L'automne à Cuba (Leonardo Padura)

Leonardo Padura. – L’automne à Cuba. – Paris : Métaillé, 1999. 283 p.

 

Roman noir


 

 

Résumé : En cet automne 1989, le cyclone qui menace La Havane perturbe l’inspecteur Mario Conde au moins autant que la découverte de la corruption qui régnait parmi ses collègues du commissariat et la mise à la retraite de son chef. Il pense à démissionner, mais accepte de mener une dernière enquête sur un assassinat: le meurtre horrible et quasi rituel d’un ancien responsable de l’économie cubaine exilé et de retour avec un passeport américain. Il fouille le passé et plonge dans l’époque des confiscations, nationalisations et magouilles que la situation a permises. Désabusé, il dévoile surtout le malaise d’une génération de trentenaires qui n’a connu que le revers de la médaille révolutionnaire.

Commentaires : Mario Conde veut devenir enfin un écrivain. C’était son rêve de jeunesse. Dans la dernière enquête de son héros désabusé au sein de la police cubaine, Leonardo Padura poursuit sa description humaniste de la société cubaine toujours sous le joug de son Fidel dictateur. En dénonçant cette fois-ci comment une certaine élite a tiré profit, après la révolution, des expropriations des biens des Cubains qui avaient choisi de s'exiler et qui en ont profité pour s’accaparer les plus belles résidences et mettre la main, pour une bouchée de pain, sur des œuvres d'art. L’auteur y décrit un peuple confronté à la corruption, aux magouilles politiques, qui manque de tout, si ce n’est de rhum pour tenter de panser les plaies. Et si ce cyclone annoncé pouvait faire table rase et redonner aux Cubains une vie meilleure :

« Depuis son toit, Mario Conde avait scruté le firmament nettoyé de vent et de nuages, comme la vigie d’un navire égaré, avec l’espoir malsain que du haut de son élévation il pourrait enfin voir, dans le dernier pli de l’horizon, cette agressive croix de Saint-André dont il avait suivi plusieurs jours durant le trajet sur les cartes météorologiques, tandis qu’elle se rapprochait du destin qui lui était assigné : la ville, le quartier et ce toit même d’où il l’appelait. »

Grâce à l’intuition qui le caractérise et malgré un contexte professionnel déficient (un commissariat affaibli par des enquêtes internes et l’absence de son ancien chef) Conde mènera rapidement sa quête de la vérité afin que sa démission soit finalement acceptée. Juste à temps avant la frappe de l’ouragan rédempteur :

« Que survivrait-il de ce quartier dont il ne pouvait ni ne voulait s'échapper, le seul endroit au monde où il avait une possibilité d'avoir une toute petite place pour mourir- ou alors pour continuer à vivre ? Peut-être rien : en réalité, la dévastation avait commencé longtemps auparavant, et l'ouragan n’était que le bourreau féroce envoyé pour appliquer les condamnations déjà prononcées... Il resterait, peut-être la mémoire, oui, la mémoire, se dit le Conde, et la certitude de cette possibilité salvatrice le poussa à abandonner son lit, à se diriger vers la table de la cuisine et à installer sur le plateau taché de brûlures de cigarettes, de traces de citron acide et de rhum renversé, sa vieille Underwood. Oui, il était temps de commencer. Il disposa alors contre le rouleau cette feuille d'une blancheur prometteuse et se mit à la tacher de lettres, de syllabes, de mots, de phrases, de paragraphes grâce auxquels il se proposait de raconter l'histoire d’un homme et de ses amis avant et après tous les désastres physiques, moraux, spirituels, professionnels, religieux, sentimentaux et familiaux, auxquels échappaient uniquement la cellule originale de l'amitié, aussi timide mais tenace que la vie. »

L’automne à Cuba est un roman noir, un genre littéraire idéal pour amener le lecteur à réfléchir sur « ce pays si chaud et hétérodoxe où il n'y a jamais rien eu de pur », comme le dit si bien Mario Conde. En tout état de fait et encore de nos jours, la vitrine touristique de ce pays aux plages idylliques et aux hôtels de luxe tout inclus est l’antithèse de la vie quotidienne de la très grande majorité des insulaires. Il suffit de visiter La Havane, de parcourir à pieds ses quartiers chics et pauvres, de traverser les campagnes en autocar pour s’en rendre compte.

À lire avant ou après un séjour dans cette ancienne colonie espagnole.

Ce que j’ai aimé : Le prétexte de l’enquête pour mettre en lumière la détresse de la société cubaine.

Ce que j’ai moins aimé : -

Cote :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire