Les Pixels morts (Marie-Hélène Branciard)


Marie-Hélène Branciard. – Les Pixels morts. – 2022. – 307 pages.

 


Polar

 

 


Résumé :

 

Paris, 2019. Nomi, collégienne harcelée, Carole Jourdan, commandante de police en arrêt maladie et Fred, chômeur en fin de droits, se débattent pour reprendre pied. Sur fond de canicule, d’attentat et d’enlèvement, leurs destins vont se croiser. D’une séance de psy à un job-dating Pôle Emploi, une marche pour le climat ou un cours de guitare électrique… on suit les déboires de ces personnages, bientôt rejoints par d’autres : Mafalda l’informaticienne surdouée, Storm, le facteur lanceur d’alerte, Roberta, la coiffeuse… tous solidaires pour déjouer les plans de mystérieux kidnappeurs.

 

Commentaires :

 

Marie-Hélène Branciard, chargée d’études sociologiques puis webmestre, propose avec Les Pixels morts, le deuxième volet d’une trilogie de polars mettant en scène les personnages féminins très colorés de #Jenaipasportéplainte publié en 2017 et que j’avais bien aimé. Une histoire enlevante construite sur une enfilade de courts chapitres qui donnent au récit le rythme bien senti de l’enquête en progression. Carole, Sofia, Alice et Mafalda sont secondées par les membres d’un réseau clandestin qui maîtrise les technologies avec une efficacité surprenante : ordinateurs, téléphones portables, caméras de surveillances sont piratés d’un claquement de doigts. Rien ne leur résiste. On est dans une fiction, après tout !

 

L’action se déroule à Paris et dans sa banlieue sud. Les kidnappeurs sont évidemment des truands, machos, violeurs en puissance… Mais pas que… La majorité des femmes ont le beau rôle.

 

L’histoire est abondamment documentée en descriptions des lieux, de l’allure physique et vestimentaire des différents protagonistes. Le tout agrémenté par des références littéraires et musicales associées aux sentiments vécus par les personnages (comme c’était le cas dans le roman précédent).


Une écriture imagée :


« Un ciel bleu catastrophe tremble de chaud. »

« La planète se réchauffe. On va vers la fin du monde, le coeur léger, grâce à ce temps merveilleux qui empêche toute prise de conscience. »

« C'est une belle nuit, au-dessus d'elle les arbres oscillent avec grâce.»

La narration et les dialogues sont truffés d’expressions anglaises et d’argot parisien qui plaisent certainement à une génération de lectrices et de lecteurs d’outre-Atlantique, mais qui pour nous, Québécois, nous écorchent l’oreille au passage. Mais ce choix de l’auteure est justifié pour accorder de la crédibilité à ses personnages qui évoluent dans un contexte sociologique et une modernité culturelle.

 

Des centaines, sinon des milliers de polars sont publiés chaque année sur la planète. Les Pixels morts de Marie-Hélène Branciard se démarque par son affirmation identitaire lesbienne et contribue à la lutte légitime contre toute forme d’homophobie qui se fabrique et repose sur la peur. Comme celle de Liliane, la mère de Nomi, la victime de l’enlèvement récemment sortie du placard (« outée », comme on dit en France) :

 

« Liliane est terrifiée. Elle a peur du scandale, peur de ce que vont penser ses amis et ses collègues en voyant sa fille, peur [qu’elle] se fasse tabasser dans la rue, peur de se retrouver sans petits enfants, peur… d’avoir peur. Il va falloir du temps avant qu’elle comprenne que deux personnes qui s’aiment ou qui baisent, quel que soit leur sexe, n’ont rien d’effrayant. »

 

On comprend pourquoi, pour résister à l’hostilité de sa mère et aux agressions de son entourage, Nomi écrit entre autres des poèmes, dont un intitulé « Les pixels morts ».

 

La finale est annonciatrice d’une suite, le « dernier tome de la trilogie Le mal que l’on nous fait. »

 

En somme, ce troisième roman de Marie-Hélène Branciard m’a fait passer d’agréables heures de lecture. Je m’y suis laissé entraîner de chapitre en chapitre en appréciant, au passage l’humour de sa conceptrice comme dans cet exemple qui m’a bien fait rigoler :

 

« Les gens piétinent sur le quai [de la Gare de l’Est] et n’ont même pas la force de râler, abrutis par la chaleur. »

 

Merci à l’auteure pour le service de presse.

 

 

Originalité/Choix du sujet : *****

Qualité littéraire : *****

Intrigue :  *****

Psychologie des personnages :  *****

Intérêt/Émotion ressentie :  *****

Appréciation générale : *****