Désertion (Catherine Côté)


Catherine Côté. – Désertion. – Montréal : VLB éditeur, 2025. – 407 pages

 

 

Polar

 

  

 

Résumé :

 

Montréal, 1948. L’enlèvement de Rita Dupuis défraie la chronique. La demande de rançon frappe l’imagination du public : s’il veut revoir sa fille vivante, le père Dupuis devra livrer aux ravisseurs la somme inouïe de 50 000$ ! Suzanne Gauthier, enceinte, suit le drame de près, faisant entrer les lecteurs de La Presse et de La Gazette dans l’intimité de l’une des familles francophones les plus prospères du pays.

 

Mais plus elle fouille le passé de l’adolescente, plus les circonstances de sa disparition deviennent nébuleuses. Pourrait-il s’agir d’une fugue, ou plutôt, comme on disait à l’époque, d’une « désertion » ? Quoi qu’il en soit, le temps presse : les agents envoyés à Québec sur la piste des kidnappeurs sont convaincus que la vie de la jeune collégienne est bel est bien en danger. Tous les éléments de l’enquête – journalistique et policière – s’imbriquent pour aboutir, de surprise en surprise, à une fin percutante.

 

 

Commentaires :

 

Après « Brébeuf » (Triptyque, 2020) et « Femmes de désordre » (VLB, 2023) que j’avais beaucoup aimé, « Désertion » est le troisième polar historique de Catherine Côté mettant en scène des hommes misogynes en position de pouvoir (journalistes, policiers), fumeurs de cigare et de boissons fortes, et des femmes revendicatrices de leur autonomie à la fin des années 1940. Incluant Rita Grondin, la riche héritière disparue. On s’étonnera d’y découvrir une femme enceinte qui fume et qui boit de l’alcool.

 

Le récit se déroule sur 17 jours du mois d’août 1948. Il nous permet de renouer avec des protagonistes des deux premiers tomes (l’ex-militaire et policier Léopold Gauthier devenu détective privé et Marcus O’Malley, son ex-collègue ; la journaliste de faits divers Suzanne Gauthier ; ainsi que Paul Carignan et Normand Bleau... enquêteurs de la Sûreté de Montréal). Et une nouvelle venue : la secrétaire Louise Fréchette. L’auteure a intégré des « individus ayant vraiment existé (les journalistes Gérard Pelletier, journaliste et Omer Héroux, rédacteur en chef du journal Le Devoir), mais [dont] l’implication dans l’enquête est entièrement fictive ».

 

La couverture de première fait allusion aux élèves du collège Villa-Maria de Montréal où ont étudié Suzanne et Rita, la jeune fille recherchée, et à une courte description de celle-ci :

 

  


« Léopold agrippe le cliché et le plaque sur le volant pour pouvoir l’observer en gardant un œil sur la route. La jeune fille est en uniforme devant son école. [...] La petite cache une cigarette derrière son dos. »

 

« ... chandail foncé, [...] col de chemise blanc, [...] bas épais de coton... »

 

Comme dans les tomes précédents, les personnages s’expriment dans une langue correspondant à leur réalité sociale : Marcus, d’origine irlandaise, dans un mélange d’anglais et de français ; les francophones, en « français québécois », incluant l’éventail traditionnel de jurons dérivés du vocabulaire religieux et d’anglicismes tel que « vanité », cette « petite table de toilette munie d’une glace devant laquelle les femmes se coiffent, se fardent, se maquillent » (Antidote).



L’histoire se déroule principalement dans la région montréalaise où, dans les corps policiers, la corruption et les liens avec la pègre ne sont pas rares, avec une incursion à Québec et les environs où se rendent Léopold et Marcus à la recherche des ravisseurs. Ils séjournent alors à l’hôtel Clarendon, au cœur du Vieux-Québec.

 

On y apprend, entre autres, que la lettre « B » sur certaines plaques automobiles de l’époque « dédouanait de toutes les infractions routières » puisque leurs détenteurs étaient identifiés comme des amis du premier ministre Maurice Duplessis.

 

En entrevue dans la Presse + de Montréal, « Catherine Côté révèle qu’elle s’est inspirée de plusieurs vrais faits divers pour écrire ‘’ Désertion ‘’ », des « histoires d’enlèvement qu’il y a eu aux États-Unis ».

 

Pour transposer une intrigue crédible dans son polar historique à portée sociale, aucun doute que Catherine Côté se soit documentée sur la vie quotidienne montréalaise au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : post-traumatismes des soldats de retour des champs de bataille, réalité des étudiantes dans les collèges dirigés par des religieuses, place des femmes sur le marché du travail, alcoolisme et prostitution, infidélité conjugale, code criminel en vigueur à l’époque (prévoyant la peine de mort par pendaison), méthodes policières, relations tendues entre les enquêteurs...

 

L’enquête progresse lentement. Elle permet de mettre en évidence les relations conflictuelles ou harmonieuses entre les différents personnages, avec une finale que j’imaginais tout autre. Car habilement, l’auteure a intégré, tout au long du récit, des extraits du journal intime de la jeune fille disparue lus par Louise Fréchette qui vient appuyer le choix du titre.

 

Bien que « Désertion » fait occasionnellement référence aux deux opus qui le précèdent, ce roman noir historique se lit indépendamment de ceux-ci, tout en donnant le goût de remonter quelques mois en arrière, à l’origine de l’univers romanesque imaginé par l’auteure.

 

* * * * *


Catherine Côté est originaire de Montréal et diplômée d'une maîtrise en création littéraire de l'Université du Québec à Montréal (UQÀM). Inspirée par l'histoire et le territoire québécois, elle écrit des romans policiers, de la poésie, des nouvelles et des œuvres destinées à la jeunesse.

 

En février 2017, elle a publié son premier recueil de poésie, « Outardes », aux Éditions du Passage. À l’automne 2018, elle a participé au collectif « Monstres et fantômes », dirigé par Stéphane Dompierre et qui a reçu maintes critiques élogieuses dans les médias. Au printemps 2019, elle a publié son premier recueil de nouvelles solo, « Les choses brisées », aux éditions Québec Amérique.

 

Catherine Côté est lauréate du Prix littéraire des enseignants de français 2018 et a été finaliste au Prix de la création de Radio-Canada en 2013.​ Depuis 2020, elle copilote la conception et la production de contenu disponible en baladodiffusion : « Un peu de crime dans ton café ».

 

De temps à autre, elle offre des conférences sur le métier d'auteure et des animations scolaires sur ses divers romans jeunesse.

 

 

Je tiens à remercier les éditions VLB pour l’envoi du service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire du livre via la plateforme leslibraires.ca et le récupérer dans une librairie indépendante.

 

 

Évaluation :

Pour comprendre les critères pris en compte, il est possible de se référer au menu du site [https://bit.ly/4gFMJHV], qui met l’accent sur les aspects clés du genre littéraire.

 

Intrigue et suspense :

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Originalité :

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Personnages :

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Ambiance et contexte :

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Rythme narratif :

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Cohérence de l'intrigue :

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Style d’écriture :

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Impact émotionnel :

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Développement de la thématique :

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Finale :

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Évaluation globale :

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Les jours où j’ai tué Emma (Hervé Gagnon)


Hervé Gagnon. – Les jours où j’ai tué Emma. – Montréal : Hugo Québec, 2025. – 142 pages.

 

 

Roman jeunesse

 

 

 

Résumé :

 

À la rentrée des classes, en 1978, Frédéric retrouve Emma, son amie à qui il n’a jamais pensé « comme ça ». Pendant l’été, elle est devenue une jeune femme dont il tombe éperdument amoureux. Le voilà tout à coup timide, incapable de l’aborder, de lui déclarer ses sentiments. Lassée d’attendre, elle se met à fréquenter Maurice.

Peu après, Fred apprend leur décès dans un accident de moto. La nouvelle l’anéantit. Puis tout disparaît et le voilà de nouveau au moment où il a retrouvé Emma ! Encore et encore et encore…

 

 

Commentaires :

 

La description que fait l’éditeur du 38e roman de Hervé Gagnon est suffisamment intrigante pour intéresser les jeunes lecteurs à qui il s’adresse :

 

« ‘’ Les jours où j’ai tué Emma ‘’ est une histoire d’amour autant que de science-fiction. Basé sur un fait vécu, ce récit (plus autobiographique qu’on pourrait le penser !) repose sur la théorie des multivers, c’est-à-dire la coexistence d’une infinité d’univers parallèles où toutes les variantes possibles de tous les événements existent. »

 

L’auteur qui a découpé son scénario en 12 événements dans une séquence temporelle, dans des univers qui s’entrecroisent (1.0, 2.0, 3.0, 4.0, 5.0, 6.0, 1.1, 1.2, 2.1, 2.1.2, 0 et 9 841672) et en 4 carrefours (j’y reviendrai plus loin) s’explique dans une note à la fin du récit :

 

« En 1978, j'ai vécu l'Événement 2.0. J'étais en troisième secondaire et bien trop timide pour parler à une fille formidable. À la fin de l'année scolaire, elle m'a annoncé qu'elle m'avait suffisamment attendu. Trop occupé à me morfondre pour une fille que je considérais comme inatteignable, je n'avais même pas réalisé qu'elle attendait que je l'approche! Vous connaissez la suite: Maurice, la moto, l'accident mortel. J'ai passé l'été à me torturer en me demandant: aurait-elle vécu si j'avais agi autrement ? Après toutes ces années, je me le demande encore souvent. Je crois que cet événement a largement contribué à définir mon rapport au temps et ma curiosité pour tout ce qui s'y rapporte. Ce roman est la seule réponse que j'ai trouvée. »

 

Il en résulte une fiction qui m’a rappelé [toute comparaison ayant ses limites] « Cours, Lola, cours », une production cinématographique allemande réalisée par Tom Tykwer et sortie en 1998, dans sa manière de traiter trois fois la même histoire dans un espace-temps où les choses ne se déroulent pas de la même manière. Un film que je vous recommande puisqu’il amène le spectateur à se demander « Et si... » j’étais né un instant plus tôt ou plus tard, le cours de ma vie aurait-il été différent ?

 

Dans « Les jours où j’ai tué Emma », Hervé Gagnon nous entraîne dans la théorie fascinante des multivers définis scientifiquement comme l'ensemble des univers présents concurremment, dans le cadre d'une théorie cosmologique donnée. Il en expose, lors de l’événement 4.0 (pages 60-63), les tenants et aboutissants dans un cours de science et techno auquel assiste le protagoniste-narrateur, Frédéric Boivin :

 

« [...] il est composé d'une infinité de possibilités d'univers et chaque nouveau choix engendre une nouvelle infinité de possibilités, donc une infinité de nouveaux univers dans l'infinité des univers. Chaque univers infini contient donc une infinité d'univers infinis qui se créent à l'infini. N'est-ce pas formidable ? »

 

Ce dernier, tout au long du récit, revivra la même séquence d’événements dans des variables circonstancielles résultant des choix qui s’offrent à lui. Mettant en pratique le conseil d’un « mentor » qu’il croisera dans quatre carrefours, au milieu de nulle part (une gare, une chambre d’hôpital, une cabine d’ascenseur, le hall d’un hôtel) pour déboucher quelque part et tenter d’influencer la suite des choses :

 

« Tu dois décider si tu acceptes le cours des choses ou si tu essaies de le changer. Tout est possible, mais tout entraîne des conséquences. Chaque cause a son effet et chaque effet a sa cause. Et tout se complique tout le temps. »

 

L’action se déroule principalement dans une école secondaire (polyvalente) lors de la rentrée après les vacances d’été :

 

« C’était le 4 septembre 1978 – la première journée de la quatrième secondaire. Et le début du reste de ma vie. » (dixit le narrateur)

 

« Une école secondaire, avant le début des cours, c’était comme une gare à l’heure de pointe : tout le monde courait comme des poules sans tête dans une sorte de chaos organisé, et le niveau d’anxiété était égal au niveau d’excitation. »

 

Elle met en scène cinq personnages :

 

Fred qui se présente dès la première page et qui évoque le contexte du récit :

 

« Je m'appelle Frédéric Morin. Fred pour les intimes. En 1978, j'avais quinze ans. En 1978, j'ai tué Emma. Je ne l'ai pas fait exprès. Mais je l'ai fait plusieurs fois. Chaque fois a été pire que la précédente. Et si c'était à refaire, je recommencerais sans hésiter. »

 

Emma, le coup de foudre de Fred :

 

« Ses cheveux bruns [...] étaient [...] coupés au carré aux épaules et une frange lui couvrait le front. Des lunettes rondes à monture de métal doré étaient perchées sur son nez, et ses yeux bruns [...] étaient [...] grands et expressifs. Elle était vêtue d'un chemisier en coton indien blanc, d'un jean et de sandales en cuir. »

 

Jean, le meilleur ami de Fred :

 

« Un noiraud au sourire ravageur qui se fichait de son apparence et qui avait une relation distante avec un peigne. »

 

Maurice, l’ennemi juré de Fred :

 

« Maurice Dubé. Dix-sept ans – presque dix-huit – de testostérone stupide. Une moustache. Une moto achetée avec du vrai argent parce qu'en plus, il avait un emploi, l'animal. [...] Maurice, ça ressemblait à moron

 

Et le Morse, celui qui, depuis nulle part, montre à la main, aiguillonne les différents couloirs du temps, admirablement symbolisés dans l’illustration en couverture de première :

 

« Il était aussi menaçant que le père Noël. Une énorme moustache lui couvrait la lèvre supérieure et lui donnait l'apparence d'un morse. Son gros ventre étirait dangereusement sa veste d'uniforme bleu marine ornée d'une double rangée de boutons dorés. Il portait un képi de même couleur et des bottes noires impeccablement cirées. Une chaînette dorée reliait un de ses boutons à une ancienne montre de gousset glissée dans une petite poche de sa veste. »

 

Ce roman ingénieux dans sa thématique et dans sa facture devrait donner le goût de lire à des ados. L’ordre et le désordre des événements, la récurrence d’une partie de leur déroulement doublée des variantes résultant des options que choisit Fred dans des univers parallèles en fait un tourne-page. Avec une chute finale tout à fait imprévisible.

 

Hervé Gagnon est un excellent conteur qui sait transmettre en quelques mots l’état affectif de ses personnages. Comme dans cet exemple :

 

« Les quelques morceaux de cœur qui me restaient ont éclaté en miettes. J’ai fait demi-tour et je suis reparti vers les ruines de ma vie. »

 

J’ai lu en quelques heures « Les jours où j’ai tué Emma », un exemple de roman qui illustre bien que la littérature, quel que soit le genre, est un véhicule qui, grâce à l’imaginaire créatif, voire fantastique de son auteur peut contribuer à nous éloigner du quotidien.

 

Avertissement : cette fiction, destinée à un lectorat adolescent, est susceptible de captiver tout autant des lectrices et des lecteurs adultes.

 

* * * * *


Né à La Baie, Hervé Gagnon détient un doctorat en histoire, une maîtrise en muséologie et une maîtrise en histoire. Après avoir enseigné l’histoire et la muséologie dans diverses universités québécoises et travaillé comme muséologue pendant vingt-cinq ans, il se consacre désormais à l’écriture. Hormis le fait d’inventer des thrillers et des polars compliqués (ce qui sera toujours un plaisir, jamais un travail), il aime le whisky, le blues et la guitare. Si vous le cherchez, vous le trouverez dans un petit recoin sombre de l’histoire, en train de débroussailler un petit détail que tout le monde ignore.

 

Je tiens à remercier les éditions Hugo Québec pour l’envoi du service de presse.

 

Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire du livre via la plateforme leslibraires.ca et le récupérer dans une librairie indépendante.

 

 

Évaluation :

Pour comprendre les critères pris en compte, il est possible de se référer au menu du site [https://bit.ly/4gFMJHV], qui met l’accent sur les aspects clés du genre littéraire.

 

Intrigue et suspense :

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Originalité :

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Personnages :

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Ambiance et contexte :

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Rythme narratif :

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Cohérence de l'intrigue :

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Style d’écriture :

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Impact émotionnel :

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Développement de la thématique :

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Finale :

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Évaluation globale :

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