Julie Rivard. – L’affaire Chanelle Fitch. – Montréal : Hugo Québec, 2025. – 342 pages.
Romance policière
Résumé :
Tout allait si bien pour le sergent-détective
Henrik Hansen ! Après des années de tumulte, il pouvait enfin jouir d’un
équilibre durement atteint. Brillant dans ses nouvelles fonctions à la Division
des crimes contre la personne et vivant un amour profond et passionnel avec
Léane Cohen, Henrik ne pouvait aspirer à mieux… jusqu’à ce que son amoureuse
lui fasse une annonce bouleversante et qu’une enquête non résolue, qui avait
secoué les Cantons-de-l’Est, ressurgisse : une femme et son enfant disparus de
Fitch Bay dans des circonstances obscures. Et voilà que seize ans plus tard, un
étrange villageois déclare être la clé du mystère ! Plongé dans un
environnement teinté par la légende de la sorcière de Witch Bay et confronté
aux attentes de Léane, Henrik Hansen parviendra-t-il enfin à résoudre l’affaire
Chanelle Fitch ?
Commentaires :
C’est le deuxième polar de la série « Henrick
Hensen », écrite par Julie Rivard, que je lis après « L’affaire Léane Cohen ». J’ai publié un avis de lecture sur ce dernier roman
en 2019. Ces « suspenses féminins »
sont classés dans la catégorie « New
Romance » par l’éditeur, qui met cette mention en évidence sur la couverture.
On pourrait croire qu’il s’agit de romans pour filles.
Malgré une toile de fond romantique marquée
par deux moments érotiques dans les premiers et seconds tiers de l’histoire,
ainsi que par une dose de sensualité partagée entre le sergent-détective et
l’enquêtrice experte en incendies criminels tous deux à l’emploi de la Sûreté
du Québec, « L’affaire Chanelle Fitch »
s’avère somme toute être un polar classique. Un cas non résolu, une nouvelle
enquête, des enquêteurs qui sont complices dans le sens positif du terme,
l’analyse psychologique d’un suspect, deux rebondissements, et une finale
inattendue.
L’auteure, qui remercie notamment le village
de Fitch Bay, en Estrie, pour sa nature, ses légendes (celle de la « sorcière de Witch Bay ») et sa quiétude
qui l’ont tant inspirée, campe cette histoire qui se déroule à
l’automne 2025 dans un scénario truffé de détails insérés tout au long du
récit pour lui conférer une crédibilité :
·
la
description des personnages, dont les caractéristiques physiques correspondent
à celles de personnalités célèbres : Megan Gale, actrice et mannequin
australienne, James Hetfield, musicien… ;
·
la
description des lieux, comme le « Witch
Bay Castle »… ;
·
les
références à des criminels célèbres : Ed Kemper, par exemple ;
·
les
techniques d’autopsie et les conclusions à en tirer ;
·
les
affinités musicales des personnages (et probablement de l’auteure) : Iron
Maiden, Metallica, Led Zeppelin, Muddy Waters, Eric Clapton, Albert King… ;
·
certaines
actions ou situations, par exemple : « ... après être allé chercher une eau pétillante à l’orange sanguine » ;
« Bourrage papier […] Vérifiez la tablette latérale, le magasin
supérieur et le bac de sortie » ;
·
la
bonne bouffe et les ingrédients de recettes de plats savoureux : par
exemple, pour la soupe ramen, « nouilles,
œufs cuits presque durs, fines juliennes de carotte, graines de sésame
grillées, oignon vert ciselé, feuille de nori émiettée, cuillère de sambal
oelek » ;
·
les
références technologiques liées à l’enquête sont l’application GDE « accessible via le portail du ministère de la
Sécurité publique », la fonction Google Lens pour identifier des images, la
base de données IMDb (Internet Movie Database), un logiciel de vieillissement,
un jeu de rôle numérique (Frozen Land)… ;
·
et
la présence prépondérante des connaissances et des techniques en
neuropsychologie, documentées par Sandra Guimond, une professionnelle
expérimentée consultée par l’auteure, qui l’a nourrie « grâce à ses explications sur le cerveau et ses diverses fonctions »
permettant de dévoiler le profil du suspect et de contribuer à la résolution
d’une partie de l’enquête : entre autres, la tomodensitométrie cérébrale, les
IRM, le gène MAO-A (« gène du guerrier »),
la présence d’une tumeur au cerveau à la frontière de l’aire de Broca...
J’ai donc beaucoup appris concernant les
liens entre le cerveau et le comportement humain grâce à « L’affaire Chanelle Fitch » sur :
Les anomalies cérébrales des tueurs en
série :
« On a tous a une signature cérébrale [...]. Dans le cas de criminels violents [...] c'est en étudiant leur cerveau qu'on découvre
la signature de leurs ‘’ œuvres ‘’. Des études ont démontré qu'une forte
proportion de tueurs en série, par exemple, ont des anormalités cérébrales ou
ont souffert d'un trauma crânien pendant l'enfance. »
La quantité insuffisante de sérotonine :
« Cette molécule joue un rôle majeur dans la
transmission de messages entre les neurones et les cellules nerveuses. Un taux [...]
faible affecte le sommeil, l'humeur, la
réponse aux éléments stressants, la santé digestive et autres fonctions
physiques, mais surtout, surtout, la gestion des pulsions violentes. Dans de
nombreux cas de suicides violents, par exemple, on a noté un bas niveau de
sérotonine chez l'individu. »
Le rôle du tryptophane :
« Les bananes contiennent du tryptophane.
C'est un acide aminé que le corps transforme en sérotonine et qui procure une
sensation de bien-être. Donc, manger des bananes sur une base régulière aide à
réduire l'anxiété et améliorer l'humeur en général. »
Les mécanismes de la dopamine :
« Plusieurs études ont démontré des fonctions
dopaminergiques aberrantes chez des patients atteints du syndrome du déficit de
l'attention, de certains types d'alcoolisme, de schizophrénie ou d'autisme. »
L’influence des agents provocateurs :
« ...
c'est un ensemble d'agents provocateurs
qui poussent des individus à commettre des actes d'une rare violence envers
autrui ou eux-mêmes. Ce n'est pas qu'une question d'hormones déficientes. »
Les passages sur l’origine et les capacités
impressionnantes des chiens pisteurs sont également intéressants :
« Il existait bien des chiens pisteurs de
drogues, au Québec, mais ceux dressés pour repérer des corps en décomposition
provenaient d'autres provinces canadiennes ou d'États américains voisins. »
« Un bon chien pisteur bien entraîné savait
pourtant renifler une odeur jusqu'à plus de quatre mètres de profondeur. Il
était aussi capable de sentir les gaz émanant des cadavres se trouvant sous
l'eau, même si leur odeur s'avérait plus diluée. C'est en ces circonstances
qu'il était plus difficile de se fier à la performance du chien. Lorsqu'il
pleuvait, l'humidité avait également tendance à répandre les odeurs; celles-ci
se mélangeaient aux arômes de mousse et de lichen au sol, brouillant quelque
peu les pistes. »
Celui sur les corneilles-espionnes, bien qu’il
ne soit pas directement liée à la résolution de l’enquête, est également
fascinant :
« Dire que des corneilles ont déjà été
utilisées comme espions pendant des opérations militaires. Des officiers les avaient
entraînées à livrer des messages ou à voler des documents en les dirigeant vers
telle ou telle fenêtre avec des pointeurs laser. »
Comme c’est le cas dans la plupart des polars
et des séries policières, le lieu de résidence du suspect est dans un certain
état de délabrement :
« Des piles de livres pratiques ou
scientifiques, de paperasse et de babioles jonchaient le sol. Or, c'était moins
sale que ce qu'il s'était imaginé. »
J’ai également appris :
qu’un
« puits artésien avait une
profondeur habituelle de cinquante à soixante-dix mètres et qu'il contenait en
moyenne six cents litres d'eau par mètre de hauteur » ;
que
seuls « deux pour cent de la
population mondiale ont les yeux verts, et quatre-vingts pour cent les ont
marron » ;
que
« ... l’anamnèse était l’étude du
parcours d’un individu, mais à reculons. Un retour dans le passé qui a parfois
été oublié ou refoulé » ;
que,
lorsqu’un enquêteur pénètre par effraction dans un endroit, il faut utiliser
une technique particulière avec la lampe de poche :
« Par un vieux réflexe, il inclina le faisceau
lumineux à quarante-cinq degrés vers le bas. Lorsqu'on entrait par effraction
[...] la lampe torche ne devait jamais être tenue droite. Cela créait un point
brillant détectable à partir de n'importe quel champ de vision. Et si, par
malheur, la fenêtre était habillée de stores, un ombrage à rayures était
projeté sur le sol extérieur. » Foi de l’ami de l’auteure, « enquêteur aux crimes majeurs et maintenant
chef d’équipe à la Sûreté du Québec ».
Et
que certains meurtriers utilisent un « ...un récupérateur de douilles [...] communément appelé brass catcher dans les milieux policiers [afin] « de ne perdre aucune
douille après avoir fait feu sur quelqu'un, le but étant de ne laisser aucune
preuve matérielle derrière soi. »
J’ai noté, au passage, quelques exemples du
style fluide et imagé qui caractérise Julie Rivard :
« La dame s'avança vers eux, un portfolio sous
le bras et un dessert glacé à moitié entamé à la main. Henrik détecta l'odeur
d'un McFlurry aux brisures Oreo. Si cet arôme ne l'importunait pas en temps
normal, il lui donna à ce moment-ci une légère nausée. »
« Ses yeux s’illuminèrent devant son œuvre,
comme ceux des tsars avaient dû le faire devant les œufs de Fabergé »
« ... il se
mordillait l’intérieur de la joue. Elle reconnut là des signes de contrariété
typiques à sa personnalité. »
« Ses pensées se multipliaient telles les
branches d’un arbre : une idée en amenait une autre, puis une autre, et
une autre encore. »
« Avec sa posture droite, un poignet déposé
sur l’autre, elle ressemblait à la Joconde de Léonard de Vinci, sourire en
moins. »
« Un influx nerveux parcourut son corps tout
entier. »
« ... jetant son
chewing-gum dans la poubelle, celui-ci ayant perdu toute saveur. »
J’ai souris en remarquant que Léane Cohen communique
avec « un ancien collègue de Nicolet »,
Guillaume Volta, « personnage principal
d’une série de polars de l’auteur Steve Laflamme, édités chez Libre Expression ».
Heureux de constater qu’enfin des personnages sortis de l’imaginaire de deux
auteur.e.s se connaissent puisqu’ils œuvrent au sein de la même organisation
policière !
Quant à certaines explications en bas de page
(« pépine », « suce »…), expressions dites de « l’argot québécois » [!], celles-ci laissent croire que ce roman
vise également un public européen.
« L’affaire
Chanelle Fitch » est un bon polar divertissant dont on sent la volonté
de l’auteure, enseignante de profession, de faire aussi œuvre pédagogique en y
greffant un corpus d’informations recueillies en cours d’écriture. Il met en
scène des personnages principaux et secondaires sympathiques, y compris un
autochtone dans la littérature contemporaine, qui évoluent dans un scénario au suspense
moyen. Un rebondissement à mi-parcours dans la recherche de la vérité qui
piétine relance l’action jusqu’à une finale qui, à mon avis, de façon
volontaire ou non de la part de l’auteure, laisse en plan un volet de
l’enquête. Vous pourrez juger par vous-même. Une cinquième affaire y remédiera
peut-être.
* * * * *
Julie Rivard est originaire de Pointe-Claire, au Québec et demeure dans la région de la capitale nationale. Elle possède une formation universitaire en enseignement de l’anglais qu’elle enseigne dans une école primaire de la région de Québec après avoir été rédactrice et chroniqueuse pour diverses publications au Québec. C'est en 2009 qu'elle publie son premier roman, Mezza Morta. En 2012, elle reçoit le Prix des Abonnés des Bibliothèques de Québec pour son deuxième livre, Dramma, mais c'est surtout avec Les Torrents et La Maison des Levasseur qu'elle s'est fait connaître. Grande lectrice de romans policiers et de thrillers, elle évolue dans un genre littéraire qu'elle affectionne particulièrement, le suspense féminin, mélange d'investigation et de séduction. Julie Rivard est aussi l’auteure de littérature jeunesse.
Je tiens à remercier les éditions Hugo pour l’envoi du
service de presse.
Au Québec, vous pouvez commander votre
exemplaire du livre via la plateforme leslibraires.ca et le récupérer dans une
librairie indépendante.
Évaluation :
Pour
comprendre les critères pris en compte, il est possible de se référer au menu
du site [https://bit.ly/4gFMJHV],
qui met l’accent sur les aspects clés du
genre littéraire.
Intrigue et suspense
:
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Originalité :
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Personnages
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Ambiance
et contexte :
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Rythme
narratif :
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10 |
Cohérence
de l'intrigue :
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10 |
Style
d’écriture :
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Impact
émotionnel :
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Développement
de la thématique :
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Finale
:
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Évaluation globale :
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