R.J. Ellory. – Everglades. – Paris : Sonatines, 2025. – 453 pages.
Thriller
Résumé :
Août 1976. Garrett Nelson est shérif adjoint
en Floride. Lors d'une arrestation qui tourne mal, il est grièvement blessé.
C'en est fini pour lui du service actif. Suivant les conseils de sa thérapeute,
Hannah Montgomery, il rejoint le père et le frère de celle-ci à Southern State,
en tant que gardien au pénitencier d'État. Édifiée sur l'emplacement d'une
ancienne mission espagnole située au beau milieu des Everglades, la prison est
censée être d'une sécurité absolue. Et pourtant... Entre un étrange suicide et
une curieuse évasion, l'instinct d'enquêteur de Nelson reprend vite le dessus.
Dans ce milieu clos, cerné par une nature hostile, il va bientôt se rendre
compte que les murs renferment des secrets aussi dangereux que bien gardés.
Commentaires :
« Everglades »
est ma troisième lecture de Roger Jon Ellory après « Une
saison pour les ombres » et
« Au nord de la frontière ». Les
critiques littéraires patentés s’accordent pour dire que 17e opus
est le meilleur thriller qu’il a publié. Et l’éditeur de déclarer sur la
couverture de quatrième :
«
Avec ce thriller crépusculaire, Ellory
poursuit sa réflexion sur la nature humaine et sa part de ténèbres. Personnages
d’une rare humanité, force d’émotion exceptionnelle, sens remarquable de
l’intrigue et du suspense: on retrouve ici tout ce qui fait la puissance et la
beauté de son œuvre. »
Je partage totalement cet avis : Ellory nous
plonge dans les zones d’ombre du rêve américain, entre les eaux stagnantes et
la chaleur suffocante des marais tropicaux métaphoriques qui encerclent l’établissement
pénitentiaire de Southern State censé être de sécurité maximum, scène
principale de ce théâtre où rien n’est stable, ni la morale, ni les alliances,
ni la perception de la réalité. L’âme humaine s’y embourbe et, progressivement,
les personnages s’y engloutissent dont Garrett Nelson, le protagoniste, qui en
ressortira transformé.
La première phrase et l’avant-dernière du
roman résument en quelques mots la trame dramatique de cette fiction riche en
émotions et en rebondissements :
« La nuit de la fusillade, Garret Nelson eut
le sommeil d’un homme attendant son exécution. »
[...]
« Sa vie avait changé, et l’homme qu’il avait
été n’était plus. »
Tout au long du récit, l’auteur maintient un
équilibre entre fournir assez d’indices pour garder le lecteur accroché, sans
jamais sacrifier la très lente montée en tension. Il en est ainsi de la
description de l’environnement et de la vie dans chaque section du pénitencier
jusqu’à une première mise à mort, comme si on y était, et qui donne froid
dans le dos :
·
« Population générale » (Gen
Pop) et ses « six cents détenus sur
trois niveaux »,
·
« Haute
sécurité » (HS) et ses « deux
niveaux avec soixante-quinze détenus dans chaque »,
·
le
couloir de la mort, « deux rangées
de six cellules se [faisant] face de part et d’autre d’un large couloir »,
·
le
« beffroi » d’exécution et
sa chaise électrique.
Dans cette ambiance glauque, on découvre un Garret
Nelson qui porte les cicatrices d’un lourd passé familial et du traumatisme de
la fin tragique de sa carrière de shérif adjoint. Il est confronté à une vérité
qu’il n’est pas préparé à regarder en face. Il avance à tâtons, dominé par ses
peurs, mais animé par une volonté presque désespérée de comprendre et d’accepter
ce qui se joue réellement. En parallèle sa relation de couple avec Hannah
Montgomery confrontée, aux événements vécus à la prison et aux considérations
morales et éthiques sur la justification de la peine de mort.
« Everglades »
explore aussi la très fine frontière entre justice et vengeance (œil pour œil)
face à l’atrocité des crimes commis, une frontière que les personnages
franchissent parfois sans s’en rendre compte, animés par la colère ou le
désespoir.
Pour nous tenir en laisse dès le début et
tout au long du roman, Ellory ralentit volontairement le rythme, quitte à nous immerger
dans des descriptions presque hypnotiques. Les deux scènes d’exécution de deux
condamnés à mort, précédées et suivies de séquences introspectives du
personnage principal avec l’aumônier de la prison, en sont des exemples
éloquents. Le tout incrusté de figures de style mises de l’avant par le traducteur
comme celle-ci :
« Toutes les étincelles qu’elle avait pu avoir
dans la tête avaient été mouchées depuis longtemps par la brusque réalité de la
vie. »
Ou de réflexions fort à propos comme cette citation
d’Ernest Hemingway :
« La vie brise tout le monde, et ensuite,
quelques-uns deviennent plus forts aux endroits où ils ont été brisés. »
Parlant de la traduction française d’Étienne
Gomez, je ne peux m’empêcher de signaler l’intégration inappropriée des tics
verbaux en vogue dans l’Hexagone (« Du
coup », « Si ça se trouve »...) qui ne sont pas
représentatifs de l’oralité états-unienne.
Avec ses 82 courts chapitres, « Everglades » est un tourne-page qui
nous tient en haleine jusqu’à la toute fin totalement imprévisible. J’ai
grandement apprécié l’atmosphère oppressante qui s’en dégage, la finesse
psychologique qui caractérise chaque personnage, la maîtrise de la tension et
du dérèglement progressif et, évidemment, le décor viscéralement intégré à la
narration.
Laissez-vous donc happer à votre tour par l’ambiance
de ce thriller noir dans lequel la psychologie a préséance sur l’action.
* * * * *
R. J. Ellory est né en 1965 à Birmingham. Orphelin très jeune, il est élevé par sa grand-mère qui meurt alors qu’il est adolescent. Il est envoyé en pensionnat et c’est à cette période qu’il se découvre une véritable passion : la lecture. En dehors des périodes scolaires, il est livré à lui-même et se livre à de petits délits dont le braconnage, ce qui lui vaudra un séjour en prison. Cherchant une façon de s’exprimer artistiquement, R.J. Ellory monte d’abord un groupe de blues avant de se lancer dans la photographie.
Son goût pour la lecture l'amène également à
s’intéresser à l’alphabétisation et à faire du bénévolat dans ce domaine.
Parallèlement et alors qu’il n’a que 22 ans, il commence à écrire. La vingtaine
de romans qu’il écrit entre 1987 et 1993 ne trouvent, malgré ses tentatives
acharnées, aucun éditeur des deux côtés de l’Atlantique. Il devra attendre 2003
pour que « Papillon de nuit » soit
publié par Orion.
Le succès est quasiment immédiat. Il obtient
le prix Nouvel Obs/BibliObs du roman noir 2009 pour « Seul le silence », son premier roman publié en France qui devient
rapidement un succès de librairie. À travers toute son œuvre, Roger Jon Ellory
met en scène dans de sombres fresques une Amérique meurtrière et rongée par la
culpabilité, loin de l'Angleterre qui l'a vu naître.
Je tiens à remercier les éditions Sonatine pour l’envoi du
service de presse.
Au Québec, vous pouvez commander votre
exemplaire du livre via la plateforme leslibraires.ca et le récupérer à la
librairie indépendante de votre choix.
Évaluation :
Pour
comprendre les critères pris en compte, il est possible de se référer au menu
du site [https://bit.ly/4gFMJHV],
qui met l’accent sur les aspects clés du
genre littéraire.
Intrigue et suspense
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Originalité :
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Personnages
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Ambiance
et contexte :
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Rythme
narratif :
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Cohérence
de l'intrigue :
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Style
d’écriture :
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Impact
émotionnel :
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Développement
de la thématique :
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Finale
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Évaluation globale :
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