Yves Apache Trudeau (Julian Sher et Lisa Fitterman)

Julian Sher et Lisa Fitterman. – Yves Apache Trudeau. – Montréal : Éditions de l’Homme, 2025. – 309 pages..

 

 

Documentaire criminel (True Crime)

 

 

 

Résumé :

 

Tueur à gages pour le compte des Hells Angels dans les années 1970 et 1980, Yves Trudeau demeure l'un des meurtriers les plus prolifiques du Canada. Après avoir échappé de justesse à la mort, il devient informateur pour le gouvernement et confesse ses crimes, notamment l'exécution de 43 personnes. Ses performances en tant que témoin se révèlent toutefois désastreuses et le temps de détention minimal dont il écope suscite l'indignation de la population. Les auteurs à succès Julian Sher et Lisa Fitterman racontent l'incroyable histoire de cet assassin qui a échappé à la police et à la justice pendant plus d'une décennie.

 

 

Commentaires :

 

En début d’avis de lecture, j’ai le goût de paraphraser un slogan popularisé par la Société des alcools du Québec (SAQ) puis repris par l'organisme Éduc'alcool prônant la modération : la fiction « a bien meilleur goût ». Autrement dit, j’ai davantage de plaisir à lire un polar, un roman noir ou un thriller qu’un documentaire sur le même thème.

 

C’est aussi le constat que je fais de la publication de Julian Sher et Lisa Fitterman qui raconte « L’histoire du Hells Angels le plus meurtrier du Canada ». Isabelle Richer, journaliste et chroniqueuse judiciaire, résume bien en préface le propos de cet ouvrage « fouillé, regorgeant de faits précis et méconnus » et très documenté avec ses 160 références bibliographiques :

 

« Le récit palpitant des auteurs nous plonge dans l'histoire d'un personnage aussi odieux que célèbre, inextricablement lié à des événements qui ont laissé des cicatrices sur la population québécoise.

 

Yves Apache Trudeau explore la naissance et le fonctionnement impitoyable d'une organisation qui n'a de loi que la sienne.

 

Julian Sher et Lisa Fitterman nous entraînent sur [...] des sentiers qui nous conduisent à travers des décennies de crimes et de lutte à la criminalité, ce jeu de chat et de souris que se livrent policiers et bandits. »

 

En page préliminaire, les auteurs ont regroupé dans un tableau les différents protagonistes : le tueur à gages lui-même, les Hells Angels de Californie, de Sorel et de Laval, les Nomads, les associés des motards, le Gang de l’ouest, la police de Montréal, les procureurs, les avocats de la défense et les journalistes.

 

Dans une première partie intitulée « Tuer, c’était une nécessité » les 43 assassinats commis par Yves Trudeau sont décrits – souvent avec redondance, l’imagination criminelle ayant ses limites – dans huit chapitres illustrant la folie meurtrière dans une ville de Montréal aux prises avec la  montée des groupes de motards criminels et l’impuissance des forces policières à les contrôler. Le tout bien mis en évidence par un tabloïd policier très populaire publié de 1953 à 2003, spécialisé dans la couverture de faits divers : Allô Police qui « n’a jamais rechigné à faire la part belle aux scènes de crimes les plus obscènes qui soient » avec photographies ainsi que d'autres sujets reliés au monde de la justice et des mœurs.

 

L’origine des Hells Angels « dont le nom du groupe est emprunté à celui d’un escadron de pilotes de bombardiers américains qui étaient postés en Angleterre pendant la Seconde Guerre mondiale » nous est relatée. Leur expansion en Amérique et sur la scène internationale reposant sur un « mouvement de contre-culture qui a fait d'eux des héros anti-establishment aux yeux de bien des gens et, plus important encore, une explosion de la consommation de drogues récréatives - la marijuana, l'héroïne, l'acide et, par-dessus tout, la cocaïne ».

 

On y trouve également une référence aux frères Blass (Michel et Richard) dont ce dernier a fait l’objet d’une BD (« Blass - Le chat sur un toit brûlant ») scénarisée par le Québécois Michel Viau.

 

Chaque personnage – tueur, tué, motard, conjointe de motard, policier, avocat... – nous est décrit physiquement en une courte phrase fort éloquente, comme dans cet exemple :

 

« Homme de petite taille aux traits acérés, avec des lèvres minces qui semblaient figées dans un air renfrogné, Ross avait reçu le surnom peu flatteur de ‘’ Belette ‘’. L'explication la plus charitable consistait à croire qu'avec ses yeux de fouine et son nez crochu, il ressemblait un peu à un furet.

 

La deuxième partie intitulée « Ils veulent me tuer » raconte pourquoi et comment Yves Trudeau est devenu informateur pour la Sûreté du Québec. Quant au troisième bloc de chapitres (« Je vois ça comme une punition »), il porte sur les différents procès et le sort réservé par la justice à chaque incriminé ayant collaboré ou non avec la justice lors de leurs procès.

 

Un encart de huit pages reproduit des photos, un peu à la manière du journal Allô Police qui permet de mettre des visages sur les « nominés », dont les 43 assassinés par Yves Trudeau pour lesquels je vous suggère de vous doter d’une loupe pour consulter le texte qui les accompagne.

 

En épilogue, Julian Sher et Lisa Fitterman font le bilan des interventions policières réalisées depuis 2009 ainsi que des autres événements liés à la poursuite des guerres entre motards. Pour conclure qu’un « autre Yves (Apache) Trudeau se trouve peut-être déjà quelque part, au hasard des ruelles et des bars, en train de fourbir ses armes, alors que la lutte pour le pouvoir s’intensifie une fois de plus dans le monde québécois de la criminalité. »

 

Un index des noms de personne, de groupes criminalisés et de lieux et une liste de lectures suggérées complètent ce texte qui comporte un certain nombre de redites.

 

Les amateurs de ce gendre d’ouvrages verront certainement leurs attentes comblées en parcourant la vie de ce tueur à gages qui, en se transformant en délateur, s’en est tiré au début des années 1990 avec une peine réduite à sept ans d’emprisonnement.

 

Doté d’une nouvelle identité, il vit alors sous le nom de Denis Côté, travaillant « comme aide-soignant dans une maison de soins infirmiers. Cependant, après avoir été renvoyé de son travail en 2000, il est de nouveau arrêté en 2004 pour plusieurs agressions sexuelles (dont une sur un garçon de 13 ans), qui lui vaudront 4 ans de prison. Il est décédé d'un cancer en 2008 à l'âge de 62 ans.» [Wikipédia].

 

« Yves Apache Trudeau » est la version anglaise de « Hitman - The Untold Story of Canada’s Deadliest Assassin » publié en 2025 par HarperCollins Publisher.

 

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Julian Sher est auteur, cinéaste et journaliste d'enquête de renom. Il a reçu plusieurs prix, dont celui de la Canadian Authors Association pour son historique du Ku Klux Klan au Canada. Il a écrit dans plusieurs journaux, notamment The Globe and Mail, The Ottawa Citizen et La Presse, ainsi que pour CNN.com.


Lisa Fitterman est journaliste, rédactrice et chroniqueuse. Elle a notamment couvert la guerre des motards au Québec et les affaires judiciaires pour le Montreal Gazette. Son travail a été publié dans de nombreux journaux et magazines partout au pays.

 

 

Je tiens à remercier les Éditions de l’Homme pour l’envoi du service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire du livre via la plateforme leslibraires.ca et le récupérer dans une librairie indépendante.

 

 

Évaluation :

Pour comprendre les critères pris en compte, il est possible de se référer au menu du site [https://bit.ly/4gFMJHV], qui met l’accent sur les aspects clés du genre littéraire.

 

 

Impact émotionnel :

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À qui sait attendre (Michael Connelly)


Michael Connelly. – À qui sait attendre. – Paris : Calman-Lévy, 2024. – 445 pages.

 

 

Polar

 

 

 

Résumé :

 

À la tête de l’unité des Affaires non résolues, Renée Ballard retrouve la trace, grâce à l’ADN, d’un violeur en série qui a terrorisé Los Angeles deux décennies plus tôt avant de disparaître. Mais très vite, elle va se heurter à des secrets et à des obstacles juridiques qui la forcent à demander son aide à Harry Bosch.

 

Et cette fois, elle pourra compter sur une autre alliée : Maddie, la fille de Harry, qui rejoint l’unité et dévoile des documents surprenants concernant l’affaire la plus emblématique du siècle dernier, celle du Dahlia noir.

 

Alors que la première enquête devient dangereuse, Ballard, Harry et Maddie ne seront pas de trop pour retrouver des criminels que les familles des victimes attendent depuis longtemps déjà de voir arrêtés.

 

 

Commentaires :

 

Je suis un inconditionnel de Michael Connelly. Vous ne serez pas surpris de constater que j’ai bien aimé ce 29e roman de l’auteur qui m’a fait découvrir la littérature policière. Et ce malgré quelques scènes qui ralentissent le rythme du récit. Je suis d’accord avec Norbert Spehner quand il mentionne que « les rencontres entre Ballard et une psychologue ne sont d’aucun intérêt, pas plus que l’enquête à Hawaï sur sa mère disparue ».

 

« À qui sait attendre » est un polar de procédure policière qui met en scène trois personnages principaux qui interviennent à leur façon dans la solution de cas non résolus : Renée Ballard énergique et pragmatique, encline à défier sa hiérarchie, incarnant la relève ; Harry Bosch, affaibli par la maladie, la mémoire d’un monde policier révolu ; Madeline – Maddie – Bosch, sa fille récemment diplômée de l’école de police, qui esquisse l’avenir tout en ajoutant une dose de dynamisme et d’ambition.

 

Contrairement à certains commentaires lus sur les réseaux sociaux, j’ai apprécié le rythme ponctué d’un certain suspense du récit étalé sur à peine une quinzaine de jours. Et l’idée de suggérer une solution fictive à l’affaire du Dahlia noir qui faisait référence au meurtre en 1947 non élucidé d'Elizabeth Short, une jeune femme américaine surnommée ainsi.

 

Le titre, « À qui sait attendre », « The waiting » en version originale anglaise, m’a semblé avoir été choisi pour faire référence à la patience des enquêteurs pour qui la justice – la vérité à découvrir – est le résultat d’accumulation de faits, de preuves, de frustrations.

 

Comme dans plusieurs polars, la ville – ici Los Angeles – et ses institutions est aussi un personnage confronté à un lot d’enquêtes non résolues et de tensions politiques.

 

Je n’ai pas noté d’envolées lyriques dans ce texte dont le style est direct, sobre, souvent avec une économie de mots qui sert à sa façon le rythme de l’enquête. Comme dans cette courte phrase, presque cinématographique, où la tension se concentre dans le non-dit :

 

« La scène parle d’elle-même. Il suffit d’écouter le silence des murs. »

 

Ou dans cet extrait de dialogue qui en dit long sur le scepticisme de certains personnages :

 

« — Tu crois encore à la justice ?

— Je crois aux preuves. C’est moins décevant. »

 

Et dans cette ambiance qui reflète l’état d’esprit des enquêteurs :

 

« Le soleil tombe derrière la ville. Les ombres s’allongent, comme les souvenirs qu’on préfère oublier. »

 

On pourra reprocher à Michael Connelly d’abuser de raccourcis et de mises en scène parfois invraisemblables. Partant du principe qu’il nous plonge dans une fiction au scénario bien ficelé à la fois divertissant et instructif sur l’écosystème des forces policières californiennes, l’auteur a su captiver mon intérêt jusqu’à la dernière page. Avec un épilogue qui laisse la porte grande ouverte à en apprendre davantage sur le passé de Renée Ballard.

 

Je ne peux m’empêcher de mentionner deux coquilles qui ont échappé à la révision éditoriale : la mention « Henry » au lieu de « Harry » (p. 169) et « Dimanche midi », titre de la nouvelle section (p. 431) alors qu’à la page 434, on annonce que « c’était samedi ».

 

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Michael Connelly, né en 1956 à Philadelphie, est l’un des auteurs de romans policiers les plus lus au monde. Fasciné dès l’adolescence par Raymond Chandler, il se passionne pour les intrigues criminelles et la ville de Los Angeles, qui deviendra le décor principal de ses livres.

 

Diplômé en journalisme et en création littéraire, Connelly débute comme reporter spécialisé dans les faits divers. Son expérience au Los Angeles Times lui fournit une connaissance précise des enquêtes policières et du système judiciaire, donnant à ses romans un réalisme saisissant.

 

En 1992, il publie « Les Égouts de Los Angeles » (« The Black Echo »), premier opus mettant en scène l’inspecteur Harry Bosch, vétéran du Vietnam et enquêteur obstiné. Le livre remporte le prix Edgar Allan Poe et lance une série culte. Suivront d’autres personnages marquants, comme l’avocat Mickey Haller, héros de « La Défense Lincoln », et la détective Renée Ballard.

 

Traduit dans plus de quarante langues, Connelly a vendu des dizaines de millions d’exemplaires et vu ses œuvres adaptées au cinéma et en séries (« Bosch », « Bosch : Legacy », « The Lincoln Lawyer »). Installé en Floride, il continue de publier régulièrement, confirmant son statut d’incontournable du polar contemporain.

 

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire du livre via la plateforme leslibraires.ca et le récupérer dans une librairie indépendante.

 

 

Évaluation :

Pour comprendre les critères pris en compte, il est possible de se référer au menu du site [https://bit.ly/4gFMJHV], qui met l’accent sur les aspects clés du genre littéraire.

 

Intrigue et suspense :

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Originalité :

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Personnages :

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Ambiance et contexte :

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Rythme narratif :

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Cohérence de l'intrigue :

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Style d’écriture :

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Impact émotionnel :

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Développement de la thématique :

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Finale :

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