvaient exacerbés par un des trois médicaments qu'elle prenait, soit le pramipexole. Elle ingurgitait six doses de 0.5 milligramme par jour. Il avait la réputation d'induire des troubles compulsifs comme effets secondaires indésirables, tels que le jeu pathologique, des dépenses excessives et non justifiées, la boulimie, une augmentation importante de la libido... Le médicament, connu aussi sous le label Mirapex, avait été rebaptisé Mirasex par Julie. Et pour cause, puisqu'il lui faisait miroiter la recherche du bien-être, engendré par les plaisirs charnels avec un partenaire ou en solo, comme une solution avantageuse à la production naturelle de dopamine dans son cerveau. Ce moyen se révélait cependant efficace que pour une courte durée. Si Julie se portait beaucoup mieux au lendemain d'un orgasme sexuel – elle observait toujours une diminution de l'ensemble de ses symptômes –, tout était à recommencer le soir venu. Encore et encore. Elle se trouvait ainsi plongée dans un cercle vicieux, une centrifugeuse qui l'aspirait et la maintenait dans un certain état de dépendance, recherchant le vertige de la récompense sans fournir au préalable l’effort pour la mériter. »

 

S’ensuit un récit troublant de sensualité exacerbée, d’infidélités conjugales imbriquées, de défis malsains d’un « club d’investissement » à savoir « qui baiserait le plus de filles » pendant 15 ans :

 

« Tous les ans, on se réunit pour authentifier les preuves, soit les photos des filles inscrites sur chacune des listes de l'année. On profite de l'occasion pour renouveler notre cotisation annuelle, fixée à mille dollars chacun, et de l'investir dans un fonds négocié en Bourse en haute technologie. Les frais de gestion sont minimes et le risque, très élevé. […] Avec les intérêts composés et malgré la fluctuation de la devise canadienne, notre cagnotte représente une jolie somme. […] on devrait atteindre les sept cent cinquante mille dollars canadiens l'an prochain. À moins d'un effondrement de la Bourse, c'est ce qu'empochera le vainqueur. »

  

L’auteure ayant étudié la criminologie est aussi en mesure de dresser le portrait psychologique d’un meurtrier :

 

« Les délinquants ont tendance à agir à l'intérieur de leur propre groupe ethnique.

[…] Quatre raisons fondamentales poussent un individu à commettre un crime : la jalousie, la vengeance, l'argent et le désir de dominer.

[…] Le passage à l'acte dépend de trois conditions sine qua non : une motivation, des moyens et une occasion. Lorsqu'elles sont réunies, elles permettent au délinquant d'évaluer si le jeu en vaut la chandelle. C'est le principe du choix rationnel. [Le] ‘’ rationnel ‘’ n'équivaut pas ici à un choix objectif, rigoureux ou scientifique. Ce choix n'est rationnel que par rapport au vécu, aux sentiments, aux attentes, aux griefs personnels de la personne qui le fait. D'où l'importance de se mettre dans sa peau afin d'établir le meilleur profil possible. Ce qui prend du temps et un certain entraînement. »

 

J’ai noté au passage quelques réflexions intéressantes, dont celles-ci :

 

« … les gestes d’une personne momentanément lâche marquent toujours davantage l’imaginaire collectif qu’un cursus sans réels faux pas. »

 

« … nous sommes un peu comme les écrivains: quand on n'écrit pas, on pense à ce qu'on va écrire et à la manière de raconter les choses. Le cerveau ne s'éteint jamais. Il n'y a pas de commutateur. »

 

Et également les détails cliniques sur la stimulation cérébrale profonde comme solution pour réduire pendant une dizaine d’années la consommation de pramipexole :

 

« Le traitement se faisait en deux étapes. Au cours d'une première opération, on pratiquait deux petits trous dans la calotte crânienne et on insérait des électrodes dans le cerveau, jusqu'au noyau sous-thalamique. La cible anatomique de chaque électrode ayant été déterminée au préalable par imagerie médicale. Au cours de cette étape, l'anesthésiste faisait alterner chez le patient les périodes de sommeil et de veille afin que le neurochirurgien vérifie le bon emplacement des électrodes. Il soumettait alors le patient à de légers exercices de coordination manuelle, visuelle et vocale.

 

L'observation des effets instantanés des électrodes sur le corps lui permettait de corriger leur positionnement au besoin.

Quelques jours plus tard, lors d'une seconde intervention chirurgicale, on reliait avec des fils les électrodes à un neurostimulateur qu'on implantait dans la poitrine du patient, de la même manière qu'un stimulateur cardiaque.

 

[…] En prévision du traitement, elle devait se soumettre à une batterie de tests préopératoires : prélèvements sanguins, électrocardiogramme, évaluation psychologique, tests cognitifs, physiothérapie, imagerie par résonance magnétique, réactivité à la lévodopa... »

 

Écrit dans un style fluide, Dopamine sait garder notre intérêt jusqu’en finale plus ou moins prévisible. Sonia K. Laflamme nous offre une lecture à la fois divertissante et pédagogique qui mérite de s’y intéresser. Si on doit se fier au site Babelio, un des réseaux sociaux français du livre les plus populaires, une suite serait à prévoir.

 

Un dernier commentaire : est-ce parce que ce roman écrit par une Québécoise est publié chez un éditeur de l’Hexagone qu’on dénombre plus d’une dizaine de « du coup », expression favorite des Français ?

 

Au Québec, vous pouvez commander et récupérer votre exemplaire auprès de votre librairie indépendante sur le site leslibraires.ca.

 

 

Originalité/Choix du sujet : ****

Qualité littéraire : ****

Intrigue :  ***

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  ***

Appréciation générale : ***1/2