Une mémoire de lion (Guillaume Morrissette)


Guillaume Morrissette. – Une mémoire de lion. – Laval : Saint-Jean éditeur, 2024. – 414 pages.

 

 

Polar

 

 

 

Résumé :

 

Juin 2023. Padou, un homme aux compétences sociales limitées qu’on voit beaucoup à vélo dans Trois-Rivières, se commande un Blizzard au Dairy Queen de la rue Royale. Il présente une carte de crédit. Transaction refusée.

 

Au même moment, Paul Sioui, policier de la Sûreté du Québec à Cap-de-la-Madeleine, reçoit le signalement d’une tentative de fraude. On vient d’essayer d’utiliser la carte Visa de Marie-Julie Lebel, qui se serait noyée dans le fleuve Saint-Laurent en août 1995.

 

Que faisait Padou avec la carte de crédit de la disparue ?

 

Vingt-huit ans après cette mystérieuse disparition, les enquêteurs Gary Demers et Paul Sioui unissent leurs forces à celles des agents Brigitte Soucy et Jean-Sébastien Héroux, souhaitant fermer une fois pour toutes ce vieux dossier. Mais comment ouvrir le dialogue avec Padou et le lion en peluche qui lui sert d’interprète ?

 

 

Commentaires :

 

Guillaume Morrissette conclut sa note de remerciements en souhaitant « J’espère avoir réussi à vous faire évader un peu ! »

 

Pour une évasion, c’en est une belle ! J’ai lu d’un trait ce tourne-page où je n’ai pas pu décrocher de l’intrigue, une enquête procédurale hors du commun :

 

« Ce qu’on fait [...], c’est pas mal le contraire de tout ce qu’on enseigne en matière de procédures d’enquête ».


Son dénouement repose sur un témoin insolite. L’ensemble est très crédible. L’auteur s’est notamment renseigné auprès d’intervenants du milieu : « le sergent-détective Dominic Roberge, de la Sûreté du Québec, que j’ai inondé d’appels, car je voulais tout savoir de son métier » et « Pierre Allen, magistrat ».

 

Tout d’abord, « Une mémoire de lion » est un polar qui met en scène des enquêteurs de la Sûreté du Québec et du Service de police de Trois-Rivières. Pour une fois, ces détectives collaborent étroitement, ce qui procure une grande satisfaction à leurs protagonistes :

 

« Sur la courte route du retour entre le poste de la SQ et celui de la police municipale, Héroux se fit la remarque que les forces policières gagnaient beaucoup à collaborer. »

 

Et que dire de ce témoin sympathique dans la cinquantaine, autiste (atteint d’hypermnésie, de mémoire eidétique ou du syndrome du savant) qui possède tous les détails « encodés » dans son cerveau sur les événements qui se sont déroulés 28 ans plus tôt. Une idée de scénario audacieuse nous laisse ébahis devant un Rainman québécois dont les chiffres, les odeurs, les visages, les plaques d’immatriculation, les distances (de la Terre à la Lune : 384 400 km), les dates de naissance (Albert Einstein : 14 mars 1879), les heures précises (heure de sa première rencontre avec quelqu’un : 1 h 10 minutes !!!) et même les caractéristiques des éléments chimiques sont profondément enregistrés dans sa mémoire prodigieuse.

 

« ... son cerveau fonctionne comme une base de données, faut juste que tu utilises la bonne requête. »

 

Pour passer un bon moment, notez sur un carnet un petit tableau qui indique, au fil des révélations, quelle personne est liée à quel numéro dans une série chronologique.

 

« 318. Un homme seul. 320, un couple en pleine conversation. D'un coup, 328. Un groupe. Non, 331.

Ils parlent fort, ils s'amusent. Ils s'approchent de l'eau.

Cinq garçons. Six filles.

328 s'éloigne vers la gauche. 325 se dirige vers le stationnement. Il s'assoit. 321 et 327 s'embrassent. 332, un homme qui marche rapidement. 335, deux hommes et une femme. Une BMW blanche passe devant Padou et se gare dans le tout dernier espace, face à l'eau. 325 se lève et se rend à la fenêtre côté passager du véhicule.

On entend une conversation. 328 s'approche à son tour. »


Le titre « Une mémoire de lion » évoque une peluche chérie par l’autiste Padou (Patrice Douville) qui sert de « façade entre le monde normal » et le sien. Il s’agit d’Aslan, le protagoniste principal de la série de sept romans de fantasy pour la jeunesse « Monde de Narnia », écrite par l’Irlandais Clive Staples Lewis.

 

L’intrigue parfaite, écrite dans un style fluide, se déroule sur 67 chapitres organisés chronologiquement. L’enquête débute le 12 juin 2023 et se poursuit jusqu’au 16 juin 2023. Elle révèle progressivement des indices et des preuves qui se confirment grâce à des événements survenus les 18 et 19 août 1995 au Parc portuaire de Trois-Rivières et en 2003, ailleurs dans la région. Elle remonte également dans l’enfance de Padou dans les années 1970 et 1980. Chaque chapitre est positionné sur une ligne du temps pour guider le lecteur.

 

L’histoire se déroule dans le centre-ville de Trois-Rivières. En quelques mots, l’auteur y installe le décor :

 

« Depuis que la municipalité avait décidé de transformer la rue des Forges, entre les rues Champlain et du Fleuve, en voie piétonnière, on avait l'impression que le tourisme avait explosé. Des terrasses pleines à craquer, des artistes dans la rue, des mendiants, des étrangers en visite, des spectacles un peu partout et même le Cirque du Soleil à l'amphithéâtre. »

 


Parc portuaire de Trois-Rivières

 

Tout comme dans de nombreux romans policiers, la numérisation récente des archives policières facilite les recherches dans les enquêtes passées :

 

« Regarde ça, proposa-t-il en tournant son écran d'ordinateur. Les fichiers numérisés, c'est la meilleure affaire qui nous soit arrivée. J'ai tous les événements consignés entre le 10 et le 30 août 1995, ici, dans un seul document. »

 

J’ai également remarqué ces deux passages particulièrement visuels :

 

« Les nuages n’avaient pas pleuré et le soleil était réapparu. »

 

« Dans un cri digne du légendaire guerrier écossais William Wallace, ce dernier hurla :

– Je le jure ! »

 

Je n’en dirai pas plus, si ce n’est de vous inviter à vous précipiter chez votre libraire indépendant pour vous procurer ou à emprunter auprès de votre bibliothèque publique ce roman fascinant de Guillaume Morrissette que le Journal de Montréal qualifiait en 2018 de « surdoué inépuisable ».

 

* * * * *


Chargé de cours à l’UQTR, , Guillaume Morrissette a obtenu le Prix d’excellence en enseignement, la plus haute distinction honorifique décernée à un chargé de cours, ainsi que le Prix des lecteurs du Salon du livre de Trois-Rivières en 2016  et 2017. La maison des vérités était son premier roman. Il fut suivi de la série de romans policiers mettant en scène l’inspecteur Héroux. Depuis son adolescence, cet écrivain polymathe est un membre actif de Mensa Canada. Il vit à Trois-Rivières.

 

Plusieurs de ses romans mettant en scène l’inspecteur Héroux ont obtenu plusieurs prix, dont le Prix du Premier polar, le Prix Coup de cœur du Club de lecture, tous deux de la Société du roman policier de Saint-Pacôme, le Prix Arthur-Ellis, le Prix des nouvelles voix de la littérature, le Prix AQPF-ANEL ainsi que le Prix Arts Excellence, catégorie Livre de l’année.

 

Je tiens à remercier les éditions Saint-Jean pour l’envoi du service de presse.

 

Au Québec, il est possible de commander votre copie du livre sur le site leslibraires.ca et de le récupérer dans une librairie indépendante.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****

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