Donato Carrisi. – La maison aux lumières. – Paris : Calmann Lévy, 2023. – 376 pages.
Thriller psychologique
Résumé :
Dans une vieille bâtisse isolée en Toscane,
une fillette souffre de maux bien étranges... Lors de phases de transe, Eva
semble habitée par le mal et obéit aux ordres d'un ami imaginaire inquiétant.
C'est en tout cas ce que rapporte sa jeune
fille au pair à Pietro Gerber, illustre hypnotiseur pour enfants. Ce dernier,
traumatisé par sa précédente affaire, hésite à prendre en charge cette
patiente. Mais au cours de leurs séances, elle dissémine des indices sur une
histoire qui ronge Gerber depuis des décennies : la disparition brutale de son
ami, survenue dans son enfance.
Comment peut-elle être au courant de détails
que même Gerber a enfouis en lui ? En sondant les affres de la mémoire d'Eva,
Pietro Gerber va être victime d'un jeu de piste dangereux, qui l'obligera à se
confronter à ses pires démons.
Commentaires :
« Une
histoire à couper le souffle » C’est ainsi que le quotidien italien La Stampa qualifie à juste titre La maison des lumières, le troisième
tome de la série Pietro Gerber, psychologue pour enfants et spécialiste de
l’hypnose. Après La maison des voix (2020) et La maison sans souvenir (2022) que je n’ai
malheureusement pas lus Ce dernier nous entraîne dans les dédales obscurs de la
parapsychologie, de la manipulation mentale, de la superstition, de l’expérience
de mort imminente et d’idéologie sectaire. Dans deux histoires qui
s’entremêlent « dans les méandres du
cerveau et de la mémoire ».
En ouverture, la table est mise. Le contexte
de la quête de vérité de « l’endormeur d’enfant » est résumé en une
quinzaine de pages : la disparition en 1997, durant l'enfance de Pietro, de
Zeno, un de ses compagnons de jeu des statuettes de cire que décrit ainsi
Donato Carrisi :
1. La statuette
capture les vivants.
2. Quand on est
touché, on devient une statuette et on poursuit les vivants.
3. Les statuettes
n'ont pas le droit de parler. Elles peuvent seulement siffler.
4. Le jeu prend fin
quand le dernier survivant prononce le mot « Arimo ».
5. Si le dernier
survivant ne prononce pas le mot «Arimo », le jeu ne se termine jamais.
« Arimo : du latin ‘’ arae mortis ‘’,
autels de la mort construits pour célébrer les défunts à la fin d’une guerre.
Le mot indiquait probablement une sorte de trêve pour enterrer les morts. »
S’ajoute la thérapie d’une petite fille de 10
ans, Eva, qui, en 2022, converse apparemment avec un ami imaginaire menaçant et
qui refuse de quitter sa maison isolée dans la campagne florentine.
Et, au passage, les angoisses de Pietro
Gerber qui engage un détective privé chargé de le suivre et de vérifier si le
« fantôme » d’une ancienne patiente qui était persuadée d’avoir tué
son frère pendant son enfance, Hanna Hall (dont il était question dans La Maison des voix), le hante réellement.
Difficile de ne pas succomber à ce
tourne-page au rythme envoûtant à ce récit soutenu par une écriture fluide et
efficace. Mettant en scène des personnages ambivalents qui évoluent dans un
univers anxiogène où les synchronicités alimentent les appréhensions de l'hypnotiseur
lui-même dans un état personnel et professionnel détérioré.
Donato Carrisi excelle dans ce genre littéraire. J’avais pu le constater à la lecture de son premier roman Le Chuchoteur (Calmann-Lévy 2010) inspiré de faits réels et du premier tome de la série Marcus et Sandra, Le Tribunal des âmes (Calmann-Lévy 2013).
Dans une entrevue publiée à l’occasion
de la sortie de La maison sans souvenir,
ce juriste de formation spécialisé en criminologie et sciences du comportement
déclarait ceci :
«
J’ai longtemps voulu écrire un thriller
dans lequel il n’y aurait ni sang, ni meurtres, ni victimes, ni monstres...
mais qui serait malgré tout très effrayant […]. Pendant des années, je me suis donc demandé s’il était possible de
construire un suspense sans avoir recours à ces éléments. »
En effectuant ses recherches, Donato Carrisi
a rencontré un véritable « endormeur d’enfants », un psychologue qui, grâce à
la thérapie, parvient à entrer dans le labyrinthe de leur esprit.
En annexe au troisième récit impliquant
Pietro Gerber, son auteur a ajouté cette note :
« Les pratiques d'hypnose de l'histoire sont
semblables à celles utilisées dans les thérapies. Pour ce roman, j'ai à nouveau
bénéficié de la contribution et de la disponibilité de la docteure R.V. et du
docteur G.F. (c'est à leur demande expresse que je n'indique que leurs
initiales) : grâce à leurs récits et à leur longue expérience en la matière,
l'endormeur d'enfants est devenu un personnage réel. »
Comme dans tous mes avis de lecture, j’ai
noté ces extraits :
La description du jardin où se déroule le jeu
des statuettes de cire :
«
Le jardin de la villa de Porto Ercole
était idéal pour ce jeu : les buissons et arbustes offraient de multiples
cachettes. Il était d'ailleurs idéal uniquement pour ce jeu, car sa végétation
touffue s'emparait de tous les ballons et balles, sans jamais les rendre à leur
propriétaire. À tel point que les enfants, qui rentraient souvent chez eux les
mains vides, l’avaient baptisé ‘’ le jardin sans espoir ‘’. »
Les amis imaginaires :
«
Les amis imaginaires des enfants émergent
d'un puits de solitude. Ils asphyxient tout, avec leur présence nauséabonde. Ce
sont des despotes, ils sont possessifs et exigent l'exclusivité, voire même
refusent de s'en aller. »
L’ennui des enfants :
«
L’ennui est le principal ennemi des étés
des enfants. Il se tient en embuscade, attend un nuage qui obscurcira le ciel
juste un instant, un clou rouillé qui se plantera dans le pneu d’un vélo, ou
encore un ballon frappé si fort qu’il sera emporté par les vagues. »
La mémoire et la simulation :
«
La mémoire se consolide vers trois ans :
tout ce qui a lieu avant est emmagasiné en tant qu’expérience, ou simple
apprentissage, mais pas comme souvenir. »
«
Quand on connaît certains phénomènes, en
théorie on est capable de les simuler… »
L’expérience de la mort imminente :
«
Le fait que tu aies été de l’autre côté
de la frontière, même si ça a duré très peu de temps, suffit à te différencier
des autres humains. »
Et une belle formulation :
«
La pluie allait libérer la ville du
sentiment d’oppression que provoquait ce ciel sombre. »
J’y ai aussi appris l’origine de la « boule à neige » qu’utilise
« l’endormeur d’enfant » pour les plonger dans une transe
hypnotique :
«
Tu sais qui a inventé cette merveille ?
demanda Pietro en allant s'asseoir à côté d'elle. Il s'appelait Erwin Perzy. Il
vivait à Vienne, il y a plus d'un siècle. En cherchant à améliorer la
luminosité d'une ampoule pour les salles d'opération d'un hôpital, il a eu
l'idée de mettre à l'intérieur de l'eau mélangée à des petits morceaux de
matériaux reflétant la lumière. L'invention n'a pas fonctionné, mais Perzy a
constaté qu'à l'intérieur de la boule, c'était comme s'il neigeait. Alors il y
a ajouté des paysages miniatures. »
La finale de La maison aux lumières laisse entrevoir un quatrième tome de la
série qui permettra certainement d’élucider certains éléments laissés en
suspens dans le dénouement de cette histoire captivante.
Merci aux éditions Calmann Lévy pour le
service de presse.
Au Québec, vous pouvez commander et récupérer
votre exemplaire auprès de votre librairie indépendante sur le site leslibraires.ca.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : *****
Intrigue : *****
Psychologie des
personnages : *****
Intérêt/Émotion
ressentie : *****
Appréciation générale
: *****
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