Maudits Français ! (Carl Pineau)


Carl Pineau. – Maudits Français !  – Paris : Éditions, 2024. – 374 pages.

 

Polar

 

 

 


Résumé :

 

Roman Kermarec, policier démissionnaire, quitte la France pour s’installer au Québec avec sa femme et sa fille adoptive, Linoa. Dès son arrivée, il est « enrôlé » par la police locale pour tenter de retrouver de jeunes Français disparus. On lui adjoint une séduisante équipière amérindienne, Wyome Beausoleil, à la personnalité déroutante. L’improbable binôme s’aperçoit rapidement que la fille de l’ex-policier, proche des lycéens enlevés, en sait plus qu’elle ne l’avoue…

 

 

Commentaires :

 

« Qui trop embrasse mal étreint ». Cette maxime s’applique bien au roman policier « Maudits Français » de Carl Pineau, un auteur nantais. En effet, il est toujours risqué pour un.e écrivain.e, quelle que soit sa nationalité, de s’aventurer dans un milieu géographique et culturel spécifique, avec ses particularités linguistiques, ses distances et ses comportements

Je m’explique.

 

« Maudits Français », avec sa couverture de première accrocheuse, mais qui ne représente qu’un court épisode du récit, est un roman à la fois divertissant et dénonciateur de situations inacceptables, tant du point de vue humain que politique et historique. L’écriture facile à lire de l’auteur rend la lecture agréable. L’utilisation d’expressions québécoises ainsi que de jurons, mais avec leur équivalent écrit dans les notes de bas de page, facilite la compréhension pour les lecteurs français. Cela inclut des termes tels que « chum », « char », « blonde », « cute », « en maudit », « céduler », « chicane », « placoter », « niaiseux », « achaler », « push-up », « lâcher un call », « bœufs  » (policiers), « ostie », « câlice ».

 

La fiction présente trois personnages autochtones et un.e transgenre d’origine acadienne qui côtoient Roman Kermarec, un Breton et ex-enquêteur français au passé professionnel controversé. Ce dernier se retrouve malgré lui impliqué dans un scénario improbable imaginé par Carl Pineau.

 

Personnellement, j’ai eu beaucoup de difficulté à accorder du crédit à cette histoire, qui se déroule en 2019. L’intrigue est enchevêtrée et elle aborde plusieurs sujets, comme la haine des Français et des Autochtones, le racisme, la conquête de la Nouvelle-France par les Anglais, la déportation des Acadiens, l’inceste, la pédophilie, l’infanticide, le viol, les agressions sexuelles, les Hells Angels, les pensionnats autochtones, le suicide, la consommation de marijuana, l’infidélité conjugale, le Dark Web, les sites de rencontres, les déplacements en motoneiges, la pêche sous la glace et le piégeage. Sans oublier que les criminels ne sont pas ceux qu’on pourrait croire.

 

Après un démarrage – finalement – de l’action, à partir de la page 263, on ressort rescapé des dédales du récit et estomaqué par le dévoilement du pot aux roses.

 

Natif et résident de la ville de Québec, je connais très bien la région, « malheureusement » pour l’auteur. En partant du principe que l’environnement humain et géographique d’un roman doit être réaliste et correspondre à l’époque décrite, j’ai remarqué certains écarts dans l’histoire. Voici quelques commentaires que j’aurais formulés si on m’avait soumis le manuscrit avant sa publication :

 

·        « Sûreté du Québec – Police de la ville du [sic] Québec » : ce sont deux entités différentes et on ne dit pas « la ville du Québec ».

·        Usage excessif de l’expression « icitte » souvent mal intégrée dans l’énoncé d’un dialogue.

·        L’action se déroule à compter de juillet 2019. La famille de Roman Kermarec est arrivée au Canada six mois auparavant, soit en février. Comment le personnage peut-il prétendre n’avoir pas encore vécu un hiver québécois alors que les mois de février et de mars sont les plus froids et les plus enneigés ?

·        Selon lui, sa famille a célébré le 1er juillet sa « première fête nationale au Canada ! ». Ils auraient donc manqué la Fête nationale du Québec, le 24 juin ?

·        La policière autochtone Wyome Beausoleil fait partie de la Sûreté du Québec et non de la police de la « ville de Lévis » (p. 21).

·        « ... un nez qui ressemblait à celui des Esquimaux » (p. 22), une dénomination utilisée par les colons européens : on aurait dû plutôt lire « des Inuits ».

·        Il aurait aussi fallu employer le mot « autochtones » au lieu de « Indiens ».

·        Un Québécois ne s’exprimera jamais en disant « le pont Pierre-Laporte sera full », mais plutôt « sera congestionné ». Ni « vous pourrez me faire adresser le rapport par mail » : on dit « par courriel ».

·        Par contre « Elle a stoppé le Ford, avec le warning » : du coup, si ça s’trouve, ça c’est forcément très français J !

·        Garer sa voiture « au parking place Laurier [à 6,6 km – 1 h 32 min de marche] parce que ce serait plus pratique » pour prendre un café sur la Grande-Allée m’apparaît un choix douteux.

·        Des « bosquets de poivriers » le long de la falaise de Lévis ? La flore laurentienne n’en fait pas mention !

·        Un Québécois ne dira jamais « ça coûte plus de trente mille pièces » mais plutôt « trente mille piasses [piastres] ».

·        Je ne pense pas que « la majorité des Québécois [considèrent les écureuils] comme de vulgaires souris ».

·        « Son parfum m’évoquait des fragrances amérindiennes » : ???

·        La signification du nom de la ville de Matane, « Vivier de castors » en micmac, n’est qu’une des quatre hypothèses avancées par les historiens.

·        Il n’existe pas de « parking de la rôtisserie St-Hubert de Grande-Allée ».

 

La séquence où la compagne du protagoniste quitte sa résidence sans avoir déneigé l’entrée ni déneigé la voiture, immédiatement après une tempête ayant accumulé plus d’un mètre de neige, semble peu plausible.

 

À elle seule, la scène au pied du gigantesque barrage de Manic-5 est surréelle. Quant à la troisième partie – au titre éponyme du roman – qui explique tout, elle est à la fois étonnante et déstabilisante. L’écrivain nous dévoile une facette sulfureuse de son imagination.

 

« Maudits Français » est un roman touffu qui plaira certainement à un lectorat francophone européen qui apprécie les grands espaces, la culture autochtone et qui est curieux de découvrir un Québec où les distances entre différents lieux sont souvent sous-estimées. Mon point de vue québécois ne doit pas empêcher de découvrir cet écrivain méconnu de ce côté-ci de l’Atlantique. Personnellement, j’aimerais bien côtoyer les personnages de cet auteur dans leur environnement nantais.

 

* * * * *

Carl Pineau est né à Nantes, où il a passé une grande partie de sa vie. Passionné par la littérature et l’écriture, il a suivi les cours de création littéraire de l’université de Laval à Québec. Il est l’auteur de la tétralogie des « Nuits nantaises », constituée d’intrigues policières autonomes se déroulant durant les années 1970, 1980, 1990 et 2000. Cette passionnante saga a pour héros récurrent Greg Brandt, mais pas seulement… Le Prix du polar découverte, Les Petits mots des libraires a été décerné au troisième opus, « Le Sicilien ». Carl Pineau a également publié « Pour quelques millions ! » dont l’intrigue se déroule entre Paris et Cuba.

 

Je tiens à remercier les éditions Lajouanie pour l’envoi du service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire du livre en format e-Pub via la plateforme leslibraires.ca et le récupérer dans une librairie indépendante.

 

 

Évaluation :

Pour comprendre les critères pris en compte, il est possible de se référer au menu du site [https://bit.ly/4gFMJHV], qui met l’accent sur les aspects clés du genre littéraire.

 

Intrigue et suspense :

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Originalité :

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Personnages :

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Ambiance et contexte :

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Rythme narratif :

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Cohérence de l'intrigue :

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Style d’écriture :

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Impact émotionnel :

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Développement de la thématique :

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Finale :

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Évaluation globale :

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