Faits divers suisses T.02 Des crimes passionnels (Corinne Jaquet)


Corinne Jaquet. – Faits divers suisses T.02 Des crimes passionnels. – Genève : Éditions du Chien jaune, 2025. – 162 pages.

 

 

Faits divers

 

 

 

Résumé :

 

La passion a longtemps été acceptée comme une excuse pour un meurtre commis sous l’effet de la jalousie. À l’heure des féminicides en augmentation, il ne suffit plus de brûler d’amour – ou de le prétendre – pour voir sa peine allégée. La passion en justice comporte un tout autre aspect et il a évolué avec le temps.

 

Ce deuxième volume de la collection Faits Divers suisses, vous raconte des crimes passionnels sortant des clichés. Il évoque une douzaine d’affaires particulières dans leur déroulement, dans leur verdict et dans l’avancée qu’elles ont provoquée dans notre jurisprudence.

 

De 1967 à 1999, vous suivrez le destin de femmes à bout de force ayant abattu leur mari, d’hommes humiliés à qui un « raptus » fait commettre l’irréparable, ou le geste d’un fils qui a supprimé son père parce que sa famille n’en pouvait plus de trembler devant lui…

 

 

 

Commentaires :

 

Comme l’indique l’éditeur, avec « Des crimes passionnels », « Corinne Jaquet reprend sa plume de chroniqueuse judiciaire et raconte des affaires un peu oubliées et qui, en leur temps, ont secoué la presse et le public » suisse.

 

Ce deuxième tome, après « Des meurtres sur commande » que j’avais lu en 2022, fait partie de la collection « Faits divers suisses » qui a pour objectif « de rassembler des histoires qui se sont déroulées en Suisse ou qui ont concerné des Suisses n'importe où dans le monde. »

L’auteure qui cumule près d’une trentaine de publications (histoires policières et judiciaires, histoire générale, romans policiers, nouvelles policières, ouvrages pour la jeunesse) signe dans cet opus 11 textes, autant de causes portées devant les tribunaux de différents cantons :

 

La Heutte (Jura bernois) - Delémont 1967/1969

Jalousie et alcool (ne font pas bon ménage)

 

Genève - 1968/1969

Quand l'amour déborde

 

Fleurier (Neuchâtel) et Aigle (Vaud) - 1972/1973

« C'était elle ou moi »

 

Genève - 1974/1976

Une nuit au long couteau

 

Neuchâtel - 1980/1982

Éconduit et bafoué

 

Ecublens et Morges (Vaud) - 1986/1987

Trop, c'est trop

 

Villeneuve et Aigle (Vaud) - 1986/1988

Entre l'enfer et le cauchemar

 

Genève - Bellevue 1990/1991

Une rage incontrôlable

 

Onex (Genève) - 1990/1991

Jaloux et violent... mais sans passion

 

Monthey (Valais) - 1993/1997

La martyre se rebiffe

 

Lausanne et Romont - 1995/1999

Zola dans la Glâne

 

Dans le dernier texte, Jean-Noël Cuémond, chroniqueur judiciaire, livre son souvenir d’un jugement « passionnel » devant la Cour d’Assises genevoise :

 

Genève – 1982

L’amour à mort de Tibor le légionnaire

 

En avant-propos, Corinne Jaquet fait le point sur le concept de « meurtre par passion » visé par l’article 113 du Code pénal suisse qui se lit ainsi :

 

« Si le délinquant a tué alors qu’il était en proie à une motion violente que les circonstances rendaient excusable, ou qu’il était au moment de l’acte dans un état de profond désarroi, il sera puni d’une peine privative de liberté d’un à dix ans. »

 

Les juges suisses étant « capables de détecter dans un drame conjugal une emprise particulièrement scandaleuse qui n’a rien à voir avec la passion » – le féminicide n’existant pas encore dans la loi française – passible d’une peine plus sévère.

 

Pour chaque cas de figure, l’auteure et son invité résument l’histoire personnelle des accusés, décrivent le contexte du crime et expliquent la condamnation avec ou sans appel de ceux-ci. Ils citent à l’occasion des réflexions portées par les procureurs, les avocats de la défense, voire même des présidents (juges) des tribunaux. Le tout est documenté à partir du contenu de chroniques judiciaires publiées dans les journaux locaux ou nationaux ou de consultation des verbatim des procès. À l’occasion, des comparaisons avec le droit français permettent d’apporter un éclairage sur l’application de la justice dans le pays voisin.

 

L’ouvrage nous apprend, entre autres qu’en Suisse, un meurtre pur et simple relève de l'article 111 du Code pénal et que celui sur la demande de la victime, « c'est l'article 114 qui doit lui être appliqué [...] Dans le premier cas, le condamné peut prendre entre cinq et vingt ans de réclusion. Dans l'autre, il ne risque que l’emprisonnement, soit trois ans au maximum. »

 

Aussi qu’il existe « l'état de nécessité » inscrit à l'article 34 du Code pénal, juste en dessous de la légitime défense (art. 33) :

 

« Un acte commis en état de nécessité n'est pas punissable ! ‘’ L'acte nécessaire, dit la Haute-Cour, est licite si le bien protégé est plus précieux que le bien lésé ‘’. Différents exemples sont donnés par la doctrine comme celui de promeneurs pris dans une tempête à qui on accorde le droit de forcer la porte d'un abri (de commettre une violation de domicile) s'il s'agit de sauver leur peau en se réfugiant dans un lieu clos. »

 

Également que l'évasion n'est pas punissable en Suisse et que s’il est repris, la peine d’un détenu n’est pas prolongée !

 

Au final, comme le mentionne Corinne Jaquet, l’intérêt de l’ouvrage porte principalement sur la perception que la justice a d’une affaire et la jurisprudence qui a pu en découler.

 

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Originaire de Genève, Corinne Jaquet a fait des études classiques avant de se lancer dans les Sciences politiques. Diplômée de l’Institut HEI en 1983, la politologue se tourne alors vers le journalisme. Responsable pendant plusieurs années de la rubrique judiciaire du défunt journal La Suisse, elle y rédige ses premières chroniques d’histoire criminelle : Meurtres à Genève, paru en feuilleton dans le journal avant d’être publié en 1990 par les éditions Slatkine (réécrit et publié à nouveau en 2017). En 1997, elle a créé pour un éditeur belge une série de romans policiers se déroulant dans différents quartiers de Genève commercialisés aujourd’hui en format poche par les Éditions du Chien Jaune, une maison d’édition qu’elle a fondée.

 

Je tiens à remercier les éditions du Chien jaune pour l’envoi du service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire du livre via la plateforme leslibraires.ca et le récupérer à la librairie indépendante de votre choix.

 

 

Évaluation :

Pour comprendre les critères pris en compte, il est possible de se référer au menu du site [https://bit.ly/4gFMJHV], qui met l’accent sur les aspects clés du genre littéraire.

 

 

Style d’écriture :

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Intérêt :

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Évaluation globale :

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Une nuit d’été à Littlebrook (Maureen Martineau)


Maureen Martineau. – Une nuit d’été à Littlebrook. – Montréal : Héliotrope, 2025. – 189 pages.

 

 

Roman noir

 

 

 

Résumé :

 

Après vingt ans d’absence, Aude Renaud retourne à Littlebrook, un coin reculé de la Montérégie tout près de la frontière américaine. Elle est là pour soutenir sa mère, la mairesse, alors qu’une pénurie d’eau fait monter les hostilités entre la mégaferme Zelter et le conseil municipal. Mais Aude s’est aussi donné une mission secrète : dénoncer les crimes de Rolf Zelter, celui qui l’a autrefois poussée à l’exil. À cette fin, elle donnera en pleine forêt un spectacle où elle a convié le village entier. Pour tendre ce piège, toutefois, elle aura besoin de l’aide d’Aksel, son ami d’enfance qui est aussi le fils de Rolf. Une alliance délicate et incertaine qui donne à son plan des airs de trahison.

 

Au moment où les spots s’allument dans la forêt, un orage se prépare, les esprits s’échauffent, la tension est à son comble. Alors se met en marche le train de la vengeance que personne ne parviendra à arrêter.

 

 

Commentaires :

 

Avec « Une nuit d’été à Littlebrook », Maureen Martineau propose un roman noir court (40 chapitres sur 185 pages), très dense, avare de descriptions inutiles, tendu et d’une efficacité remarquable. Fidèle à sa manière de faire émerger le suspense à partir de réalités sociales bien ancrées, elle transporte cette fois le lecteur au cœur d’une petite municipalité fictive de la Montérégie, théâtre d’une véritable guerre de l’eau. Très d’actualité avec les effets constatés des changements climatiques. Les conflits environnementaux, les jeux de pouvoir et les blessures intimes s’y entremêlent pour composer un récit à la fois politique, humain, écologique et... atmosphérique.

 

L’auteure construit une montée dramatique qui culmine dans une mise en scène théâtrale en pleine forêt – l’auteure étant elle-même une femme de théâtre –, au cours d’un été caniculaire, inspirée du Songe d’une nuit d’été qui, sous les feux des projecteurs et les orages menaçants, devient un moment de vérité, de trahisons et de confrontations émotionnelles. Un choix audacieux qui confère au roman une tonalité presque rituelle, où les masques tombent et où chacun se révèle. Elle va droit au cœur de ses thèmes, sans complaisance ni détour, et parvient à faire de la Montérégie rurale un véritable personnage, avec ses routes bordées d’érables, ses champs brûlés par la chaleur et ses tensions communautaires prêtes à éclater avec les conséquences des pénuries d'eau chez les éleveurs et l’assèchement des nappes phréatiques. Littlebrook devient un lieu à part, familier et inquiétant à la fois, où l’air semble chargé de secrets qui seront dévoilés dans une finale qui nous surprend.

 

Son personnage principal, Aude Renaud, est très crédible : déterminée, à la fois forte et fragile, vulnérable et habitée par les blessures du passé. Son retour au pays natal n’a rien d’un pèlerinage nostalgique ; c’est une confrontation, un combat, une libération. Sa quête de justice — ou de revanche — donne au roman une impulsion émotionnelle.

 

Ce roman est intéressant pour son regard lucide sur les conflits ruraux qu’il met en lumière, pour sa manière d’intégrer suspense, théâtre et critique sociale, pour la qualité d’écriture. Il s’inscrit parfaitement dans la philosophie de la collection Héliotrope Noir qui a pour objectif de tracer une carte du « territoire québécois dans lequel le crime se fait arpenteur-géomètre », jamais dissocié du contexte qui le rend possible.

 

Comme dans ses deux autres romans publiés chez Héliotrope – Une église pour les oiseaux (2015) et Zec La Croche (2020), que j’avais aimé, où il est aussi question d’écologie ou de vengeance –, Maureen Martineau exploite les caractéristiques de l’environnement où elle campe l’action. Ici la Montérégie, ses paysages, ses routes isolées, ses étendues champêtres, sa faune deviennent des personnages à part entière, contribuant à l’ambiance du roman.

 

Si vous appréciez les romans noirs ancrés dans des enjeux sociaux contemporains, servis par une écriture fluide et un sens du suspense, le polar rural très noir, « Une nuit d’été à Littlebrook », véritable drame shakespearien, répondra à vos attentes.

 

En passant, la mention de la maladie génétique rare des « ‘’ zoulous ‘’ de Huntington [à ne pas confondre avec la réelle municipalité de Huntingdon], des gens affectés du syndrome de Clouston qui les rendaient différents, physiquement » aurait mérité une explication vulgarisée en note au bas de page.

 

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Maureen Martineau vit à Tingwick, dans le Centre-du-Québec. Elle a été comédienne, metteure en scène et auteure dramatique au Théâtre Parminou durant une trentaine d’années. Son métier l’a menée en Amérique centrale, en Inde et en Afrique, où elle a collaboré avec l’ONG One Drop. Elle est l’auteure maintes fois primée de romans policiers et de romans noirs. Elle a collaboré à la scénarisation de séries télé, notamment « Détective Surprenant ». « Une nuit d’été à Littlebrook » est son huitième roman. Elle a aussi publié des nouvelles dans les recueils « Criminelles » (2021) avec Ariane Gélinas et « Noires saisons » (2024) avec Ariane Gélinas, Corinne Jaquet et Michèle Pedinielli.

 

Je tiens à remercier les éditions Héliotrope pour l’envoi du service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire du livre via la plateforme leslibraires.ca et le récupérer à la librairie indépendante de votre choix.

 

 

Évaluation :

Pour comprendre les critères pris en compte, il est possible de se référer au menu du site [https://bit.ly/4gFMJHV], qui met l’accent sur les aspects clés du genre littéraire.

 

Intrigue et suspense :

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Originalité :

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Personnages :

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Ambiance et contexte :

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Rythme narratif :

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Cohérence de l'intrigue :

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Style d’écriture :

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Impact émotionnel :

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Développement de la thématique :

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Finale :

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Évaluation globale :

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