Yves D. Poirier. – Le Profileur. – Montréal : Éditions Fides, 2024. – 216 pages.
Polar
Résumé :
Hubert Quentin croyait enfin se la couler
douce dans son manoir de Montérégie. Jusqu’au jour où le jeune enquêteur
Patrick Lanctôt débarque chez lui, convaincu que l’ex-scénariste au passé
trouble peut l’aider à dresser le profil d’un tueur en série activement
recherché.
Alors que les pistes se multiplient pour
retrouver le responsable des meurtres de plusieurs jeunes femmes de la région,
Hubert voit dans cette sordide affaire un prétexte pour écrire une nouvelle
histoire. Mais ce dont il ne se doute pas, c’est que le psychopathe est sur le
point de sévir à nouveau…
L’assassinat d’une personne proche de
l’enquête déstabilise alors toute l’équipe d’investigation. Habitué des
méthodes peu recommandables, Hubert suit maintenant ses propres intuitions,
persuadé d’avoir découvert l’identité du coupable. À moins qu’il ne confonde la
réalité avec le scénario qu’il écrit…
Commentaires :
Ce roman est en quelque sorte le récit de
l’enquête d’un scénariste-profileur en cours d’écriture d’un scénario, alors
qu’il est lui-même le personnage principal du scénario qui se construit au fil
des événements vécus et imaginés J. On pourrait résumer
cela en disant que « le scénariste devient le sujet de son propre scénario », à
la manière de l’expression « L’arroseur arrosé », rendue célèbre par les frères
Lumière dans leurs films des années 1890. Intéressante, cette construction
dramatique qui nous offre des fausses pistes et des retournements de situation
jusqu’à la fin.
Encore une fois, comme dans son roman
précédent (Le Scénariste), Yves D. Poirier partage avec son lecteur
ses réflexions sur la création littéraire. Il s’intéresse à la manière dont les
liens entre la fiction et la réalité peuvent enrichir l’émergence des
personnages principaux et secondaires (profils psychologiques, traits
physiques, langage…), l’évolution de la trame dramatique, les descriptions des
objets et des lieux :
« ...
participer à l’enquête serait à même de
nourrir mon imagination et de faire bondir mon taux de dopamine, des conditions
propices à l’écriture d’un récit. »
« Je ne commence jamais l'écriture d'un
scénario sans en connaître la fin. Tout doit contribuer à conduire le récit à ce
résultat. Autrement, ça serait un peu comme prendre l'autobus sans savoir à
quel arrêt on souhaite descendre. Si j'y relate des faits de l'enquête dans laquelle
je suis maintenant engagé, ce n'est pas ce qui prédomine dans l'histoire. »
« Il arrive que les apparences de vérité
soient trompeuses. Bien que je sème moi-même ce genre de fausses pistes dans
mes histoires, je me suis fait prendre au piège comme un débutant. Je ne me
vanterais jamais d'avoir été si malhabile, mais en même temps, les personnages
faillibles ont la cote. Le public apprécie davantage les antihéros aux valeurs
morales discutables que les héros manichéens. »
En ce qui concerne les protagonistes…
« Pour confectionner des personnages, je dois
déterminer de quoi ils sont faits et à quoi ils réagissent. Une fois leurs
caractères définis, ce sont eux qui me dictent ce qu’ils aiment, ce qui les
anime, ce qu’ils font et, aussi, ce qu’ils détestent. [...] Le scénario s’écrit toujours avec plus
d’aisance quand les personnages sont bien définis. »
« J'attribue encore plus d'importance aux
personnages qu'aux intrigues. Comme toujours, j'essaie de faire en sorte que ce
soit eux qui guident l'évolution des événements. Il arrive même, parfois, que
l'un d'eux soit en désaccord avec moi et me le signifie en faisant la grève. Je
le comprends assez rapidement lorsque je suis en panne d'inspiration. »
« L’enquêteur de mon scénario est une jeune
recrue frêle et candide, mais son regard est intelligent. Il n'a pas la tête de
l'emploi, et cela lui apporte un côté sympathique. J'aime les rôles de ce
genre. Ça rend souvent une histoire moins convenue et plus colorée. »
La part de la réalité versus la
fiction :
« La réalité est toujours plus grossière que
sur un plateau de tournage, où le scénographe enjolive souvent les scènes de
crime. Ce souci esthétique de la direction artistique finit parfois par
m'agacer autant que les effets spéciaux. Comme si des éclaboussures de sang et
de cervelle pouvaient former des tableaux d'art abstrait prêts à être exposés
dans les galeries du centre-ville. »
En ce qui concerne le récit à la première
personne :
« Ça devient suffocant d'écrire une histoire à
la première personne. Au moindre faux pas, à la moindre pensée impure, le
scénariste passe pour un pervers aux yeux des critiques, qui s'acharnent sur
son ‘’ je ‘’ ou son ‘’ soi ‘’. On se demande par ailleurs si telle scène
libidineuse ou immorale est fictionnelle ou tirée de la réalité, question de
pouvoir éventuellement traiter l'auteur d'obsédé. Quand on fait du cinéma, rien
n'est vrai. Même si rien n'est complètement faux non plus. »
Les rebondissements :
« J'ai beau décrier la situation, il reste que
ce type de rebondissement ne peut que profiter à mon récit. Alors qu'on croit
se diriger tranquillement vers le dénouement de l'histoire, une bourde ou un
événement inattendu fout tout en l'air. Dans la fiction comme dans la réalité,
ce genre de déconvenue découle la plupart du temps de l'initiative ou de
l'ambition d'un personnage orgueilleux. »
« On se croirait au cinéma. Je n’avais jamais
imaginé assister aujourd’hui à un rebondissement pareil. Comme quoi, même un
scénariste peut se faire déculotter. »
En ce qui concerne le dénouement final :
« Pour un scénariste, trouver une conclusion percutante
est un plaisir qui peut étrangement ressembler à celui que procure l'orgasme.
Le climax est le moment le plus intense de l'intrigue. Rien n'est plus
satisfaisant pour un auteur que de parvenir à surprendre son public par un
rebondissement auquel il ne s'attend pas. »
« ...
s’il est un métier où l’on doit savoir
envisager le mot FIN, c’est bien celui de scénariste. »
L’expert en profilage, grâce à sa position
privilégiée, est l’individu idéal pour décrire les traits d’un tueur en série :
« La plupart des meurtriers en série font
leurs premières victimes entre l’âge de vingt et trente ans. »
« ...
un tueur en série s’arrête rarement avant
cinq meurtres. »
« Contrairement aux sociopathes, qui sont
moins stables émotionnellement, [les psychopathes] ont une propension à se fondre dans le décor et à ressembler à des
personnes normales. Ce sont des tueurs intelligents et organisés, capables de
préparer méticuleusement leurs crimes... »
« Quand on tue pour punir, on ne ménage pas la
violence. »
J’ai remarqué au hasard quelques réflexions
intéressantes :
« Il y a toujours un risque à collaborer avec
des gens intelligents. S’ils vous aident à vous surpasser, en revanche, ils
vous font parfois douter de votre travail. »
« Les hommes privilégient souvent le silence
pour murmurer leur malheur ou exprimer leur désolation. »
J’ai souri en lisant la description d’un
médecin :
« Il porte fièrement son stéthoscope au cou
comme si c'était un collier griffé pour signifier à son entourage qu'il est
dans une classe à part et qu'il mérite, quoi qu'il arrive, le respect. »
J’ai apprécié le style littéraire de l’auteur :
« Dehors, les rainettes célèbrent en chœur une
autre soirée caniculaire. Leur chant se mêle à la pétarade d'un Grand Pic qui
joue du télégraphe sur un vieux peuplier en fin de vie que je n'ai pas encore
osé abattre parce que ses feuilles résistent, comme s'il demandait un sursis
jusqu'à l'hiver. »
« ...la peau marquée par l’acné juvénile comme
une sculpture qui ne serait pas achevée... »
Comme dans « Le Scénariste », Yves D. Poirier s’inspire ici de sa vaste
connaissance du cinéma pour comparer ses personnages, leurs actions et les
situations qu’ils vivent avec les prestations des acteurs et actrices de
réalisateurs de renom de films à succès.
Chinatown ; American Psycho ; Saving
Private Ryan ; Good Will Hunting
; Pulp Fiction ; As Good as Its Gets ; Batman
; Psychose ; Le silence des agneaux ; Dead
Poets Society ; Sleeping with the
Ennemy ; Jules et Jim ; Closer ; The Talented Mr Ripley ; Intouchables
; House of Cards ; Succession ; Titanic ; Jerry McGuire ;
La vita è bella ; Un homme et une femme ; Les plus belles années d’une vie ; Spotlight ; Marathon Man ; Casino Royale
; Bon cop, bad cop ; Last love ; Three Days of the Condor ; Crash
; One Flew Over The Cuckoo’s Nest ; Fracture ; The Godfather ; Indiana Jones
and the Last Crusade ; Miami Vice
; Mission impossible.
Cet ouvrage nous tient en haleine tout au
long de ses 26 chapitres. Je dois souligner la superbe couverture conçue par le
talentueux graphiste Bruno Lamoureux, qui attire irrésistiblement l’attention
sur les étagères des librairies.
Yves D. Poirier nous propose encore une fois
un thriller divertissant et instructif. Je l’ai vraiment apprécié. Et il
a raison d’affirmer que pour un scénariste, « là où on échoue dans la vie, on s’acharne toujours à réussir dans un
scénario. »
* * * * *
Après des études en lettres et en cinéma,
Yves D. Poirier a mené une carrière en publicité et dans l’univers du design.
S’il a d’abord flirté avec la scénarisation, son imagination l’a plutôt amené à
l’écriture romanesque. Passionné de cinéma et grand amateur de séries télé,
c’est en pleine nature, dans la campagne estrienne, que ce natif de Montréal
trouve aujourd’hui son inspiration.
Je tiens à remercier les éditions Fides pour l’envoi du
service de presse.
Au Québec, vous pouvez commander votre
exemplaire du livre via la plateforme leslibraires.ca et le récupérer dans une
librairie indépendante.
Évaluation :
Pour
comprendre les critères pris en compte, il est possible de se référer au menu
du site [https://bit.ly/4gFMJHV],
qui met l’accent sur les aspects clés du
genre littéraire.
Intrigue et suspense
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Originalité :
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Personnages
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Ambiance
et contexte :
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Rythme
narratif :
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Cohérence
de l'intrigue :
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Style
d’écriture :
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Impact
émotionnel :
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Développement
de la thématique :
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Finale
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Évaluation globale :
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