André Jacques. – Jeux d’ombres. – Montréal : Druide, 2025. – 428 pages.
Polar/Thriller
Résumé :
Que faire quand la femme qu’on aime vient
d’être sauvagement agressée et laissée pour morte ? Que faire quand on ignore
d’où elle venait et ce qu’elle avait entrepris ? Que faire quand se dévoile une
série de mystères, de secrets et de menaces ? C’est ce que doit découvrir
Alexandre Jobin. C’est ce nœud de vipères qu’il doit dénouer. Peu à peu
apparaîtront des clans de différentes mafias parfois en guerre les uns contre
les autres, des services secrets dissimulant des pans de vérité, des services
policiers loin de tout comprendre, ainsi qu’un prestigieux cabinet d’avocats
pas aussi propre qu’il le prétend. De Montréal à Londres, en passant par le
paradis fiscal qu’est l’île anglo-normande de Jersey, et avec l’aide de Pavie,
sa fille tueuse professionnelle à ses heures, Alexandre se lancera à l’assaut
de l’hydre et tentera de percer les zones d’ombre.
Commentaires :
C’est le deuxième roman d’André Jacques que
je lis après « Ces
femmes aux yeux cernés » que j’avais beaucoup aimé. C’est aussi le
cas de « Jeux d’ombres »
dans lequel nous retrouvons les personnages fétiches de l’auteur.
D’une part, Alexandre Jobin, l’antiquaire ex-enquêteur
militaire qui, dans une autre vie, a « travaillé
vingt-cinq ans dans les services du renseignement de l’armée », sa
fille Pavie Parenteau toujours aussi efficace dans le maniement de l’arme
blanche, ) son amoureuse Chrysanthy Orowitzn (bonne chance pour la
prononciation adéquate et ses amis le docteur Raphaël Saint-Amant et Sam
Wronski (son associé dans la boutique d’antiquités).
Auxquels s’ajoutent, d’autre part, des
membres du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) – qu’on espère
plus efficace dans la vraie vie – (le colonel Arthur Coles, Michaël Dumont et
Maggie McDougall) et ceux du Service de police de la ville de Montréal (SPVM)
dont l’enquêteur Lucien Latendresse et ses lapsus péronistes. Sans
oublier le journaliste Jean-Paul Rainville du Journal de Montréal bien au fait des frasques des milieux montréalais
de la pègre italienne et russe, des bandes de motards et des gangs de rue.
Une courtepointe très colorée, un thriller tissé
serré mettant en scène de nombreux protagonistes aux personnalités
caractérisées par leurs profils psychologiques et les niveaux de dialogue. Mais
n’ayez crainte, l’auteur réussit à nous tenir en haleine jusqu’en finale en
nous entraînant dans un récit truffé de nombreux rebondissements. Une histoire
qui se déroule de février à juin 2007 à Montréal, à Ottawa et à Saint-Hélier,
la capitale du paradis fiscal de l’île de Jersey, dont la carte du
centre-ville apparaît en couverture de première. Un plan qui permet de
localiser deux établissements – l’hôtel The Club et la banque Barrington – au
cœur même de la trame dramatique.
André Jacques a réparti l’action où évolue
Alexandre Jobin en 31 chapitres et inséré huit sections intitulées « Interférences » (qui transporte le
lecteur du côté du cheminement du SCRS, du SPVM et des groupes mafieux) et « Résurgences » (qui décrivent
l’émergence et la sortie des ténèbres [du coma] de Chrysanthy Orowitzn).
J’ai beaucoup apprécié la structure du
scénario et le style fluide et efficace de l’auteur comme l’illustrent ces quatre
exemples :
« ...
des produits périssables dans le frigo
qu’il faudrait vider un jour avant que les restes de jambon ne bouffent les
feuilles de laitue. »
Une
« gravure et son hurlement
silencieux. Devant cette bouche de femme ouverte, béante, sur un cri. Un cri
qui lui en rappelle tant d’autres. Ailleurs dans un autre pays, à une autre
époque de sa vie... Et la douleur revient, sinueuse comme un reptile qui lui
gruge le flanc. »
« Des têtes qui joue du coude »
(métaphore).
« ...
le soleil se couche et le vent
tourbillonnant soulève et emporte des papiers sales. Dans la vie, il y a
toujours des papiers sales. »
À propos de Jersey, j’y ai appris que cette
île et sa sœur jumelle Guernesey n’ont « aucun lien juridique avec [l’Angleterre]. Sauf un seul : la reine Elizabeth II, mais en tant que duchesse de
Normandie. Titre dont a hérité la bonne dame à son accession au trône et qui
s’est transmis dans la famille depuis le Moyen-Âge [depuis Guillaume le
Conquérant]. D’où la souplesse et
l’autonomie des lois bancaires dont jouis Jersey. »
Aussi l’origine de l’expression « électron libre ». Synonyme d’un « canon sans attache. Allusion aux
canons qui perdaient leurs amarres sur les navires de guerre d’autrefois et qui
mettaient la vie de l’équipage en péril. »
Et sur le puissant explosif Semtex :
« Cette saloperie était fabriquée en
Tchécoslovaquie. Aujourd'hui, l'usine est obligée d'ajouter un produit afin de
la rendre plus facile à détecter. Mais, y a pas si longtemps, c'était l'arme de
choix de certains groupes. On en a trouvé lors de l'explosion d'un vol qui
s'est écrasé à Lockerbie, en Écosse, en 1988. Puis aussi dans plusieurs
attentats au Moyen-Orient et en Sicile à l'époque où on faisait sauter les
juges antimafia. »
J’ai noté au passage cette référence à une
bavure du crime organisé, « l’explosion
qui a tué accidentellement un enfant [Daniel Desrochers] durant la guerre des motards en 1995 »
opposant les Hells Angels et les Rock Machines qui se disputaient le marché de
la drogue de Montréal.
J’ai souri à la comparaison que le détective
Latendresse fait d’Alexandre Jobin et Jean-Paul Rainville avec le duo « Mutt and Jeff » : « personnages d’une ancienne bande dessinée
américaine (comics trip) publiée jusque dans les années 1980, mettant en scène
deux individus assez farfelus » que
j’aimais lire chaque jour ou presque dans le journal Le Soleil de Québec. »
Quant au titre du roman, il trouve toute sa signification à la fin du récit :
« ...
dans les enquêtes policières, y’a souvent
des zones floues, des zones d’ombres, qui demeurent. C’est pas comme dans les
romans policiers où Hercule Poirot explique tout à la fin. »
J’ai regretté de ne pas avoir lu le tome
précédent des enquêtes d’Alexandre Jobin, « Les gouffres du Karst » en raison des très nombreuses
références qui jalonnent le récit.
Par contre, l’intégration d’un certain nombre
de citations et de références musicales nous permet de découvrir certaines
nuances... de la personnalité littéraire d’André Jacques :
« Regarde le fleuve, un jour tu verras passer
le cadavre de ton ennemi. » (d’après Umberto Eco dans Apostille au Nom de la Rose).
« ...
quand j’étais on the dark side of the
Moon » (titre d’un disque de Pink Floyd)
« Epur su muove » « Et pourtant, elle bouge (parlant de la
Terre) » [Galilée]
« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient
frappés » (Jean de La Fontaine, « Les animaux malades de la peste »
dans Les Fables.
Un « rescapé du Radeau de la Méduse »
J’ai dévoré en quelques heures ce thriller
palpitant que je vous recommande sans hésitation.
Quant à la mention « Prix Saint-Pacôme du meilleur roman policier »
sur la couverture de première, elle concerne uniquement les ouvrages « La bataille de Pavie » et « Ces femmes aux yeux cernés » pour
lesquels André Jacques a respectivement été récipiendaire en 2016 et 2019.
* * * * *
Après des études en Arts à l'Université de Sherbrooke en 1967, André Jacques fit des études en Lettres à l’Université Laval en 1970 et, l’année suivante, à l’Université d’Aix-en-Provence, avant d'effectuer en 1974 un doctorat à l’Université de Paris VIII (Vincennes).
De 1971 à 2003, il a enseigné au Cégep de
Thetford Mines. Durant sa carrière de professeur, il a offert des cours de
linguistique, de littérature, de cinéma et d’histoire de l’art. Il fut aussi
coordonnateur du département de français et du programme Arts et Lettres de son
collège. En 2010, il donne deux cours de 20 heures intitulés « L’Univers du polar » et « L’Écriture du polar » à l’UTA de
l’Université de Sherbrooke.
Au début des années 1980, il a participé à la
revue « Spirale », notamment en
publiant des critiques sur la littérature latino-américaine. Il a aussi participé
comme critique à la revue « Alibis » où il a publié environ 120 critiques de
romans policiers et quelques articles de fond sur le polar québécois. Il est
aussi l’auteur de plusieurs nouvelles. Jeux d’ombres est son huitième roman.
Je tiens à remercier les Éditions Druide pour l’envoi du service de presse.
Au Québec, vous pouvez commander votre
exemplaire du livre via la plateforme leslibraires.ca
et le récupérer dans une librairie indépendante.
Évaluation :
Pour
comprendre les critères pris en compte, il est possible de se référer au menu
du site [https://bit.ly/4gFMJHV],
qui met l’accent sur les aspects clés du
genre littéraire.
Intrigue et suspense
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Originalité :
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Ambiance
et contexte :
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Rythme
narratif :
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Cohérence
de l'intrigue :
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Style
d’écriture :
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Impact
émotionnel :
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Développement
de la thématique :
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Finale
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Évaluation globale :
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