Patrice
Lessard. – La danse de l’ours. – Montréal :
Héliotrope, 2018. 173 pages.
Roman
noir
Résumé : Louiseville, Mauricie.
Quand
Dave et Blanche retontissent avec leur plan débile – braquer le Flamingo durant
le Festival de la Galette –, il y a deux ans que Patrick ne leur a pas adressé
la parole. Oublier leur vieille querelle, d’accord, mais embarquer dans ce coup
foireux pour un butin aussi dérisoire, c’est non. Sauf que Blanche sait se
faire convaincante : elle l’aime toujours, elle a besoin de lui. Bon, OK,
c’est oui. Mais à mesure que les préparatifs avancent, Patrick suspecte ses
amis de lui jouer dans le dos. Pas surprenant, ils n’ont jamais été nets, ces
deux-là. C’est bien dommage, mais ils ne lui laissent pas le choix : il
devra tirer les ficelles.
Commentaires : C’est le troisième
roman de Patrice Lessard que je lis. Cinéma
royal, que j’avais bien aimé, m’avait fait découvrir un auteur à l’humour incisif.
Ce qui m’avait bien plu. Excellence
poulet qui m’avait fait rigoler à souhait. J’avais bien hâte de me taper le
dernier né. Une «
étonnante histoire de cow-boys et
d’Indiens [qui] explore les berges marécageuses du lac Saint-Pierre et de la paranoïa
» comme l’annonce la couverture de quatrième.
Ce
court roman de 173 pages m’a malheureusement laissé un peu sur ma faim. Je dois
même avouer que j’ai failli décrocher à mi-chemin : la lenteur de l’action
en était l’une des causes. J’ai tenu le coup pour aboutir à une finale presque
prévisible et une chute surprenante qui nous laisse pantois. Il fallait boucler
la boucle et je ne l’ai pas regretté.
Cette
fiction en est une d’ambiance : à la fois glauque et délirante avec, entre
autres, les références aux relations malsaines entre autochtones et
« blancs » de la région, au milieu de la drogue et de ses petits
revendeurs exploités par leurs fournisseurs, à la mafia locale et montréalaise,
aux motards et aux bars louches. Avec un narrateur pogné, comme on dit en bon
québécois, entre son passé criminel, ses amours déchus et un avenir douteux. Dans
une petite ville de la Mauricie, Louiseville, au centre du Québec, à une
quarantaine de kilomètres de Trois-Rivières, que Patrice Lessard ne ménage pas,
avec son Festival de la Galette de sarrasin, vestige d’une époque révolue et
folklorique. « qui n’attire pas que
le pauvre monde de Louiseville, on y vient de partout, comme à Saint-Tite, pour
célébrer le conformisme et le passé fabulé ». Et vlan !
Le
style d’écriture de Patrice Lessard lui est propre. À la fois original et
déroutant, particulièrement avec l’incrustation des dialogues dans le discours
narratif. Un artifice littéraire qui me plaît bien. Toutefois, cette fois-ci,
j’ai eu beaucoup de difficultés avec les niveaux de langage des personnages et
du narrateur qui oscillent entre le joual du Québec profond intégré à une certaine
langue châtiée. Comme dans cet exemple :
« Nous bûmes
nos bières en silence puis, au bout de quelques minutes, As-tu parlé à Blanche ces temps-icitte ? m’enquis-je. Oui, pourquoi ? Pour rien, éludai-je, et lui : Tu
as-tu de quoi à me conter ? Sa question me surprit. Je pensai
que Blanche avait pu lui parler de notre liaison. Je sors avec, confessai-je. »
De
page en page, pour être plus à l’aise avec la narration et les dialogues, je me
suis amusé à relire mentalement chaque réplique à la manière québécoise, comme
ici à partir de l’extrait précédent :
« On a
bu nos bières en silence pis, quelques minutes plus tard, As-tu
parlé à Blanche ces temps-icitte ? que j’y ai demandé. Oui, pourquoi ?
Pour rien, que j’y ai fait accroire,
et lui : T’as-tu d’quoi à m’conter
? Sa question m’a fourré. J’ai pensé que Blanche avait pu y parler de notre liaison. Je sors avec, que j’y ai avoué. »
La danse de l’ours est le 10e roman publié dans la collection
Héliotrope Noir créée « pour tracer,
livre après livre, une carte inédite du territoire québécois dans lequel le
crime se fait arpenteur-géomètre ». Cette 7e création littéraire a
tout pour vous surprendre et vous plonger dans un univers imaginaire très riche
ancré dans une certaine réalité sociale et culturelle où évolue une brochette
de personnages tout aussi paumés les uns que les autres.
Ce que j’ai aimé : Les personnages décadents. L’univers noir et réaliste
dans lequel se côtoient troubles du jugement et perception de la réalité.
Ce que j’ai moins aimé : Les antinomies langagières.
Cote
: ¶¶¶
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