Sans l’ombre d’un doute (Michael Connelly)


Michael Connelly. – Sans l’ombre d’un doute. – Paris : Calmann-Lévy, 2024. – 441 pages.

 

 

Polar

 

 

 

Résumé :

 

Après avoir fait libérer un homme de prison, l’avocat Mickey Haller est inondé de demandes de détenus clamant leur innocence. Pour étudier leurs dossiers, il embauche son demi-frère, l’ex-inspecteur du LAPD Harry Bosch.

Un seul cas retient l’attention de ce dernier : une mère accusée d’avoir tué son ex-mari, adjoint des services du shérif, lesquels se sont montrés pressés de « rendre justice » à l’un des leurs. Haller exige que l’affaire soit immédiatement rejugée.

Tandis que Bosch se lance sur les traces du véritable assassin, l’avocat à la Lincoln lutte contre l’impitoyable machine judiciaire de l’État de Californie. Seules la persévérance et une fine connaissance du droit vont permettre à Haller et Bosch de l’emporter, alors que beaucoup semblent prêts à tout pour enterrer l’affaire à jamais.

 

 

Commentaires :

 

C’est Michael Connelly, il y a environ trente ans, qui m’a fait découvrir le genre policier. J’ai alors lu depuis sa première publication, en 1993, « Les Égouts de Los Angeles », l’ensemble des traductions en français de ses romans, tous aussi captivants les uns que les autres. En 2024, j’attendais avec impatience la sortie de son plus récent titre de la série Mickey Haller, le septième après « La Défense Lincoln» (2006), « Le Verdict du plomb» (2009), « Volte-face» (2012), « Le Cinquième Témoin» (2013), « Les Dieux du verdict» (2015) et « L'Innocence et la Loi» (2021). L’avocat Mickey Haller est le demi-frère de Harry Bosch avec qui il s’est associé en quête de vérité. Et encore une fois je n’ai pas été déçu.

 

Cette histoire dans laquelle Haller et Bosch, ex-enquêteur du Los Angeles Police Department (LAPD), unissent leurs forces pendant sept mois pour sauver une innocente, un peu à la manière des efforts de l’organisation Innocence Project, est étalée sur 50 chapitres et découpée en 14 parties aux titres évocateurs de la progression de l’action :

 

1.        Mars – La botte de foin

2.        L’aiguille

3.        Effets secondaires

4.        Lady X

5.        Octobre – Derniers préparatifs

6.        Le piège de la vérité

7.        Le témoin qui tue

8.        Subpoena Duces Tecum (Assignation avec documents à produire)

9.        Une vraie croyante

10.     Le grand maître de l’embrouille

11.     Concert de klaxon

12.     Le champ de la preuve

13.     L’homme en noir

14.     El capitan

 

On y retrouve les protagonistes qui font le succès de la série et qui côtoient Mickey Haller, l’avocat flamboyant à la Lincoln Navigator qu’il utilise comme bureau : « ... en costume trois-pièces de coupe italienne, l’air bien pour les caméras et baignant dans toute la majesté de la loi » :

 

·        Harry Bosch, son enquêteur principal et chauffeur, qui conduit son partenaire de la résidence à la cour, aux centres de détention et aux restaurants où l’équipe se sustente ;

·        Cisco, le deuxième enquêteur, imposant de taille ;

·        et Lorna Taylor, qui s’occupe notamment des finances.

 

Maggie McPherson, l’ex de Haller, fait une apparition remarquée dans l’histoire, tout comme sa fille Hailley et celle de Bosch, Maddie. On y apprend également que ce dernier a travaillé sur plus de 300 homicides en tant qu’enquêteur principal ou suppléant au cours de sa carrière. Et qu’il suit un traitement expérimental, une « thérapie au lutétium 177 », pour traiter une « leucémie lymphoïde chronique » qui s’est propagée à ses os à la suite d’une exposition à un produit toxique dans une enquête antérieure.

 

Michael Connelly a décidé d’insuffler de l’énergie à l’intrigue de son roman en alternant la narration entre le point de vue de Mickey Haller et les observations d’un narrateur omniscient.

Le cœur de l’affaire soumise à un tribunal fédéral réside dans une demande de « habeas corpus », un principe clé du système judiciaire américain. « Le juge de la cour suprême John Marshall a écrit il y a presque deux cents ans de cela que c'est le moyen sacré de taire libérer ceux quipeuvent avoir été emprisonnés sans cause suffisante. Elle sauvegarde notre liberté et nous protège de l'arbitraire et des actes illégaux de l'État.»

 

Comme c’est le cas dans tous les autres livres de cette série, l’auteur met en lumière des stratagèmes qu’un avocat de la défense peut utiliser pour gagner son procès. « Sans l’ombre d’un doute » ne fait pas exception à la règle.

 

Ne jamais produire de notes écrites :

 

« J'allais devoir [...] expliquer plus tard [à Bosch] que ses notes écrites pouvant atterrir dans les mains de la partie adverse lors de l'échange des pièces à conviction, j'observais toujours la règle suivante: ni notes ni échange des pièces entre les parties. Il devrait ajuster ses méthodes s'il continuait de travailler pour la défense. »

 

Danser entre les gouttes :

 

« ... jouer au bonneteau avec l’attorney general. On lui montre ce qu'on ne peut pas ne pas lui montrer, mais seulement quand il le faut et on lui camoufle du mieux qu'on peut la stratégie qu'on aura au prétoire. C'était un exercice de haute voltige sans filet, et cela pouvait très bien se terminer par un juge fédéral qui, furieux, exige de savoir ce qu'on a et à quel moment on l'a trouvé. Soit exactement le genre d'astuce de la défense qui aurait fait bouillir les sangs de Bosch quand il portait le badge. Mais là, il en était presque à admirer les manœuvres de son demi-frère. Il voyait en lui un maître dans l'art de toujours se tenir dans les limites de l'éthique quand il faut traiter avec ceux d'en face – ce que Haller appelait « danser entre les gouttes ».

 

« ... j'avais passé les deux derniers jours à travailler mon alignement de témoins tel le manager d'un club de baseball qui prépare l'ordre dans lequel vont passer ses batteurs lors du premier match des World Series. Je devais décider qui jouerait le coup amorti, qui serait capable de voler une base et qui de nettoyer l'adversaire. Il fallait que je devine ce que l'équipe adverse expédierait comme balles à mes frappeurs et que je prépare ces derniers au mieux. »

 

 

Et pour gagner du temps, se livrer astucieusement à un outrage au tribunal et être condamné à une nuit en prison avant la reprise de l’audience.

 

Michael Connelly partage aussi avec son lectorat des réflexions sur le rôle et les ressources à la disposition des avocats de la défense et des procureurs :

 

« Quand tu es procureur, tu as tout le pouvoir, ressources et contacts de l'État avec toi et ce, d'un bout à l'autre du parcours, alors que du côté défense, tu es seul. C'est du David contre Goliath et toi, tu es David et c'est pour ça que l'emporter est si génial. »

 

« ... œuvrer du côté de la défense faisait de Haller un battu d'avance qui tente l'impossible. Un homme qui tient une planche de surf au bord de la plage et voit arriver une vague de trente mètres de haut. Là où le pouvoir et la force de l'État n'ont pas de limites, Haller n'était qu'un homme qui se bat pour son client. Mais qui est prêt à pagayer pour aller affronter ce mur d'eau et Bosch commençait enfin à voir ce qu'il y avait de noble dans ce combat. »  

 

La mention de certaines règles et procédures se révèle instructive :

 

La règle 702 « qui exige que tout témoignage d’expert obéisse ‘’ aux méthodes et principes fiables de l’enquête de médecine légale ‘’ et s’applique donc à n’importe quelle reconstitution de crime. »

 

La motion 504 « visant à annuler une peine pour défense inefficace du client... c'est-à-dire pour mauvais travail. Vous pouviez être persuadé de l'avoir bien représenté ou que le résultat obtenu est à la hauteur, mais s'il reste trop longtemps en prison, vous finirez par être cité dans une tentative de la dernière chance ayant pour but d'invalider la sentence et ça, aucun avocat ne le veut. Non seulement cette démarche risque d'endommager votre réputation, mais réexaminer ses décisions passées et les défendre prend un temps fou. »

 

De la même manière qu’il est question de l’approbation ou du rejet par la justice ou les services de police des avantages potentiels de la science et de la technologie, comme l’intelligence artificielle : 

 

« Bosch ne savait pas trop ce que tout cela voulait dire, s'il savait que l'intelligence artificielle était un sujet controversé selon l'application qu'on en faisait. Cela lui rappela l'époque où on commençait à parler d'ADN en droit pénal. Il avait fallu un moment avant que cette technologie soit acceptée alors qu'elle est, à tort ou à raison, maintenant considérée comme la manière la plus facile de résoudre un crime. »

 

« La cour est en retard sur notre époque, madame la juge. L'intelligence artificielle est là... On s'en sert en chirurgie, elle pilote des automobiles, achète des actions, choisit la musique que nous écoutons. Ses applications sont infinies, Votre Honneur. Ne renvoyez pas cette femme en prison parce que les tribunaux sont archaïques et à la traîne en termes de technologie. »

« Bosch nourrissait depuis toujours des doutes sur la science et la technologie. Non pas qu'il n'aurait pas vu tout le bien qu'elles font dans le monde, mais l'enquêteur qu'il était se méfiait des individus qui adoptent instantanément leurs découvertes et refusait de marcher avec ceux pour qui, croyance quasiment culte, n'y voient que des bienfaits. Il savait que cela le plaçait dans la situation de tout regarder du dehors, d'être un analogue dans le monde du numérique, mais ses instincts l'avaient toujours bien servi. Pour tout grand progrès technologique, il y avait toujours des gens pour chercher à en mésuser. »

 

J’ai souri en lisant ces deux passages :

 

« Je me levai et cette fois je boutonnai ma veste comme s’il s’agissait d’un bouclier et que je partais au combat. »

 

« — Il n'y a pas beaucoup d'endroits auxquels on donne le nom d'un sale type, dit-elle.

— Et la Trump Tower, hein ?

— C'est lui qui lui a donné ce nom. Et en plus, ça dépend à qui on en parle. »

 

Et que dire de cette image, qui symbolise le défi qu’un avocat de la défense doit surmonter lorsqu’il plaide sa cause devant un tribunal fédéral ?


« L'aigle du sceau fédéral avait les yeux de la colère et de la vertu. Qu'on lui en donne l'occasion et il semblait prêt à laisser tomber les flèches et le rameau d'olivier qu'il serrait dans ses griffes acérées pour plonger du haut du mur et déchirer la gorge de tous ceux qui auraient même seulement eu l'idée de venir chercher justice en ce lieu. Je l'étudiai en m'adaptant peu à peu à la nouveauté de ce qui m'entourait. J'avais passé l'essentiel de mes décennies de labeur à essayer d'éviter les prétoires fédéraux. Le tribunal fédéral du district central de l'État de Californie était l'endroit où les dossiers de la défense venaient mourir. Les fédéraux avaient un taux de condamnations avoisinant les cent pour cent. Ici, les dossiers de la défense étaient gérés, rarement jugés et presque jamais gagnés. »

 

J’ai lu ce livre en quelques jours. Après une première moitié consacrée à l’établissement des faits et à la collecte d’informations pour enrichir l’affaire, j’ai eu l’impression de me glisser aux côtés de Mickey Haller et de me retrouver au cœur de l’action, dans la salle d’audience et le bureau de la juge Coelho. Avec une chute finale tout à fait inattendue !

 

Comme le mentionne l’auteur dans ses remerciements, son équipe de recherche des faits et de soutien à l’écriture a, encore une fois, été efficace. J’ai hâte de lire « À qui sait attendre » (2025), le prochain roman mettant en scène Harry Bosch, accompagné cette fois-ci par Renée Ballard, tandis que sa fille, Maddie, occupe une place centrale.

 

D’ici là, faites-vous plaisir et procurez-vous « Sans l’ombre d’un doute » dans une librairie indépendante, ou empruntez-le à la bibliothèque de votre quartier.

 

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Né en 1956, Michael Connelly commence sa carrière comme journaliste en Floride, ses articles sur les survivants d'un crash d'avion en 1986 lui valant d'être sélectionné pour le prix Pulitzer. Il travaille au Los Angeles Times quand il décide de se lancer dans l'écriture avec « Les Égouts de Los Angeles », pour lequel il reçoit l'Edgar du premier roman. Il y campe le célèbre personnage du policier Harry Bosch, que l'on retrouvera notamment dans « Volte-Face » et « Ceux qui tombent ». Auteur du « Poète », il est considéré comme l'un des maîtres du roman policier américain. Deux de ses livres ont déjà été adaptés au cinéma, et l'ensemble de son œuvre constitue le cœur de la série télévisée Bosch. Les romans de Michael Connelly se sont vendus à plus de quatre-vingts millions d'exemplaires dans le monde et ont été traduits en plus de quarante langues.

 

 

Je tiens à remercier les éditions Calmann-Lévy pour l’envoi du service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire du livre via la plateforme leslibraires.ca et le récupérer dans une librairie indépendante.

 

 

Évaluation :

Pour comprendre les critères pris en compte, il est possible de se référer au menu du site [https://bit.ly/4gFMJHV], qui met l’accent sur les aspects clés du genre littéraire.

 

Intrigue et suspense :

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Originalité :

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Personnages :

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Ambiance et contexte :

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Rythme narratif :

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Cohérence de l'intrigue :

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Style d’écriture :

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Impact émotionnel :

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Développement de la thématique :

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Finale :

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Évaluation globale :

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